PARIS, ENTRE CIREY ET VERSAILLES (II. 1745-1748)


(dixième épisode du Paris, la ville rêvée de Voltaire, commencé ici avec la livraison de novembre 2013)

M. de Voltaire, le grand poète

Dans le salon de Mme Dupin, qui reçoit Fontenelle, l’abbé de Saint-Pierre, Buffon, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau a été présenté, un jour, à ce dernier. Il a pu faire entendre des extraits de ses Muses galantes chez Mme La Popelinière, dans son nouvel hôtel du 59, rue de Richelieu, et ils ont fort déplu à Rameau : « Je fus frappé, écrira celui-ci, d’y trouver de très beaux airs de violon dans un goût absolument italien, et en même temps tout ce qu’il y a de plus mauvais en musique française tant vocale qu’instrumentale, jusqu’à des ariettes de la plus plate vocale secondée des plus jolis accompagnements italiens. Ce contraste me surprit, et je fis à l’auteur quelques questions, auxquelles il répondit si mal, que je vis bien, comme je l’avais déjà conçu, qu’il n’avait fait que la musique française, et avait pillé l’italienne ».
Ses Muses ont été données dans leur intégralité chez De Bonneval, l’intendant des Menus plaisirs, dans sa maison de la rue Saint-Honoré, près de l’église Saint-Roch. Le duc de Richelieu n’a cessé d’y applaudir, disant : « M. Rousseau, voilà de l’harmonie qui transporte. Je n’ai jamais rien entendu de plus beau : je veux faire donner cet ouvrage à Versailles ». Le seul petit conseil que le duc ait à donner serait de substituer Hésiode au Tasse pour le livret du premier acte ; Jean-Jacques se met aussitôt au travail.
La guerre de Succession d’Autriche n’a pas cessé, et Frédéric II a finalement fait retour au champ de bataille. Les coalisés s’enfonçant en Alsace, il s’est porté sur leurs arrières, les obligeant à repasser le Rhin. Les armées de Louis XV ont ainsi pu contre-attaquer en Flandre. Le 13 mai 1745, la victoire de Fontenoy, qui date de l’avant-veille, est connue à Paris ; c’est la première fois depuis Saint Louis qu’un roi de France, présent sur le théâtre des opérations a, si l’on peut dire en personne, battu l’Anglais.
« Bourbons ! Voici le temps de venger les Valois » ; l’historiographe a bien mérité de son titre : « M. de Voltaire, qui est le grand poète de nos jours, a fait, en deux jours, un fort beau poème sur la bataille de Fontenoy, sur le simple détail qu’il en a vu sur les lettres », écrit Barbier, qui cite dans son journal les quatorze premiers de la centaine de vers du Poème de Fontenoy. Un premier cent qui ne cessera de grossir au gré des nouvelles informations recueillies.
La grande écurie aménagée pour la Princesse de Navarre
Il va falloir fournir à d’innombrables fêtes, particulièrement sur le théâtre des Petites-Écuries de Versailles. Voltaire et Rameau collaborent déjà, dans ce but, à un nouveau spectacle, Le Temple de la Gloire, aussi le duc de Richelieu donne-t-il leur Princesse de Navarre à Rousseau pour qu’il la refonde en Fêtes de Ramire.
« Monsieur, écrit aussitôt Jean-Jacques à Voltaire, il y a quinze ans que je travaille pour me rendre digne de vos regards et des soins dont vous favorisez les jeunes Muses en qui vous découvrez quelque talent. Mais, pour avoir fait la musique d’un opéra, je me trouve, je ne sais comment, métamorphosé en musicien. C’est, Monsieur, en cette qualité que M. le duc de Richelieu m’a chargé de scènes dont vous avez lié vos Divertissements de la Princesse de Navarre ; il a même exigé que je fisse dans les canevas les changements nécessaires pour les rendre convenables à votre nouveau sujet. J’ai fait mes respectueuses représentations ; M. le Duc a insisté, j’ai obéi ; c’est le seul parti qui convienne à l’état de ma fortune. (…) Quel que soit pour moi le succès de ces faibles essais, ils me seront toujours glorieux, s’ils me procurent l’honneur d’être connu de vous, et de vous montrer l’admiration et le profond respect avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »
Voltaire lui répond, le 15 décembre 1745 : « Vous réunissez, Monsieur, deux talents qui ont toujours été séparés jusqu’à présent. Voilà déjà deux bonnes raisons pour moi de vous estimer et de chercher à vous aimer. Je suis fâché pour vous que vous employiez ces deux talents à un ouvrage qui n’en est pas trop digne. (…) J’ai perdu entièrement tout cela de vue. Je ne doute pas que vous n’ayez rectifié toutes les fautes échappées nécessairement dans une composition si rapide d’une simple esquisse, que vous n’ayez suppléé à tout. (…) Je sais très bien que cela est fort misérable, et qu’il est au-dessous d’un être pensant de se faire une affaire sérieuse de ces bagatelles ; mais enfin, puisqu’il s’agit de déplaire le moins qu’on pourra, il faut mettre le plus de raison qu’on peut, même dans un mauvais divertissement d’opéra. (…) Je compte avoir bientôt l’honneur de vous faire mes remerciements, et de vous assurer, Monsieur, à quel point j’ai celui d’être, etc. »
Les Fêtes de Ramire sont données à Versailles le 22 décembre 1745 ; sur le livret distribué ce jour-là, Rousseau ne trouve pas son nom. Mme La Popelinière est l’élève et l’admiratrice de Rameau, qui juge le talent de Rousseau de la manière que l’on a lue, et elle est la maîtresse du duc de Richelieu qui ne saurait, alors, rien lui refuser. Des gens moins suspicieux que Jean-Jacques verraient là un complot, lui en tombe malade, et tire un trait sur la musique.

