"Il n'est pas mauvais que ceux qui votent les prisons en tâtent" Hugo


L'occasion de ce parcours a été une balade faite pour la librairie l'Arbre à lettres Bastille 62, rue du Faubourg Saint-Antoine, 12e.

- L’hôtel des Mousquetaires noirs. 532 propriétaires ou principaux locataires du faubourg Saint-Antoine devaient fournir jusque-là 810 chambres pour le logement de la seconde compagnie des mousquetaires. La construction de la caserne, entre 1700 et 1704, les libérera de cette servitude, désormais remplacée par une taxe. Le bâtiment principal était à peu près parallèle à la rue de Charenton, 2 ailes faisaient retour vers celle-ci, celle de droite venant coller au portail de la chapelle (on y entrait par la caserne). Entre les 2 ailes : la cour d’honneur. Du pavillon d’entrée actuel partaient en hémicycle concave les murs de clôture. Une deuxième cour, derrière la première était entourée par les écuries. Les 2 étages sur rez-de-chaussée (plus combles mansardés) abritaient 329 chambres, 14 antichambres (pour les officiers et l’aumônier), 1 salle de billard. Les mousquetaires logeaient à 2 par chambre avec une chambre adjacente pour leurs valets.
Louis XVI décide de la suppression des compagnies de mousquetaires fin 1775. L’hôtel se vide l’année suivante. Avec l’arrivée des Quinze-vingts en 1780, les auberges des mousquetaires, (au n°26) sont transformées en logements pour les directeurs. La longueur de la chapelle est doublée par l’annexion de 3 travées de l’aile droite de l’hôtel, parce qu’elle devient alors chapelle paroissiale : les fidèles du quartier entrent maintenant par l’extérieur et restent au rez-de-chaussée; les pensionnaires entrent par l’étage du bâtiment, une tribune ayant été construite à leur intention. Stalles et tabernacle sont refaits. Deux nouvelles chapelles sont édifiées, consacrées à St-Jean baptiste et St-Joseph, les vitraux représentant ces derniers étant rapatriés des Quinze-Vingts de la rue St-Honoré, avec ceux de St-Louis et de St-Rémy auxquels le maître hôtel est dédié ; un vitrail de la vierge également.
Dès 1785, les écuries ont été mises en location et transformées en ateliers : polissage de diamants, d’acier, manufacture de tabac. La chapelle est fermée en 1793, échoit à un marchand de charbon, est restaurée en 1799, rendue au culte à l’Empire : Pie VII y passe en 1805. Dans les anciennes écuries (hauteur du n°17 rue Moreau), Nicolas Appert a ses ateliers de 1820 environ à 1828. En 1848, c’est au presbytère des Quinze-Vingts qu’est conduit Mgr Affre après qu’il a été mortellement blessé à la hauteur du 4, rue du fbg Saint-Antoine « par une balle perdue ». L’archevêque de Paris était venu, le 25 juin 1848, à 16 heures, en rentrant par l’immeuble de la Tour d’Argent, 2, rue de Charenton, s’interposer entre la troupe et la barricade.
La construction du chemin de fer de Vincennes en 1858, son élargissement en 1877, amènent la destruction des anciennes écuries. En 1956, il est question de tout raser du n°24 au n°34 de la rue de Charenton sans compter tout le côté impair de la rue Moreau, où serait reconstruit le portail classé. La suppression de la gare de la Bastille, la réorganisation prévue de la place s’opposent à l’extension à l’Ouest du projet. La chapelle, les anciennes auberges des mousquetaires (n°26) et le joli pavillon d’entrée sont sauvés. Classés MH : conciergerie ; chapelle ; chœur ; abside et les deux travées droites de la chapelle. Le portail porte la marque du niveau de la crue de 1740. Sur une pierre du piédroit, on distingue le N°6 de la numérotation de 1724.

On prend à gauche

- 35, rue de Charenton, PLU : Bâtiment sur rue en retrait sur l'alignement ancien, présentant une façade pouvant être daté vers 1845-1855, composée de trois travées et élevée de quatre étages carrés sur rez-de-chaussée. Un fronton triangulaire orne la fenêtre centrale du premier étage à l'aplomb de la porte. Sur cour, la façade arrière présente des modénatures néo-gothiques (baies en lancettes) avec vestige de vitraux. Le bâtiment situé en fond de cour, comptant quatre étages sur rez-de-chaussée, présente un aspect vers 1840. Il conserve un bel escalier seconde moitié XVIIIe  à limon tournant orné d'une rampe en fer forgé à motif de serlienne. Des bâtiments résiduels, fin XIXe, à usage d'ateliers et de remise occupent la cour. L'ensemble est remarquable par sa diversité. La façade sur cour du bâtiment sur rue arbore une écriture néo-vénitienne exceptionnelle probablement sans équivalent dans l'architecture parisienne. (source : inventaire général, 1986)

Au-delà, du n°25 au n°1, tous les immeubles, dont la façade principale donne sur la rue du Fbg St-Antoine, sont PLU. Ils s’échelonnent de la mi-18e siècle (n°17, 15) à la mi-19e (n°5). Les plus anciens sont les 23 et 25, qui datent de 1682 avec réfection, pour le 23, dans les premières années 1760. On en distinguera le n°7 (et n°8 du Fbg St-Antoine) parce que ce fut la maison de Théodore Pépin, épicier républicain, né en 1800, membre de la Société des Droits de l’Homme, complice de Fieschi dans l’attentat à la machine infernale dirigé contre Louis-Philippe en 1835. L’argotique « pépin » pour désigner le parapluie viendrait de son nom (il ne se séparait jamais du sien) si l’on en croit certains dictionnaires de la langue verte.


