Le Point du Jour
et le bois de Boulogne
Le Point du
Jour, c’est la pointe sud du village d’Auteuil. Joseph Micault d’Harvelay, « garde du Trésor royal », y possède un
jardin dont une étroite bande de potager descend jusque-là. Si, comme tous ses
pairs dans les années 1780, M. d’Harvelay fait appel à Blaikie pour qu’il lui dessine son jardin à l’anglaise, il veut à
la fois un sentier tortueux et conserver au même endroit son allée rectiligne
de tilleuls ! En désespoir de cause, Blaikie proposera une colossale serre
chauffée, qu’il remplira d’ananas et autres fruits des tropiques.
Au XIXe siècle, Gavarni a, dans les parages, une propriété
riche de bassins, rocailles, ondulations de terrain, et de ces arbres à
feuillage persistant que Blaikie a semés partout de Monceau à Auteuil. Le
chemin de fer dit « de Ceinture », courant au long des fortifications depuis
1851, avant de franchir la Seine par le viaduc du Point-du-Jour (remplacé
depuis par le pont du Garigliano), l’emporte sur son passage en 1863. Le lieu
sera désormais le plus industrialisé d’Auteuil : une usine chimique, des
laboratoires pharmaceutiques assez nombreux, une fonderie d’art ; et il verra
s’élever la seule cité industrielle de l’arrondissement, la villa Mulhouse.
Ce n’est pas
qu’il s’agisse ici de loger la main-d’œuvre auprès de ses lieux de travail –
seuls les ouvriers nomades vivent dans cette proximité, et ils louent. Au Point
du Jour, on construit pour de futurs propriétaires, « l’élite des ouvriers,
stables et économes et pouvant résider sans inconvénient loin de leur chantier
». C’est plutôt qu’habitent le 16e arrondissement – beaucoup plus au nord – un
certain nombre d’employeurs pour lesquels la maisonnette individuelle, sa
propriété, l’épargne qu’elle suppose – il s’agit de devenir propriétaire en
vingt ans par le paiement d’un amortissement à 4% compris dans le loyer –, est
l’instrument de contention des « classes dangereuses ». Dollfuss, des filatures de Mulhouse, auquel la villa est en quelque
sorte dédiée, comme Dietz-Monnin,
dont une rue de la cité porte le nom, seront du congrès international
réunissant à Londres, en 1886, « les grands industriels et les financiers des
deux mondes » afin, écrit Paul Lafargue,
le gendre de Marx, « de rechercher
ensemble les moyens les plus efficaces d’arrêter le dangereux envahissement des
idées socialistes ».
La villa
Mulhouse comprend soixante-sept pavillons, édifiés à partir de 1880, un premier
groupe attenants, en frise, comme en Angleterre, un autre avec la cuisine en
sous-sol, là encore selon un modèle anglais. En général, les maisonnettes à
étage seront acquises par des employés, seules celles ne comportant qu’un rez-de-chaussée
l’étant par des ouvriers, « presque tous typographes ». Selon son
promoteur lui-même, « seulement 4% de la population ouvrière à Paris pouvait se
payer un loyer semblable ». Parmi les rares équipements collectifs – la règle
du genre étant plutôt le repliement imposé sur la vie de famille –, une
coopérative de consommation logée dans deux des pavillons.
Les canotières «
aiment l’amour et l’bal »
Un service de
bateaux à vapeur essentiellement estival, entre Paris et Saint-Cloud, s’étant
révélé prometteur, on envisage, dès les années 1860, la formation d’une «
Société pour le transport des voyageurs de Bercy à Neuilly ». Après l’ouverture
de l’écluse de Suresnes, en 1867, qui régularise le niveau de la Seine, et
l’Exposition universelle, la Société des bateaux-mouches voit effectivement le
jour, étendant son trajet jusqu’à Charenton. Le Point-du-Jour en devient le
point de départ vers l’amont, et la première escale à guinguettes et canotage
vers l’aval, avant celles du bas-Meudon, de Saint-Cloud, de Courbevoie. Au
Point du Jour, l’une de ces guinguettes est de Guimard, à l’enseigne du Grand-Neptune, sous le signe, comme
ailleurs, des fritures et des matelotes, du vin blanc et de l’omelette au lard.
Du café-concert des Ambassadeurs, sur les Champs-Élysées, où elle est créée en
1886, jusqu’à Suresnes, se chante la
Polka des Canotières : « Puis au bal, Au signal, Bacchanale, À faire rougir
le municipal. Surprenant, Épatant, Renversant, Cette façon de danser le cancan…
».
