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Le 11e : des couvents, de drôles d'oiseaux

L'occasion de ce parcours a été une balade menée pour la librairie Violette and Co, 102 rue de Charonne.



            125, rue de Charonne (2, imp. Delaunay), PLU : Maison du 18siècle ; porte surmontée d’un mascaron féminin ; appuis de fenêtres en fer forgé. Décor sans doute revu début 19e pour les frontons plats des baies du 1er étage. Bel escalier du 18e à rampe en fer forgé conservé.

Métro Charonne. Ce qui va tragiquement alourdir le nom de Charonne, jusque-là vide de tout sens et sans autre exemple dans la toponymie française, c’est le 8 février 1962. Après une « nuit bleue » d’attentats de l’OAS – qui a laissé une enfant de quatre ans défigurée –, à l’appel du Comité Audin, de tous les partis de l’opposition et des syndicats hormis Force Ouvrière, cinq rassemblements, formés non loin, tentent de converger vers la Bastille. Une partie de ce cortège disloqué, pas plus de trois mille ou quatre mille personnes, remonte vers la Nation, dépasse la mairie du 11e et arrive à la hauteur de la station de métro Charonne à 19 heures 30. La police barrant la chaussée, on s’arrête ; lecture est faite d’une déclaration unitaire, et la dispersion annoncée. Les forces de l’ordre chargent soudain la tête du cortège, composée d’élus communistes ceints de leur écharpe, et d’autres compagnies d’intervention de la Préfecture de police viennent prêter main forte à des matraquages sauvages ; une partie de la foule bascule dans les escaliers du métro, s’y étouffe d’autant mieux que la police jette sur elle des grilles d’arbre en fonte. Il y aura neuf morts, tous syndiqués CGT, huit d’entre eux membres du PCF.
            Le 13 février 1962, de cinq cent mille à un million de personnes suivront jusqu’au Père-Lachaise les funérailles des quatre victimes parisiennes, les cinq autres étant enterrées à Montreuil.

L'impasse Bon Secours rappelle le couvent de Notre-Dame-de-Bon-Secours, fondé en 1648, qui aura possédé, tellement les veuves qui en avaient fait leur séjour étaient joyeuses, une salle de bal construite vers 1770 par Louis, l’architecte du Grand-Théâtre de Bordeaux, salle de bal qu’auront pu voir, remontée au pavillon français, les visiteurs de l’Exposition universelle new-yorkaise de 1939. Le couvent s'étendait de la rue de Charonne à celle de la Roquette. Le jouxtant de ce côté-là, et sans doute emporté par les percements du bd du prince Eugène (devenu Voltaire) en 1864, et de l'av. Ledru-Rollin en 1931, s'élevait le coquet hôtel bâti par l’architecte Dulin en 1708 pour Nicolas Dunoyer, secrétaire du roi, ancien greffier en chef au parlement de Paris. L’homme était l’oncle d’Olympe, dite Pimpette, le premier amour d’Arouet alors âgé de 19 ans. Le Régent triompha ici « des fragiles scrupules de Sophie de Brégy, comtesse d’Averne. », et Voltaire le remerciera pour elle, en vers dont voici la dédicace : A SAS Mgr le duc d’Orléans, régent, au nom de Mme d’Averne au sujet d’une ceinture qu’elle avait donnée à ce prince.
Après, le savant Réaumur s’intéressera dans cet hôtel aussi bien à l’acier qu’aux invertébrés, y inventera le thermomètre à alcool en 1731. « En 1753, M. le comte de Clermont qui cherchait une retraite discrète loin des regards curieux en devient propriétaire, écrit Capon. Il y fit peu de changements, et sur l’emplacement des laboratoires de son docte prédécesseur s’éleva un théâtre élégant ». Carmontelle composa pour le divertissement du duc d’Orléans (père de Philippe-Égalité), dont il était le lecteur, et de ses familiers, au Raincy et à Charonne, un très grand nombre de saynètes faiblement intriguées, mais agréablement conduites dont un proverbe fournissait parfois le titre et plus souvent encore le mot de la fin.

Mitoyenne encore de Bon-Secours, « l’académie » de Charonne : de 1713 à 1718, soit de ses 9 à ses 14 ans, Duclos y est élève : « Cette pension, très célèbre autrefois, dit-il en ses fragments de Mémoires, mérite que j’en parle. Le marquis de Dangeau, à qui Boileau a dédié sa cinquième Satire, forma cet établissement. Comme il était grand’ maître de l’Ordre de Saint-Lazare, il se chargea généralement de l’entretien et de l’éducation de vingt jeunes gentilshommes, qu’il fit chevaliers de cet Ordre, et les rassembla dans une maison de la rue de Charonne, en bon air, avec un jardin, mur mitoyen du couvent de Bon-Secours. Il y établit un principal instituteur qui choisissait les autres, ce qui n’empêchait pas le marquis et l’abbé de Dangeau, son frère, de venir de temps en temps inspecter la manutention et l’ordre de la maison. Les enfants qu’il y plaçait étant trop jeunes pour les armes et l’équitation, la base des exercices était la lecture, l’écriture, le latin, l’histoire, la géographie et la danse. On imagine bien que la sublime science du blason n’était pas oubliée dans une éducation destinée à des gentilshommes dont chacun l’aurait inventée, si elle ne l’était pas. C’était aussi, avec la grammaire, ce que l’abbé de Dangeau affectionnait le plus. Il a été un très bon académicien, un fort grammairien, et a porté dans cette partie beaucoup de sagacité. Lui et son frère étaient véritablement des gens de lettres; j’en parle comme je le dois dans l’Histoire de l’Académie. Quoique la maison que le marquis de Dangeau avait établie fût originairement et particulièrement destinée à des élèves chevaliers, il avait permis qu’on y admît d’autres enfants dont les parents payaient la pension, ne fût-ce que pour exciter l’émulation commune. »

En 1802, Richard et Lenoir installaient leur manufacture dans l'ex couvent de Bon-Secours. Les deux hommes avaient réussi à fabriquer le « basin anglais », cette étoffe à la chaîne de fil et à la trame de coton, que l’on devait auparavant importer. « Nous avons mené les uns et les autres une rude guerre à l’Angleterre, mais jusqu’ici le fabricant a été plus heureux que l’empereur », les félicita Napoléon lors d’une visite.
François Richard, à la mort, prématurée, de son associé Joseph Lenoir-Dufresne, décida d’en perpétuer le souvenir en accolant son nom au sien pour s’appeler désormais François Richard-Lenoir. Il mourut ruiné par la Restauration qui avait supprimé les droits de douane sur les produits anglais. C’est peut-être pourquoi, à l’inauguration d’un boulevard, en décembre 1862, alors qu’on lui proposait pourtant de rendre hommage à sa mère, la reine Hortense, Napoléon III avait insisté pour que lui fût attribué le nom « d’un ancien ouvrier » qu’avait apprécié son oncle.

            8, impasse Bon Secours : arrière du 166 bd Voltaire, PLU.

            10, impasse Bon Secours (arrière du 6, rue Gobert), PLU : façades brique et métal des bâtiments industriels sur cour. La 2e cour, en partie sous verrière, est délimitée par des bâtiments industriels fin 19e-début 20e siècle d’une grande unité. Pavages anciens dans les 2 cours.

            166, bd Voltaire, PLU : le bâtiment sur rue, d’un classicisme haussmannien, s’intègre à la séquence monumentale ordonnancée du bd Voltaire. La cour d’activité, contemporaine du bât. sur rue, fut réaménagée vers 1930 : adjonction d’une verrière avec fontes art déco qui fait de l’ensemble un espace unique à atrium central, du type grand magasins.

On poursuit jusqu'à la rue Mercœur. Avec la rue Auguste-Laurent, c'est l'ancienne rue des Murs-de-la-Roquette, dont l’équerre longeait le coin de l’enclos des hospitalières de la Charité-Notre-Dame, installées ici sous Louis XIII.

Suchard, 10 rue Mercœur. Le chocolatier suisse s’était installé ici en 1905 ; il y employait 360 ouvriers. Au n°23, on trouvait une coopérative de production de biseauteurs et polisseurs : la Renaissance.

On croise la rue Léon Frot - la rue Saint-Maur, l’une des rares tangentes de la capitale, celle qui joignaitt l’abbaye de Saint-Denis à celle de Saint-Maur-des-Fossés.

Sur l’enclos des hospitalières de la Roquette, s’élèvera en 1836 la prison servant de dépôt des condamnés, qui vient remplacer Bicêtre, et qui disparaîtra à la fin du 19e siècle : la Grande Roquette, dont l'entrée est au 168.
Sur les 5 pierres de la guillotine, au bout de la rue Croix-Faubin, c'est-à-dire devant la Grande Roquette, dès le début du Second empire et jusqu’en 1899, un spectacle véritablement sanglant a lieu au petit jour. Le 18 janvier 1870 au soir, à 11 heures, rendez-vous est pris par Maxime Du Camp et Ivan Tourgueniev devant la statue du prince Eugène (à l’emplacement de l’actuelle place Léon Blum), d’où l’on montera jusqu’à la Grande-Roquette toute proche. A leur arrivée, la foule qui attend là tous les jours est parcourue d’une onde ; « - On vous prend pour le bourreau », explique Du Camp au géant russe qui en a la stature. On gagne les bureaux du commandant de la place, on ressort voir assembler la guillotine, et retour à l’appartement directorial où l’on somnole entre le punch et le chocolat, servi à l’arrivée de l’aumônier, à 6 heures. A 6 h 20, un groupe de quatorze personnes se dirige vers la cellule du condamné pour quarante minutes d’un cérémonial absurdement compliqué avant que sa tête ne tombe.
Dans l’après-midi du 26 mai 1871, cinquante otages seront tirés de la Roquette : trente-six gardes de Paris, arrêtés pour la plupart le 18 mars, lors de la prise des canons de Montmartre, dix ecclésiastiques, et quatre civils, censément d’anciens mouchards de la police.
En face, est déjà debout depuis 1830, une maison d’éducation correctionnelle, destinée aux mineurs de moins de 16 ans sur décision judiciaire, et aux mineurs quel qu’en soit l’âge sur requête paternelle. Puis ce sera une prison de femmes, où seront enfermées des femmes de la Résistance à l'occupant nazi, puis à la guerre d’Algérie : Hélène Cuénat, par exemple, arrêtée en février 1960, emprisonnée à la Petite Roquette, jugée et condamnée à 10 ans de prison. « Ex-membre de la cellule communiste de la Sorbonne. Elle était la maîtresse de Francis Jeanson. Une tigresse, ont dit d'elle les policiers qu'elle a couverts d'injures », selon Paris-Presse. Elle s'évadera avec cinq de ses compagnes, en février 1961, en sautant le mur de la rue Merlin.
La Petite Roquette. Agence Meurisse, 1913. Gallica

On revient par la rue Auguste Laurent jusqu'à la rue Gobert.

            12, rue Gobert, PLU : villa de 1876, qui fait transition entre la séquence haussmannienne du bd Voltaire et l’hôtel particulier du n°10.

            10, rue Gobert, PLU : hôtel particulier du dernier tiers du 19e siècle mais de style classique 17e ou 18e siècle, courant plaine Monceau mais rare ici.

