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Le cri de Scarron, au Marais: "Revenez mes fesses perdues"

- 23, rue Turenne, Hôtel Colbert de Villacerf, surintendant des bâtiments du roi, (de 1650, il restera dans la famille jusqu’en 1755); fontaine au fond de la cour datant de 1650, ce qui en fait la plus ancienne des fontaines parisiennes du 17e siècle ; l'hôtel a été exhaussé de 3 étages en 1931.

   - fontaine de Caron, de 1783, de style maniériste, au fond de l’Impasse de la Poissonnerie, du marché Ste-Catherine. La "culture Sainte-Catherine" est le riche enclos, au long du rempart de Philippe-Auguste, d’un prieuré fondé en 1229 par les sergents d’armes de Philippe Auguste en accomplissement d’un vœu fait à Bouvines. La culture Sainte-Catherine est rachetée par le roi en 1767 pour l’édification d’un marché, finalement redessiné par Soufflot, dont la première pierre sera posée en avril 1788.

- 11, rue de Sévigné (ancienne rue Culture-Sainte-Catherine), ancien établissement de bains évoqué par Hugo : « le passant qui s’arrête rue Culture-Sainte-Catherine, après la caserne des pompiers, devant la porte cochère de la maison des Bains, voit une cour pleine de fleurs et d’arbustes en caisses, au fond de laquelle se développe, avec deux ailes, une petite rotonde blanche égayée par des contrevents verts, le rêve bucolique de Jean-Jacques. Il n’y a pas plus de dix ans, au-dessus de cette rotonde s’élevait un mur noir, énorme, affreux, nu, auquel elle était adossée. C’était le mur du chemin de ronde de la Force », écrit Hugo dans Les Misérables, en 1862.
Explication de texte : - « maison des Bains » parce que cet établissement a succédé en 1812 au théâtre du Marais, inauguré en 1791, que Beaumarchais avait fait construire avec des matériaux de la Bastille démolie. (Plaque commémorative)
- « rue Culture-Sainte-Catherine » à cause du prieuré longeant l'enceinte de Philippe Auguste ; la rue correspondait au chemin de ronde ; il y a des restes d’une tour de l’enceinte dans la cave du n°7, chez les pompiers. A l’angle de la caserne marques de censive.
- « la caserne des pompiers » parce que ceux-ci sont installés dès la Restauration dans l’hôtel Poulletier du n°7 ;
- « Il n’y a pas plus de dix ans » parce que c’est en mai 1850 que les deux prisons de la Petite et de la Grande Force ont été fermées et leurs huit cent quarante détenus transférés à Mazas.

- N°9 rue de Sévigné se trouvait l’hôtel du comte de Chavigny, ministre de Louis XIII, un hôtel Renaissance modernisé à partir de 1642 par François Mansart (1598-1666), auquel est attribué la façade sur jardin ; y subsiste un plafond peint attribué à Mignard. Le domaine, divisé à la fin du XVIIème siècle, fera place à deux hôtels : l’hôtel « de Mansart », réaménagé, s’ouvrira pour la première fois sur la rue de Sévigné.
- Au n°5 de la rue de Sévigné, la maison (plaque) garde le souvenir de la philanthropie de François-Vincent Raspail, qui y soigna gratuitement les pauvres de 1840 à 1848 avant de prendre part à la révolution de février 1848 et d'être élu député.