Le cross des As, 1932. Gallica |
Il y a un accès
noble et cavalier au bois de Boulogne, par l’Étoile et l’avenue de Neuilly (de
la Grande-Armée), celle de l’Impératrice (Foch) ou celle de Saint-Cloud
(Victor-Hugo). Il y a des transports populaires : le chemin de fer d’Auteuil et
« le chemin de fer américain », celui qui est tiré par des chevaux et part de
la place de la Concorde, longeant la Seine jusqu’à Saint-Cloud, enfin, les
bateaux à vapeur. Au bois de Boulogne, nous dit le guide Joanne en 1863, le
jour aristocratique est le samedi, qui a son acmé entre 4 h et 5 h de
l’après-midi ; « le dimanche, toutes les classes de la société s’y trouvent
représentées et confondues ». Après la loi sur le repos hebdomadaire et
dominical, enfin promulguée le 13 juillet 1906, la sieste sur l’herbe au bois
de Boulogne devient, en quelque sorte, le minimum syndical d’un dimanche
ouvrier.
Le Front
populaire, et l’arrêt de l’exploitation commerciale des bateaux-mouches qui l’a
précédé de peu, marquent un complet revirement de la géographie des guinguettes
entre l’aval et l’amont, et même entre la Seine et la Marne. Dorénavant, «
Quand on s’promène au bord de l’eau », comme le font Jean Gabin et ses poteaux dans La
Belle Équipe, c’est à Nogent, où l’on arrive par le chemin de fer partant
de la Bastille.
Près du chemin
des Vieux-Chênes, la butte Mortemart offre toujours de jolis points de vue sur
l’ourlet de collines festonnant la boucle qu’empruntait le bateau-mouche,
celles d’Issy, de Meudon, de Bellevue, de Saint-Cloud, de Suresnes et du mont
Valérien et, bien plus loin, celles de Montmorency et Saint-Leu. Désormais, le
« mont Valérien » évoque les heures les plus noires de l’Occupation, comme fait
la cascade, à son pied, avant Longchamp, où, dans la nuit du 16 au 17 août
1944, trente-cinq jeunes résistants, dont certains n’avaient pas 20 ans, la
plupart étudiants, étaient, après l’exécution, achevés à la grenade.
Après la guerre,
les réjouissances populaires retrouvent ici une postérité, à cette différence
qu’autour de la nappe étalée sur l’herbe, on s’interpelle en espagnol et en
portugais. Gardiens d’immeuble et gens de maison, issus de l’immigration
ibérique, sont les seuls habitants, le week-end, des beaux quartiers désertés
par leurs propriétaires. Le bois de Boulogne voit, à nouveau, sortir du panier
à pique-nique les melons qui avaient fait la célébrité de Bagatelle deux
siècles plus tôt.
De la rouvraie
au parc anglais
La forêt du
Rouvray – plantée de chênes rouvres – avait été dite « de Boulogne » en hommage
à Boulogne-sur-Mer où Philippe le Bel
avait fait un pèlerinage. François Ier
l’avait peuplée de cerfs et de chevreuils, entourée d’une muraille percée de
huit portes, coupée d’allées d’ifs et de cyprès en prévision de Champs-Élysées
au sens premier du terme, c’est-à-dire une nécropole. Le bois de Boulogne,
presque entièrement détruit par le campement des Alliés en 1814-1815, avait été
replanté sous la Restauration ; seuls quelques vieux chênes rouvres du XVIe
siècle avaient réchappé, du côté de la mare d’Auteuil. Sous le Second Empire,
il avait été diminué sur Auteuil, mais agrandi de deux cents hectares du côté
de Boulogne et de Longchamp : le mur d’enceinte était abattu, la forêt
remodelée en parc de type anglais.
Un hippodrome a
remplacé, à Longchamp, l’abbaye datant de Saint
Louis, lieu de pèlerinage qui était devenu l’arrivée d’un défilé mondain,
de Louis XV à Louis-Philippe, par-delà sa destruction en 1795. La procession
avait souvent pris des formes si impudentes que la Duthé, future maîtresse d’un frère et d’un cousin du roi, dans son
char doré tiré par six chevaux, était arrêtée au beau milieu de l’avenue de
Longchamp pour être conduite à la prison de For-l’Évêque, près du Louvre.