            6, rue Gobert, PLU : façade de caractère post-haussmannien de l'immeubles de rapport, de 1901, qui contraste avec l'arrière déjà vu.

            Gymnase municipal Japy, 1 rue Japy, PLU : marché couvert en 1870, reconverti en gymnase en 1884. Le Congrès général des organisations socialistes, du 3 au 8 décembre 1899, y est une première tentative de regroupement à la suite de l’inquiétude née de l’affaire Dreyfus. Allemane s'y rallia à l'idée de l'unité et convia chacun à dire : " j'ai piétiné sur mes haines, j'ai piétiné sur mes rancunes ".
            L’Internationale y devint l’hymne du mouvement ouvrier français, elle supplanta définitivement la Marseillaise et la Carmagnole quand elle fut chantée ici lors de ce congrès.
Ecrite à la fin de la Commune, alors qu’Eugène Pottier se cachait, elle n’avait été mise en musique qu’en 1888 par Pierre De Geyter, un ouvrier lillois. La partition n’en était publiée qu’en 1894, et aussitôt condamnée pour « incitation à la désertion » - c’était l’année où, en juillet, étaient votées les lois scélérates contre les anarchistes et les socialistes -, mais elle avait continué d’être chantée dans la fédération lilloise. Aujourd’hui, elle prenait son essor. « J’étais à côté de Jaurès au moment où l’on chanta l’Internationale, il grimaça quand on en arriva à nos balles qui sont pour nos propres généraux » raconte Charles Rappoport.
            Après les divergences concernant la participation ministérielle - celle du socialiste indépendant A. Millerand dans le ministère Waldeck-Rousseau, à l’été -, qui était condamnée au congrès par guesdistes et blanquistes comme contraire à la lutte des classes, par 818 voix contre 634, même si in fine les guesdistes l’admettaient dans « des circonstances exceptionnelles », les rancunes sinon les haines allaient ressurgir. Guesdiste et vaillantistes rompaient l’unité dès 1900 pour fonder le Parti Socialiste de France, ce qui ne leur portait pas chance aux municipales de 1904, à Paris. Tandis qu’autour de Briand et de Jaurès se créait le Parti Socialiste Français, en 1902, alors que la grève des terrassiers parisiens, la plus forte agitation sociale dans la capitale depuis la Commune, battait son plein.
            C’est à Japy, du 22 au 24 avril 1920, que se tient le 3ème congrès de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer, où la majorité va basculer au sein des 374 000 syndiqués, rendant possible l’appel à la grève générale illimitée au soir du 1er mai pour imposer la nationalisation des chemins de fer.
            Dans ce lieu où l’on évoque le plus souvent l’oppression des patrons, Marcel Cachin déclare le 7 mars 1925 : "Il ne faut pas que la femme subisse deux patrons : son employeur et son mari".
            Le congrès de la CGT qui s’ouvre le 15 septembre 1931 y repousse par 4 678 voix contre 195 la proposition d’un congrès de fusion qui émane des « 22 » responsables unitaires du Comité pour l’Indépendance du Syndicalisme, qui mènent campagne dans le Cri du Peuple, journal lancé par la minorité de la CGTU réclamant un retour à la Charte d’Amiens avec les fédérations des dockers, de l’alimentation et du livre. Jouhaux leur propose simplement d’adhérer à la CGT.
            Le 14 mai 1941, 5 000 juifs de Paris sont convoqués au gymnase Japy, à la caserne des Minimes, rue de la Grange-aux-Belles ou rue Edouard Pailleron, antichambres du voyage sans retour de leur déportation.
            Le 25 septembre 1948, le RPF, soucieux de s’affirmer au cœur des bastions ouvriers, y tient meeting. La police boucle les abords du gymnase très à distance de la salle, ce qui n’empêche pas les heurts avec la contre-manifestation communiste, qui feront un blessé grave.


Par la rue Richard Lenoir, on arrive face au

Palais de la Femme. Après que la manufacture Richard-Lenoir y eut possédé des annexes, au temps de ses succès, dans les quarante-deux hectares de l’ancien couvent, les Filles-de-la-Croix, à la Restauration, l'avaient réintégré. Fondé en 1639, Cyrano de Bergerac y était peut-être mort à l’époque où sa tante Catherine en était la prieure. Le cinquième acte de la pièce d’Edmond Rostand s’y déroule tout entier :
« Ragueneau, ne pleure pas si fort ! (...) Qu’est-ce que tu deviens, maintenant, mon confrère ?
— Je suis moucheur de… de… chandelles, chez Molière.
— Molière !
— Mais je veux le quitter, dès demain ;
Oui, je suis indigné !... Hier, on jouait Scapin,
Et j’ai vu qu’il vous a pris une scène !

Le Bret —Entière !
— Oui, Monsieur, le fameux : “ Que diable allait-il faire ?... ”
(…)
— Oui, ma vie
Ce fut d’être celui qui souffle – et qu’on oublie ! (…)
C’est justice, et j’approuve au seuil de mon tombeau :
Molière a du génie et Christian était beau ! »
           
            À l’emplacement du couvent, un hôtel s’est construit au début du XXe siècle, dont l’Armée du Salut a fait un Palais de la femme de sept cent quarante-trois chambres à la fin des années 1920.

            89, rue de Charonne, PLU : bâtiment du 18e siècle, situé dans la perspective de la rue Faidherbe. Par celle-ci on va jusqu'au :

            9, rue Chanzy, PLU : maison de 1902 en brique et pierre ; répertoire art nouveau pour la porte d'entrée, le soupirail, la cave et les ferronneries.

Si l’on a élevé en 1712 au rang paroissial l’église Sainte-Marguerite que le curé de Saint-Paul avait fait bâtir, près d’un siècle plus tôt, comme sépulture pour les membres de sa famille, et succursale de l’église mère, c’était pour mettre fin à une situation intolérable : « les libertins et les nouveaux réunis [les huguenots ramenés de force au catholicisme], qui sont en très grand nombre dans le faubourg, n’étant pas veillés de près, se dispensent même du devoir pascal sans crainte d’être connus, parce qu’ayant la liberté de satisfaire à ce devoir à Saint-Paul ou à Sainte-Marguerite, on ne peut y découvrir ceux qui y manquent. Cette même liberté d’aller à Saint-Paul ou à Sainte-Marguerite fait que les enfants dudit faubourg ne sont ni à l’une ni à l’autre de ces deux églises, et ne reçoivent aucune instruction ».
            C’est dans le cimetière attenant à Sainte-Marguerite, côté nord, que sera inhumé le dauphin mort au Temple. C’est dans l’église paroissiale que sera transporté, au moment de la destruction de l’église Saint-Landry de la Cité, le beau monument élevé par Girardon à la mémoire de sa femme.
            Le beau décor 18e siècle de la chapelle des Ames du Purgatoire de Paolo Antonio Brunetti (1723-1783) et Gabriel Briard (1729-1777), vue perspective d'un temple avec colonnes et frises en trompe-l'œil, vient d'être restauré (cliquer ici).
(c) Mairie de Paris - Jean Marc Moser

            77, Charonne, PLU : Immeuble de rapport sur rue, de 1886 ; immeuble industriel sur cour de la même époque (1884) sur plan en U avec coursives continues ; pavage ancien.

            78, Charonne (43, St-Bernard), PLU : Maison 1ère moitié 17e siècle à pignon et pans de bois décrite en 1642. ISMH depuis 1997. Le bâtiment qui la complète rue St-Bernard est typique du milieu du 18e s.

            69, Charonne (et 1-3 Basfroi), PLU : maison d’angle d’origine du 18e siècle, 4 lucarnes anciennes pour le comble sur la rue de Charonne. Au 3, rue Basfroi, bâtiment secondaire de même période, remarquable porche cintré. Dans la cour, pavage ancien et atelier 1900 en bois et brique.

            65, Charonne, PLU : maison du tournant 17e-18siècles; escalier 17e s. à balustres. A l’arrière, bâtiment mixte atelier/habitation de la fin du 19; pavage ancien.

            59, Charonne, PLU : immeuble de rapport mi-19e siècle ouvrant sur cour où bâtiment à usage mixte mi-19e et atelier vitré de 1900.

            44, rue Trousseau, PLU : maison d’aspect 17siècle; escalier en bois rampe sur rampe à balustres ronds conservé.

                   22, rue Trousseau, angle rue de Candie :

          12-14, Trousseau, PLU : maisons caractéristiques du faubourg St-Antoine, à l’ancien alignement.

            147, rue du Fbg St-Antoine (et 2, rue Trousseau), PLU : milieu 18e, sur noyau début 17siècle; façade monumentale sur la rue du Fbg, avec ferronneries de belle qualité, et façade atypique rue Trousseau semi aveugle. Escalier tournant à rampe à barreaux carrés engagés. Comble ajouté vers 1860.

            Barricade de Baudin (plaque sur le n°151). A l’aube du 3 décembre 1851, une vingtaine de représentants arrivent salle Roysin (voir plus bas), attenante au Café des Peuples. L’accueil qu’on leur fait est glacial. « Ce faubourg tant caressé, tant prôné n’a soufflé mot », écrira Proudhon avec mépris. Pourtant, au croisement avec la rue Cotte, quelques ouvriers de la rue Sainte-Marguerite (auj. rue Trousseau) ont élevé une barricade symbolique, faite de deux petites voitures, d’un omnibus, d’une charrette à foin. Schoelcher les harangue en vain, Charamaule tente de leur faire honte : « Vous n’êtes donc plus des enfants de Paris ? », les moquant de courber l’échine devant l’absolutisme comme des sujets des empires de l’est. Pendant que sept de ses collègues vont au devant d’un bataillon qui arrive de la place de la Bastille, Alphonse Baudin, représentant de l’Ain à l’Assemblée législative de 1849,  monte le drapeau à la main sur la barricade. Aux ouvriers répondant à l’appel aux armes qu’on leur fait : « - On ne va pas se faire tuer pour vos 25 francs ! », Baudin aurait répliqué crânement : « Vous allez voir comment on meurt pour 25 francs par jour ! », mais l’anecdote paraît fabriquée, si l’on en croit Georges Duveau. Toujours est-il qu’un coup de feu part des rangs républicains (peut-être tiré par un provocateur), et que les soldats ripostent, tuant Baudin. Sa mort, toujours à suivre Duveau, passe complètement inaperçue : Baudin, qui avait présidé le Club de l’Avenir, vivait pourtant au milieu des ouvriers du faubourg Poissonnière ; c’était un personnage familier pour les typographes, les lithographes, les cartonniers qui habitaient autour de la place du Caire, mais rien ne bouge. La barricade, elle, est emportée par trois compagnies du 19e léger. « Ici  se termine l’histoire révolutionnaire du faubourg car, par la suite, la population ouvrière fut plus dispersée dans Paris » conclut Guy de la Batut.
En 1868, un livre rappelant « la barricade livide dans l’aurore », comme l’écrira Hugo, et la mort de Baudin provoque des manifestations sur la tombe du républicain, retrouvée au cimetière Montmartre. Une souscription est lancée par le Réveil de Delescluze pour l’érection d’un monument. Elle lui vaut la correctionnelle, comme à d’autres souscripteurs, pour « excitation à la haine du gouvernement » ; Gambetta assurera leur défense. Le monument ne sera érigé qu’après la chute de l’empire, en 1872. A l’occasion du centenaire de la révolution, en 1889, les cendres de Baudin sont transférées au Panthéon. Décrivant les combats de la Libération de Paris, à la fin d’août 1944, Albert Ouzoulias écrira encore : « Dans le 11e, où mourut Baudin en 1848 (sic), il y a une barricade presque tous les cent mètres ».