Les dîners du Panier-Fleuri

Le 2 mai 1746 enfin, pour sa troisième tentative, Voltaire est élu à l’Académie française, à l’unanimité. L’appui de Mme de Pompadour a été décisif, sans pouvoir lui éviter, cependant, les démarches d’usage auprès de quelques-unes de ses bêtes noires comme Languet de Gergy, abbé de Saint-Sulpice, ou l’évêque de Mirepoix. Que va-t-il donc faire dans cette galère ? Y chercher un titre de gloire supplémentaire, sans doute, mais il en espère aussi une position de sûreté.
Tout cela oblige à une présence plus constante à Paris : la « petite retraite du faubourg Saint-Honoré » est devenue le deuxième étage d’une « grande maison à porte cochère » du 43, rue Traversière, au-dessus d’un autre dévolu à Mme du Châtelet, qui seront emportés dans le percement de l’avenue de l’Opéra. Voltaire, comme à l’accoutumée, a loué : on le sait, il n’a jamais eu aucun goût pour la propriété.
La guerre de Succession d’Autriche continue de lui être favorable. Sur son versant colonial, les forces franco-canadiennes s’en prennent aux établissements britanniques de Nouvelle-Écosse, de l’État de New York et de Nouvelle-Angleterre, tandis que la Royal Navy ruine le commerce maritime français. Mais « par une circonstance heureuse et rare », s’émerveille Sébastien Longchamp qui entre à ce moment au service de Voltaire, « il arriva que sur un bon nombre de vaisseaux dans lesquels il était intéressé pendant la guerre de 1746, un seul fut pris par les Anglais. L’argent qui provenait de ces sources fécondes, dans les mains de M. de Voltaire n’y restait pas longtemps oisif ; l’esprit de cet homme était partout, suffisait à tout. Sa fortune reposait en effet tout entière sur des feuilles de papier ou de parchemin ; ses portefeuilles étaient pleins de contrats, de lettres de change, de billets à terme, de reconnaissances, d’effets du gouvernement, etc. Il eût été difficile, sans doute, de trouver dans le portefeuille d’aucun autre homme de lettres autant de manuscrits de cette espèce ». Et Longchamp conclut par une jolie formule, qui parle de la volonté délibérée « de M. de Voltaire de s’en tenir à une fortune portative ».
À quelques pas du 43, rue Traversière-Saint-Honoré, Condillac, Diderot et Rousseau se réunissent une fois par semaine à l’hôtel du Panier-Fleuri. « Il fallait que ces petits dîners hebdomadaires plussent extrêmement à Diderot ; car lui, qui manquait presque à tous ses rendez-vous, ne manqua jamais à aucun de ceux-là, assure Rousseau. Je formai là le projet d’une feuille périodique, intitulée Le Persifleur, que nous devions faire alternativement, Diderot et moi. J’en esquissai la première feuille, et cela me fit faire connaissance avec d’Alembert, à qui Diderot en avait parlé. »
La rencontre, à la Régence. Illustration poir le Neveu de Rameau, 1875. Gallica
Diderot et Jean-Jacques se sont rencontrés autour des tables d’échecs où s’affrontent « Legal le profond, Philidor le subtil, le solide Mayot », que Rousseau a découverts chez Maugis, rue Saint-Séverin. Dans ce café des « libraires qui ont correspondance en Angleterre, Hollande et Genève » et, de ce fait, assure la police, des informations « vérifiées et assurées », « on parle hautement de toutes sortes d’affaires d’État, de finances et étrangères », mais on se tait le temps des parties. Jean-Jacques a suivi ces joueurs chez Rey, qui a autrefois mis à l’enseigne de la Régence son café de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, là où elle s’élargit en une place devant le Palais-Royal.
Diderot « avait une Nanette, ainsi que j’avais une Thérèse, poursuit Rousseau : c’était entre nous une conformité de plus ». Thérèse Levasseur « travaille en linge » comme Nanette, mais à l’hôtel Saint-Quentin, premier point de chute de Jean-Jacques, rue des Cordiers. « Mais la différence était que ma Thérèse, aussi bien de figure que sa Nanette, avait une humeur douce et un caractère aimable, fait pour attacher un honnête homme ; au lieu que la sienne, pie-grièche et harengère, ne montrait rien aux yeux des autres qui pût racheter la mauvaise éducation. Il l’épousa toutefois. Ce fut fort bien fait, s’il l’avait promis. Pour moi, qui n’avais rien promis de semblable, je ne me pressai pas de l’imiter. »
Diderot avait épousé Nanette clandestinement depuis bientôt trois ans et ses parents l’ignoraient toujours.
Du Café de la Régence, on entend la cloche qui, une demi-heure avant le début du spectacle, sonne l’ouverture de l’Opéra. Rousseau ne fait plus de musique, il est secrétaire de Mme Dupin. Pour elle, il lit des écrits de toutes les époques et sur toutes les matières, en copie des extraits, en fait des résumés ; avec Francueil, il suit, place Maubert, le cours de chimie de Rouelle et il laissera sur ce sujet un manuscrit de près de mille deux cents pages. Diderot, qui s’est formé à l’anglais tout seul à partir d’un dictionnaire latin-anglais, a déjà traduit L’Histoire de la Grèce, de Temple Stanyan, pour le libraire Briasson, L’Essai sur le mérite et la vertu, de Shaftesbury et, en collaboration, le Dictionnaire de médecine de James. C’est pour sa connaissance de l’édition que Rousseau l’a présenté à Condillac, qui vient de terminer son Essai sur l’origine des connaissances humaines, et cherche à le faire publier. D’Alembert, qui doit faire avec eux le Persifleur, est l’auteur d’un Traité de dynamique.