Si elles n’ont
plus rien, en 1863, de ce caractère extravagant, le guide Joanne décrit encore
les « fameuses promenades de Longchamp que la mode a prises sous sa protection
et par lesquelles il est d’usage d’inaugurer les toilettes de printemps ». Sous
le Second Empire, et jusqu’à la Première Guerre mondiale, le Grand Prix de Paris
clôture, à l’hippodrome, la « grande saison » mondaine, qui n’a commencé
qu’à la fin d’avril. Aussitôt, l’on part en villégiature, croisière et voyage
jusqu’à l’automne, saison des chasses, que l’on passe à la campagne et en
grandes réceptions dans les châteaux hospitaliers, avant l’hiver et la Riviera.
Quelques personnes du monde, malgré tout, feront bénéficier Paris l’hiver d’une
« petite saison » mondaine.
De l’autre côté
de la route du Champ-d’Entraînement, au bord de laquelle le roi anglais
démissionnaire, Édouard VIII, passa
son exil volontaire jusqu’en 1972, Bagatelle était né d’un pari du comte d’Artois avec sa belle-sœur, Marie-Antoinette. Une folie, à tous les
sens du terme, construite par Bélanger
et neuf cents ouvriers en soixante-quatre jours ! Pour en transformer le parc
en jardin anglais, Blaikie obtenait trois ans. Un mur de dix pieds de haut
séparait alors la maison des jardins : décidément, « ces gens n’ont pas de goût
pour les points de vue », soupirait l’Écossais. Après son passage, il n’y avait
plus de mur, mais un obélisque égyptien, un pont chinois, un grand rocher avec
une cascade, alimentée par une pompe des frères
Périer, … et des melons. Blaikie en cueillait le premier le 18 avril 1781.
Bientôt, la reine préférait ceux de Bagatelle à tous les autres. Le roi venait
parfois de la Muette jusqu’ici à pied, mais quand la cour était à Saint Cloud,
d’Artois emportait les fameux melons avec lui en y partant dîner.
On y montre les Nubiens plus encore que les animaux nubiens. J. Cheret, 1877. Gallica |
Alors qu’il ne
reste rien des nombreuses fabriques du jardin de Bagatelle, de la Folie
Saint-James (aujourd’hui à Neuilly) est demeurée une grotte dans un rocher,
fourrée d’un temple dorique. Blaikie trouvait cela « ridicule, car il n’y a ni
point haut ni montagne pour former cette énorme masse de rochers ». Il y voyait
« plus d’extravagance que de goût », et ne s’en étonnait point, ayant entendu
le comte d’Artois donner à Bélanger cette consigne : « J’espère que vous allez
ruiner Saint-James ». Ce qui fut
fait.
À proximité du
Jardin d’acclimatation, aux proustiennes promenades d’enfants sages dans des
carrioles tirées par des zèbres ou des autruches, le château de Madrid avait
été construit pour François Ier et revêtu de céramiques par Girolamo della Robbia. Presque tous les
rois de France y avaient abrité leurs amours. Colbert, plus prosaïque – il n’était pas roi –, avait installé une
manufacture dans ses communs, mais, pour rester dans la note, celle-ci
fabriquait des bas de soie. Mlle de
Charolais, à qui Louis XV donna ces communs, le Petit-Madrid – une
trentaine de bâtiments, tout de même –, y reçut ses amants. Un restaurant
s’installa, sous le Second Empire, dans ce qu’il en restait de vestiges. La
construction, reprise en immeuble d’habitation, agrandie et surélevée, a été
ornée d’un riche décor néo-Renaissance vers 1910.
Au Bois, dans
les allées d’Haussmann, Alphand et Davioud, qui serpentent
autour de ces quelques grands restes, des joggers émaciés en sportswear de prix
font comme les promoteurs dans les rues hautement spéculatives : ils conservent
la façade.
Le bois de
Vincennes, exotique
Le bois de
Vincennes est célèbre pour la justice de Saint
Louis comme pour l’illumination de Jean-Jacques
Rousseau, l’une et l’autre sous un chêne. Dans les années 1240, c’est Saint
Louis : « maintes fois il advint qu’en été il allait s’asseoir au bois de
Vincennes après sa messe, et s’accotait à un chêne, et nous faisaient asseoir
autour de lui. Et tous ceux qui avaient affaire venaient lui parler, sans
empêchement d’huissier ni d’autres gens », assure Joinville. Cinq siècles plus tard, il faut à Rousseau, sur le
chemin du château, trouver le moyen de marcher moins vite pour ne pas risquer
le coup de chaleur. « Je m’avisai, pour modérer mon pas, de prendre quelque
livre. Je pris un jour le Mercure de
France, et tout en marchant et le parcourant, je tombai sur cette question
proposée par l’Académie de Dijon pour le prix de l’année suivante : Si le
progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs.