            151 Fbg St-Antoine, PLU : sur rue, bâtiment fin 17e – début 18e siècles, avec reprise vers 1850. Escalier à limon tournant avec rampe à barreaux en col de cygne ; cour et bâtiment sur cour de 1874.

            157, Faubourg Saint-Antoine, la salle Roysin décrite par Hugo (voir balade Victor et Louise), puis La Coopération des Idées, Université populaire. La Coopération des idées est un hebdomadaire : un « journal populaire d’éducation et d’action sociales, au service des Universités populaires, des syndicats, coopératives, sociétés de secours mutuel, etc. », dirigé par le typo Georges Deherme, fondateur de la première Université populaire, rue Paul Bert, dans le 11e arrondissement. La revue donne son nom à l’Université populaire quand celle-ci est transférée ici, où Deherme installe aussi dès 1899 un Théâtre du Peuple et une coopérative de consommation.
            Pendant la guerre de 1914-18, les membres de la Muse Rouge qui avaient été réformés s'y retrouvaient pour continuer de chanter à mi-voix leur opposition à la boucherie. De cette « rue refuge de pacifistes », ils partaient chanter pour les Jeunesses républicaines du 3e arrondissement, comme pour l’Avenir social, le foyer d’accueil de Madeleine Vernet, passé de Neuilly-Plaisance à Epône, qui deviendrait l’orphelinat du mouvement ouvrier français.
            Le Club du Faubourg s’y réunit aussi, où Dada organisera deux de ses manifestations, les 7 et 19 février 1920.

            Au n° 159, boulangerie Astier, voir ci-dessous.

            163, Fbg St-Antoine, PLU : sur rue, maison du 17e avec retour sur cour vers 1830 ; l’une des plus anciennes du Fbg. Lucarnes passantes en mitre. Escalier à volée droite, rampe en bois et balustres ronds. Ateliers et logements sur 2 cours construits tout au long du 19e siècle.

            165 Fbg St-Antoine ( et 1, Forge Royale), PLU ; le travail des fondations (fenêtres de guingois) et le fruit de la façade dénotent l’ancienneté d’un immeuble repris à la période haussmannienne. Escalier à limon tournant à rampe à barreaux engagés.
Ici se trouvait la boulangerie Baudon, qui comme la boulangerie Astier est pillée le 30 septembre 1846. Ce jour-là, à la fermeture des ateliers, peu après 8 heures du soir, les ouvriers trouvent les boulangeries vides ou se disposant à fermer : une augmentation de la taxe sur le pain ayant été annoncée pour le lendemain, les habitants ont pris leurs précautions. Les ouvriers sont plutôt d’avis que les boulangers stockent avant l’augmentation. Des pierres volent, 200 personnes s’ameutent, ouvriers et femmes mêlés, que la garde ne parvient pas à disperser. Le flot monte et, entre 10 heures et 11 heures du soir, de nombreuses boutiques sont dévastées. On crie : Le pain à 12 sous ! (soit 60 centimes ; le pain fait 2 kilos). On dépave, on casse les becs de gaz dans le faubourg et les rues avoisinantes, les vitres sont brisées. Les hommes chantent la Marseillaise, les femmes réclament du pain et les enfants jettent des projectiles. Une barricade s’édifie au débouché de la rue Lenoir (auj. d’Aligre). Des bandes partent pour ameuter les faubourgs ouvriers Saint-Jacques et Saint-Marceau. La troupe intervient, fait de nombreux blessés et les premières arrestations, essentiellement parmi de jeunes ouvriers de 15 à 20 ans. L’ordre ne sera totalement rétabli que le 4 octobre après que tout l’espace compris entre la place de la Bastille et la place du Trône (auj. de la Nation) aura été occupé militairement. Les procès commencent quatre semaines plus tard : parmi les inculpés, beaucoup d’ouvriers allemands, qui seront expulsés, comme Engels l’écrit à Marx dans une lettre de décembre.
            Dès la mi-novembre, les bureaux de bienfaisance distribueront des « bons de pain » permettant d’acheter celui-ci à 40 centimes le kilo pour le pain blanc et à 32 centimes le kilo pour le pain bis ou pain de ménage. Mais l’égalité dans l’accès au pain blanc reste un principe auquel la population ouvrière parisienne est particulièrement attachée, et toutes les tentatives de lui faire changer ses habitudes de consommation en faveur d’un pain moins cher demeureront vaines.

            1bis-3, rue de la Forge Royale, PLU : immeuble issu du lotissement vers 1770 de la Forge Royale du 1 bis au 5 (impasse prolongée au-delà en 1854) ; arcatures découpant le niveau d’entresol ; comble ajouté vers 1860. Escalier à limon tournant et rampe à barreaux carrés engagés de forte section.

            5-9 Forge Royale, PLU : n°5, idem ci-dessus ; 7-9 vers 1880 ; escalier à limon tournant et rampe à barreaux en col de cygne.

            18, rue Saint-Bernard, PLU : immeuble de rapport 1800, décor néo-classique, porte reprise vers 1840 ; sur le passage G11, 2nd bâtiment 1800. Entre les deux, cheminée de forge en métal et brique vers 1880.

            11, rue St-Bernard, PLU : début 19; escalier à volée droite, rampe à barreaux carrés engagés.

            9, rue St-Bernard, PLU : sur rue, début 19; sur cour, bâtiment d’un niveau sur r-d-c vers 1860 à usage de logements et d'ateliers.

            185, Fbg St-Antoine (et 2-4 St-Bernard), PLU : le noyau initial semble du 17e (visible au long du couloir d’accès), repris en néo-classique en 1830, surélevé en 1860.
Siège du Syndicat des ébénistes de la Seine, et du Syndicat de la sculpture à la fin du 19e siècle. De ces deux syndicats, créés dès 1868, le premier a son siège ici, et revendique 600 adhérents, le second l’a d'abord à la Bourse du Travail, et en annonce 900. Début 1910, la coopérative La Famille du 11e loue l’immeuble en totalité : au rez-de-chaussée, elle installe la répartition, avec en plein milieu un gros pilier que la vétusté de l’immeuble n’a pas permis de supprimer. Au 1er, une salle de réunion, une salle de clinique qui attend son médecin, et la buvette ; au 2e, les syndicats. Le 3e est sous-loué temporairement. La Fédération de l’ameublement, qui regroupe 57 syndicats et compte 5 000 adhérents, vient y rejoindre les deux syndicats. Ils sont tous deux CGTU quand Jacques Valdour décrit l’endroit : l’épicerie coopérative est devenue la succursale G de l’Egalitaire ; aux étages, les locaux syndicaux (il n’est pas mentionné de dispensaire) où l’on peut voir, aux murs, des affiches en yiddish.
L’esprit du faubourg est à ce point particulariste, croit-il pouvoir dire, que les ouvriers ont ici leurs sièges syndicaux et ne vont pas à la Grange-aux-Belles ou à Mathurin-Moreau. Les ouvriers juifs sont plutôt nombreux rue Saint-Bernard, rue de la Forge-royale et, de l’autre côté du faubourg, square Trousseau. Là des affiches en yiddish font de la réclame pour les théâtres juifs du Palais du Travail de Belleville, ou de la salle Lancry et, plus près, pour le Théâtre populaire juif de l’avenue Ledru-Rollin. Des affiches de la CGTU, en italien, apposées rue de Lappe, appellent à une conférence à la Grange-aux-Belles ; d’autres, rue Basfroi, toujours en italien, s’adressent à tous les ébénistes.

            191 Fbg St-Antoine, PLU : immeuble sur rue vers 1840, un étage en retiré sur rdc. Cour composée d’ateliers et d’habitations du 19e siècle.

            197 Fbg St-Antoine, PLU : maison à loyer du 18e ; appuis de fenêtres en fer forgé Louis XVI.

            203 Fbg St-Antoine, PLU : maison à loyer fin 18e ; cour d’ateliers et d’habitations 19e.

            205-207 Fbg St-Antoine (et 8, Dahomey), PLU : du début 18e à 1920, implantations axées sur bâtiment en fond de parcelle délimitant un espace sur cour harmonieux.

            15, rue de Montreuil, PLU : bâtiment probablement 17e siècle épaissi à l’époque haussmannienne ; escalier à limon tournant et rampe à barreaux en col de cygne. Contraste saisissant avec l’immeuble mitoyen post-haussmannien.

            17-19, Montreuil, PLU : édifié vers 1780 et repris vers 1860.

            21, Montreuil, PLU : vers 1760, relié au 21 bis (1780) par une coursive métallique ; la cour axiale forme un espace exceptionnel.

            27, Montreuil, impasse Cesselin, PLU : implantation en baïonnette du mi-19e au début 20e.

31 bis, rue de Montreuil, plaques commémoratives de la Folie Titon Réveillon rachète la folie Titon en 1764 et y installe sa manufacture. Des ouvriers allemands y travaillent dès 1774. À l’été 1783, se font chez Réveillon les expériences de la machine aérostatique, en papier, de MM. Montgolfier frères, devant « un concours immense d’amateurs ». En janvier 1784, son établissement est Manufacture royale. En avril 1789, le bruit se répand qu’il va y diminuer les salaires. C’est peut-être une manœuvre de la cour qui a besoin de troubles pour concentrer des troupes à Paris, ou les premières escarmouches financées par le duc d’Orléans contre le pouvoir de son royal cousin. La manufacture comptait 350 ouvriers en 1789 ; elle est pillée et incendiée huit jours avant l’ouverture des Etats Généraux, le 27 avril 1789 ; la troupe y fait 150 morts. Elle fermera en 1840. Une institution Leroux, installée là en 1805, y a pour élève Barbier. Le 19 septembre 1830, la Revue de Paris publie La Curée, d’Auguste Barbier, interpellant les « Héros du boulevard de Gand », qui se sont tenus cois alors - « Que faisaient-ils, tandis qu'à travers la mitraille, / Et sous le sabre détesté, / La grande populace et la sainte canaille / Se ruaient à l'immortalité ? » -, mais qui ont su déjà s’approprier les fruits des Trois Glorieuses. En un jour, Barbier, poète de vingt-cinq ans devient célèbre.   (Des images de l'aspect actuel sur le blog de Denis Cosnard)

            1, rue Titon (et 33, Montreuil), PLU : immeuble de rapport vers 1860.

            8-10, Titon, PLU : ancienne manufacture du 19e, bâtiment aux larges baies en équerre sur cour ouverte sur rue ; horloge au fond.

            11-15, Titon, PLU : trois immeubles de rapport de 1881 donnant accès à 5 bâtiments industriels de 1887 entre 3 cours longitudinales.

          20, rue Titon, l'église de Bon-Secours (1895, Augustin Rey; ISMH) porte ce nom parce que la première paroisse protestante du quartier avait été fondée au 99, rue de Charonne dans l'ancien prieuré des bénédictines. Elle a été bâtie essentiellement grâce à une collecte réalisée auprès des ouvriers alsaciens du faubourg. De 1864 à 1900, 628 Alsaciens (majoritairement ouvriers du bois) ou Alsaciennes (souvent cuisinières ou domestiques) se sont mariés dans la paroisse, qui très fréquemment vivaient déjà en couple.

