(cinquième épisode de Paris, la ville rêvée de Voltaire, commencée ici avec la livraison de novembre 2013)
Quand Voltaire rentre à Paris, en octobre 1728, un jeune provincial de 15 ans y arrive en même temps que lui pour terminer ses études. Denis Diderot est tonsuré depuis deux ans déjà, son frère est prêtre, sa famille pieuse et conformiste. Il est voué à la religion et, s’il s’inscrit au collège d’Harcourt de la rue de la Harpe (l’actuel lycée Saint-Louis du boulevard Saint-Michel), qui échappe à la prépondérance des jésuites, c’est en attendant la Sorbonne et la théologie.
Quand Voltaire rentre à Paris, en octobre 1728, un jeune provincial de 15 ans y arrive en même temps que lui pour terminer ses études. Denis Diderot est tonsuré depuis deux ans déjà, son frère est prêtre, sa famille pieuse et conformiste. Il est voué à la religion et, s’il s’inscrit au collège d’Harcourt de la rue de la Harpe (l’actuel lycée Saint-Louis du boulevard Saint-Michel), qui échappe à la prépondérance des jésuites, c’est en attendant la Sorbonne et la théologie.
Quand le fils
du maître coutelier de Langres mourra au 39, rue de Richelieu, en 1784, ce sera
en confessant au curé qu’il ne croit « ni au Père, ni au Saint-Esprit, ni
à personne de la famille ». Cette évolution de Diderot, affirme Gérard
Milhaud, s’est faite à Paris, par Paris, au travers de cinquante années de vie
dans une ville qu’il n’aura quittée que pour de brèves absences.
De même le
déisme de Voltaire est-il un fruit de Paris, mais avec d’autant moins besoin de
conversion, dans son cas, qu’il y baigne depuis l’enfance. Pour autant, un
séjour londonien de plus de deux années n’a pas été sans influence. Là-bas,
Voltaire a revu lord Bolingbroke,
déjà connu à Paris : « Cet homme, qui a été toute sa vie plongé dans
les plaisirs et dans les affaires, a trouvé pourtant le moyen de tout apprendre
et de tout retenir. Il sait l’histoire des anciens Égyptiens comme celle
d’Angleterre. Il possède Virgile comme Milton ; il aime la poésie
anglaise, la française, et l’italienne; mais il les aime différemment, parce
qu’il discerne parfaitement leurs différents génies ».
Bolingbroke,
c’était encore Paris sur Tamise : « J’ai trouvé dans cet illustre
Anglais toute l’érudition de son pays, et toute la politesse du nôtre, avait
écrit Voltaire après sa première rencontre. Je n’ai jamais entendu parler notre
langue avec plus d’énergie et de justesse ». À Londres, Voltaire va
travailler son anglais sous la direction d’un maître quaker, et découvrir les
lettres britanniques dans le texte. Il a vu jouer Hamlet et, au-delà de cette seule représentation, il a été, en
homme de théâtre, fasciné par Shakespeare et son génie « énorme », si
peu policé au regard de notre classicisme. Il a lu Swift et a tenté, lettre
après lettre, de convaincre Thiriot
de se faire un début de nom en traduisant en français les Voyages de Gulliver. Il s’est familiarisé avec les idées de Newton – qu’on enterrait solennellement
à Westminster le 8 avril 1827 –, sa philosophie naturelle et sa
théorie de l’attraction universelle, « cette vérité démontrée, supplantant la chimère des tourbillons de
Descartes » ; il a sans doute, à cette occasion, croisé Maupertuis venu se faire introniser
membre de la Royal Society.
La Bourse de Londres du dehors, mi-18e s. Gallica |
Il y a compris
que le commerce, en multipliant les échanges, renforçait la liberté, enrichissait le citoyen et, en ce qui le concerne,
pas seulement philosophiquement : il a investi dans ce « commerce de
Cadix » dont on retrouvera l’évocation dans son Dictionnaire
philosophique : « On veut savoir
ce que devient l’or et l’argent qui affluent continuellement du Mexique et du
Pérou en Espagne ? Il entre dans les poches des Français, des Anglais, des
Hollandais, qui font le commerce de Cadix sous des noms espagnols, et qui
envoient en Amérique les productions de leurs manufactures. Une grande partie
de cet argent s’en va aux Indes orientales payer des épiceries, du coton, du
salpêtre, du sucre candi, du thé, des toiles, des diamants, et des
magots ».