À l’instant de cette lecture je vis un autre univers et je devins un autre
homme. »
Marc Seguin, ingénieur, à l'origine de la ligne Lyon-St-Etienne. Gallica |
L’inspiration
qui le visite soudainement est aussi brutale que le coup de chaleur redouté :
étourdissements, palpitations, crises de larmes. « En arrivant à Vincennes
j’étais dans une agitation qui tenait du délire. Diderot l’aperçut : je lui en dis la cause, et je lui lus la
prosopopée de Fabricius, écrite en crayon sous un chêne. Il m’exhorta de donner
l’essor à mes idées, et de concourir au prix. Je le fis, et dès cet instant je
fus perdu. Tout le reste de ma vie et de mes malheurs fut l’effet inévitable de
cet instant d’égarement. »
Jusqu’à la
Révolution, le bois est interdit aux « chariots, charrettes, fourgons et autres
voitures publiques » ; seuls les « gens de pied » sont admis à y passer, à
leurs risques et périls si la chasse bat son plein. Le château est contemporain
de la Bastille et, comme elle, prison d’État de Louis XI à 1784. Il était resté intact depuis sa réfection de 1380,
malgré l’ordre donné par Louis XVI
de le vendre ou de le démolir, et c’est le XIXe siècle qui, en l’attribuant à
l’armée, l’a dénaturé.
En 1860, l’État
impérial, désireux d’affirmer son sens de l’équilibre, décide de réitérer au
bord des faubourgs populeux ce qui vient de se faire au bois de Boulogne. Il
cède à la Ville ces mille hectares d’arbres, si l’on y inclut le polygone
affecté aux manœuvres militaires, qui les coupe en deux et est aussi dénué de
feuilles que le bois d’une crosse de fusil. Au bord de cette zone désertique,
la présence d’une pyramide rappelant que la forêt de Vincennes avait été
entièrement reboisée par ordre de Louis
XV en 1731 semblait légèrement ironique. C’est moins vrai depuis que le
Parc floral, en 1969, y a été installé. Il reste, des arbres de Louis XV, un
exemplaire près du lac artificiel des Minimes, dont une île, qui tout aussi
artificielle, s’est vue ornée de vestiges du couvent fondé par Louis VII le Jeune en 1155.
Destin des lieux
: il est curieux de penser que le bois de Saint Louis, le roi croisé qui passa
sept années à guerroyer d’Égypte en Tunisie, allait devenir, six ou sept
siècles plus tard, le bois de Lyautey,
le bois de l’expansion coloniale. Sur un fond de jardin à l’anglaise avec
ruisseaux, cascades et lacs dus à l’ingénieur Alphand, les fleurons du bois de
Vincennes, hormis le vaste champ de courses installé dans la plaine de Gravelle
en 1863, nous viennent presque tous du temps des colonies. Le jardin tropical
dont la Ville de Paris vient de récupérer une partie, est l’ex-« jardin
colonial », établissement public industriel et commercial chargé de recherches
agronomiques sur les pays chauds, fondé en 1899 et installé ensuite dans les
pavillons du Maroc, de la Tunisie, du Congo et de l’Indochine rapatriés de
l’Exposition coloniale de Marseille de 1906.
Le réseau
routier tracé à travers le bois, son éclairage électrique, sont des vestiges de
l’Exposition coloniale de Paris de 1931. En dépit des tracts du Secours rouge
international, en dépit de ceux que distribuent les surréalistes : « Ne visitez
pas l’Exposition coloniale » ; malgré l’action de la CGTU et d’une Ligue contre
l’oppression coloniale que préside Albert
Einstein, plus de cinq cent mille visiteurs, en six mois, vont visiter
cette exposition que le ministre des Colonies, Paul Reynaud, a inaugurée en affirmant que « l’idée coloniale doit
désormais faire partie intégrante de l’idée de citoyen ».