Par la rue Jules Vallès, on rejoint la rue de Charonne où, face au couvent de Bon-Secours s'élevait celui de la Madeleine de Traisnel.

            « Mlle de Vichy de Champron était pensionnaire au couvent de la Madeleine de Traisnel, au faubourg Saint-Antoine ; elle était jolie comme un ange, et n’était pas alors âgée de plus de seize ans, assure Mme de Créquy. M. d’Argenson, le Garde-des-Sceaux, connaissait la supérieure de cette maison, qui était une fille d’esprit et de mérite, et qui s’appelait, je me souviens parfaitement du nom, Mme de Véni d’Arbouze. C’était un grand événement, dans une communauté, qu’une visite de M. le Garde-des-Sceaux, qui n’en faisait à personne, et qui n’allait jamais qu’au pas dans les rues, tout seul au fond d’un grand carrosse et sur un fauteuil à bras, escorté par ses hoquetons et suivi par un autre carrosse avec la cassette où l’on gardait les sceaux de France, et de plus, par trois Conseillers Chauffe-Cire, qui ne le quittaient non plus que son ombre ou sa croix du Saint-Esprit. La Supérieure vint le recevoir au parloir. — Je n’ai pas le temps de m’arrêter, lui dit-il en la saluant, vous avez ici la fille du comte de Champron ? — Oui, Monseigneur. — Je vous conseille de la renvoyer à ses parents secrètement, sans bruit et le plus tôt possible ; je n’ai voulu dire ceci qu’à vous-même. Adieu, Madame. » Il s’agissait de mettre à l’abri des griffes du Régent celle qui deviendra la célèbre salonnière et épistolière Mme du Deffand.
            La future Mme du Deffand était issue de Gaspard de Vichy, comte de Chamrond, et de Anne Brulart, fille d’un premier président au parlement de Bourgogne. Au couvent de la rue de Charonne, où elle avait été élevée, elle se fit remarquer par son incrédulité précoce. Massillon, appelé en consultation, et plus frappé, dit-on, « de sa beauté et de son esprit que de son hérésie », ne put que lui recommander la lecture d’un catéchisme de cinq sous.
            Mariée le 2 août 1718 à J.-B.-J. de La Lande, marquis du Deffand, elle ne trouva pas dans cette union le bonheur qui devait la fuir d’ailleurs toute sa vie. Elle avait inspiré un caprice passager au régent. Elle restera toute sa vie en correspondance avec Voltaire.
            C'est dans ce même couvent que Sophie Monnier, après que, le 10 mai 1777, un jugement du bailliage de Pontarlier aura déclaré Mirabeau, « atteint et convaincu du crime de rapt et de séduction», condamné à avoir la tête tranchée et elle à la réclusion à perpétuité, sera finalement conduite. Le 14, les deux amants ont été arrêtés à Amsterdam, Mirabeau sera écroué au donjon de Vincennes le 7 juin 1777. Il y restera trois ans et demi.

Quand Jean-Baptiste Grenouille, le héros du Parfum de Patrick Süskind, est confié à Mme Gaillard dont la pension jouxte les bénédictines de la Madeleine de Traisnel, la duchesse d’Orléans, épouse du Régent, a loué le pavillon que Marc-René d’Argenson s’était finalement fait construire dans l’enceinte conventuelle pour être auprès de la prieure que, sans doute, il connaissait bibliquement. L’enfant nez va faire ici son éducation olfactive en essayant d’isoler les odeurs de chaque chose sous celle de « l’eau-de-vie de lavande » que commercialisent les religieuses et qui recouvre tout.
           
            La chapelle des bénédictines a été, en 1971, l’atelier parisien de recréation de clavecins de Reinhard von Nagel et William Dowd, et l’endroit où on les entendait en concert, tandis que l’ancienne porcherie du couvent servait à exposer ces instruments décorés par Chagall, Pierre Alechinsky, Jiri Kolar, Olivier Debré. Des cours d’interprétation y étaient donnés. (images sur Paris-bise-art)

Le cri de Scarron, au Marais: "Revenez mes fesses perdues"

- 23, rue Turenne, Hôtel Colbert de Villacerf, surintendant des bâtiments du roi, (de 1650, il restera dans la famille jusqu’en 1755); fontaine au fond de la cour datant de 1650, ce qui en fait la plus ancienne des fontaines parisiennes du 17e siècle ; l'hôtel a été exhaussé de 3 étages en 1931.

   - fontaine de Caron, de 1783, de style maniériste, au fond de l’Impasse de la Poissonnerie, du marché Ste-Catherine. La "culture Sainte-Catherine" est le riche enclos, au long du rempart de Philippe-Auguste, d’un prieuré fondé en 1229 par les sergents d’armes de Philippe Auguste en accomplissement d’un vœu fait à Bouvines. La culture Sainte-Catherine est rachetée par le roi en 1767 pour l’édification d’un marché, finalement redessiné par Soufflot, dont la première pierre sera posée en avril 1788.

- 11, rue de Sévigné (ancienne rue Culture-Sainte-Catherine), ancien établissement de bains évoqué par Hugo : « le passant qui s’arrête rue Culture-Sainte-Catherine, après la caserne des pompiers, devant la porte cochère de la maison des Bains, voit une cour pleine de fleurs et d’arbustes en caisses, au fond de laquelle se développe, avec deux ailes, une petite rotonde blanche égayée par des contrevents verts, le rêve bucolique de Jean-Jacques. Il n’y a pas plus de dix ans, au-dessus de cette rotonde s’élevait un mur noir, énorme, affreux, nu, auquel elle était adossée. C’était le mur du chemin de ronde de la Force », écrit Hugo dans Les Misérables, en 1862.
Explication de texte : - « maison des Bains » parce que cet établissement a succédé en 1812 au théâtre du Marais, inauguré en 1791, que Beaumarchais avait fait construire avec des matériaux de la Bastille démolie. (Plaque commémorative)
- « rue Culture-Sainte-Catherine » à cause du prieuré longeant l'enceinte de Philippe Auguste ; la rue correspondait au chemin de ronde ; il y a des restes d’une tour de l’enceinte dans la cave du n°7, chez les pompiers. A l’angle de la caserne marques de censive.
- « la caserne des pompiers » parce que ceux-ci sont installés dès la Restauration dans l’hôtel Poulletier du n°7 ;
- « Il n’y a pas plus de dix ans » parce que c’est en mai 1850 que les deux prisons de la Petite et de la Grande Force ont été fermées et leurs huit cent quarante détenus transférés à Mazas.

- N°9 rue de Sévigné se trouvait l’hôtel du comte de Chavigny, ministre de Louis XIII, un hôtel Renaissance modernisé à partir de 1642 par François Mansart (1598-1666), auquel est attribué la façade sur jardin ; y subsiste un plafond peint attribué à Mignard. Le domaine, divisé à la fin du XVIIème siècle, fera place à deux hôtels : l’hôtel « de Mansart », réaménagé, s’ouvrira pour la première fois sur la rue de Sévigné.
- Au n°5 de la rue de Sévigné, la maison (plaque) garde le souvenir de la philanthropie de François-Vincent Raspail, qui y soigna gratuitement les pauvres de 1840 à 1848 avant de prendre part à la révolution de février 1848 et d'être élu député.

- la grande éloquence des sermons emplit la nef de l’église Saint-Louis des jésuites, achevée en 1647, et connaît son acmé le Vendredi saint, jour pour lequel les laquais y retiennent physiquement la place de leurs maîtres dès le mercredi ! La voix de Bossuet, durant les dix ans suivant 1659, date à laquelle il a été appelé à Paris par Vincent de Paul, et, à la décennie suivante, le timbre de Bourdaloue, logicien dont la dialectique implacable vous prend dans son étau et vous « ôte la respiration », à en croire Mme de Sévigné, auditrice assidue sauf si « la presse était à mourir ». Étouffée, oui, mais seulement par le prédicateur !
Puis tonnent les grandes orgues : Marc Antoine Charpentier prend la maîtrise de la musique des jésuites en 1689, celle dont le jour de gloire est la Saint-Louis, le 25 août, fête du Roi-Croisé qui partage son nom avec le Roi-Soleil, dans le même temps où François Couperin, dit le Grand, succède à la tribune de Saint-Gervais à son oncle et à son père et y compose, avant d’avoir 20 ans, ses deux premières Messes.
Mme de Sévigné, mariée à Saint-Gervais, est fidèle à Saint-Louis : « L’après-midi nous fûmes à l’église des jésuites de la rue Saint-Antoine pour entendre le sermon de l’évêque de Valence [Daniel de Cosnac, premier aumônier de Monsieur, frère du roi]. Le roi, la reine, M. le cardinal et la plupart des grands de la cour y assistèrent. Tout autour de l’église, on voyait plus de quatre mille cierges allumés, outre les chandelles dont l’autel, fait en forme de ciel et rempli de figures d’anges, était éclairé. Les armes du Roi et de la Reine y étaient représentées, soutenues de ces petits corps ailés ; et par des machines et des ressorts, on faisait descendre l’hostie jusque dans les mains de l’évêque. Il y eut aussi une magnifique musique composée des meilleures voix de celle du roi et aidées de celles de l’église même qui est très excellente. »
L’Empire installera le lycée Charlemagne dans la maison professe des jésuites; Saint-Paul s’est ajouté à Saint-Louis dans le nom de l’église désormais paroissiale.

- la rue de Rivoli a détruit, de la rue Mahler à la rue de Sévigné, tout le côté nord de la vieille rue Saint-Antoine.

- rue du Roi-de-Sicile parce qu’ici se situait l’hôtel de Charles d’Anjou, frère de Saint Louis, roi de Naples et de Sicile, la maison angevine régnant sur Naples et les domaines en dépendant depuis 1266.
N°2-4 La prison de la Grande Force, destinée à remplacer celle du For-l’Évêque, avait été établie en 1780 dans l’hôtel des ducs de La Force (successeurs ici des rois de Sicile) dont elle prendra le nom. Une Petite Force suivra, aux dépens de terrains de l’hôtel de Lamoignon, contre lequel elle a laissé un pan de son mur, 24, rue Pavée. À la Petite Force sont détenues, après le 10 août 1792, les fidèles de Marie-Antoinette : la princesse de Lamballe, Mme de Tourzel qui dirigea la fuite à Varennes, et sa fille Pauline dont la robe avait déguisé le dauphin. Ces deux dernières seront sauvées par la chute de Robespierre ; la princesse de Lamballe, le 3 septembre 1792, devant le guichet d’entrée de la Grande Force, la gorge plaquée sur la borne d’angle de la rue du Roi-de-Sicile et de la rue des Ballets (auj. l’extrémité sud de la rue Malher), a été décapitée au couteau (plaque).
Mais revenons aux Misérables : Depuis 1 heure du matin, Thénardier, évadé, est allongé sur l’arête d’un autre pan de ce mur, d’une hauteur de trois étages, donnant rue du Roi-de-Sicile, sans plus pouvoir rien faire qu’attendre d’être repris. 4 heures sonnent, le jour va poindre, et voilà qu’il distingue des voix au-dessous, mais… ce n’est pas la police ! Deux petits mots révèlent des voix amis: « Ces deux mots, icigo et icicaille, qui tous deux veulent dire ici, et qui appartiennent, le premier à l’argot des barrières, le second à l’argot du Temple, furent des traits de lumière pour Thénardier. À icigo il reconnut Brujon, qui était rôdeur de barrières, et à icicaille Babet, qui, parmi tous ses métiers, avait été revendeur au Temple. L’antique argot du grand siècle ne se parle plus qu’au Temple, et Babet était le seul même qui le parlât bien purement. Sans icicaille, Thénardier ne l’aurait point reconnu, car il avait tout à fait dénaturé sa voix. »

- 13 et 11, rue Pavée En 1577, l’hôtel de Lorraine et ses somptueux jardins étaient considérés comme l’un des plus beaux domaines de Paris. En 1685, ce domaine est morcelé ; de ce partage naissent deux hôtels : l’hôtel aux n°9-11 conserve le souvenir de celui de la famille de Lorraine avec sa façade et sa porte cochère Louis XIII  ; au n° 13, un nouvel hôtel indépendant a été réaménagé, l’hôtel d’Herbouville, selon les dessins du célèbre architecte Jean Hardouin-Mansart de Jouy (1703-1766, petit-fils de Jules Hardouin-Mansart qui était lui-même le petit neveu de François Mansart. On lui doit la façade de Saint-Eustache), qui garde une porte Louis XV. Il accueille aujourd’hui une école religieuse israélite.