Une traduction… avec des augmentations

Le 7 juillet 1746, le parlement de Paris fait lacérer et brûler par l’exécuteur de haute justice des Pensées philosophiques imprimées sans nom d’auteur, quelques jours plus tôt, par le libraire Laurent Durand. Diderot, dont un Langrois de passage à Paris se réjouissait encore, le 4 septembre 1741, de l’entrée au séminaire de Saint-Sulpice pour le 1er janvier de l’année suivante, est l’auteur de cet anti-Pascal qui révèle son évolution vers le déisme.
Voltaire écrit alors des choses légères dans la société de la duchesse du Maine – « Ludovise, Baronne de Sceaux, Dictatrice Perpétuelle De l’Ordre De La Mouche À Miel » –, où « toute faute devait être réparée par un conte fait sur le champ », où les loteries comme les gages aboutissaient à « différents genres d’ouvrages en vers et en prose ». Les contes exotiques du Crocheteur borgne ou de Cosi-Sancta en sont nés.
Domaine de Sceaux
Pour le théâtre de Sceaux, Voltaire a changé une pièce anglaise beaucoup trop crue en une comédie en cinq actes et en décasyllabes, La Prude, qu’il interprète lui-même aux côtés de Mme du Châtelet et de Mme de Staal-Delaunay, la « fidèle Launay » de Ludovise. Son Émilie a décidément tous les talents :
« Leibnitz n’a point de monade plus tendre,
Newton n’a point d’xx plus enchanteurs (…)
Vous tourneriez la tête à nos docteurs :
Bernouilli dans vos bras,
Calculant vos appas,
Eût brisé son compas ».
Paris est un autre univers, avec son 57, rue des Petits-Champs où Jean-Jacques a emmené Thérèse. « J’avais à l’hôtel de Pontchartrain, diront ses Confessions, vis-à-vis mes fenêtres, un cadran sur lequel je m’efforçai durant plus d’un mois à lui faire connaître les heures. À peine les connaît-elle encore à présent. Elle n’a jamais pu suivre l’ordre des douze mois de l’année, et ne connaît pas un seul chiffre, malgré tous les soins que j’ai pris pour les lui montrer. Elle ne sait ni compter l’argent, ni le prix d’aucune chose. Le mot qui lui vient en parlant est souvent l’opposé de celui qu’elle veut dire. »
Mme du Châtelet ne compte parfois guère davantage. Quand elle perd quatre-vingt-quatre mille francs au jeu, chez la reine, Voltaire, sans doute parce que ce sont les siens, en éprouve quelque humeur et ne peut s’empêcher de lui souffler, en anglais, qu’elle joue avec des fripons. À Versailles !
Quand l’une des histoires orientales nées à la cour de la baronne de Sceaux, Zadig ou la Destinée, prétendument traduite du chaldéen, est imprimée anonymement en Hollande, Voltaire écrit tout simplement à d’Argenson le cadet, ministre de la Guerre, présent sur le champ de bataille de Lawfeld, près de Maastricht, d’en faire rentrer les exemplaires en France dans ses bagages. N’est-ce pas sur son chemin ?
À Paris, un libraire et imprimeur de la rue de la Harpe, vis-à-vis la rue Saint-Séverin, Le Breton, a obtenu un privilège pour traduire de l’anglais la Cyclopædia d’Ephraïm Chambers, un Dictionnaire universel des arts et des sciences – c’est son sous-titre –, vieux de vingt ans et tenant en deux volumes in-folio illustrés d’une vingtaine de gravures. Le Breton s’associe pour l’éditer aux libraires Briasson, David l’aîné et Laurent Durand, tout en se réservant son impression.
Diderot, qui a déjà publié chez deux des associés, est vite impliqué, et d’Alembert avec lui. L’abbé Gua de Malves, auquel a été confié le projet, leur en abandonne la direction au premier désaccord. Diderot ne sait pas qu’il s’engage dans une aventure qui va durer vingt ans. Ne gardant de Chambers que la trame, il envisage une encyclopédie entièrement nouvelle, moderne, que rédigerait collectivement une « société de gens de lettres ». Un nouveau privilège se verra accordé, en 1748, à cette « traduction avec des augmentations ».
Parmi les contributeurs du premier volume de l’Encyclopédie, on trouvera un M. de Puisieux. Diderot s’est épris de sa femme : une « passion violente qui dispose presque entièrement de moi », écrira-t-il. Ça n’arrange pas les choses rue Mouffetard, ni l’humeur de Nanette. « Elle ne cessait de persécuter son mari, toutes les fois qu’elle soupçonnait qu’il venait de chez Mme Puisieux. Si l’on joint à cela que cette femme est une seconde Xantippe qui gronde sans cesse et n’est jamais contente, on pourra se figurer quel carillon il devait y avoir dans la maison de notre philosophe », écrira La Bigarrure, cette « gazette galante, historique, littéraire, critique, morale, satirique, sérieuse et badine », qui arrive chaque semaine de La Haye à Paris.