- la grande éloquence des sermons emplit la nef de l’église Saint-Louis des jésuites, achevée en 1647, et connaît son acmé le Vendredi saint, jour pour lequel les laquais y retiennent physiquement la place de leurs maîtres dès le mercredi ! La voix de Bossuet, durant les dix ans suivant 1659, date à laquelle il a été appelé à Paris par Vincent de Paul, et, à la décennie suivante, le timbre de Bourdaloue, logicien dont la dialectique implacable vous prend dans son étau et vous « ôte la respiration », à en croire Mme de Sévigné, auditrice assidue sauf si « la presse était à mourir ». Étouffée, oui, mais seulement par le prédicateur !
Puis tonnent les grandes orgues : Marc Antoine Charpentier prend la maîtrise de la musique des jésuites en 1689, celle dont le jour de gloire est la Saint-Louis, le 25 août, fête du Roi-Croisé qui partage son nom avec le Roi-Soleil, dans le même temps où François Couperin, dit le Grand, succède à la tribune de Saint-Gervais à son oncle et à son père et y compose, avant d’avoir 20 ans, ses deux premières Messes.
Mme de Sévigné, mariée à Saint-Gervais, est fidèle à Saint-Louis : « L’après-midi nous fûmes à l’église des jésuites de la rue Saint-Antoine pour entendre le sermon de l’évêque de Valence [Daniel de Cosnac, premier aumônier de Monsieur, frère du roi]. Le roi, la reine, M. le cardinal et la plupart des grands de la cour y assistèrent. Tout autour de l’église, on voyait plus de quatre mille cierges allumés, outre les chandelles dont l’autel, fait en forme de ciel et rempli de figures d’anges, était éclairé. Les armes du Roi et de la Reine y étaient représentées, soutenues de ces petits corps ailés ; et par des machines et des ressorts, on faisait descendre l’hostie jusque dans les mains de l’évêque. Il y eut aussi une magnifique musique composée des meilleures voix de celle du roi et aidées de celles de l’église même qui est très excellente. »
L’Empire installera le lycée Charlemagne dans la maison professe des jésuites; Saint-Paul s’est ajouté à Saint-Louis dans le nom de l’église désormais paroissiale.

- la rue de Rivoli a détruit, de la rue Mahler à la rue de Sévigné, tout le côté nord de la vieille rue Saint-Antoine.

- rue du Roi-de-Sicile parce qu’ici se situait l’hôtel de Charles d’Anjou, frère de Saint Louis, roi de Naples et de Sicile, la maison angevine régnant sur Naples et les domaines en dépendant depuis 1266.
N°2-4 La prison de la Grande Force, destinée à remplacer celle du For-l’Évêque, avait été établie en 1780 dans l’hôtel des ducs de La Force (successeurs ici des rois de Sicile) dont elle prendra le nom. Une Petite Force suivra, aux dépens de terrains de l’hôtel de Lamoignon, contre lequel elle a laissé un pan de son mur, 24, rue Pavée. À la Petite Force sont détenues, après le 10 août 1792, les fidèles de Marie-Antoinette : la princesse de Lamballe, Mme de Tourzel qui dirigea la fuite à Varennes, et sa fille Pauline dont la robe avait déguisé le dauphin. Ces deux dernières seront sauvées par la chute de Robespierre ; la princesse de Lamballe, le 3 septembre 1792, devant le guichet d’entrée de la Grande Force, la gorge plaquée sur la borne d’angle de la rue du Roi-de-Sicile et de la rue des Ballets (auj. l’extrémité sud de la rue Malher), a été décapitée au couteau (plaque).
Mais revenons aux Misérables : Depuis 1 heure du matin, Thénardier, évadé, est allongé sur l’arête d’un autre pan de ce mur, d’une hauteur de trois étages, donnant rue du Roi-de-Sicile, sans plus pouvoir rien faire qu’attendre d’être repris. 4 heures sonnent, le jour va poindre, et voilà qu’il distingue des voix au-dessous, mais… ce n’est pas la police ! Deux petits mots révèlent des voix amis: « Ces deux mots, icigo et icicaille, qui tous deux veulent dire ici, et qui appartiennent, le premier à l’argot des barrières, le second à l’argot du Temple, furent des traits de lumière pour Thénardier. À icigo il reconnut Brujon, qui était rôdeur de barrières, et à icicaille Babet, qui, parmi tous ses métiers, avait été revendeur au Temple. L’antique argot du grand siècle ne se parle plus qu’au Temple, et Babet était le seul même qui le parlât bien purement. Sans icicaille, Thénardier ne l’aurait point reconnu, car il avait tout à fait dénaturé sa voix. »

- 13 et 11, rue Pavée En 1577, l’hôtel de Lorraine et ses somptueux jardins étaient considérés comme l’un des plus beaux domaines de Paris. En 1685, ce domaine est morcelé ; de ce partage naissent deux hôtels : l’hôtel aux n°9-11 conserve le souvenir de celui de la famille de Lorraine avec sa façade et sa porte cochère Louis XIII  ; au n° 13, un nouvel hôtel indépendant a été réaménagé, l’hôtel d’Herbouville, selon les dessins du célèbre architecte Jean Hardouin-Mansart de Jouy (1703-1766, petit-fils de Jules Hardouin-Mansart qui était lui-même le petit neveu de François Mansart. On lui doit la façade de Saint-Eustache), qui garde une porte Louis XV. Il accueille aujourd’hui une école religieuse israélite.