- Au cœur du Pletzl, la « petite place » comme se désigne en yiddish le quartier, au 10 de la rue Pavée, pour l’association russo-polonaise Agoudas Hakehilos, regroupement de neuf sociétés très orthodoxes, Hector Guimard construit en 1913 une synagogue modern style.

- la vieille porte Baudet ou Baudoyer des remparts de Philippe Auguste, sur la rue Saint-Antoine (à la hauteur de l'actuelle église Saint-Louis), a été démolie en 1382, année de la révolte des Maillotins. À compter de cet endroit, passé son début tortueux (qui sera rebaptisée François-Miron en 1865), la rue Saint-Antoine s’élargit vers l'est en un cours magnifique, qui sera la promenade à la mode jusqu’à l’ouverture du Cours-la-Reine, en 1616.
Le 1er juin 1540, Charles Quint, autorisé à traverser la France avec son armée pour aller mater les Flandres, est accueilli par les corps constitués rue Saint-Antoine, entre des maisons dont les façades ont été drapées de riches tapisseries, après que la Bastille voisine a tiré une salve de huit cents coups de canon. Les fêtes et les tournois qui, en 1549, suivent l’entrée solennelle d’Henri II ont pareillement lieu ici, seul endroit de Paris à offrir assez d’ampleur à un moment où les Tuileries n’existent pas encore et où la place de Grève, comme son nom l’indique, est pour l’essentiel une berge en pente douce. Dix ans plus tard, c’est encore ici que se déroule le carrousel meurtrier où le roi trouve la mort. Et, un siècle après, c’est toujours par la rue Saint-Antoine qu’entrent solennellement Louis XIV et la jeune reine Marie-Thérèse.
En 1646, le roi cède à la Ville le front bastionné qui s’étend de la porte Saint-Antoine à la poterne Saint-Louis, au débouché de la rue du Pont-aux-Choux, soit, en gros le futur boulevard Beaumarchais. Dès les premiers mois de 1670, il est aménagé, planté d’arbres ; c'est le Nouveau Cours.

- n° 86 : Angle rue de Fourcy. Immeuble remanié au XVIIe siècle.
- n° 82 à 84 : Ancien hôtel du fermier général Hainault de Cantobre en 1706. Balcon à console orné d’une tête de Maure. Bâtiment restauré en 1993. Maison européenne de la Photographie (7 à 11 rue de Fourcy).
- n° 70 à 80 : Immeubles XVIIe siècle. Bel escalier au n° 70, idem au 76.

- 68, rue François-Miron. Quand, le 26 août 1660, Louis XIV fait son entrée solennelle à Paris, son cortège passe, rue aujourd’hui François-Miron, devant l’hôtel de Beauvais qu’on inaugure précisément pour l’occasion. Au balcon, la reine mère, Anne d’Autriche, et le cardinal de Mazarin, son mari secret ; Cateau la Borgnesse, sa femme de chambre, qui déniaisa le jeune roi, élevée au baronnage en même temps que son mari, ex-marchand de ruban à la galerie du Palais, et maîtresse de la maison ; enfin, Turenne tout frais nommé, en avril, maréchal général des camps et armées du roi !
Mozart y arrive le 18 novembre1763 à trois heures et demie de l'après-midi, avec Marianne, sa sœur, et leur père, accueillis par le comte Van Eyck, ambassadeur de Bavière à Paris, l'occupant des lieux. Leurs hôtes font transporter le clavecin de la comtesse dans la chambre des Mozart. Wolfgang n'aura 8 ans que le 31 janvier : il est trop petit pour voir le jardin suspendu, au-dessus des stalles prévues pour dix-huit chevaux, dans la cour de l’hôtel.

- Il y avait déjà, à la fin du 13e siècle, une rue des Juifs qui, curieusement, va cesser de l’être précisément à l’époque où ils n’y ont jamais été aussi nombreux pour devenir Ferdinand Duval en 1900. La communauté a sa bibliothèque ouvrière, 27, rue des Écouffes (coin avec le 23, rue des Rosiers), et son Fourneau économique, 22, rue des Juifs (coin avec le 7, rue des Rosiers), cette rue qui prend le nom du préfet Ferdinand Duval juste avant que les premières affiches « en langue juive », comme dit Charles Rappoport, n’apparaissent dans le quartier à l’occasion des élections de 1902. La chose ne passe pas inaperçue des journalistes du Temps.

- la rue Cloche-Perce, du 13e siècle, tire vraisemblablement son nom d'une enseigne faite d'une cloche bleue (pers ou perse, soit entre le bleu et le vert).

- n° 15, rue Vieille du Temple : Hôtel de Vibraye ou de Schomberg (1650). Restauré en 1980. n° 17 et 19 du 17e siècle. n°21 du 18e siècle; n°23 idem, très restauré.

- La rue du Trésor occupe l'emplacement de l'ancien hôtel du maréchal d'Effiat, père du Cinq-Mars qui fut le favori de Louis XIII. Elle se termine en cul-de-sac par une fontaine inutilisée datant du XIXème siècle. Dès 1883, se réunissait au café Trésor, aujourd'hui des Philosophes, une Société des ouvriers juifs russes – « en réalité des ouvriers juifs de Pologne et de Roumanie », précise Charles Rappoport, (populiste russe, diplômé de philosophie en Suisse et futur meilleur propagandiste du PC, débarqué à Paris au 50, rue des Francs-Bourgeois) -, et bientôt s’y tient, au sous-sol, en yiddish, la permanence du Syndicat des casquettiers.
Propriétaires de leur machine à coudre, ils sont de six à huit ouvriers en moyenne, au mieux de quinze à vingt, à travailler chez cent soixante fabricants dont deux seulement chôment le samedi. Importatrice de casquettes, le couvre-chef de ses ouvriers, jusqu’en 1890, la France en devient exportatrice avec le développement des ateliers juifs.
Le Fourneau économique, de six cent cinquante à sept cents portions qu’il servait chaque jour, grimpe à mille huit cents portions « après Chisinau ». Le pogrom qui a frappé la ville de Bessarabie en 1903 a suscité un exode massif. De nouveaux groupes d’ouvriers juifs, tailleurs, casquettiers, ébénistes, mais aussi forgerons, cordonniers, sculpteurs, mécaniciens, ferblantiers, serruriers, chaudronniers, confectionneurs en fourrure, viennent s’installer dans les 4e et 10e arrondissements. 
            Le siège du syndicat des casquettiers sera 13, rue Geoffroy l’Asnier au début des années 1930, lieu où a été construit depuis le Mémorial de la Shoah.
- n° 36 Hôtel construit à la fin du XVIIe siècle pour Jean Godart, sieur du Petit Marais. Ancien hôtel Poussepin (1660), de Baillie (1776). Fond de cour, plafond peint à voussure XVIIe siècle. Les portes monumentales et vantaux protégés IMH
- n° 44 : Ancien hôtel XVIIIe siècle. Beau portail avec mascaron, ferronneries. Les portes monumentales et vantaux protégés IMH

- 47, rue Vieille-du-Temple : Amelot de Bisseuil prend possession de son hôtel « si beau, si riche et si orné » de la rue Vieille-du-Temple, édifié sur celui de Rieux devant lequel était née, le soir du 23 novembre 1407, la guerre civile de trente ans des Armagnacs et des Bourguignons.
Les porte-couteaux, « estafiers » dans la vieille langue, de Jean sans Peur sont à l’affût depuis bien huit jours, dans une maison vide, « à l’image Notre-Dame », qu’ils ont louée en face. Peu après huit heures du soir, le duc d’Orléans sort de l’hôtel Barbette où la reine, sa belle-sœur et sa maîtresse, accouche d’un énième enfant. Le duc est gai, tête nue dans une houppelande de damas noir fourrée de martre, il joue avec ses gants et chantonne, faiblement accompagné de quelques porteurs de torches, pages et valets. Les assassins, près d’une vingtaine, armés d’épées, de casse-tête, de demi-lances, d’arcs et de flèches, frappent à tour de bras ; ils mettent le feu à leur repaire et filent au galop par la rue des Blancs-Manteaux, obligeant chacun à moucher ses chandelles sur leur passage, et jetant derrière eux des chausse-trappes. Devant l’hôtel de Rieux, on ramasse le corps de Louis d’Orléans pour le porter à l’intérieur : une main en est coupée, le bras gauche arraché, la moitié de la cervelle a coulé dans le ruisseau ; on emporte également son page. Un valet, grièvement blessé, a trouvé refuge dans une maison du coin de la rue des Rosiers.
Prévenus par le prévôt de Paris, les princes, c’est-à-dire les deux oncles du roi, ducs de Berry et de Bourbon, et son cousin germain, duc de Bourgogne, commanditaire du meurtre, se réunissent aussitôt, avec quelques membres du grand conseil du roi, à l’hôtel d’Anjou, chez le roi de Sicile.
Dans la chapelle de l’hôtel autrefois de Rieux, le culte protestant est célébré fréquemment, deux bons siècles plus tard, par le chapelain de l’ambassade de Hollande, d’où la désignation future du lieu comme "hôtel des Ambassadeurs hollandais". Valentin Conrart s’est marié ici, en 1634, selon le rite réformé ; Germaine Necker, future Mme de Staël, y est baptisée de même en 1766. Beaumarchais y installe, dix ans plus tard, les bureaux de Rodrigue Hortalez et Cie, sa maison de commerce d’armes à destination des « insurgents » américains, montée avec un million de livres de fonds publics que Vergennes, le ministre des Affaires étrangères, a mis à sa disposition. Il y vivra avec Marie-Thérèse de Willer-Mawlaz, et leur fille Eugénie, qui y naît, jusqu’à ce qu’il fasse construire par Lemoyne sa somptueuse résidence des environs de la Bastille.
C’est au 47, rue Vieille-du-Temple, donc, que Beaumarchais écrit Le Mariage de Figaro, qu’il lance l’édition des œuvres complètes de Voltaire sitôt la mort du philosophe, qu’il écrit encore Tarare, livret d’opéra moquant le despotisme oriental, destiné à la musique de Salieri. Mozart vient de créer, à Vienne, ses Noces de Figaro.