Le défaut des beaux esprits

L’un des contes écrits à Sceaux vers la fin de 1747, Le Monde comme il va, Vision de Babouc, est, sous couvert d’une mission à Persépolis, une description du gouvernement de la France, mais aussi de la capitale du royaume, savoir : Paris. Babouc « arriva dans cette ville immense par l’ancienne entrée, qui était toute barbare, et dont la rusticité dégoûtante offensait les yeux ». Il s’agit du faubourg Saint-Marceau et Voltaire est ici d’accord avec Rousseau. « Toute cette partie de la ville se ressentait du temps où elle avait été bâtie ; car, malgré l’opiniâtreté des hommes à louer l’antique aux dépens du moderne, il faut avouer qu’en tout genre les premiers essais sont toujours grossiers. »
Babouc « remarqua des fontaines publiques, lesquelles, quoique mal placées, frappaient les yeux par leur beauté » – ça ressemble à un tic de langage chez Voltaire. « Il admira les ponts magnifiques élevés sur le fleuve, les quais superbes et commodes, les palais bâtis à droite et à gauche – [c’est exactement le trajet que l’on fait emprunter aux ambassadeurs extraordinaires autour du bassin du Louvre] –, une maison immense où des milliers de vieux soldats blessés et vainqueurs rendaient chaque jour grâces au Dieu des armées [les Invalides] ».
Assistant à une cérémonie que l’on devine être une représentation théâtrale, Babouc ne douta pas que ses protagonistes « ne fussent les prédicateurs de l’empire ». Ce qui le frappe dans leur prédication, ce n’est pas son propos, c’est sa langue : « leur langage était très différent de celui du peuple, il était mesuré, harmonieux, et sublime ».
Babouc ne voit rien, le conte ne dit rien d’un nouvel outil de gouvernement : l’ouverture des lettres confiées à la poste. Le nouveau lieutenant général de police qu’a fait nommer six mois plus tôt Mme de Pompadour, Nicolas René Berryer, a créé à cet effet un « cabinet noir ». Des « mouches », qui étaient partout, on avait appris à s’accommoder. Paul Lacroix raconte qu’un jour, Marmontel, qui n’était encore qu’apprenti philosophe, avait donné rendez-vous à Boindin au café Procope « pour y parler ensemble de matières philosophiques. Ils convinrent entre eux d’une espèce d’argot, destiné à dérouter les soupçons des gens de police, qu’on était sûr de rencontrer dans ce café : d’après ce système de langage déguisé, l’âme devait s’appeler Margot ; la religion, Javotte ; la liberté, Jeannette ; et Dieu, M. de l’Être. Un homme de mauvaise mine vint s’asseoir à côté d’eux, pour les écouter. « Oserai-je vous demander, leur dit-il après avoir écouté sans rien comprendre à leur discussion, quel est ce M. de l’Être, dont vous paraissez si mécontent ? — Monsieur, répondit brusquement Boindin, c’est un espion de police ; le connaissez-vous ? ».
Le viol de l’intimité des correspondances sera d’autant plus mal supporté qu’il s’apparente, chez le roi, à du voyeurisme. L’un des moyens de tromper son ennui consiste à se faire lire, au petit lever, les renseignements les plus croustillants glanés sur les nuits de sa capitale, et il ne manque pas ensuite de faire allusion, devant les intéressés, à leurs habitudes les plus secrètes. Les Bijoux indiscrets s’inspirent de cette charmante habitude, comme du duc de Richelieu, qui vient d’être fait maréchal de France pour avoir débarrassé Gênes des Anglais, et qui prête de lui au personnage de Sélim.
Les Bijoux indiscrets paraissent en Hollande, sans nom d’auteur, au mois de janvier 1748. Six éditions s’en arrachent en quelques mois, une traduction anglaise est publiée dès l’année suivante. Pour Diderot, ce roman érotique a été aussi l’occasion d’une critique appuyée des prêtres.
Mme la Dauphine, par Van Loo
Le mois de cette parution, Barbier note dans son Journal : « Voltaire, fameux poète, gentilhomme ordinaire du roi et historiographe de Louis XV, ayant le défaut des beaux esprits et gens de talent d’abuser de la familiarité des princes, s’est avisé de faire les vers suivants pour Madame la Dauphine :
“ Souvent la plus belle princesse 
Languit dans l’âge du bonheur ; 
L’étiquette de la grandeur, 
Quand rien n’occupe et n’intéresse, 
Laisse un vide affreux dans le cœur.
 
