Le paysage typique de la Bièvre, c’était ces séchoirs perchés sur des tanneries, ci-dessous en 1890, au-delà de l’autre extrémité de notre parcours, du côté de Croulebarbe, tandis qu’on démarre aujourd’hui de Gentilly et, plus précisément, de la Maison de la Photographie Robert Doisneau. La commune a dédié en 1996 sa plus ancienne demeure, antérieure à 1750, (1 rue de la Division-Leclerc), au natif du 39 rue Raspail, Robert Doisneau qui, au lendemain de la guerre, photographiait du bas de la pente si raide qu’on l’appelait le « cratère », derrière les HBM du 162 de la rue désormais Gabriel Péri, les Vingt ans de Josette, joyeuse farandole de garçons et de filles, ou encore le Cyclo-cross, qui se courait sur cette même pente.
aquarelle de Vincent Blatter |
Les premiers
graffs, du genre photographique, ou réaliste-socialiste, comme on ne disait
déjà plus à l’époque, ont été posés là en 2006, entre la Maison de la
Photographie R.D. et l’av. Jean-Jaurès, par l’assoce Ligne 2 Mire, soit CREYone,
né en 1973 à Champigny-sur-Marne, l’un de ses fondateurs en 1998, rejoint deux
ans plus tard par Max, né en 1976 lui
aussi à Champigny, après qu’ils eurent collaboré au Groupe 132.
Les trompe-l’œil de Ligne 2 Mire... |
...sous les dalles, au 1er plan, la Bièvre |
On emprunte
ensuite le Jardin de la Paix, d’Alexandre Chemetoff (1990), matérialisation à
sec du lit de la rivière, par l’allée René Cassin. On passe ensuite derrière
l’église Saint-Saturnin, bâtie sur les vestiges d'une abbaye du 7e siècle, due
à Saint-Eloi, celui qui disait « Oh, mon roi… », sur le domaine que
lui avait donné le bon roi Dagobert (celui qui avait mis sa culotte pour la
rime). L'église actuelle, du 13e siècle, a été remaniée au 16ème après
l'effondrement de la nef, et le portail néo-gothique ajouté à sa façade ouest au 19ème.
Sur
l’emplacement du parking adjacent, la famille Foucher villégiaturait, au
printemps de 1822, dans un ancien château du XIIIe siècle remanié en
presbytère, séparé de l’église par le cours de la Bièvre. Victor Hugo, le
fiancé d’Adèle Foucher, s’était vu attribuer une chambre dans une tourelle,
dernier vestige de la demeure seigneuriale, percée d’une fenêtre sur chacune de
ses quatre faces. Un « vrai nid d’oiseau ou de poète » : des
peupliers hauts et touffus, un jardin que venaient arroser et sarcler des
« fous de Bicêtre » descendus de l’hospice du plateau, un moulin
à blé au bout d’un bief, les tonneaux des blanchisseuses le long de la rivière
et le linge séchant sur les prés…
Il avait été un moment question de
classer monument historique ce que l’on désignait comme le « château de
Victor Hugo », qui fut finalement vendu à MM. Dagousset, vinaigriers, qui
firent de ses trois étages un immeuble de rapport loué à des familles ouvrières,
tandis qu’ils adaptaient le
moulin à blé à la mouture de la moutarde. En 1926,
ils avaient à dessein si peu entretenu le « château de Victor Hugo »
que son premier étage s’écroulait, leur permettant d’abattre l’ensemble et de
construire à la place leur nouvelle et moderne usine, 19 à 23 rue Frileuse
devenue Charles Frérot. Ici naquit la marque qui aurait pour figure le Père
Pikarome : « Sa moutarde vaut son vinaigre… et son vinaigre est
rudement bon. » L’entreprise passa dans le giron du groupe Amora-Maille vers
1960, avant la société marocaine Unimer en 1992.