On aperçoit l'échauguette de la rue des Franc-Bourgeois: « À l’angle de la rue Vieille-du-Temple, elle montait la garde, dressant sa silhouette élancée contre le fond étoilé de la nuit printanière. Un toit de tuiles grises, tout neuf, coiffait les ruines qu’on s’apprêtait peut-être à restaurer. De-ci de-là, des meurtrières s’ouvraient dans la maçonnerie grossière constituant la façade du rez-de-chaussée. (…) Les fenêtres du premier étage, à l’encadrement sculpté, étaient obturées par des briques. Celles du dessus béaient sur le noir. (…) L’asphalte résonna sous un talon de fer. Ce n’était pas un des estafiers de Jean sans Peur. »
C’est Nestor Burma qui parle, dans la Fièvre au Marais. Explication: le roman est de 1955, l’échauguette de l’hôtel Hérouët (vers 1510),  a été endommagée par un bombardement de 1944 et l’on a envisagé de la démolir.

Au n° 12, rue des Blancs Manteaux, l'ancien monastère des Blancs Manteaux est classé (l'église, en totalité y compris les cryptes, façades et toitures du bâtiment conventuel subsistant [actuellement presbytère]). En 1258, saint Louis fait construire une église et un petit couvent, à l’abri de l’enceinte de Philippe Auguste, pour y installer les Serfs de la Vierge Marie, ordre mendiant dont l'habit est le manteau blanc. C'est dans cette église que fut déposée la dépouille de Louis, duc d'Orléans, assassiné le 25 novembre 1407 par son cousin Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Le monastère s’agrandit en 1685, et se dote d'une nouvelle église au détriment de l’enceinte de Philippe Auguste, toujours là mais bien ruinée. La façade de Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux lui vient de l’église Saint-Eloi des Barnabites, de 1704, sise dans l’île de la Cité. Saint-Eloi détruite lors des travaux d’Haussmann, sa façade sera remontée aux Blancs Manteaux par Baltard, l’architecte des Halles, en 1863.

À la Pizza du Marais, 15, rue des Blancs-Manteaux, Font et Val donnaient, en 1974, leur Sainte Jeanne du Larzac : pendant les manœuvres de printemps, la belle Jeanne Duret « pompait l’armée pour la rendre inoffensive » ! L’année suivante, Renaud y partageait l’affiche avec Yvan Dautin et ils réunissaient quinze spectateurs chacun. Mais à la Pizza du Marais, Renaud a griffonné Laisse béton au dos d’un paquet de cigarettes et bientôt c’est le tube !

- 9, rue Aubriot, portes monumentales et vantaux, protégés IMH

- Au Crédit Municipal, "chez ma tante", on peut voir l'étuve servant à stériliser les matelas mis en gage; au n°22, cour Martin Feuillée, se trouve l'hôtel des Ventes du Mont de Piété où ont encore lieu chaque année une centaine de ventes aux enchères des objets non retirés.

- 2, 4, rue Rambuteau, jolie façade

- angle Franc-Bourgeois / Archives : L’hôtel des Guise, est passé aux mains de François de Rohan, prince de Soubise au début du 18e siècle. Comme il a besoin de jouer aux petits soldats, pour oublier qu'il laisse « sa femme, à la cour, se mêler du grand, des grâces et des établissements de sa famille » en sa qualité de maîtresse royale, l’architecte lui fait une vaste cour d’honneur, propice aux revues militaires, entre un porche monumental ouvert sur la rue des Franc-Bourgeois et le mur latéral du palais des Guise rhabillé en façade principale. Au bout du jardin, l’un de leurs fils, celui qui, sans doute, l’est « naturellement » du roi, se fait construire un hôtel par le même architecte, qui appelle Robert Le Lorrain à sculpter ici Les Chevaux du Soleil au fronton des écuries comme il allonge, de l’autre côté du parc mitoyen, La Gloire et La Magnificence au sommet du corps central de la façade.
Le musée des Archives nationales conserve, au bord de l'escalier du 1er étage, les 24 canons de fusils alignés constituant la machine de Fieschi utilisée dans l'attentat du 28 juillet 1835 contre Louis Philippe.

- 45, rue des Archives : L’ordre religieux de Notre Dame de la Rédemption des Captifs, ou des Pères de la Merci, se consacrait depuis 1218 au rachat des chrétiens capturés par les barbaresques. En 1613, la reine Marie de Médicis les installa rue du Chaume, actuelle rue des Archives.
Une église et les premiers bâtiments conventuels sont alors construits. Mais quand François de Soubise entreprend les travaux de son hôtel au début du XVIIIème siècle, il souhaite aussi avoir un beau vis à vis et finance la reconstruction de l’église de la Merci, où sa famille possède une chapelle, et du couvent, travaux menés par son architecte Germain Boffrand, en 1727-31.
L’église qui se trouvait au n°47 de la rue des Archives a été fermée puis détruite à la révolution et remplacée par des immeubles de rapport. Le couvent qui se présente comme un hôtel particulier avec son grand portail a été conservé et transformé pour l’habitation. Il possède encore un beau cadran solaire sur une de ses façades et un très bel escalier.

- 58, rue des Archives. Clisson, compagnon d’armes de Du Guesclin, a fait bâtir son hôtel vers 1370 ; c’est le moment où la vieille enceinte de Philippe Auguste, remplacée, était démolie et offrait du terrain à bon marché ; le temps aussi où le séjour du roi Charles V à l’hôtel Saint-Paul attirait la noblesse au Marais. L’hôtel était bâti depuis dix ans quand éclata à Paris la révolte dite des Maillotins, suscitée par un impôt de trop et, retour de la guerre de Flandre, Charles VI désarma les Parisiens, abolit leur gouvernement municipal, les fit emprisonner par centaines, pendre les uns et confisquer les biens de ceux que l’on ne pendait pas. C’est Clisson qui avait suggéré au roi, pas encore âgé de 15 ans, le désarmement de Paris : il avait fait arracher toutes les portes de la ville, et les avait fait coucher au sol afin que les piétinent chaque jour les hommes et les bêtes. Paris resta ainsi ouverte à tous les vents durant neuf années, si bien que Froissart pourra écrire que Clisson avait, au sens propre, ouvert la porte à ses assassins quand il sera, dans la nuit du 13 au 14 juin 1391, assailli devant son hôtel par Pierre de Craon et une quarantaine de ses hommes, qui sans cela n’auraient jamais pu pénétrer en ville.
Laissé pour mort, le connétable se remettra pourtant de ses blessures.
Un siècle et demi plus tard, les Guise acquièrent l’ex-hôtel de Clisson, et François de Guise s’inquiète d’abord du maintien de son alimentation par les eaux de Savies, l’une des commodités de la maison. Les autres épisodes sont plus sanglants. Quand Paris, après un premier massacre de protestants, à Wassy, accueille et escorte comme un roi François de Guise, c’est jusqu’ici. C’est encore dans cet hôtel que se trame peut-être l’assassinat de Coligny, sûrement la Saint-Barthélemy. Le 9 mai 1588, malgré la défense du roi, le fils aîné des Guise, Henri le Balafré, rentre à Paris, c’est-à-dire toujours ici, rue alors du Chaume. Trois jours plus tard, au petit matin, l’Université se couvre de barricades, qui n’arrivent qu’à la mi-journée autour de son hôtel. Il joue l’étonné : « Je dormais quand tout commença », écrira-t-il. « Et en effet, raconte Michelet, il se montra le matin à ses fenêtres en blanc habit d’été, dans le négligé d’un bon homme qui à peine s’éveille et demande : “Eh ! que fait-on donc ?” ».
Puis, se posant en médiateur, « sans armes, une canne à la main, il parcourait les rues, recommandant la simple défensive ; les barricades s’abaissaient devant lui. Il renvoya les gardes au Louvre ; il rendit les armes aux Suisses. Tous l’admiraient, le bénissaient. Jamais sa bonne mine, sa belle taille, sa figure aimable, souriante dans ses cheveux blonds, n’avaient autant charmé le peuple ». Et Michelet le montre aussi habile à rendre leurs manières aux bourgeois qu’à serrer les mains crasseuses des pauvres, tournant vers les uns un œil d’autant plus compatissant que sa balafre le fait larmoyer, et vers les autres un œil ravi. « Le 9 mai, c’était un héros ; le 12 au soir, ce fut un dieu. »
La reine mère est chez Henri de Guise lorsque son plus intime confident vient dire au duc : « Le roi est parti ».
À l’invitation des Guise, Pierre Corneille, académicien, mais toujours normand, vient profiter du nouveau régime vigoureusement mis en place par le jeune Louis XIV, en s’installant à Paris avec son frère Thomas, dans leur hôtel.
Dans son immense hôtel, Melle de Guise, Marie de Lorraine, entretient une musique d’une quinzaine d’exécutants pour lesquels compose Marc Antoine Charpentier, avant de tenir parmi eux la partie de haute-contre. Charpentier, qui est naturellement son pensionnaire, y écrit, dans les années 1680, un ballet pour Polyeucte comme des intermèdes pour la reprise d’Andromède, l’une et l’autre de Pierre Corneille. Seule la mort de Mlle de Guise mettra fin à un séjour de près de vingt ans (de 1670 à 1688), qu’il quittera pour devenir le maître de musique des jésuites. Autour s’élèvent maintenant de beaux hôtels, comme celui d’Assy (n°58bis), que l’architecte Pierre Le Muet achève juste avant de passer à son chef d’œuvre, l’hôtel d’Avaux (aujourd’hui musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, 71, rue du Temple).
Les Archives nationales, créées par l’Assemblée constituante, qui ont connu la salle des Feuillants puis le couvent des Capucins, sont déposées au palais de Soubise en 1808 ; doivent les y rejoindre celles de tous les pays de l’Empire napoléonien. De l’hôtel de la maison de Guise il ne reste plus qu’un escalier à la double croix de Lorraine. Michelet, après qu’il aura été nommé à la tête de la section historique des Archives, en 1831, y occupera durant vingt-cinq ans un bureau aux boiseries très simples autour d’une glace élégamment encadrée.

-Les beaux balcons aux consoles massives de l’hôtel Lelièvre font face, rue de Braque, au portail d’Olivier de Clisson. Au 3, rue de Braque, grille ornée de pommes de pin, décoration traditionnelle des cabarets.

Source: gallica.bnf.fr
- 7, rue de Braque, cour ; "Petit hôtel de Mesmes et de Vergennes, ministre de Louis XVI" dans la légende d'Atget:

- 11, rue de Braque, soubassement; ancienne maison Bournigat du 17e siècle.