La Bourse de Londres du dedans, mi 18e s. Gallica |
La description
est très concrète – on sent que « les poches », ce sont les
siennes –, bien plus que la définition qu’en donnera ultérieurement Adam Smith, dans Richesse des nations :
« Les capitaux étrangers pénètrent de plus en plus journellement, comme
des intrus, pour ainsi dire, dans le commerce de Cadix et de Lisbonne. C’est
pour chasser ces capitaux étrangers d’un commerce à l’entretien duquel leur
propre capital devient de jour en jour moins en état de suffire, que les
Espagnols et les Portugais tâchent, à tout moment, de resserrer de plus en plus
les liens si durs de leur absurde monopole ».
La différence
de tonalité tient aussi, sans doute, à ce que ce sont les Français qui dominent
alors le lucratif commerce avec l’empire espagnol ; pour les en expulser,
l’Angleterre fera la guerre à l’Espagne une dizaine d’années plus tard.
Voltaire s’est
également enrichi, si l’on en croit Sébastien
Longchamp, en publiant par souscription – bien que Thiriot ait gardé pour
lui une partie de cette dernière –, sa Henriade, qu’il a dédiée à la reine
d'Angleterre, en mars 1728. Mais surtout, littérairement, il a entrepris une
autre épopée, en prose celle-ci et pour la première fois, et consacrée à un
héros contemporain : Charles XII, roi de Suède. L’idée est née de ses
rencontres avec le baron Fabrice, familier du souverain, comme celle de la Henriade était née des récits de Caumartin.
Quand il rentre
à Paris, Voltaire a encore dans ses bagages, commencées directement en anglais,
ces Lettres
anglaises, qui deviendront
des Lettres
philosophiques, et traitent du pays de son exil : ses religions,
quaker, anglicane et presbytérienne ; sa
monarchie tempérée de parlementarisme ; ses sciences – Bacon, « père de la philosophie
expérimentale », Locke
et son empirisme rationaliste, Newton, bien sûr
– ; ses arts et ses lettres.
« On les jette à la voirie quand elles sont mortes »
En l’absence de
Voltaire, Adrienne Lecouvreur s’est
éprise du fantasque Hermann-Maurice de
Saxe. Ce fils adultérin du roi de Pologne a été porté à la tête du duché
balte de Courlande, aujourd’hui letton, mais alors objet de litige entre la
Pologne et la Russie. Il va se voir obligé de reconquérir son fief les armes à
la main, et Mlle Lecouvreur, pour financer son expédition, n’hésite pas à
vendre tous ses bijoux. Le fringant militaire a d’autres maîtresses et d’autres
lubies : il a obtenu un privilège exclusif, et l’appréciation favorable de
deux membres de l’Académie des sciences, pour une liaison rapide Paris-Rouen
qu’effectuerait une galère sans rame et sans voile, munie seulement de deux
roues à larges aubes auxquelles une manivelle donnerait le mouvement.
Voltaire
écrira, quand Maurice de Saxe sera devenu maréchal : « Il est étrange
qu’il ait fait la guerre avec une intelligence si supérieure, étant très
chimérique sur tout le reste. Je l’ai vu partir, pour aller conquérir la
Courlande, avec deux cents fusils et deux laquais ; revenir en poste pour
coucher avec Mlle Lecouvreur, et construire sur la Seine une galère qui devait
remonter de Rouen à Paris en douze heures. Sa machine lui coûta dix mille écus,
et les ouvriers se moquaient de lui. Mlle Lecouvreur disait : Qu’allait-il faire dans cette galère ? ».