Il y eut un
temps où, quand les jeunes de banlieue (communiste) affrontaient la police, c’était
à l’appel des sirènes municipales : le maire de Gentilly, Charles Frérot,
les mobilisait par ce moyen pour qu’ils filent soutenir, dans le XIIIe arrondissement,
les grévistes de la Snecma que la police était en train de chasser de leur
usine.
A sa mort, en 1962, le nom de
Charles Frérot est donné à cette rue Frileuse où Victor Hugo courtisait Adèle.
Il n’y a que quelque pas d’ici à
l’ancien Gaîté Palace, cinéma de quartier de 1932 à 1972, devenu aujourd’hui
centre d’art et de création sous le nom de Générateur.
Passé le périph, on pénètre la
première peau de l’oignon parisien. En 1840, sous la monarchie de Juillet, la
limite de Paris est encore au « mur des Fermiers généraux », un mur
de l’argent au sens propre puisque c’est celui de la perception des taxes sur
la circulation des marchandises, dont nous ont été conservées les portes
monumentales de la place Denfert-Rochereau, de celle de la Nation, ou la
rotonde de Stalingrad. La destruction de ce mur (6 m de haut et 50 cm d’épaisseur) et des routes qui le longent à l’intérieur comme à
l’extérieur fournira l’espace (70 m en largeur, 7 rangs d’arbres) qui permettra
en 1906 aux lignes 2 et 6 du métro d’être aériennes. Gentilly, puisque c’est le
sujet qui nous occupe, commence ou bien, – ça dépend du point de vue -, s’étend
jusqu’à l’actuel boulevard Blanqui.
Dans ces années 1840, on débat de la défense de Paris. L’armée, le
gouvernement veulent des forts avancés ; l’opposition républicaine ne veut
pas laisser le sort de la capitale aux mains des seuls militaires : elle
réclame un rempart à l’ancienne, permettant au peuple en armes de monter aux
créneaux, et ne protégeant que de l’ennemi extérieur, tandis que l’on sait bien
que l’artillerie d’un fort peut se retourner contre la ville qu’elle est censée
défendre. En guise de compromis on aura les deux : le trait continu d’une
enceinte bastionnée, assez au large, ces « fortifications » ou
« fortifs », encore dans les mémoires aujourd’hui, et le pointillé
d’une quinzaine de forts sur les trois quarts du pourtour de Paris, depuis
Saint-Denis jusqu’à Issy-les-Moulineaux, tandis que la Seine fournira une ligne
de défense naturelle à l’ouest, seulement renforcée par le fort du
Mont-Valérien.
Devant les
fortifications, il faut que la vue soit dégagée, pour le guet et pour le tir,
on déclare donc inconstructible une zone de 250 m, mais on ferme les yeux sur
d’insignifiantes cabanes, cahutes et potagers dont la prolifération, domaine
des chiffonniers, aboutira à la Zône majuscule, que le documentaire de Georges
Lacombe montre dans l’état qui est encore le sien en 1928.
Mais n’anticipons pas. Pendant pas loin de vingt ans encore, Gentilly s’étend toujours jusqu’au bd Blanqui, si l’on peut dire, simplement coupée en deux par ce gros mur, ses escarpes et contrescarpes et sa Zone. L’annexion s’est faite par étapes et notre trajet remonte le temps : en avril 1930, Paris s’empare de la Zone (mais il avait pris la rue de la Poterne des Peupliers dès 1926)
1-5 rue de la Poterne des
Peupliers, 34 logements sociaux, toiture entièrement végétalisée, architecte
Laurent Niget, 2012.
2-6, en face, et entre des rues dédiées aux
Caffiéri et à Pierre Gouthière, élégants sculpteurs-ciseleurs et bronziers
« du roi », dont on ne comprend pas très bien ce qu’ils font là, des
logements de l’AP-HP et, derrière, un centre Paris Anim’.
Passés la Zône
et le bd Kellerman, c’est-à-dire les anciennes fortifs, on entre dans une seconde
peau, celle d’entre les deux ex enceintes, ici le Petit Gentilly, qui fut
annexé comme tout cet anneau-là en 1860.