- Au cœur du Pletzl, la « petite place » comme se désigne en yiddish le quartier, au 10 de la rue Pavée, pour l’association russo-polonaise Agoudas Hakehilos, regroupement de neuf sociétés très orthodoxes, Hector Guimard construit en 1913 une synagogue modern style.

- la vieille porte Baudet ou Baudoyer des remparts de Philippe Auguste, sur la rue Saint-Antoine (à la hauteur de l'actuelle église Saint-Louis), a été démolie en 1382, année de la révolte des Maillotins. À compter de cet endroit, passé son début tortueux (qui sera rebaptisée François-Miron en 1865), la rue Saint-Antoine s’élargit vers l'est en un cours magnifique, qui sera la promenade à la mode jusqu’à l’ouverture du Cours-la-Reine, en 1616.
Le 1er juin 1540, Charles Quint, autorisé à traverser la France avec son armée pour aller mater les Flandres, est accueilli par les corps constitués rue Saint-Antoine, entre des maisons dont les façades ont été drapées de riches tapisseries, après que la Bastille voisine a tiré une salve de huit cents coups de canon. Les fêtes et les tournois qui, en 1549, suivent l’entrée solennelle d’Henri II ont pareillement lieu ici, seul endroit de Paris à offrir assez d’ampleur à un moment où les Tuileries n’existent pas encore et où la place de Grève, comme son nom l’indique, est pour l’essentiel une berge en pente douce. Dix ans plus tard, c’est encore ici que se déroule le carrousel meurtrier où le roi trouve la mort. Et, un siècle après, c’est toujours par la rue Saint-Antoine qu’entrent solennellement Louis XIV et la jeune reine Marie-Thérèse.
En 1646, le roi cède à la Ville le front bastionné qui s’étend de la porte Saint-Antoine à la poterne Saint-Louis, au débouché de la rue du Pont-aux-Choux, soit, en gros le futur boulevard Beaumarchais. Dès les premiers mois de 1670, il est aménagé, planté d’arbres ; c'est le Nouveau Cours.

- n° 86 : Angle rue de Fourcy. Immeuble remanié au XVIIe siècle.
- n° 82 à 84 : Ancien hôtel du fermier général Hainault de Cantobre en 1706. Balcon à console orné d’une tête de Maure. Bâtiment restauré en 1993. Maison européenne de la Photographie (7 à 11 rue de Fourcy).
- n° 70 à 80 : Immeubles XVIIe siècle. Bel escalier au n° 70, idem au 76.

- 68, rue François-Miron. Quand, le 26 août 1660, Louis XIV fait son entrée solennelle à Paris, son cortège passe, rue aujourd’hui François-Miron, devant l’hôtel de Beauvais qu’on inaugure précisément pour l’occasion. Au balcon, la reine mère, Anne d’Autriche, et le cardinal de Mazarin, son mari secret ; Cateau la Borgnesse, sa femme de chambre, qui déniaisa le jeune roi, élevée au baronnage en même temps que son mari, ex-marchand de ruban à la galerie du Palais, et maîtresse de la maison ; enfin, Turenne tout frais nommé, en avril, maréchal général des camps et armées du roi !
Mozart y arrive le 18 novembre1763 à trois heures et demie de l'après-midi, avec Marianne, sa sœur, et leur père, accueillis par le comte Van Eyck, ambassadeur de Bavière à Paris, l'occupant des lieux. Leurs hôtes font transporter le clavecin de la comtesse dans la chambre des Mozart. Wolfgang n'aura 8 ans que le 31 janvier : il est trop petit pour voir le jardin suspendu, au-dessus des stalles prévues pour dix-huit chevaux, dans la cour de l’hôtel.