- 43 rue de Charenton : Première parcelle à cour régulière depuis la pointe de l'îlot sur la place de la Bastille. La surélévation de l'un des bâtiments sur rue est spectaculaire. Elle témoigne de ce que le facteur de sédimentation architecturale peut apporter à la ligne de ciel et au rythme des alignements sur rue. Cette surélévation, menée en deux étapes au moins, concerne l'un des bâtiments les plus anciens du faubourg Saint-Antoine, comme en témoigne l'escalier, d'une exceptionnelle qualité monumentale (volées droites et rampe à balustres carrés datable du milieu du XVIIe siècle). PLU

- 45 rue de Charenton : Cour caractéristique du faubourg comprenant deux bâtiments particulièrement remarquables : en fond de cour, un pavillon d'habitation d'un étage carré sur rez-de-chaussée présentant un aspect du milieu du XVIIIe siècle et sur l'aile droite un bâtiment d'ateliers comprenant trois étages sur rez-de-chaussée à structure en bois apparente et remplissage moellon ou brique pouvant être daté fin XIXe. PLU

- le n°32, asile temporaire, annexe de l’hôpital des Quinze-Vingts est de 1885, il fait un angle très aigu.

- le n°34, rue de Charenton, qui fait le coin avec la rue Moreau, est de 1882.

poursuivre jusqu’à la cour du chêne vert

- Cour du Chêne Vert. Sur l’emplacement du couvent des Filles anglaises, de 1672, qui s’étendait jusqu’à la rue Moreau. PLU : Parcelle industrielle caractéristique du faubourg composée de bâtiments à usage mixte édifiés vers 1890. Constructions utilisant le métal, le bois et la brique enduite. Les deux premiers bâtiments hébergeant des ateliers de part et d'autre de la cour, comptent trois étages sur rez-de-chaussée. L'intérêt de cet ensemble réside dans la perspective créée au débouché de la rue Saint-Nicolas, grâce à l'ouverture de la cour sur la rue et grâce aux façades, visibles depuis la rue, qui se développent dans la profondeur de la cour.

En face : angle St-Nicolas / Charenton, PLU : Le bâtiment principal, situé à l'angle de deux rues, est élevé de trois étages carrés sur rez-de-chaussée. Il comporte un escalier à volées droites et une rampe à balustres ronds vers 1700. Le bâtiment sur cour, d'un étage sur rez-de-chaussée, pouvant être daté vers 1760, présente des garde-corps en fer forgé remarquables. L'irrégularité de la modénature et le fruit de la façade sur rue laissent deviner l'ancienneté du bâtiment. Celui-ci a fait probablement l'objet d'une reprise, comme l'indique la disparité entre la date estimée de l'escalier (vers 1700) et celle de la façade (vers 1840). Avec l'ajout de fontes décoratives vers 1870, le bâtiment est doté d'une valeur de sédimentation architecturale d'autant plus élevée que la parcelle est petite. La qualité monumentale de la façade sur rue, néoclassique tardive (le chanfreinage de la façade à l'angle indique une sensibilité pré haussmannienne), des ferronneries du bâtiment sur cour et de l'escalier du bâtiment sur rue, ainsi que la position urbaine remarquable de celui-ci, font de cette parcelle l'une des plus caractéristiques du faubourg Saint-Antoine.
-10, rue St-Nicolas Au 10, ancien hôtel  qui possède sur sa façade un joli cartouche sculpté  orné de roses portant "Germain Ciseleur" quand le voit Rochegude et aujourd'hui "Carré St-Nicolas".


On revient sur nos pas jusqu’à la rue Moreau :

- 20, rue Moreau (ex rue des Filles-Anglaises), PLU : Immeuble sur rue présentant une façade élevée vers 1890 comprenant quatre étages sur rez-de-chaussée en brique, métal et meulière. Sur cour, deux corps d'ateliers remarquables d'époque similaire avec une structure en bois apparente et remplissage de brique. Bâtiments industriels d'une grande unité monumentale et d'une facture architecturale caractéristique de l'architecture industrielle du tournant du siècle. La parcelle a été investie de manière synchronique.

Dans les anciennes écuries de la Caserne des Mousquetaires, (hauteur du n°17 rue Moreau), Nicolas Appert, on l’a vu, a ses ateliers de 1820 environ à 1828.

Au 12, rue Moreau, vers 1850, s'installent les frères Cochot, fils de l'inventeur (Jean-Baptiste était au 123, rue du Fbg-St-Antoine) de la navigation à vapeur sur la haute Seine (de Melun à Paris) avec son Parisien, dont les versions 4 et 5 vont voguer sur le Rhône.