Souvent même un grand roi s’étonne, 
Entouré de sujets soumis, 
Que tout l’éclat de sa couronne 
Jamais en secret ne lui donne 
Ce bonheur qu'elle avait promis. (…) ”
Ces vers sont fort beaux, ils contiennent même peut-être du vrai en général ; mais en même temps que Voltaire fait l’éloge de Madame la Dauphine, il fait de la royauté un portrait ennuyé, oisif, insipide, dont l’application tombe sur le roi ; il faut être bien insolent et avoir peu de solidité de jugement pour lâcher une pareille pièce ».
Ulrique de Prusse, par Antoine Pesne
Ce poème, vieux d’un an, Voltaire l’aurait en réalité destiné à Ulrique de Prusse, sœur de Frédéric le Grand et future reine de Suède, mais, en ces affaires, il suffit d’être soupçonné pour être coupable. Si encore ces vers avaient été les seuls, mais Barbier en a d’autres à citer : un dithyrambe de Mme de Pompadour, par exemple, à la fin duquel Voltaire réunit la maîtresse et son roi :
«  (…)
Soyez tous deux sans ennemis, 
Et tous deux gardez vos conquêtes. »
« Ces vers présentés au Roi et à la Cour favorite, poursuit Barbier, ont d’abord paru charmants. Tout y brille pour Madame de Pompadour, la réflexion a ensuite fait apercevoir bien de la liberté et peu de décence. D’après ces vers, Voltaire n’a pas été exilé publiquement mais on lui a apparemment fait entendre qu’il ferait sagement de s’éloigner de la Cour ; il est certain qu’il est parti pour la Lorraine, qu’il est actuellement à la Cour du roi Stanislas. On a prétexté un voyage qu’il devait faire avec madame la marquise Du Châtelet, grande géomètre et sa grande amie. »

PARIS, ENTRE CIREY ET VERSAILLES (I. 1742-1745)

(neuvième épisode du Paris, la ville rêvée de Voltaire, commencé ici avec la livraison de novembre 2013)