On abandonne la Bièvre qui, sous nos pieds, monte le long du côté droit de la rue des Peupliers, en deux bras parallèles, qui vont tourner à gauche au niveau de la place aujourd’hui de l’abbé Hénocque, pour longer sur leurs flancs nord, la rue de la Colonie puis la rue de la Fontaine à Mulard. Dans ce coude se trouvaient le Moulin-des-Prés, moulin à eau sur la Bièvre, à l’intersection des tracés anciens de la rue du Moulin-des-Prés et de celle de la Fontaine-à-Mulard, et le Moulin (à vent) de la Pointe de Gentilly à l’endroit où la rue du Moulin de la Pointe rejoignait l’avenue d’Italie.
La Bièvre canalisée après 1912 à son entrée dans Paris. Au fond, la Petite ceinture. |
Franchi par en-dessous
le boulevard Kellerman, on prend à droite ; sur le mur d’échiffre :
hommage à Desty Corleone, rappeur, taggé
au 1er anniversaire de sa mort, le 2 novembre 2014, par V13 crew.
On rentre sur la
promenade de ce qui fut la petite ceinture durant soixante ans de bons et
loyaux services voyageurs et marchandises, d’avant la guerre de 1870 aux années
1930. Ici, un tronçon d’1km a été loué par la RATP de 1994 à 1998 pour tester le
système de conduite automatique intégrale qui serait utilisé sur la
ligne 14. Avec un bout de plus, il a été ouvert en promenade en janvier
2016 dans le flambant neuf éco-quartier de la gare de Rungis.
Que sera, quand
vous y serez, la fresque au fond du tunnel ferroviaire, à droite ?
De la promenade,
on surplombe les fresques du mur d’échiffre qui fait pendant au précédent :
(l’hindouisant là depuis 2014), les deux drapeaux palestinien et israélien
noués ensemble sur la guérite en saillie, qui étaient là depuis l’été 2014, ont
été remplacés en février 2016 par une peinture
en rapport avec les attentats du Vendredi 13 novembre 2015.
Au coin de la
récente rue Madeleine Brès, on est entre deux mondes : à gauche la caserne
abritant des gardes républicains et leurs familles, 4 000 personnes au
total, dont la musique de la Garde, construite en 1975 sur d’anciens bâtiments
industriels de la Snecma. L’école maternelle, à ses pieds est le bureau de vote
du 13ème donnant le plus fort pourcentage au FN. A droite, « la
Brillat », une cité populaire des années 1920, longtemps jugée dangereuse,
et « dé-densifiée » à la fin des années 1990 par la destruction des deux
bâtiments centraux et sa séparation par une grille mitoyenne. Entre les deux
mondes, les voies de la gare de Rungis et un mur fermant les emprises de la
SNCF, qui allait tomber en 2014 pour laisser naître l’éco-quartier.
A sa destruction, on y voyait encore des graffs
datés du printemps 1999, que l’on peut retrouver dans cette chronique d’un piéton. Il avait été, plus tôt encore, l’un des premiers murs peints du
quartier où s’étaient exprimés les élèves de l’école Küss.
Depuis
1933, les élèves de cette belle école de style paquebot (Roger-Henri Expert) y
vivent, une génération après l'autre, au milieu de fresques.Le préau de la Maternelle, par l'association La Fresque, 1933 |
« La
Brillat » traversée, on a, rue de la Fontaine-à-Mulard, d’un côté l’ARBP,
si importante depuis 1997 pour le quartier, de l’autre, dans l’espace Bièvre,
l’association Courant d’art frais. Les 8, 9 et 10 avril 2016, l’association Rungis-Brillat-Peupliers (ARBP), - pas
des bobos de la Butte, donc -, posait
à une trentaine d'habitants, répartis sur l'ensemble du quartier, la question
de l'endroit le plus agréable du quartier, du plus marquant au niveau
symbolique ou esthétique, le tout corrélé aux déplacements à pied ou à vélo
depuis le domicile. « Ce sont les nouveaux parcs et aménagements paysagers
ainsi que les fresques urbaines qui marquent les habitants. Très peu citent les
bâtiments ou espaces institutionnels comme lieux agréables ou lieux
symboliques.