On va jusqu’au départ du Viaduc des Arts. On s’étonne qu’on n’ait pas su faire une entrée de la promenade plantée plus attrayante !
Le chemin de fer de Vincennes a été inauguré le 22 septembre 1859, de Paris à la Varenne Saint-Maur. La guerre de 1870 en interrompt les travaux et ce n’est qu’en 1875 qu’il atteint Brie Comte Robert. En 1900, il rejoint Verneuil l’Étang où il se raccorde à la grande ligne de Belfort et Mulhouse. Mais ce sont évidemment les destinations de Vincennes, Nogent, Joinville, Champigny, La Varenne, Chennevières, ou encore Boissy-St-Léger qui font son succès. Le dimanche, malgré sa fréquence très importante, ses 24 voitures sont toujours bondées. Voir Nogent eldorado du dimanche, de Marcel Carné.
En face, au 55, rue de Lyon (rue ouverte en 1847), dans un bel immeuble d'E. Rigaud, de 1922, portant les attributs du Mercure du Commerce et la roue d'engrenage de l'Industrie, siège  Paris Métropole, créé en 2009, "syndicat mixte d’études ouvert aux partenaires privés (CCI), qui rassemble désormais 188 communes d’Ile-de-France ainsi que les départements et le Conseil régional d’Île-de-France".

- Écoutons Vielé-Griffin, poète symboliste de 20 ans le cadet de Verlaine, qui vient visiter son aîné : « Dépassant donc la Bastille, lieu encore lointain à cette époque pré-métropolitaine, nous suivîmes le viaduc du chemin de fer de Vincennes, sous les arcades duquel se blottissent encore des boutiques et des habitations cintrées d’entresol. Mais voici qu’une voûte s’ouvre, donnant accès à une rue ; nos indications s’en confirment ; hardiment nous franchissons l’humble arc de triomphe et, curieux bien que peu rassurés, nous tournons sans hésiter à gauche pour nous trouver dans une grande cour aux larges pavés gras de lessive et de déchets alimentaires… un lavoir laissait échapper la vapeur de son essoreuse et des gaillardes aux manches retroussées vidaient à même le ruisseau leurs baquets d’eau bleue… bientôt nous voici reçus par le poète. Une chambre de rez-de-chaussée, triste et nue : deux chaises ; une table devant la fenêtre sans rideaux portait des livres, parmi lesquels nous reconnûmes, non sans émotion, nos premières plaquettes ; un lit, à rideaux de lustrine verte, faisait face à la fenêtre et, l’œil fixe vers la cheminée sans glace où s’accumulaient brochures et journaux, un mauvais portrait de Verlaine, toile nue et sans cadre, pendait à un clou. C’était sinistre. » Ça s’appelle l’hôtel du Midi, maison plus ou moins de passes, au n°6 de la cour Saint-François qui ouvre au n°5 de la rue Moreau ; et la chambre est une espèce d’arrière salle de la buvette du marchand de vins qu’il faut traverser pour y accéder. Verlaine est venu y habiter le 15 mai 1885, 2 ans après son départ du 17 rue de la Roquette.
En octobre, il reçoit ici de Mallarmé, une enveloppe sur laquelle figure ce quatrain :
Tapi sous ton chaud macfarlane
Ce billet, quand tu le reçois
Lis-le haut ; 6 cour Saint-François
Rue, est-ce Moreau ? cher Verlaine.
Et la lettre arrivée à bon port, Mallarmé suit.
A l’hiver, Verlaine a la jambe dans une gouttière, plâtrée, et sa mère qui le veille jour et nuit en attrape une pneumonie. Le 21 janvier 1886, elle meurt dans une chambre du 1er étage. L’escalier est trop étroit pour qu’on puisse monter Verlaine sur une civière afin qu’il lui donne un dernier baiser. De la même façon, le cercueil sera descendu par la fenêtre, Verlaine ne l’a pas revue et ne sera pas à la messe d’enterrement qui est dite dans la chapelle des Quinze-Vingts. Il va rester là encore un an ou un an et demi après quoi il sera plus souvent à l’hôpital que n’importe ou ailleurs : 20 séjours en 10 ans. Pour Verlaine, voir d’Alain Buisine, Verlaine Histoire d’un corps, Tallandier, 1995.