- 71-75, rue du Temple (auj. Musée d’art et d’histoire du Judaïsme), bâti par Le Muet pour Claude de Mesme, comte d’Avaux, qui meurt en 1650. L'hôtel passera ensuite au gendre de Colbert, duc de Saint-Aignan. Son aile gauche est un « mur renard », une façade plaquée, ici contre la muraille de Philippe Auguste sur laquelle vient partout buter le bourg.
Hôtel Claude de Mesmes, "centre du mouvement des journées de juillet 1830" dans la légende d'Atget. L'hôtel connu aussi comme de Saint-Aignan, est sis 57, rue Sainte-Avoye dans la nomenclature de l'époque. Y habitent l'avocat Etienne Garnier-Pagès et son demi-frère. Lors des Trois glorieuses de 1830, "la commune centrale" républicaine y établit son quartier général et, le 29 juillet, à lire Louis Blanc, Histoire de 10 ans : "Plusieurs citoyens s’étaient réunis tumultueusement rue Sainte-Avoye, dans la maison de Garnier-Pagès. Il y avait été arrêté que le général Lafayette, le général Gérard, le duc de Choiseul, seraient invités à prendre en main la force publique. En même temps, par une coïncidence singulière, MM. Charles Teste et Taschereau créaient, dans les bureaux du National, un gouvernement provisoire, composé de MM. Lafayette, Gérard et Labbey de Pompières. Sur l’avis du poète Béranger, ce dernier nom fut remplacé par celui du duc de Choiseul. Et une proclamation, que le Constitutionnel trompé publia, répandit dans tout Paris la grande nouvelle d’un gouvernement qui n’existait que dans l’esprit de quelques courageux faussaires comptant sur le succès pour se faire absoudre."

Si l'on en croit l'anonyme Souvenir glorieux du Parisien, ou Précis historique des journées des 26, 27, 28, 29, 30 et 31 juillet, suivi des plus beaux traits de cette mémorable révolte, et d'un tableau contenant le nom des braves qui se sont le plus signalés,
 "Un nommé Jean Grenier, ouvrier poêlier, rue de la Mortellerie n°20, s'est présenté dans la matinée du 31 juillet au commandant du poste de l'hôtel Saint-Aignan, rue Sainte-Avoye, 7e arr. "Sergent, dit-il, voici mon sabre, je l'ai bien employé depuis trois jours, maintenant je retourne à mon ouvrage et mon arme me devient inutile, j'en fais don à la Garde Nationale." Ce trait de patriotisme le plus désintéressé a été accueilli comme il devait l'être ; son auteur s'est refusé à recevoir aucun prix de son arme. "Je ne vends pas mon sabre, disait-il, je le donne." Et en effet il en fit don à un Grenadier qui en manquait."
Source: gallica.bnf.fr

Source: gallica.bnf.fr
- C’est au n° 79 – alors rue Sainte-Avoye –, qu’en 1623, Jean Habert – « Montmor le Riche », selon Tallemant des Réaux –, se fait construire l’hôtel fastueux qu’on connaît encore comme l’hôtel de Montmor. Henri-Louis Habert, fils de Montmor le Riche, né en 1603 comme Valentin Conrart, est déjà, à 22 ans, conseiller au parlement de Paris. Ses cousins Germain et Philippe sont tous les deux membres de l’Académie, et des familiers de l’hôtel de Rambouillet. Il les y rejoint et « Les Trois Habert » aident à tresser la Guirlande de Julie, y nouant Narcisse, Souci, Rose et Perce-Neige. À 31 ans, Henri-Louis est à son tour de l’Académie, et il en héberge les séances durant trois mois dans l’hôtel paternel. Mais son intérêt va davantage aux sciences et il reçoit, au milieu d’une collection de tableaux qui ne regroupe pas moins de cent quatre-vingt-sept pièces, et de manuscrits anciens dont Colbert trouvera soixante-treize dignes de sa bibliothèque, l’abbé Mersenne, Étienne Pascal et son fils Blaise, Roberval, Gui Patin, l’Italien Campanella, l’Anglais Hobbes, l’Allemand Kepler.
À l’hôtel de Montmor, Gassendi finit ses jours chez Henri-Louis Habert, auquel il lègue la lunette qu’il a lui-même reçue de Galilée, à condition que son hôte sera l’éditeur de ses œuvres complètes. Henri-Louis fait enterrer son ami à Saint-Nicolas-des-Champs, dans la chapelle de la famille Habert de Montmor, auprès de Guillaume Budé, son grand-oncle, le célèbre helléniste, fondateur du Collège de France, qui s’était éteint en 1540 au 203 bis, rue Saint-Martin.
En 1657, ce qui était une sorte de salon scientifique se formalise et adopte une constitution en neuf règles qui en fait l’Académie Montmorienne. Jean Chapelain, versificateur ennuyeux, mais correspondant de Huygens, y rend compte des découvertes de ce dernier : l’horloge à balancier, Titan, l’anneau de Saturne… 
On donne souvent Chapelain comme le modèle de Molière pour le Philinte du Misanthrope, en tout cas, après l’interdiction de Tartuffe dès le lendemain de sa création, le 12 mai 1664, c’est devant des membres de l’Académie Montmorienne – Jean Chapelain, Gilles Ménage, l’abbé de Marolles – que Molière en donne une lecture.
C’est encore ici qu’en 1667, deux médecins du roi font la première expérience de transfusion du sang : celui d’un veau sur un malheureux valet de chambre de Mme de Sévigné, amie et voisine des Habert de Montmor.

- mur peint rue des Haudriettes : l’Esprit des lieux
- façades et balcons des 5 et 5 bis
Source: gallica.bnf.fr
- Hôtel Bondeville (IMH),  4 rue des Haudriettes : hôtel d'origine 16ème, façades sur cour et cour, restauration contemporaine (façades). Hôtel de Maupéou dans la légende d'Atget qui en photographie la cour pleine de tonneaux:

- fontaine des Haudriettes, Située à l'intersection de la rue des Archives et de la rue des Haudriettes, cette fontaine classée, en forme de bâtiment trapézoïdal, a été conçue par Moreau-Desproux, petit-fils par alliance de Jean Beausire et Maître des Bâtiments de la Ville. Elle sera construite vers 1770 aux frais du prince François de Rohan, et remplacera la Fontaine Neuve qui datait de 1636. Elle est ornée d'un bas relief en marbre de Pierre Mignot représentant une naïade allongée dans les roseaux. Le mascaron représentant une tête de lion crachait de l'eau du canal de l'Ourcq, mais qui provenait à l'origine de Belleville.
La fontaine des Haudriettes subira de nombreuses restaurations, la plus importante étant celle entreprise par David en 1836.
Son nom provient d'une légende selon laquelle Etienne Haudry, un marchand drapier et grand panetier de Philippe le Bel, tardait à revenir de Croisade. Sa femme, qui ne l'attendait plus, prit le voile. Au retour d'Haudry, le couple donnera naissance à la société des femmes veuves, dites Haudriettes, qui possèderont diverses propriétés dans le rue qui porte leur nom.

-60, rue des Archives / 24, rue des 4 Fils, François Mansart bâtit l’hôtel de Guénégaud en 1651-53, que le bénédictin Germain Brice, dans le premier guide touristique parisien, publié en 1684, décrira ainsi : « Le devant est orné d’architecture, avec des refends, et des vases sur l’entablement, qui font ensemble une décoration agréable » (aujourd’hui musée de la Chasse et de la Nature).

- 20, rue des 4 Fils, bâtiment de 1747 où habita de Sèze, défenseur de Louis XVI.


- au bout de la rue des 4 Fils, le 11, rue de la Perle,  de 1717, devenu un immeuble municipal occupé par la Direction des affaires scolaires.

- 87, rue Vieille du Temple : L’imprimerie royale de Richelieu, après les Tuileries et le Louvre, est devenue nationale à l’hôtel de Toulouse, en l’an II, avant de gagner l’hôtel de Rohan en 1811.
D. Vierge, éd. de 1879 d'Histoire d'un crime, Groupe Hugo Paris 7
Très tard dans la soirée du 1er décembre 1851, Maxime Du Camp voit arriver chez lui un ami, très préoccupé : il est passé vers minuit devant l’Imprimerie nationale, rue Vieille-du-Temple, et il l’a vue entourée par une compagnie de la garde municipale, ce qui ne présage rien de bon. Ce qu’il n’a pu voir, c’est, dedans, chaque ouvrier, encadré par deux gendarmes, qui, dans le silence obligatoire, compose un tout petit fragment de texte qui à lui seul est sans signification. Le puzzle se reconstitue le lendemain matin sur tous les murs de Paris : "l’Assemblée nationale est dissoute".

- Dans les années 1630, la troupe de Montdory s’installe au jeu de paume du Marais, rue Vieille-du-Temple, au revers de l’hôtel Salé. Paris ne compte alors que deux salles de théâtre et deux troupes permanentes : les Comédiens du roi, de Bellerose, qui jouent à l’Hôtel de Bourgogne, et le Théâtre du Marais. Bellerose, à en croire Tallemant, « était un comédien fardé, qui regardait où il jetterait son chapeau, de peur de gâter ses plumes. Ce n’est pas qu’il ne fît bien certains récits et certaines choses tendres, mais il n’entendait point ce qu’il disait ». Montdory est, selon l’abbé d’Aubignac, «le premier acteur de [son] temps» ; il sait donner à l’interprétation de la comédie le ton « d’honnêteté », et à la tragédie classique celui de grandeur et de noblesse qu’attend alors l’élite de « la Cour et de la Ville ».
Corneille lui confie son Illusion comique à l’hiver de 1635-1636, et le Cid, en janvier 1637 ; Montdory y interprète Rodrigue. La France est en guerre avec l’Espagne, le public en entend des résonances dans la pièce, le succès est inouï. Le Cid « est si beau », écrit Montdory dès le 18 janvier à Guez de Balzac, « qu’il a donné de l’amour aux dames les plus continentes, dont la passion a même plusieurs fois éclaté au théâtre public. On a vu seoir en corps aux bancs de ses loges ceux qu’on ne voit d’ordinaire que dans la chambre dorée et sur le siège des fleurs de lys. La foule a été si grande à nos portes et notre lieu s’est trouvé si petit, que les recoins du théâtre qui servaient les autres fois comme de niche aux pages ont été des places de faveur pour les cordons bleus [de l’ordre du Saint-Esprit] et la scène a été d’ordinaire parée de croix de chevaliers de l’Ordre ».

- Aubert de Fontenay, dit Aubert des Gabelles parce qu'il eut le quasi monopole de celles-ci de 1632 à 1656, voit naturellement sa demeure qualifiée « d’hôtel salé ». Elle lui sera confisquée à la chute de Fouquet. C’est l’École centrale des Arts et Manufactures qui marqua ensuite le plus les lieux. On peut voir les marques de censive du Fief des Coutures Saint-Gervais (F C S G en losange autour d'une croix chrétienne) sur l’angle des communs de l’hôtel Salé, rue de Thorigny / rue des Coutures Saint-Gervais.

En face du musée Picasso, Françoise de Sévigné, fille de l'épistolière, épouse le comte de Grignan en 1669. Le jeune couple et Mme de Sévigné mère s’installent 8, rue de Thorigny (la maison brûlera ensuite et celle que l’on voit aujourd’hui est plus récente) mais, à l’automne 1669, le comte de Grignan est nommé lieutenant général du Languedoc. Voilà Madame de Sévigné épistolière par force, qui écrit ses premières lettres à sa fille en 1671. Mme de Sévigné logera ensuite rue du Parc-Royal où nous la retrouverons, la variole menaçant la rue de Thorigny. Puis elle louera une maison qui existe encore au 14 rue Elzévir (alors rue des Trois Pavillons) entre mai 1672 et 1677.