- Il y avait déjà, à la fin du 13e siècle, une rue des Juifs qui, curieusement, va cesser de l’être précisément à l’époque où ils n’y ont jamais été aussi nombreux pour devenir Ferdinand Duval en 1900. La communauté a sa bibliothèque ouvrière, 27, rue des Écouffes (coin avec le 23, rue des Rosiers), et son Fourneau économique, 22, rue des Juifs (coin avec le 7, rue des Rosiers), cette rue qui prend le nom du préfet Ferdinand Duval juste avant que les premières affiches « en langue juive », comme dit Charles Rappoport, n’apparaissent dans le quartier à l’occasion des élections de 1902. La chose ne passe pas inaperçue des journalistes du Temps.

- la rue Cloche-Perce, du 13e siècle, tire vraisemblablement son nom d'une enseigne faite d'une cloche bleue (pers ou perse, soit entre le bleu et le vert).

- n° 15, rue Vieille du Temple : Hôtel de Vibraye ou de Schomberg (1650). Restauré en 1980. n° 17 et 19 du 17e siècle. n°21 du 18e siècle; n°23 idem, très restauré.

- La rue du Trésor occupe l'emplacement de l'ancien hôtel du maréchal d'Effiat, père du Cinq-Mars qui fut le favori de Louis XIII. Elle se termine en cul-de-sac par une fontaine inutilisée datant du XIXème siècle. Dès 1883, se réunissait au café Trésor, aujourd'hui des Philosophes, une Société des ouvriers juifs russes – « en réalité des ouvriers juifs de Pologne et de Roumanie », précise Charles Rappoport, (populiste russe, diplômé de philosophie en Suisse et futur meilleur propagandiste du PC, débarqué à Paris au 50, rue des Francs-Bourgeois) -, et bientôt s’y tient, au sous-sol, en yiddish, la permanence du Syndicat des casquettiers.
Propriétaires de leur machine à coudre, ils sont de six à huit ouvriers en moyenne, au mieux de quinze à vingt, à travailler chez cent soixante fabricants dont deux seulement chôment le samedi. Importatrice de casquettes, le couvre-chef de ses ouvriers, jusqu’en 1890, la France en devient exportatrice avec le développement des ateliers juifs.
Le Fourneau économique, de six cent cinquante à sept cents portions qu’il servait chaque jour, grimpe à mille huit cents portions « après Chisinau ». Le pogrom qui a frappé la ville de Bessarabie en 1903 a suscité un exode massif. De nouveaux groupes d’ouvriers juifs, tailleurs, casquettiers, ébénistes, mais aussi forgerons, cordonniers, sculpteurs, mécaniciens, ferblantiers, serruriers, chaudronniers, confectionneurs en fourrure, viennent s’installer dans les 4e et 10e arrondissements. 
            Le siège du syndicat des casquettiers sera 13, rue Geoffroy l’Asnier au début des années 1930, lieu où a été construit depuis le Mémorial de la Shoah.
- n° 36 Hôtel construit à la fin du XVIIe siècle pour Jean Godart, sieur du Petit Marais. Ancien hôtel Poussepin (1660), de Baillie (1776). Fond de cour, plafond peint à voussure XVIIe siècle. Les portes monumentales et vantaux protégés IMH
- n° 44 : Ancien hôtel XVIIIe siècle. Beau portail avec mascaron, ferronneries. Les portes monumentales et vantaux protégés IMH