On fait demi-tour pour emprunter la voûte suivante, celle de l’avenue Ledru-Rollin (ouverte dès 1806, ne prendra ce nom qu’en 1879). Au n°64, PLU : Ensemble construit vers 1880-1890 autour d'une cour rectangulaire, sur une parcelle traversante. Il s'ouvre avenue Ledru Rollin par un immeuble de rapport en pierre de taille et brique adroitement composé et signé “P. Flanet, architecte 1891”. A l'arrière, sur cour, se développent symétriquement des ateliers en pierre, brique et métal élevés de trois étages sur rez-de-chaussée. Une verrière à structure métal en tiers-point abrite une partie de la cour. Celle-ci se clôt, côté rue Traversière, par un immeuble présentant une façade composée symétriquement de sept travées autour d'un porche monumental en plein cintre (n°55 : passage de la Trôle) et élevée de quatre étages carrés sur rez-de-chaussée. Les modénatures sont très sobres (chaînes de refends, bandeaux et moulurations autour des baies). L'une des parcelles polyvalentes habitat-industrie-commerce les plus caractéristiques du faubourg pour la régularité de l'espace et de l'esthétique (verrière) de la cour. (On traversera l’église pour voir l’envers de la parcelle au 55.)
Eglise Saint-Antoine-des-Quinze-Vingt élevée pour le compte de la Ville de Paris par l'architecte Lucien-Robert Roy sur les plans d'Emile Vaudremer et Paul Bichoff entre 1902 et 1904. La conception de cette église emprunte beaucoup aux œuvres majeures de Vaudremer : Saint-Pierre de Montrouge, Notre-Dame d'Auteuil et surtout l'église grecque de la rue Bizet. Elle offre un bel exemple de juxtaposition du style néo-roman et de techniques nouvelles. Le clocher aligné sur l'église est désaxé par rapport à la rue. Cette tour de style roman, flanquée d'un escalier en échauguette, domine le mur en brique animé par une horloge en fer de grande taille. A l'intérieur, les structures reproduisent fidèlement les arcades en plein cintre, les chapiteaux et les lourds piliers des églises romanes. Mais une large verrière au-dessus du transept, la forme incurvée des tribunes, l'usage systématique du fer forgé, le décor en grès de Bigot des autels sont autant de signes de modernité. Œuvre posthume, réalisée assez fidèlement par un disciple, Saint-Antoine-des-Quinze-Vingt révèle l'attirance de Vaudremer, dans les dernières années de sa vie, pour le pittoresque et l'asymétrie.
L’orgue en fut construit par le fameux facteur d’orgues, Aristide Cavaillé-Coll, en 1894, pour le Baron de l’Épée, riche amateur de musique qui désirait jouer chez lui, dans le vaste auditorium qu’il avait fait aménager 55, avenue des Champs-Élysées, de la musique de Richard Wagner. Avec ses 2800 tuyaux, dont le plus grave mesure plus de 5 m. de haut, l’instrument possède la puissance des cuivres wagnériens jointe à la subtilité des cordes et des bois.
Lorsque Cavaillé-Coll disparaît en 1899, l’église Saint-Antoine est déjà en projet. En 1907, le Comte Christian de Bertier de Sauvigny rachète au Baron de l’Épée le grand orgue de son salon de musique et décide de le faire installer dans l’église Saint Antoine.

On a traversé l’église pour arriver rue… Traversière. Au 57, arrière et entrée de la crypte de St-Antoine des 15-20.
C’était ici un petit coin d’Auvergne : des parents aveyronnais, chaque samedi, de 14 à 15h, y conduisent leurs enfants, à partir de trois ans, aux leçons de bourrée longtemps données par Raymonde Raynaldy. Cette personnalité du folklore rouergat a dirigé pendant près de quinze ans, les cours hebdomadaires dans les locaux de la paroisse Saint-Antoine. Les positions et les voltes sont enseignées depuis par Régine Raynaldy, fille de Raymonde, qui a elle-même fondé son propre orchestre, partie intégrante de La Bourrée Montagnarde fondée en 1927.

38, rue Traversière : École de trait puis librairie ouvrière créées par Agricol Perdiguier en 1856. Aujourd’hui, belle enseigne de l’ébéniste restaurateur Didier Maulet.

En traversant la rue de Charenton, on voit, à la pointe 2, rue Emilio Castelar / 85, rue de Charenton : Boulangerie aménagée en rez-de-chaussée d'un immeuble d'angle construit en 1906. La devanture comporte des panneaux peints fixés sous verre, signés de T. Luc et représentant des scènes de moisson. A l'intérieur, les murs sont recouverts de carreaux de céramique, agrémentés d'une frise de fleurs stylisées. Inscrite MH

Le groupe HBM de la fondation Rothschild (8 rue de Prague – 7 rue Théophile Roussel – 3 rue Charles Baudelaire – 9 rue Emilio Castelar, toutes rues ouvertes sur l’emplacement de l’ex hôpital Trousseau) a été réalisé par Nénot, l’architecte de la nouvelle Sorbonne et achevé en 1909 ; PLU. Cet ensemble est la réalisation la plus emblématique de la fondation Rothschild, et le concours d'architecture dont il est le fruit en 1905, à l'Hôtel de Ville, constitue un brillant résumé de l'architecture hygiéniste. Parmi les 127 concurrents ayant remis des esquisses, se distinguent les projets de Tony Garnier (le plus radicalement novateur), celui du lauréat Augustin Rey, d'Henry Provensal (classé second), de Ventre et Majou (encore étudiants). Le projet réalisé se démarque toutefois fortement du projet d'Augustin Rey. Après la démission de ce dernier, les plans définitifs sont établis par Nénot en 1907. L'alignement sur rue, brisé par Rey, y reprend tous ses droits, les cours n'étant ouvertes sur la rue que par des brèches. Même revu dans un sens plus académique, le groupe reste une référence, dans la mesure où il concrétise toutes les théories et rassemble tous les objets techniques propres au logement populaire. C'est aussi un village où tout est prévu pour une vie en quasi-autarcie grâce à une palette d'équipements et une école où des ouvriers enlevés à leur taudis, viennent apprendre à habiter dans les meilleures conditions possibles. Le groupe de la fondation Rothschild a été visité le 2 décembre 1909 par le roi Manuel II du Portugal, signale Rochegude.