« La vérité sur
les colonies », la contre-expo organisée par la CGTU et Einstein dans l’ancien
pavillon soviétique de l’exposition des Arts Déco de 1925, n’en accueillera, du
19 septembre au 2 décembre, que quatre mille cinq cents. S’en est-on consolé en
se disant que les gens allaient à Vincennes surtout pour le Parc zoologique,
qui vit affluer cinquante mille visiteurs dès le premier dimanche ? Un zoo
strictement colonial, lui aussi, réservé à la faune de nos territoires
africains, donc sans tigres, ces félins-là appartenant à la couronne
britannique.
L’immense rocher
artificiel de près de soixante-dix mètres de haut nous vient de l’Expo de 1931,
comme le Temple bouddhique tibétain, comme, bien sûr, le musée des Arts
d’Afrique et d’Océanie, où se voit encore le salon de Lyautey, commissaire
général de l’Exposition. Il est devenu Cité nationale de l’histoire de
l’immigration.
De 1945 à 1956,
la « Fête de l’Huma » se tint chaque année au bois de Vincennes, sur les
cinquante-cinq hectares de la clairière de Reuilly. En 1946, ce rassemblement
festif sera dit, dans la presse communiste, constituer « la deuxième ville de
France » ; le nombre des participants en fera encore « la quatrième ville
française » en 1952.
Il y a donc dès
la Libération, et pour une décennie, une nouvelle capitale des ouvriers à côté
de Paris qui a cessé de l’être. D’autant que la capitale est passée au parti
gaulliste RPF aux élections municipales de 1951. Un RPF qui va disputer au
Parti communiste le bois de Vincennes, en y organisant, de 1947 à 1953, une «
Fête de la jeunesse, du travail et du sport », qui accueille, comme l’autre,
des stands de Renault, de Citroën, de la Snecma, d’Alsthom, d’EDF,
d’Hispano-Suiza ou de la SNCF. Le 5 octobre 1947, le RPF y réunit sept cent
mille personnes, à l’en croire (cent cinquante mille, selon la police,), tandis
que le PC en avait rassemblé un million le 8 septembre (de cent cinquante à
deux cent mille, selon la police).
Jean-Baptiste Chaverot, anarcho-syndicaliste du P.L.M. haranguant les grévistes le 25/2/1920. Gallica |
À compter de
1952, la vignette d’entrée à la « Fête de l’Huma » fait participer à une
tombola, dotée d’une 4 CV Renault comme premier prix, qui en fait vendre cinq
fois plus que l’année précédente.
Un Parc floral a
succédé, en 1969, à l’ancien polygone d’artillerie de 1796, et, dans la
cartoucherie de Vincennes, s’est installé le Théâtre du Soleil. « Nous ne
sommes ni une communauté contemplative ni un groupe de gens “différents” »,
assure Ariane Mnouchkine, sa
fondatrice. « Nous n’avons de vie communautaire que dans le travail. Nous avons
les mêmes buts, nous poursuivons les mêmes intérêts et nous avons choisi le
même genre de vie. »
En 1970, cette
troupe y donne 1789 - La révolution doit
s’arrêter à la perfection du bonheur, dont les narrateurs sont des
bateleurs qui racontent au peuple ce qu’ils ont appris. En 1972, c’est 1793 - La cité révolutionnaire est de ce
monde, où ce sont les sectionnaires de Mauconseil qui font le récit des
événements ; en 1975 vient L’Âge d’or. Première ébauche.
Le professeur Bernard Dort est, un jour, dans leurs
murs, avec ses étudiants de la Sorbonne, pour assister au travail collectif.
Ariane Mnouchkine, qui n’est pas comme lui une intellectuelle de haute volée,
mais une femme de terrain, force le vieux théâtrologue brechtien, s’il veut
pénétrer sa méthode, à improviser avec la troupe, et tenez, par exemple, à
mimer un chien. Ça ne va évidemment pas de soi pour le digne théoricien, mais
il s’efforce consciencieusement de grogner, gratter, lever la patte et
frétiller, jusqu’à finir par mordre à belles dents dans les fesses de la
dramaturge. Après quoi, il téléphone à la fac pour modifier, tout en continuant
de japper, l’intitulé de sa communication à un prochain colloque : « Un chien
dans le théâtre de Brecht ».
L’anecdote n’est
sûrement pas à prendre au pied de la lettre, c’est seulement ainsi que Philippe Caubère l’amplifie jusqu’au
burlesque dans Ariane, le pénultième
épisode de L’Homme qui danse.