Voltaire, avec
le concours d’un autre membre de l'Académie des sciences, La Condamine, se livre à des activités beaucoup plus rentables
comme de spéculer sur la loterie du contrôleur général des Finances Pelletier-Desforts. Et voilà qu’Adrienne
Lecouvreur est à l’agonie, peut-être empoisonnée par une rivale dans le cœur si
hospitalier de Maurice de Saxe : la duchesse
de Bouillon.
Portrait du 19e s. Gallica |
On pourrait
croire entendre, dans l’Ode sur la mort de Mlle Lecouvreur,
que composera Voltaire ensuite, l’épitaphe d’une sépulture choisie, comme
ferait Chateaubriand au bout de l’île du Grand Bé :
« Non, ces bords désormais ne seront
plus profanes ;
Ils contiennent ta cendre ; et ce
triste tombeau,
Honoré par nos chants, consacré par tes
mânes,
Est pour nous un temple
nouveau ! »
Mais la mise en
terre d’Adrienne Lecouvreur n’a rien eu de romantique ; pour Voltaire,
l’horreur en restera vive jusqu’à lui faire toujours craindre, à l’heure de sa
propre mort et tout glorieux qu’il soit, le caniveau pour sa dépouille.
Huit ans après
la mort de Voltaire, le comte d’Argental
fera apposer une plaque rappelant le souvenir d’Adrienne, rue de Grenelle, à
l’emplacement du numéro alors 115, puisque, depuis 1728, on a commencé d’en
mettre aux maisons de Paris.
La magnificence pour toute vertu
Adrienne
Lecouvreur n’est plus là pour incarner Tullie dans Brutus, la nouvelle pièce
de Voltaire, pleine de sentiments républicains comme pouvait le laisser
supposer le héros choisi. C’est Mlle
Dangeville qui fait ses débuts à la Comédie-Française en interprétant la
fille de Tarquin, et qui assure le succès de la pièce, dédiée à Bolingbroke. La Gaussin lui emboîte le pas dans la
prestigieuse maison, en étant la Junie de Britannicus dès le 28 avril 1731.
Diderot est
encore étudiant, il porte les cheveux longs – « Où est le temps que
j’avais de grands cheveux blonds qui flottaient au vent ? »,
regrettera-t-il en 1758 ; la théologie l’attire de moins en moins.
« Je balançais entre la Sorbonne et la Comédie. J’allais, en hiver, par la
saison la plus rigoureuse, réciter à haute voix les rôles de Molière et de
Corneille dans les allées du Luxembourg. Quel était mon projet ? D’être
applaudi ? Peut-être. De vivre familièrement avec les femmes de théâtre,
que je trouvais infiniment aimables et que je savais très faciles ?
Assurément. Je ne sais ce que j’aurais fait pour plaire à la Gaussin, qui
débutait alors et qui était la beauté personnifiée ; à la Dangeville, qui
avait tant d’attraits sur la scène », avouera-t-il dans le Paradoxe
sur le comédien.
Jean-Jacques Rousseau n’a pas un an et demi de plus que
Diderot : il a tout juste 19 ans quand il entre dans Paris par
l’avenue aujourd’hui des Gobelins, alors rue Mouffetard. Ce fils d’une lignée
d’horlogers, du côté maternel comme du côté paternel, arrivant de Soleure, la
plus belle ville baroque de la Confédération helvétique, c’est naturellement
pour entrer au service d’un colonel des Suisses, et porter l’uniforme, qu’il a
gagné la capitale.
Le Val-de-Grâce vu du faubourg Saint-Marceau; dessin de Paul Grégoire, 18e siècle. Gallica |
« Combien
l’abord de Paris démentit l’idée que j’en avais ! [...] En entrant par le
faubourg Saint-Marceau je ne vis que de petites rues sales et puantes, de
vilaines maisons noires, l’air de la malpropreté, de la pauvreté, des
mendiants, des charretiers, des ravaudeuses, des crieuses de tisane et de vieux
chapeaux. Tout cela me frappa d’abord à tel point que tout ce que j’ai vu
depuis à Paris de magnificence réelle n’a pu détruire cette première
impression, et qu’il m’en est resté toujours un secret dégoût pour l’habitation
de cette capitale. »
Rousseau est
dès le lendemain de son arrivée à l’Opéra, qui ne suffit pas à le retenir à
Paris, ses nouveaux maîtres ne lui plaisant pas. Thiriot, éternel coucou,
vient de se trouver un nid à deux pas, chez Mme de Fontaine-Martel, dans la partie de la rue des Bons-Enfants
absorbée depuis par la Banque de France. La vieille dame – elle a alors 70 ans
– le loge et lui octroie une pension de près de 1 500 livres.