Entre la rue Traversière et la rue de Cotte s’étendait donc, (entrée au 89, rue de Charenton dans la numérotation de l’époque) l’hôpital Ste-Eugénie ouvert en 1854 avec 425 lits pour les enfants de 2 à 14 ans. Il était devenu hôpital Trousseau en 1880 et serait démoli à la fin du 19ème siècle. (Il succédait ici à l’hôpital Ste-Marguerite qui avait lui-même remplacé l’hospice des Orphelins de 1674, créé par la chancelière d’Aligre et la reine Marie-Thérèse, sur des terrains rachetés à l’immense abbaye St-Antoine ; il avait été « hôpital des Enfants de la Patrie » en 1792.) Le square Trousseau a été ouvert en 1906

- Laverdure, 58 rue Traversière et n° adjacents. « C'est vers le milieu du XVIIème siècle que des archives mentionnent l'activité à Paris rue Traversière d'un marchand de couleurs, droguiste et fabriquant de vernis. L'activité axée principalement depuis l'origine vers les fournitures pour l'ébénisterie, s'est au fil des ans étendue aux différents métiers du bois, aux beaux-arts, à la décoration. Les ébénistes, menuisiers, restaurateurs de meubles, sculpteurs, doreurs, luthiers, marqueteurs, restaurateurs de tableaux, artistes peintres, décorateurs
sont nos principaux clients. Les différents produits que nous présentons dans notre catalogue sont diffusés en France et dans le monde entier. »

12, rue Théophile Roussel, immeuble primé au concours de façades de 1907, de Joseph Charlet et E. Perrin. Tous deux ont également été primés en 1910 pour le 24-26 Charles Baudelaire.

Revenus rue de Charenton, à gauche :

91, rue de Charenton / 1, rue de Cotte, PLU : Maison d'angle d'aspect néoclassique élevée de quatre étages carrés sur rez-de-chaussée, vestige de l'ancien hôtel de Gournay profondément modifié par l'ouverture des rues de Cotte et d'Aligre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le 91 rue de Charenton – 1 rue de Cotte constitue l'ancienne aile latérale ouest, avec retour sur la rue de Charenton. Sa façade a été reprise dans un style néoclassique probablement vers 1820-1840. Le bâtiment donnant sur la rue de Cotte a été épaissi côté cour avec l'aménagement d'un nouvel escalier à limon tournant et d'une nouvelle porte cochère. Corniche très saillante. Chaînage d'angle. Construction à usage mixte, atelier et habitation, vers 1860 sur cour dont l'accès sous porche est carrossable depuis la rue de Cotte.

3, rue d’Aligre, PLU : La parcelle du 3-5 rue d'Aligre est remarquable pour le bâtiment en redans qui s'y élève. Il s'agit d'une partie du corps de logis central de l'ancien hôtel de Gournay, sectionné au niveau de son avant corps central par l'ouverture de la rue d'Aligre. La cour de cette parcelle, ouverte sur la rue d'Aligre serait ainsi l'un des derniers vestiges apparents de la cour principale de l'ancien hôtel de Gournay. Devenue un café associatif le 14 juillet 2007, La Commune rassemble dans son projet des associations partenaires : Attac 12, les associations de parents d’élèves FCPE et Petits Baudelaire, l’association des Espagnols du 12ème, Slow Food Bastille, le centre social Relais 59, les clubs Cigale, l’association France Palestine, la Ligue des Droits de l’Homme 12ème, l’association Soleil-club de prévention, le Faubourg des Arts, la Colline Compagnie, l’association des mal voyants des quinze-vingt, l’association France-Amérique Latine, le GEM l’Etoile Polaire, "Sondons les sondages".

Puis on revient sur nos pas prendre la rue Abel :

14, rue Abel (entre rue de Charenton et viaduc des arts), PLU : Ensemble de logements sociaux "Habitations à Bon Marché" réalisé par l'architecte Emile Bois en 1913-1923. Ce projet fortement inspiré de l'architecture flamande, avec ses briques et pignons baroques, a été retenu en 1912 lors d'un concours de la Ville pour la construction d'Habitations à Bon Marché. L'immeuble ne fut achevé qu'après la guerre et le projet réalisé est plus sobre que le projet initial. Il constitue toutefois une réussite exceptionnelle, à la fois par ses proportions et par le jeu sur la qualité décorative des matériaux qui alterne deux couleurs de briques, le béton, la meulière en soubassement et le moellon.

L'immeuble qui fait la pointe rue Abel / rue Parrot, face à l’avenue Daumesnil, a des consoles léonines.

4 bis rue Parrot, (coin rue Émile Gilbert) inscrit MH : Traiteur de la Gare. Charcuterie installée en rez-de-chaussée d'un immeuble construit en 1903. La devanture formée d'un coffrage de bois est ornée de peintures fixées sous verre, signées de l'atelier de Benoist et Fils. Elles représentent des scènes de chasse au sanglier et au cerf, et des natures mortes avec bouquets de fleurs ou gibiers.
Un 3e immeuble de de J. Charlet et E. Perrin