Cet engouement pour les espaces verts est sans
doute d'autant plus plébiscité qu’ils faisaient défaut il y a quelques années. »Des étoiles pour les "fresques le long des voies" et la "fresque de la rue Bobillot |
Les marionnettes géantes de Courant d'art frais (bandeau de la page twitter de l'assoce) au parc Charles Trénet |
On descend la
rue de la Fontaine à Mulard, comme le font souterrainement les deux
bras parallèles de la Bièvre, jusqu’à la place de Rungis d'où ils remontent vers
le nord en longeant l’ouest de la Butte-aux-Cailles, l’un par la rue
Brillat-Savarin (ex rue du Pot-au-Lait), l’autre par la rue Boussaingault. A l’emplacement de la pimpante cité des fleurs, s'étendait un étang, et ces prés
submersibles de la Bièvre, que l’on pouvait inonder au moyen de vannes, pour patiner l'hiver sur l'un, prélever sur les autres les blocs dont la Société des Glacières réunies, située rue de l’Amiral
Mouchez, avait l'exclusivité du recueil et de la commercialisation.
Aujourd'hui, la place de Rungis est à 40 m d'altitude et la
place de la Commune de Paris 23 mètres plus haut seulement, mais le niveau des prés submersibles était à vingt mètres sous nos pieds. Ce territoire a été remblayé d'autant
vers 1877, après la construction de la rue de Tolbiac que l'on voit sur les photos d'époque le franchir haut sur un
talus. La Butte-aux-Cailles, dominant de 43 m la Bièvre, portait alors bien son nom.
Un médaillon, au
sol, nous rappelle le bras mort de la Bièvre. Le studio d'animation de Paul
Grimault était dans la cour du n°92 de cette rue Bobillot à compter de 1951.
Jacques Demy y vint l’année suivante, au sortir de son service militaire, se faire
engager comme stagiaire sur des films de pub. Il y reviendra trente-cinq ans
plus tard co-réaliser avec son ancien patron La Table tournante, un pot-pourri des courts métrages de Grimault, avec
au générique Jean Aurenche et Jacques Prévert, Anouk Aimée, L'Épouvantail (1942), Le Voleur de Paratonnerres (1944), Le Petit Soldat (1947)…
On passe devant le magasin peint Au coin de la rue de la Colonie, cette épicerie fut la première du quartier à mettre à disposition sont rideau de fer dans les années 1990. Plus haut, sur le mur arrière de la cour de l’école de la rue de la Providence, la fresque signalée par les sondés de l’ARBP : c’est d’abord, en août 2013,
Seth, de son vrai nom Julien Malland, né en 1972, diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD), désormais autant en galeries qu’exposé aux intempéries,
et Babs pour les mots graffés, un enfant de la banlieue, qui peint tout ce qui bouge et tout ce qui ne bouge pas, du train au mur. Le 17 mars 2015, ils sont recouverts ici par une fille,
KASHINK, née en 1981, dotée d’une fausse moustache qui la fait ressembler à Frida Kahlo.
On prend la rue de la Providence (on est maintenant à 50 m d’altitude) et l’on passe devant la belle école à la fresque postérieure. Traversée la rue de Tolbiac devant La Lanterne, squat ouvert début mars 2017 par le groupe des chattes sauvages, de ce collectif Stendhal dont le lieu emblématique, le Clos sauvage, à Aubervilliers, va bientôt fermer ses portes, le 19 juin 2018.
On suit Martin Bernard, du nom du dirigeant, aux côtés de Blanqui et Barbès, de cette Société des Saisons qui tenta, avec l’aide des immigrés allemands de la Ligue des Justes dont Friedrich Engels, délégué du faubourg Saint-Antoine, ferait la Ligue des Communistes huit ans plus tard, le dernier coup d’État contre Louis Philippe avant la révolution de 1848.