Vingt ans plus tôt, une précédente ambassade de la Sublime Porte, conduite par le père de Saïd Méhémet Pacha – il avait été reçu au Palais-Royal par le Régent, aux Tuileries par le petit roi ; son fils l’était, par Louis XV, à Versailles –, avait inspiré à Montesquieu ses Lettres persanes. Cette fois, l’ambassadeur ottoman n’est pas sitôt parti que Voltaire donne à la Comédie-Française Le Fanatisme ou Mahomet le prophète. Simple coïncidence : Voltaire a commencé les cinq actes de sa nouvelle tragédie en vers dès 1736, et il l’a testée à Lille, où ses représentations ont été triomphales, à la fin d’avril 1741.
Dans la pièce, un jeune fanatique, que Voltaire définit comme un « esprit amoureux de son propre esclavage », commet un parricide. Le Prophète, qui l’a inspiré, est en réalité un athée cynique dont la prédication n’est que le moyen le plus utile à son pouvoir – « Quiconque ose penser n’est pas né pour me croire ». Mais s’il s’agit d’une pièce que l’on dirait aujourd’hui militante – « Jean-Jacques n’écrit que pour écrire, moi j’écris pour agir », dira Voltaire vingt-cinq ans plus tard (à ce moment, Rousseau n’écrit pas du tout) –, il s’y trouve des sentiments incestueux qui toujours intéresseront Voltaire : Mahomet est épris de celle qu’il a élevée comme sa fille ; un frère et une sœur s’aiment en ignorant leur lien de parenté. La pièce est interdite à Paris au bout de trois jours ; ce n’est pas du fait des mahométans.
Diderot n’avait sûrement pas raté la tragédie nouvelle, et il était assurément, six mois plus tard presque jour pour jour, devant une autre, de Voltaire encore : La Mérope française. Le futur encyclopédiste se rappellerait longtemps l’atmosphère de ce temps-là : « Nos théâtres étaient des lieux de tumulte, les têtes les plus froides s’échauffaient en y entrant, et les hommes sensés y partageaient plus ou moins le transport des fous. On s’agitait, on se remuait, on se poussait ; l’âme était mise hors d’elle-même. La pièce commençait avec peine, était souvent interrompue ; mais survenait-il un bel endroit, c’était un fracas incroyable, les bis se redemandaient sans fin ; on s’enthousiasmait de l’acteur et de l’actrice. L’engouement passait du parterre à l’amphithéâtre et aux loges. On était arrivé avec chaleur, on s’en retournait dans l’ivresse ; c’était comme un orage qui allait se dissiper au loin, et dont le murmure durait encore longtemps après qu’il s’était écarté. Voilà le plaisir ».
Ce 20 février 1743, « tel fut l’enthousiasme du parterre, dira Sainte-Beuve dans ses Causeries du lundi, que, par une innovation glorieuse, il demanda l’auteur à grands cris, et que, porté en triomphe dans la loge de la maréchale de Villars, Voltaire, aux applaudissements répétés des spectateurs, dut être embrassé par la belle-fille de celle-ci, la jeune duchesse de Villars ».
Pour Diderot, ce sont les dernières soirées du tumulte théâtral, la fin de la vie de bohème et du libertinage : il s’est épris d’Anne-Antoinette Champion, une lingère très sérieuse qui vit avec sa mère rue Boutebrie, celle du collège Maître-Gervais, mitoyen de Louis-le-Grand, et il compte bien l’épouser.
Un succès tel que celui de Mérope semblait avoir désarmé l’envie, poursuit Sainte-Beuve, et Voltaire crut qu’il pouvait sans trop d’ambition aspirer au fauteuil académique, que la mort du cardinal de Fleury, le 29 janvier, venait de laisser vacant. L’influence du duc de Richelieu et de Mme de La Tournelle lui avait déjà obtenu l’agrément de Louis XV, qui, dans un souper, avait annoncé que ce serait lui « qui prononcerait l’oraison funèbre du cardinal ».
C’est parmi les fleurs de Plaisance, au château de Pâris-Duverney, que Mme de La Tournelle avait rencontré le roi, qui allait la faire sa maîtresse, et duchesse de Châteauroux. Les Pâris n’y avaient pas forcément prêté la main, le roi passait alors en revue de corps toutes les sœurs Mailly-Nesle : il avait commencé par Mme de Mailly-Rubempré, avait poursuivi avec Mme de Vintimille, qu’avaient emportée ses couches de 1741 ; Mme de La Tournelle venait logiquement ensuite. Une épigramme montrait que Paris n’en était pas étonné :
« La première en oubli, la seconde en poussière
La troisième est en pied, la quatrième attend [la duchesse de Lauraguais]
Et fera place à la dernière. [Il y avait une cinquième sœur, Mme de Flavacourt]