à la pointe des rues Abel et Parrot
Les rues Parrot, Michel Chasles, Émile Gilbert, comme le début de la rue Abel, ont été ouverts sur l’emplacement de la prison Mazas, qui s’étendait sur 33 ha dans le polygone des rues de Lyon, Traversière, Beccaria (auj. av. Daumesnil ; ouverte en 1859 jusqu’à la place Félix Éboué ; prolongée en 1862 jusqu’à la porte de Picpus), Legraverend et le bd Mazas où était son entrée (auj. Diderot, ouvert à partir de 1814). C’était, en 1850, le 1er essai du système cellulaire en France. Celui-ci suscitant des interrogations, elle sera destinée aux seuls prévenus. A son ouverture, 841 prisonniers y sont transférés depuis la Force, mais la maison cellulaire est prévue pour en accueillir 1 200.
Elle aura vécu moins de 50 ans mais un certain nombre des prisonniers du 2 décembre, dont Raspail, y seront enfermés. Victor Hugo, Histoire d’un crime :
« Mazas, qui a remplacé la Force, aujourd'hui démolie, est une immense bâtisse rougeâtre, élevée, tout à côté de l'embarcadère du chemin de fer de Lyon, sur les terrains vagues du faubourg Saint-Antoine. De loin on la croit en briques, de près on reconnaît qu'elle est construite en cailloux noyés dans le ciment. Six grands corps de logis à trois étages, se touchant tous au point de départ et rayonnant autour d'une rotonde qui est le centre commun, séparés par des cours qui vont s'élargissant à mesure que les corps de logis s'écartent, percés de mille petites lucarnes qui sont les jours des cellules, entourés d'une haute muraille, et présentant à vol d'oiseau la figure d'un éventail, voilà Mazas. De la rotonde qui fait le centre s'élance une sorte de minaret qui est la cheminée d'appel. Ce rez-de-chaussée est une salle ronde qui sert de greffe. Au premier étage est l'autel, où un seul prêtre dit la messe pour tous, et l'observatoire, d'où un seul surveillant veille sur toutes les portes de toutes les galeries à la fois. Chaque corps de logis s'appelle division. Les cours sont coupées par de hauts murs en une multitude de petits promenoirs oblongs. »
Les 5 cours comprennent chacune 20 promenoirs, l’isolement étant la règle, de nuit, de jour comme durant la promenade quotidienne. La messe est suivie depuis les cellules dont on maintient les portes en position entrebâillée, portes qui ouvrent toutes en direction du centre.
 « Le coup d'État eut pour les représentants prisonniers des procédés très divers ; ceux qu'on ménageait, les hommes de la droite, on les mit à Vincennes ; ceux qu'on haïssait, les hommes de la gauche, on les mit à Mazas. Ceux de Vincennes eurent les appartements de M. de Montpensier, rouverts exprès pour eux, un dîner excellent et en commun, des bougies, du feu, et les sourires et les génuflexions du gouverneur, qui était le général Courtigis. Ceux de Mazas, voici comme on les traita : (…)
Du reste solitude absolue, silence profond. Pourtant au bout de quelques heures, M. Émile Leroux – c'est lui qui a dit le fait à M. Versigny – entendit de l'autre côté de son mur à sa droite une sorte de frappement singulier, espacé, intermittent, avec des intervalles inégaux. Il prêta l'oreille ; presque au même instant, de l'autre côté du mur à gauche, un frappement du même genre répondit. M. Émile Leroux ravi – quelle joie d'entendre un bruit quelconque ! – songea à ses collègues prisonniers comme lui, et se mit à crier d'une voix éclatante : – Ah ! ah ! vous êtes donc là aussi, vous autres ! Il n'avait pas achevé sa phrase que la porte de sa cellule s'ouvrit avec un grincement de gonds et de verrous ; un homme – c'était le geôlier – apparut furieux, et lui dit :
– Taisez-vous !
Le représentant du peuple, un peu stupéfait, voulut quelque explication.
– Taisez-vous, reprit le guichetier, ou je vous f... au cachot !
Le guichetier parlait au prisonnier comme le coup d'État parlait à la nation.
M. Émile Leroux, avec ses habitudes entêtées de « parlementarisme », essaya pourtant d'insister.
– Comment ! dit-il, je ne puis répondre aux signaux que me font deux de mes collègues !
– Deux de vos collègues ! reprit le geôlier, ce sont deux voleurs. Et il referma la porte en éclatant de rire.
C'étaient en effet deux voleurs entre lesquels était, non crucifié, mais verrouillé, M. Émile Leroux.
La prison Mazas est si ingénieusement bâtie que la moindre parole s'y entend d'une cellule à l'autre. Point d'isolement, par conséquent, en dépit de la cellule. De là ce rigoureux silence imposé par la logique parfaite et atroce du règlement. Que font les voleurs ? Ils ont imaginé un système de frappement télégraphique, et le règlement perd ses peines. M. Émile Leroux avait tout simplement troublé un dialogue commencé.
– Laissez-nous donc jaspiner bigorne [parler argot], lui cria le voleur son voisin, qui, pour cette exclamation, fut mis au cachot.
C'était là la vie des représentants à Mazas. Du reste, étant au secret, pas un livre, pas une feuille de papier, pas une plume, pas même la promenade d'une heure dans le préau.
Les voleurs aussi, on vient de le voir, vont à Mazas. Mais à ceux qui savent un métier, on permet de travailler ; à ceux qui savent lire, on passe des livres ; à ceux qui savent écrire, on accorde une écritoire et du papier ; à tous on laisse l'heure de promenade exigée par l'hygiène et autorisée par le règlement.
Aux représentants, rien. L'isolement, la claustration, le mutisme, l'obscurité, le froid, « la quantité d'ennui qui rend fou », comme a dit Linguet parlant de la Bastille.
Être assis, jambes et bras croisés, sur une chaise toute la journée ! telle était la situation.
Mais le lit ? On pouvait se coucher ?
Non.
Il n'y avait pas de lit.
A huit heures du soir, le guichetier entrait dans la cellule, atteignait et déplaçait quelque chose qui était roulé sur une planche près du plafond. Ce quelque chose était un hamac.
Le hamac fixé, accroché et tendu, le guichetier souhaitait au prisonnier le bonsoir.
Il y avait sur le hamac une couverture de laine, quelquefois un matelas de deux pouces d'épaisseur. Le prisonnier, enveloppé dans cette couverture, essayait de dormit et ne parvenait qu'à grelotter.
Mais, le lendemain, il pouvait du moins rester couché toute la journée sur son hamac ?
Point.
A sept heures du matin, le guichetier rentrait, souhaitait le bonjour au représentant, le faisait lever, et roulait le hamac dans sa niche près du plafond.
Mais, en ce cas, il fallait ressaisir le hamac d'autorité, le dérouler, le raccrocher et s'y recoucher.
Fort bien. Le cachot.
Cela était ainsi. Le hamac pour la nuit, la chaise pour le jour.
Soyons juste pourtant. Quelques-uns obtinrent des lits, entre autres MM. Thiers et Roger (du Nord). M. Grévy n'en eut pas.
Mazas est une prison-progrès ; il est certain que Mazas est préférable aux plombs de Venise et au cachot sous-fluvial du Châtelet. C'est la philanthropie doctrinaire qui a construit Mazas. Pourtant, on le voit, Mazas laisse à désirer. Disons-le, à un certain point de vue, l'encellulement momentané des faiseurs de lois à Mazas ne nous déplaît pas. Il y a eu peut-être un peu de Providence dans le coup d'État. La Providence, en mettant les législateurs à Mazas, a fait un acte de bonne éducation. Mangez votre cuisine ! il n'est pas mauvais que ceux qui font les prisons en tâtent. »
Gustave Flourens, emprisonné à Mazas à la suite de l'émeute du 31 octobre 1870 contre la politique défaitiste du gouvernement de la Défense nationale, en sera libéré par un autre soulèvement des Parisiens le 21 janvier 1871 ; il sera ensuite général de la Commune. Selon certains dix-neuvièmistes, il serait le modèle du capitaine Nemo de Jules Verne, qui l’évoquait dès son Paris au XXe siècle, sous son nom, au chapitre 16 : le personnage principal, Michel Dufrénoy, y passe « devant la Sorbonne où M. Flourens faisait encore son cours avec le plus grand succès, toujours ardent, toujours jeune ». Mais Volker Dehs montre bien qu’il s’agit ici du père et d’une notation ironique : l’action de Paris au XXe siècle se passe en 1962 et Pierre Flourens était l’auteur d’un livre sur la longévité humaine. 
Gustave Flourens et les prisonniers politiques de Mazas remis en liberté par les manifestants dans la nuit du 21 janvier 1871. Illustration par Didier et Guyaud. Paris, musée Carnavalet. LM-15324 © Léopold Mercier / Roger-Viollet