Voltaire moque son ami dès qu’il l’apprend : « Vous voilà placé, et vous
ne m’en dites mot ! Apprenez, M. de Fontaine Martel, qu’il ne faut pas
oublier ses amis dans sa fortune ».
Que Thiriot, du
coup, s’entremette, ou sans avoir besoin de son aide, Voltaire est bientôt dans
la place lui aussi : « Mme de Fontaine-Martel, la déesse de
l’hospitalité, me donne à coucher dans son appartement bas, qui regarde sur le
Palais-Royal », écrit-il au Rouennais Jean-Baptiste
Nicolas de Formont à la fin de 1731. L’hôtel d’Argenson voisin, le
troisième côté gauche de la rue des Bons-Enfants en partant de la rue
Saint-Honoré, donne pareillement sur le grand bassin placé dans une demi-lune
ornée de treillages et de statues en stuc. [En l’absence des galeries et de
leurs rues de desserte – Montpensier, Beaujolais et Valois –, l’arrière
des numéros impairs des rues des Bons-Enfants et des Petits-Champs, comme des
numéros pairs de la rue de Richelieu, a vue directe sur les marronniers plantés
par Richelieu, les ormes en boule et le quinconce de tilleuls ajoutés par le
fils du Régent.
« Je
crois, précise Voltaire à Cideville
quelques mois plus tard, qu’elle ne m’a dans sa maison que parce que j’ai
trente-six ans
[en réalité, il en a alors 38] et une trop mauvaise santé pour être amoureux ;
elle ne veut point que les gens qu’elle aime aient des maîtresses. Le meilleur
titre qu’on puisse avoir pour entrer chez elle est d’être impuissant : elle a
toujours peur qu’on ne l’égorge, pour donner son argent à une fille
d’opéra. » Pour ne pas s’en être rendu compte, et avoir gâté Mlle Sallé, Thiriot en a déjà perdu sa
place.
L’Histoire de
Charles XII est
parue, et Mathieu Marais l’a lue,
qui en fait le compte-rendu à Bouhier, président à mortier du parlement de
Dijon, membre de l’Académie française : « L’historien n’est pas ami
des rois, c’est un anti-monarque, et il ne paraît pas respecter beaucoup les
puissances de la terre, ni tout ce qui peut dominer. Si le poème dont on vous a
parlé est vrai, les puissances célestes ne l’embarrassent guère, et voilà sans
doute un homme aussi singulier et aussi unique
que son héros, à qui il donne ce nom d’unique, et qui n’est pourtant point
son héros. Au reste, je n’ai rien trouvé contre la France, sinon que dans un
petit discours qui est à la fin, où il méprise l’histoire en général, il donne
au feu Roi la magnificence pour toute
vertu et tout talent ; ce qui est bien fou et bien hardi à ce petit homme qui
juge les rois et les dieux et qui distribue ses grâces comme il lui plaît. Je
prévois une mauvaise fin à tout cela ».
Dix jours plus
tard, l’Académie compte un fauteuil vacant, que laisse le décès de La Motte-Houdart : « Nous en voilà
délivrés, écrit Marais au président Bouhier, ex-collègue du défunt ; on lui
désigne pour successeur M. de Moncrif,
qui a fait les Chats. J’aimerais bien
mieux notre Voltaire, poète, historien, orateur, critique et tout ce qu’il lui
plaît d’être. Je pense de son Histoire
tout comme vous ; il a vraiment l’air mâle et original et traite cavalièrement
les souverains. Ce qu’il dit de la reine de Suède ne regarde que son amour pour
les belles-lettres et les sciences, qu’il appelle Philosophie, et ce nom en cet endroit n’est point pris au criminel
à ce qu’il me semble… ».