Dans le lotissement que réalise Le Jay, président au parlement de Paris, des terrains cultivés, "cultures" ou "coutures" des hospitalières de Saint-Gervais, Villedo construit avec le charpentier Claude Dublet, bâtisseur des maisons du pont Marie, tout le côté des numéros pairs de la rue Neuve-Saint-Louis (aujourd’hui de Turenne) entre les rues Saint-Gilles et Saint-Claude.
[En 1637, Michel Villedo, « maçon de la Creuse » mais de bonne bourgeoisie rurale, pas exactement un pauvre hère, a signé avec le bureau des finances le « traité » qui lui confie les travaux d’un canal de dérivation destiné à réguler les crues de la Seine. Il a déjà à son actif l’église de la Visitation-Sainte-Marie de François Mansart, mais son grand projet, auquel il a réussi à intéresser le Père Joseph, l’éminence grise, et par l'intermédiaire de celui-ci le rouge cardinal de Richelieu lui-même, c’est la reviviscence du bras mort de la Seine par le creusement et l’élargissement du ruisseau de Ménilmontant, qui en est un vestige, depuis l’Arsenal jusqu’à l’extrémité du Cours-la-Reine, au large de l’enceinte des « fossés jaunes » dont la construction vient de s’achever. La surintendance des finances se dédit et Villedo est nommé, à titre de compensation, « général des œuvres de maçonneries et ouvrages de Sa Majesté ».]

Source: gallica.bnf.fr
- 64, rue de Turenne, construit par Villedo et Dublet donc, l’hôtel Méliand (du pdt de Tanlay chez Atget), pour François Petit, maître d’hôtel ordinaire du roi ;
- comme au 66-68, celui de Pierre Boulin, trésorier du Marc d’or (un droit qui se lève sur tous les offices de France à chaque changement de titulaire) ;
- comme au 68 bis, enfin, où Turenne vécut une quinzaine d’années, l'hôtel que l’église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement a remplacé.
À la mort de Turenne, le 30 juillet 1675, Mme de Sévigné habite donc rue des Trois-Pavillons (aujourd’hui 14, rue Elzévir). « Tout le monde se cherche pour parler de M. de Turenne ; on s’attroupe ; tout était hier en pleurs dans les rues, le commerce de toute autre chose était suspendu... Jamais un homme n’a été regretté aussi sincèrement ; tout ce quartier où il a logé, et tout Paris et tout le peuple étaient dans le trouble et dans l’émotion. »
Au n° 62, rue de Turenne, l’hôtel de Hesse; au 60, un hôtel qui sera plus tard celui du « Grand Veneur », et qui a retrouvé un état proche de sa réfection de 1735. A l’arrière, 15, rue du Grand Veneur, dans un bâtiment de 1865-66, habita l'abbé Surat, archidiacre de Notre-Dame de Paris, otage de la Commune, tué lors de son évasion de la Roquette.

En face du 60, l'Hôtel de Pologne (IMH), 65 rue de Turenne, 17ème classique : escalier et sa rampe; au n° 56, habiter Scarron (voir ci-dessous); aux 52 et 54, la bibliothèque des Amis de l’instruction, organisée par des artisans et des ouvriers sous le Second Empire, occupe un local depuis 1884.
Mais le plus saisissant de ce que l'on doit à nos duettistes, c’est, dans la partie orientée est-ouest de l’actuelle rue Villehardouin, les douze maisons de rapport uniformes, hautes de deux étages et d’un comble, larges de quatre travées, s’élevant sur des parcelles identiques de cent quarante-quatre mètres carrés, qui lui donnaient alors le nom de rue des Douze-Portes.

Paul Scarron a été atteint, en 1638, d’un rhumatisme tuberculeux. Il est revenu du Mans paralysé des jambes, la nuque raidie, déformé, condamné à la chaise, « avec la douleur que donne [un] derrière pointu qui n’a plus d’embonpoint ». Mais pas plus sinistre pour autant :
Revenez mes fesses perdues,
Revenez me donner un cul,
En vous perdant j’ai tout perdu.
Hélas ! qu’êtes-vous devenues ?
Appui de mes membres perclus,
Cul que j’eus et que je n’ai plus...
En 1652, il arrache à la misère, en l’épousant, une jeune orpheline très belle, Françoise d’Aubigné, qui sera un jour Mme de Maintenon. À l’angle de la rue Neuve-Saint-Louis et de la rue des Douze-Portes (soit les actuelles rues de Turenne et Villehardouin), Scarron accueille les hommes les plus en vue de l’intervalle heureux qui sépare la dictature de Richelieu de l’absolutisme de Louis XIV, des libertins comme d’Elbène ou le maréchal d’Albret.
Désormais, quand il s’éloigne, toujours à regret, du Marais, c’est que s’impose une cure. Ninon, pendant ce temps-là, prête sa « chambre jaune » à Mme Scarron et à Villarceaux.
Crébillon père, Lesage succèderont à Scarron dans cette maison.

La forte pente de la rue Saint-Gilles, comme celle de la rue Saint-Claude, rappelle que le boulevard Beaumarchais est construit sur l’escarpe des remparts. « Vainement on chercherait dans Paris une rue plus paisible que la rue Saint-Gilles, au Marais, à deux pas de la place Royale. Là, pas de voitures, jamais de foule. À peine le silence y est rompu par les sonneries réglementaires de la caserne des Minimes, par les cloches de l’église Saint-Louis ou par les clameurs joyeuses des élèves de l’institution Massin à l’heure des récréations. Le soir, bien avant dix heures, et quand le boulevard Beaumarchais est encore plein de vie, de mouvement et de bruit, tout se ferme », raconte Émile Gaboriau en 1872 dans L’Argent des autres.
Dans l’ancienne infirmerie du couvent des minimes, placée dans le pavillon ouest du portail dessiné par François Mansart en 1678, seul vestige qui nous soit resté après la démolition du cloître au profit de l’agrandissement de la caserne, en 1925, quatre cents élèves ont connu à l'institution Massin, à en croire Ernest Lavisse dont les souvenirs ont le sérieux de l’historien professionnel, le régime du bain de pieds collectif et mensuel ! Cela a-t-il fait d’Auguste Blanqui, qui y fut élève dès ses 13 ans, un révolutionnaire ?

- 29, rue de Sévigné. Dans l’hôtel des Saint-Fargeau, de 1686, que la famille du conventionnel avait occupé jusqu’à la fin de l’Empire, l’institution Jauffret accueillit les fils Hugo, le romancier Edmond About, Louis Ulbach, le futur directeur de la Revue de Paris. Durant la Deuxième République, Pierre Larousse y était répétiteur de français et de latin pour les classes élémentaires. Sous la Troisième, Émile Durkheim y rencontrait Jean Jaurès préparant comme lui le concours d’admission à l’École normale supérieure. L’un sera le plus connu des sociologues français ; l’autre, le grand leader du mouvement socialiste.

- 8, rue du Parc-Royal : Mme de Sévigné y loge, on l'a dit, chez ses cousins Coulanges entre fin 1671 et mai 1672, la variole se faisant menaçante rue de Thorigny.

- 13, rue Payenne, hôtel de Châtillon ;
- n°11 le toit en carène de bateau de l’hôtel de Marle, presque contemporain de Carnavalet, est caractéristique de Philibert Delorme. Baudelaire n’aura pas le temps, en un trimestre, d’user ses fonds de culotte dans la pension qui y est alors installée.
- n°9, hôtel Donon, d’époque Henri III, musée Cognac Jay. Tous ces bâtiments ont une autre façade rue Elzévir. Madame de Sévigné y loue une maison presque au coin de la rue du Parc Royal entre mai 1672 et 1677.

- 31, rue des Francs-Bourgeois, Hôtel d'Albret. La façade sur rue est l''une des rares représentations dans le Marais de l'architecture Louis XV avec son balcon en ferronnerie. L'Hôtel, de François Mansart, date du XVIème siècle.

L'Hôtel Lamoignon est du 16e siècle. Son dernier agrandissement datait de 1624 et de Charles de Valois, bâtard du roi Charles IX et de Marie Touchet, sa favorite, qui y avait vécu jusqu'a sa mort en 1650, quand en 1658 Guillaume de Lamoignon loua l'hôtel. Il y tint hebdomadairement un salon où l'on pouvait côtoyer entre autres Boileau et Racine. L'hôtel fut acheté par son fils en 1688. L'avocat de Louis XVI, Lamoignon de Malesherbes y vit le jour en 1721. La famille de Lamoignon avait quitté les lieux vers 1750 ; le quartier passait de mode, et le 5e duc d’Aumont revendait lui aussi.

- Claude Boislève, pour lequel François Mansart a refait l’hôtel Carnavalet, l’un des premiers du Marais, construit à la jonction des règnes de François Ier et d’Henri II, sans doute par Pierre Lescot et avec le concours de Jean Goujon, est embastillé à la chute de Fouquet.
Après trois ans d’instruction, s’ouvre devant une chambre ad hoc, installée à l’Arsenal, le procès de Fouquet que Mme de Sévigné suit avec anxiété du 14 novembre, où il commence, jusqu’au verdict, qui tombe le 20 décembre1664. Un jour, enfin, elle réussit à apercevoir Fouquet, sur le trajet de la Bastille, sans doute depuis l’hôtel Fieubet. « Imaginez-vous que des dames m’ont proposé d’aller dans une maison qui regarde droit dans l’Arsenal, pour voir revenir notre pauvre ami. J’étais masquée, je l’ai vu venir d’assez loin. M. d’Artagnan était auprès de lui ; cinquante mousquetaires derrière, à trente ou quarante pas. Il paraissait assez rêveur. Pour moi, quand je l’ai aperçu, les jambes m’ont tremblé, et le cœur m’a battu si fort, que je n’en pouvais plus. En s’approchant de nous pour rentrer dans son trou, M. d’Artagnan l’a poussé, et lui a fait remarquer que nous étions là. Il nous a donc saluées, et a pris cette mine riante que vous connaissez. Je ne crois pas qu’il m’ait reconnue. »
Bouleversée, elle s’en retourne rue Sainte-Avoye (aujourd’hui du Temple), où elle est venue loger, veuve à 25 ans, à la fin de sa période de deuil.
Enfin, le 7 octobre 1677, elle écrit à sa fille : « Vous m’attendrissez pour la petite (…) Ne pourriez-vous point l’amener ? Vous auriez de quoi la loger au moins ; car, Dieu merci, nous avons l’hôtel de Carnavalet. C’est une affaire admirable : nous y tiendrons tous, et nous aurons le bel air ; comme on ne peut pas tout avoir, il faut se passer des parquets et des petites cheminées à la mode ; mais nous aurons du moins une belle cour, un beau jardin, un beau quartier, et de bonnes petites filles bleues [Celles du couvent contigu des Annonciades célestes], qui sont fort commodes, et nous serons ensemble, et vous m’aimez, ma chère enfant ».
L’Ecole des Ponts et Chaussées passera de l’hôtel Libéral Bruant, domicile de Perronet, son fondateur, à l’hôtel Carnavalet. Puis Carnavalet n’abritera pas moins de deux pensions.