Avec la rue
Buot, on arrive à la Butte. Pas d’intercession miraculeuse de Sainte-Anne, à
laquelle elle s’adosse, dans la préservation de ses maisons basses : la
butte est une coquille quelque peu creuse, de son sous-sol on a beaucoup
extrait la roche, plus épaisse de
cinq centimètres que le cliquart de
la voisine Montrouge, au grain plus gros, aux coquillages moins nombreux ;
rien ici qui pût supporter des étages nombreux.
A l’angle de la rue Buot, on arrive à un premier flyer mural, si on peut dire, du festival annuel Les Lézarts de la Bièvre, celui de 2016, sous la bombe de Poes et JoBer, nés en 1983 l’un et l’autre, et aux graffitis à la Défense, passés du train aux galeries (d’art, pas aux tunnels) en partageant aussi une résidence d’artiste au Jardin Rouge de Marrakech en 2014. Dès la fin du premier gros immeuble récent de la rue, on croise un oiseau de Mateus Bailon, puis au retour d’un second immeuble, en retrait sur l'alignement comme le précédent, du Jace en 2014, du Bebar, franco-espagnol né en 1993, en 2017. Sur la porte de garage du n° 4 est depuis 2008 une espèce de Klimt d’Artiste ouvrier [de son vrai nom Pierre-Benoît Dumont, né vers 1975 et qui a pris son nom de graffeur en 2000.]
Sur cette butte, au dix-neuvième siècle, des
chiffonniers, hotte d’osier sur le dos, crochet à la main, fouillaient non plus
le sous-sol mais sa surface. Les débris et déchets, ils les écoulaient chez des
fabricants de carton et papier, des entreprises qui en tiraient du sel ammoniac
ou, dans le meilleur des cas, chez les revendeuses du marché du Temple. En
1847, avec Le Chiffonnier de Paris, qu’incarne puissamment Frédérick Lemaître au théâtre de la
Porte-Saint-Martin, Félix Pyat,
futur quarante-huitard, membre de l’Internationale et communard, fait du pauvre
farfouilleur le symbole même du prolétaire. Louis Blanc accueille la pièce d’un
« Enfin, nous avons le drame socialiste !», tandis qu’un article
l’inscrit dans la lignée des pièces de sape : « Tartuffe contre
l’autel, Figaro contre le trône et le Chiffonnier contre le coffre ». Elle
précède les Misérables comme les Mystères de Paris. Viennent quarante
années d’interdiction, trente ans de prison et d’exil pour son auteur, qui
reprendra sa pièce en roman en 1892. Et la butte est encore, au début du 20e
siècle, un « fief de la misère ».
A l’angle de la rue Buot, on arrive à un premier flyer mural, si on peut dire, du festival annuel Les Lézarts de la Bièvre, celui de 2016, sous la bombe de Poes et JoBer, nés en 1983 l’un et l’autre, et aux graffitis à la Défense, passés du train aux galeries (d’art, pas aux tunnels) en partageant aussi une résidence d’artiste au Jardin Rouge de Marrakech en 2014. Dès la fin du premier gros immeuble récent de la rue, on croise un oiseau de Mateus Bailon, puis au retour d’un second immeuble, en retrait sur l'alignement comme le précédent, du Jace en 2014, du Bebar, franco-espagnol né en 1993, en 2017. Sur la porte de garage du n° 4 est depuis 2008 une espèce de Klimt d’Artiste ouvrier [de son vrai nom Pierre-Benoît Dumont, né vers 1975 et qui a pris son nom de graffeur en 2000.]
Au pan coupé rue de l’Espérance / rue de la Butte aux Cailles, les gosses de Seth de 2013,
assis dans l’eau, ont été plongés dans le béton l’année suivante par Jace. Né au Havre en 1973, il a grandi sur l’île de La Réunion. A 19 ans, il a créé le personnage du Gouzou, qu’il a mis ensuite à toutes les sauces graphiques possibles. Ici, il a épongé l’eau par des gratte-ciels et tendu entre les bras des enfants le fil d’un gouzou funambule.