S’il était né chrétien, que serait-il de plus ?
Toujours à
l’exploitation de son fonds anglais, mais revenant aux vers, Voltaire compose
les cinq actes d’Ériphyle, une nouvelle tragédie qui a surtout pour objet de
faire apparaître un fantôme sur la scène française. Il a vu celui d’Hamlet, à Londres, faire une forte
impression ; il espère en obtenir
une semblable avec le spectre d’Amphiaraüs, son personnage. Seulement, la scène
est, à la Comédie-Française, encombrée de petits marquis, assis à toucher les
acteurs, ce qui n’est guère propice à l’illusion fantastique. « Enfin les
rôles sont entre les mains des comédiens, écrit Voltaire à Cideville le
3 février, et, en attendant que je sois jugé par le parterre, j’ai fait
jouer la pièce chez Mme de Fontaine-Martel, qui m’a (comme vous savez
peut-être) prêté un logement pour cet hiver. Ériphyle a été exécutée par des acteurs qui jouent incomparablement
mieux que la troupe du faubourg Saint-Germain. »
La pièce est
finalement sur le théâtre, en face de chez Procope, le vendredi 7 mars 1732, et
elle réussit passablement.
Dans la même
salle, le 13 août, la Gaussin est Zaïre dans cinq nouveaux actes versifiés en
vingt-deux jours ! Les spectateurs pleurent à chaudes larmes, le public
ovationne l’auteur. L’action se passe à Jérusalem, au temps de Saint
Louis : Zaïre, esclave d’origine chrétienne, élevée en captivité, est de
ce fait devenue musulmane. Dès la scène 1 de l’acte I, la pièce fait
de la religion un hasard du milieu :
« Je le vois trop, les soins qu’on
prend de notre enfance
Forment nos sentiments, nos mœurs, notre
croyance.
J’eusse été près du Gange esclave des
faux dieux,
Chrétienne dans Paris, musulmane en ces
lieux.
L’instruction fait tout. »
Zaïre aime le
sultan Orosmane, qu’elle s’apprête à épouser. Voilà que Nérestan, chevalier
chrétien venu racheter des esclaves, dont elle-même, lui apprend à son grand
étonnement que, née chrétienne, elle ne peut épouser ce musulman.
« Généreux, bienfaisant, juste,
plein de vertus ;
S'il était né chrétien, que serait-il de
plus ? »,
s’étonne-t-elle
à la première scène du quatrième acte.
Costumes de scène de Zaïre et Orosmane. 18e siècle. Gallica |
Voltaire ne
supporte pas d’être absent un instant du devant de la scène. On comprend qu’Alexis Piron, qui ambitionne de
rivaliser avec lui, ait du mal à en trouver l’opportunité, sauf à la foire où,
souvent associé à Lesage, il a donné
déjà vingt et une pièces, qui se bornent le plus souvent à en parodier
d’autres. Piron est assidu chez Mme
Doublet, la veuve d’un intendant du commerce qui l’a laissée dans
l’aisance, et qui tient dans son enclave du couvent des Filles-Saint-Thomas, à
l’emplacement de l’actuel palais Brongniart, ce que l’on qualifie plus souvent
de « paroisse » que de salon.
Vingt-neuf « paroissiens », la plupart bien
introduits soit au parlement de Paris soit à la cour, s’y réunissent donc une
fois par semaine. Ils sont passés d’abord devant deux grands registres disposés
dans l’entrée, l’un contenant des nouvelles réputées fiables, l’autre ce qui
passe pour des ragots. Chaque invité, après les avoir parcourus, leur ajoute
ses commentaires ou ses précisions. Un secrétaire collationnera le tout et en
fera des copies destinées aux correspondants de Mme Doublet. On peut se plaire
à imaginer que ce premier foyer des nouvelles à la main se situait précisément
à l’endroit où s’élève aujourd’hui le bâtiment de l’AFP.