 
Puis y seront enfermés les otages de la Commune, l’ex président de la Cour de Cassation, Bonjean, dès le 21 mars et, à compter du 4 et 5 avril : l’archevêque de Paris, Mgr Darbois, Deguerry, curé de la Madeleine, des prêtres, des jésuites, des sergents de ville, des gardes de Paris, le banquier Jecker. Le lundi 22 mai, ils sont transférés à la Roquette.
La prison est détruite en 1898 pour ne pas être ce sur quoi tomberaient en sortant du train de la nouvelle gare de Lyon les voyageurs de l’Expo Universelle de 1900 (La 1ère gare était de 1847-52).

On redescend la rue Traversière jusqu’à l’Hôtel Massilia construit en 1911 par l'architecte Marcel Oudin, architecte des magasins du Printemps, boulevard Niel. L'immeuble occupe l'ensemble d'une parcelle triangulaire et compte six étages sur rez-de-chaussée, atteignant ainsi une densité exceptionnelle. Sa structure est dessinée comme elle le serait avec une charpente métallique, à l'exception des hauteurs où elle devient décorative. Les briques blanches sont utilisées comme remplissage de l'ossature de béton armé beige, laissée apparente, avec des modulations que n'eut pas permis un autre matériau. La façade principale est animée par deux bow-windows centraux encadrant des balcons. On remarque les ferronneries des balconnets. Par sa forme et sa position, c'est un bâtiment que les usagers de ce quartier de la gare de Lyon identifient et connaissent bien.

On va jusqu’à la Rue Crémieux. Ouverte en 1865 par la compagnie générale immobilière de Moïse Polydore Millaud, patron du Petit Journal, lancé le 1er février 1863, du Soleil plus tard et de quelques publications dérivées, après avoir possédé une banque et un bazar. La rue a gardé son nom jusqu'à la fin du siècle, avant de prendre celui du membre du gouvernement provisoire de 1848. 35 pavillons de 3 niveaux comportant chacun 2 pièces à feu, avec cuisine en sous-sol sur le mode anglais.