Choisir une famille entière
Est-ce être infidèle ou constant ! »
Les Pâris, dans le cercle d’influence qui les associait aux Tencin – la marquise et son frère, désormais cardinal et ministre d’État –, sans compter le duc de Richelieu, avaient, au cas où, un autre fer au feu : leur filleule, Jeanne-Antoinette Poisson avait été mariée à Lenormant d’Étiolles, se frottait au monde dans le salon de Mme de Tencin, tenait à l’occasion un rôle dans Zaïre sur le théâtre du château de son époux.
Jeanne-Antoinette Poisson. Gallica
La guerre de Succession d’Autriche, engagée depuis deux longues années, prenait mauvaise tournure pour le royaume : l’allié prussien, une fois la Silésie engrangée, avait signé une paix séparée avec l’Autriche ; le maréchal de Belle-Isle se voyait contraint d’évacuer Prague, de faire retraite. À cette guerre, Voltaire était doublement intéressé. Pâris-Duverney, comme le rappellera plus tard la Correspondance de Grimm, avait obtenu « la direction générale des vivres des troupes du roi, qu’il garda pendant toute la guerre de 1741, et qui lui valut une fortune immense. Il est aussi l’auteur de la grande fortune de M. de Voltaire, à qui il donna un intérêt dans les vivres pendant cette guerre ; il en résulta des sommes considérables, et le bienfaiteur fut souvent cité comme un homme d’État dans les ouvrages de son obligé ».
D’autre part, Frédéric II, maintenant sur le trône de Prusse, est ce prince royal avec lequel Voltaire entretenait des relations épistolaires amicales dès 1736. Le poète pourrait tenter de le ramener dans la guerre aux côtés de la France. Voltaire se rend à Aix-la-Chapelle pour y rencontrer son royal ami au début de septembre 1742, sans le fléchir. Six mois plus tard, Jean-François Boyer, ancien évêque de Mirepoix que l’on continue de désigner par ce titre, grand aumônier de la dauphine, triste inventeur des « billets de confessions » infligés aux jansénistes, membre de l’Académie française et de toutes ses succursales, a réussi à en écarter Voltaire. On lui a préféré l’abbé de Luynes, évêque de Bayeux.
Si l’on en croit un rapport de police, Voltaire se serait vanté, pour forcer cette porte, « qu’il trouverait le secret de faire agir les tétons de madame de La Tournelle ». Celle-ci l’ayant appris, quand il vint la visiter à sa toilette, « en lui découvrant sa gorge » : « Eh bien, Voltaire, que feriez-vous de mes tétons si vous en étiez le maître ? » et lui en se jetant à ses pieds : « Je les adorerais ».
L’armée de l’Angleterre, du Hanovre et de l’Autriche, commandée par Georges II, défait le 23 juin 1743 celle du maréchal de Noailles à Dettingen, sur le Main. La route du royaume de France s’ouvre par l’Alsace devant les coalisés. Les rapports de police poursuivent leurs dénonciations : « On dit que Voltaire déclame hautement contre les Français, les ministres, l’Académie, et surtout contre l’évêque de Mirepoix et l’on blâme le gouvernement de ne l’avoir pas mis à la Bastille pour les derniers discours qu’il tint publiquement chez Gradot avant son départ ».
Photomontage d'un rapprochement sur les couv. de Roger Peyrefitte
Voltaire est reparti, en effet, en mission diplomatique pour Berlin et pour Bayreuth. Frédéric Il reste sourd à ses propositions, mais le cajole pour qu’il se fixe en Prusse. Voltaire est sous le charme : « Un des plus aimables hommes du monde, l’a-t-il décrit à Cideville, un homme qui serait le charme de la société, que l’on rechercherait partout, s’il n’était pas roi ; un philosophe sans austérité, rempli de douceur, de complaisance, d’agréments, ne se souvenant plus qu’il est roi dès qu’il est avec ses amis, et l’oubliant si parfaitement qu’il me le faisait presque oublier aussi, et qu’il me fallait un effort de mémoire pour me souvenir que je voyais assis sur le pied de mon lit un souverain qui avait une armée de cent mille hommes ».
Voltaire se fait attendre. « Que de choses à lui reprocher ! et que son cœur est loin du mien ! », confie Émilie à d’Argental. Et l’absence dure. S’il allait rester ? : « Je ne reconnais plus celui d’où dépend et mon mal et mon bien, ni dans ses lettres, ni dans ses démarches. Il est ivre absolument ». Et elle « plus folle, plus perdue d’amour que tous les romans ensemble », selon Mme de Tencin qui la laisse dans cet état pitoyable le 21 octobre 1743.