En 2017, on a vu sur ce mur Mohammed Ali boxant un samouraï, collage de Combo, parisien né en 1987 qui, depuis 2014, diffuse aussi le symbole CoeXisT créé par l’artiste polonais Piotr Mlodozeniec en 2001 pour le musée d’art socio-politique contemporain de Jérusalem.
En novembre 2017, Seth s’était réapproprié le mur avec une variation sur son thème initial.
A l’entrée de la rue des 5 Diamants, Zabou, née en 1991, à Londres en 2011, dans les rues de partout dès l'année suivante et bien implantée sur le mur initial depuis 2015, a vu recouvrir son jet de peinture de 2016
par le brésilien Mateus Bailon, pour l’oiseau de feu, Lalasaïdko, pour le bubble gum, et Bebar, « espagnol » de Vitry, pour le reste :
D'un geste rageur, elle a effacé tout ça l’année suivante :
Rue des 5
Diamants, on verra, si on n’en a pas croisé avant, du Miss.Tic, qu’on ne présente plus, elle qui fait du pochoir sur les
murs de Paris depuis 1985, et qui inaugura les Lézarts en 2001; du Speedy Graphito [Olivier Rizzo, né en 1961, diplômé de l’École Estienne en 1983, pocheur
puis peintre sous ce pseudo aussitôt], le gosse au doigt dans le nez de Zabou,
etc.
Au bout de la rue, on prend Jonas, à droite,
puis la rue Jean-Marie Jégo. Dans le renfoncement, des collages de Noar-Noarnito,
né en 1973, arts appliqués à l’École Olivier-de-Serres, installé à La Rochelle. On arrive au square et à la place Paul Verlaine.
Le marquis
d’Arlandes et Pilâtre de Rozier, eux, arrivent au-dessus de la Butte le 24 novembre
1783, ils passent « l’étang qui fait aller les machines de la manufacture
de toiles peintes de MM. Brenier et Cie », et se posent entre le moulin
des Merveilles et le Moulin-Vieux. Pilâtre a ôté sa redingote avant la
descente, elle est restée dans la nacelle dont ils s’extraient. Le marquis fait
le récit de l’atterrissage : « le peuple accourt, se saisit de la
redingote de M. Pilâtre et se la partage. La garde survient : avec son
aide, en dix minutes, notre machine fut en sûreté et une heure après elle était
chez M. Réveillon où M. Mongolfier l’avait fait construire. » C’est dire
si le quartier était pauvre, et s’il était irrespectueux !
Les Brenier cités avaient ouvert une seconde
manufacture à Saint-Denis l’année précédente, on a plus de renseignements sur cette
dernière que sur celle survolée par la montgolfière : en 1805, J.P.
Brenier père y emploiera 140 ouvriers qui imprimeront 5 000 pièces ;
sa présence est attestée encore en 1810. Louis Henri Brenier fils s’installera
à son compte en 1804 avec une trentaine d’ouvriers ; on perd sa trace après
1808.
Par le passage
Vandrezzane et la rue du Moulin des Prés, qui jusqu’en 1926 passait encore en
tunnel sous la rue de Tolbiac, on regagne la place Paul Verlaine.
Les travaux du puits artésien avaient commencé ici
à la fin de 1866. Après vingt ans d’interruption (de 1872 à 1892) puis encore
plus de dix de travaux, parvenus à 582,40 m de profondeur, l’eau jaillit le
19 novembre 1903 et l’inauguration suivit le 7 avril 1904, à 14h. Il y avait
là le préfet de police Lépine, l’ingénieur en chef du métro Bienvenüe, que du
beau monde. Dès 1912, le puits alimentait 50 cabines de douches à raison de 72m3/h
d’une eau à 28°, quelque peu sulfureuse. Le nombre de douches doubla bientôt
avant qu’elles ne soient englobées dans la piscine de Louis Bonnier, inaugurée
le 5 mai 1924. Mais jamais le puis ne fut utilisée pour la peinture à l’eau,
bien plus facile et bien moins belle que…