En face de la rue Crémieux, le 12, rue de Lyon (UGC) était encore, dans les niches aujourd’hui vides, orné de statues quand le marquis de Rochegude publia ses Promenades en 1910. A la gauche du bâtiment, au n°18, s’élevait le Grand Théâtre Parisien que Polydore Millaud y avait ouvert le 1er avril 1865, avec la Duchesse de Valbreuse, pour le public populaire du faubourg. Dans le décor, les verrous avaient malencontreusement été placés à l’intérieur du cachot, ce qui avait suscité un abondant courrier au journal ! Aux parquet, stalles, 1er et 2e amphithéâtre, avant-scènes et tribunes s’ajoutaient des confortables, et des grands confortables. On y jouait le drame, la comédie, le vaudeville et même l’opéra (Jeanne d’arc). Les représentations étaient sans cesse troublées par le bruit des trains du chemin de fer de Vincennes, la scène étant toute proche du viaduc, ce qui était assez gênant pour les acteurs. Mais le public était généralement enthousiaste et on l’a vu faisant bisser le monologue de Hamlet. La salle devint ensuite un caf'conc’ dit Théâtre des Folies de Lyon, encore visible sur des photos de l’inondation de 1910:


On redescend par la rue d’Austerlitz voisine, ex passage d’Orient, qui a quelques-unes de ses maisons précédées de marches.

Par la rue de Bercy, on atteint, au 10, bd de la Bastille, la Maison Rouge :

Puis on remonte par la rue Jules César. Elle doit son nom d’avoir été ouverte, au moment où paraissait l’Histoire de Jules César de sa majesté impériale Napoléon III, (en 1865), sur l’emplacement des Arènes nationales, construction légère de bois et de toile mais du plus pur style gothique ; cirque à l’antique, sportif et gymnique, et non tauromachique, comme le regrette Théophile Gautier dans son feuilleton de La Presse qui en relate l’inauguration :
« La place de la Bastille et la rue de Lyon avaient, lundi dernier [7 juillet 1851], l'apparence de la calle d'Alcala à Madrid un jour de course. – Dia de toros. Les voitures se hâtaient de toutes parts et de longues files de piétons dont aucun ne retournait, se dirigeaient vers le me but; on ouvrait les Arènes nationales, espèce de succursale de l'Hippodrome, trop éloigné des faubourgs populeux de Paris et plus exclusivement destine à la fashion qui le trouve sur le chemin du bois de Boulogne. (…)
Les Arènes, bâties au point de vue populaire, ne donnent que deux représentations par  semaine, le dimanche et le lundi, pour ne point distraire les ouvriers de leurs travaux. On sait que, depuis un temps immémorial, le lundi est célébré beaucoup trop religieusement par la classe qui travaille, dans les cabarets et les guinguettes de la banlieue. Le prix des places des Arènes nationales lui donne les moyens de se divertir plus honorablement et à moins de frais, variant de dix sols à vingt sols. C'est donc un service que rend M. Arnaut à l'édilité de Paris en occupant un certain nombre d'heures une population un peu turbulente dans les plaisirs, la pousse le besoin de réagir contre ses rudes labeurs. Le prix d'un litre de bleu empoisonné de litharge et de bois de campèche solde un billet des Arènes et empêche de boire ce même litre. Double avantage : l'on s'amuse et l'on ne s'intoxique pas. »

Par la rue Lacuée, on arrive à l’ex siège de la FSGT. Les « majos » du Congrès de Tours ayant gardé dans le domaine du sport le sigle FST, les sportifs ouvriers minoritaires se sont rebaptisés, en 1926 : Union des sociétés sportives gymniques du travail (USSGT), et leur bulletin Sports et Loisir. Douze mois plus tard, pourtant, l’élan du Front populaire réconcilie les sportifs communistes et socialistes; de la fusion naît la FSGT, et un journal unique Sport, le « journal des sportifs ouvriers ».

« PAS UN SOU, PAS UN HOMME POUR LES JEUX OLYMPIQUES DE BERLIN
C’est à Berlin en 1936 que doivent se dérouler les prochains Jeux olympiques. Le choix de cette ville comme siège des dits Jeux a déjà soulevé, dans bien des pays, la protestation des sportifs et de ceux qui, au-dessus de toute considération politique ou philosophique, rêvent d’une humanité toujours plus harmonieuse. À ces protestations fortes mais encore insuffisantes doit s’y joindre celle de la conscience universelle. La protestation de cette dernière doit être d’autant plus rigoureuse et pressante qu’il importe d’exiger sans délai la fin des persécutions dont les Juifs comme les catholiques sont présentement l’objet en Allemagne. Jamais plus grand défi n’aurait été jeté aux hommes de cœur et de progrès si l’indifférence de ceux-ci permettait la tenue à Berlin des Jeux olympiques. (…) Contre les Olympiades de Berlin adhérez tous au Comité anti-olympique, 2 rue Biscornet, Paris 12e. »
2, rue Biscornet
Signé : Commission exécutive de la fédération sportive et gymnique du travail. Dans Sport du 14 août 1935 ; cité par Jean-Marie Brohm, 1936 Les Jeux olympiques à Berlin, André Versaille éditeur.

- 50, bd de la Bastille / 73, rue de Lyon, PLU : Immeuble de rapport Louis-Philippe composant l'arrière d'un îlot situé en vis-à-vis de la place de la Bastille. Élévation de quatre étages carrés sur rez-de-chaussée et un étage en retiré desservi par un balcon filant. Traitement homogène des trois façades enduites et finement moulurées présentant des persiennes à chaque fenêtre et des balcons à garde-corps en fonte au deuxième étage.