Des vers et des triangles

« J’ai aussi passé par Cirey », écrit le président Hénault à d’Argenson le cadet, ministre de la Guerre depuis janvier 1743 ; « c’est une chose rare. Ils sont là tous deux seuls, comblés de plaisirs. L’un fait des vers de son côté, et l’autre des triangles. La maison est d’une architecture romanesque et d’une magnificence qui surprend. Voltaire a un appartement terminé par une galerie qui ressemble à ce tableau que vous avez vu de l’école d’Athènes, où sont assemblés des instruments de tous les genres, mathématiques, physiques, chimiques, astronomiques, mécaniques, etc.; et tout cela est accompagné d’ancien laque, de glaces, de tableaux, de porcelaines de Saxe, etc. Enfin, je vous dis que l’on croit rêver. »
Cirey, le petit théâtre du château
Cirey, la porte dessinée par Voltaire
Voltaire est rentré de Potsdam. À Paris, le 9 février 1744, toute la journée, les colporteurs ont crié et vendu les lettres patentes du Roi portant don de la duché de Châteauroux à Mme de La Tournelle. La tragédie de Mérope continue d’attirer la foule. Mlle Dumesnil enlève les suffrages et tire des larmes de tous les spectateurs. Mais surtout, note le Journal du lieutenant général de police Feydeau de Marville, « on dit que le Roi l’a demandée, et les comédiens vont la jouer à la cour. Si le Roi prenait une fois goût aux spectacles, il est certain que cela réchaufferait la verve de bien des acteurs ».
Une lueur d’intérêt chez ce roi que tout ennuie, la désormais duchesse de Châteauroux bien en place, des fêtes pour le mariage du dauphin qui s’annonce : la situation est prometteuse. Aussi, quand le président Hénault passe par Cirey, Voltaire est-il en train de travailler à un opéra, La Princesse de Navarre, que Rameau doit mettre en musique. « Il m’a lu sa pièce, continue le Président. J’en ai été très content. Il n’a pas omis aucun de mes conseils, ni aucune de mes corrections, et il est parvenu à être comique et touchant. Mais que dites-vous de Rameau, qui est devenu bel esprit et critique, et qui s’est mis à corriger les vers de Voltaire ? J’en ai écrit à M. de Richelieu deux fois. »
La pauvre Mme de La Tournelle n’aura guère été duchesse qu’un an, elle meurt tandis que Voltaire s’installe à Versailles pour diriger les répétions de sa Princesse de Navarre. Mais, au bal masqué qui suit la représentation de l’opéra, le 25 février 1745, Jeanne-Antoinette Poisson, travestie en bergère, réussit à retrouver le roi pourtant déguisé en if taillé, en tous points semblable à ceux de son parc. Trois mois plus tôt, d’Argenson l’aîné a été promu ministre des Affaires étrangères. L’avenir n’est plus ouvert, il est béant. Au printemps, Voltaire est historiographe de Sa Majesté, aux appointements annuels de deux mille livres, assortis d’une pièce à Versailles pour faciliter ses recherches dans les archives officielles. On lui promet la première place vacante de gentilhomme ordinaire ; il a 50 ans.
Dans le public des fêtes données à Paris et Versailles en l’honneur du mariage du dauphin, Jean-Jacques Rousseau n’est pas venu en simple spectateur. Il a déjà esquissé dans sa jeunesse des brouillons d’opéras, paroles et musique ; il a commencé, à Paris, de songer à un projet mieux construit, en trois actes, chacun sur un sujet différent, qui aurait pour titre Les Muses galantes. Et puis, « un soir, nous disent ses Confessions, près d’entrer à l’Opéra, me sentant tourmenté, maîtrisé par mes idées, je remets mon argent dans ma poche, je cours m’enfermer chez moi, je me mets au lit, après avoir bien fermé tous mes rideaux pour empêcher le jour d’y pénétrer, et là, me livrant à tout l’oestre poétique et musical, je composai rapidement en sept ou huit heures la meilleure partie de mon [premier] acte ».
Cette chambre se trouve à côté du jeu de paume de la rue Verdelet, emportée depuis par la rue Étienne-Marcel, qui donnait dans la rue Plâtrière, désormais Jean-Jacques Rousseau. S’il doit y faire le noir, c’est qu’il n’est que six heures du soir, début en ce temps des spectacles à l’Opéra, et qu’on est au mois de juin, peut-être au jour anniversaire de ses 30 ans. Le lendemain, Jean-Jacques n’a plus qu’à confier sa partition à Philidor, le joueur d’échecs professionnel, également musicien, pour « quelques remplissages ».
Si Jean-Jacques est venu loger rue Verdelet, c’est pour se rapprocher de Louis Claude Dupin, dit de Francueil, fils d’un Fermier général, et beau-fils donc de la seconde et jeune épouse de ce dernier, fille du richissime financier Samuel Bernard. Le petit citoyen de Genève n’était heureusement pas arrivé à Paris sans quelques adresses : celles de l’abbé de Mably et du philosophe sensualiste Condillac, l’un et l’autre frères du prévôt général du Lyonnais dont Jean-Jacques a été le précepteur des enfants ; du comte de Caylus, de Fontenelle, de Marivaux, sans compter le duc de Richelieu auquel il a déjà été présenté à Lyon, alors que celui-ci rejoignait son gouvernorat du Languedoc.
Portrait d'un musicien, présumé être Jean-jacques Rousseau / [attribué à] F. Boucher. Gallica
La soutenance de son « Projet concernant de nouveaux signes pour la musique » devant l’Académie des sciences, permise par Réaumur, a multiplié ses relations. « Mes fréquentes visites à mes Commissaires et à d’autres académiciens, ajoutent les Confessions, me mirent à portée de faire connaissance avec tout ce qu’il y avait à Paris de plus distingué dans la littérature. » Enfin, un père jésuite lui a dit : « Puisque les musiciens, puisque les savants ne chantent pas à votre unisson, changez de corde et voyez les femmes. (…) On ne fait rien dans Paris que par les femmes : ce sont comme des courbes dont les sages sont les asymptotes ; ils s’en approchent sans cesse, mais ils n’y touchent jamais ».