- 47, rue Vieille-du-Temple : Amelot de Bisseuil prend possession de son hôtel « si beau, si riche et si orné » de la rue Vieille-du-Temple, édifié sur celui de Rieux devant lequel était née, le soir du 23 novembre 1407, la guerre civile de trente ans des Armagnacs et des Bourguignons.
Les porte-couteaux, « estafiers » dans la vieille langue, de Jean sans Peur sont à l’affût depuis bien huit jours, dans une maison vide, « à l’image Notre-Dame », qu’ils ont louée en face. Peu après huit heures du soir, le duc d’Orléans sort de l’hôtel Barbette où la reine, sa belle-sœur et sa maîtresse, accouche d’un énième enfant. Le duc est gai, tête nue dans une houppelande de damas noir fourrée de martre, il joue avec ses gants et chantonne, faiblement accompagné de quelques porteurs de torches, pages et valets. Les assassins, près d’une vingtaine, armés d’épées, de casse-tête, de demi-lances, d’arcs et de flèches, frappent à tour de bras ; ils mettent le feu à leur repaire et filent au galop par la rue des Blancs-Manteaux, obligeant chacun à moucher ses chandelles sur leur passage, et jetant derrière eux des chausse-trappes. Devant l’hôtel de Rieux, on ramasse le corps de Louis d’Orléans pour le porter à l’intérieur : une main en est coupée, le bras gauche arraché, la moitié de la cervelle a coulé dans le ruisseau ; on emporte également son page. Un valet, grièvement blessé, a trouvé refuge dans une maison du coin de la rue des Rosiers.
Prévenus par le prévôt de Paris, les princes, c’est-à-dire les deux oncles du roi, ducs de Berry et de Bourbon, et son cousin germain, duc de Bourgogne, commanditaire du meurtre, se réunissent aussitôt, avec quelques membres du grand conseil du roi, à l’hôtel d’Anjou, chez le roi de Sicile.
Dans la chapelle de l’hôtel autrefois de Rieux, le culte protestant est célébré fréquemment, deux bons siècles plus tard, par le chapelain de l’ambassade de Hollande, d’où la désignation future du lieu comme "hôtel des Ambassadeurs hollandais". Valentin Conrart s’est marié ici, en 1634, selon le rite réformé ; Germaine Necker, future Mme de Staël, y est baptisée de même en 1766. Beaumarchais y installe, dix ans plus tard, les bureaux de Rodrigue Hortalez et Cie, sa maison de commerce d’armes à destination des « insurgents » américains, montée avec un million de livres de fonds publics que Vergennes, le ministre des Affaires étrangères, a mis à sa disposition. Il y vivra avec Marie-Thérèse de Willer-Mawlaz, et leur fille Eugénie, qui y naît, jusqu’à ce qu’il fasse construire par Lemoyne sa somptueuse résidence des environs de la Bastille.
C’est au 47, rue Vieille-du-Temple, donc, que Beaumarchais écrit Le Mariage de Figaro, qu’il lance l’édition des œuvres complètes de Voltaire sitôt la mort du philosophe, qu’il écrit encore Tarare, livret d’opéra moquant le despotisme oriental, destiné à la musique de Salieri. Mozart vient de créer, à Vienne, ses Noces de Figaro.

On aperçoit l'échauguette de la rue des Franc-Bourgeois: « À l’angle de la rue Vieille-du-Temple, elle montait la garde, dressant sa silhouette élancée contre le fond étoilé de la nuit printanière. Un toit de tuiles grises, tout neuf, coiffait les ruines qu’on s’apprêtait peut-être à restaurer. De-ci de-là, des meurtrières s’ouvraient dans la maçonnerie grossière constituant la façade du rez-de-chaussée. (…) Les fenêtres du premier étage, à l’encadrement sculpté, étaient obturées par des briques. Celles du dessus béaient sur le noir. (…) L’asphalte résonna sous un talon de fer. Ce n’était pas un des estafiers de Jean sans Peur. »
C’est Nestor Burma qui parle, dans la Fièvre au Marais. Explication: le roman est de 1955, l’échauguette de l’hôtel Hérouët (vers 1510),  a été endommagée par un bombardement de 1944 et l’on a envisagé de la démolir.

Au n° 12, rue des Blancs Manteaux, l'ancien monastère des Blancs Manteaux est classé (l'église, en totalité y compris les cryptes, façades et toitures du bâtiment conventuel subsistant [actuellement presbytère]). En 1258, saint Louis fait construire une église et un petit couvent, à l’abri de l’enceinte de Philippe Auguste, pour y installer les Serfs de la Vierge Marie, ordre mendiant dont l'habit est le manteau blanc. C'est dans cette église que fut déposée la dépouille de Louis, duc d'Orléans, assassiné le 25 novembre 1407 par son cousin Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Le monastère s’agrandit en 1685, et se dote d'une nouvelle église au détriment de l’enceinte de Philippe Auguste, toujours là mais bien ruinée. La façade de Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux lui vient de l’église Saint-Eloi des Barnabites, de 1704, sise dans l’île de la Cité. Saint-Eloi détruite lors des travaux d’Haussmann, sa façade sera remontée aux Blancs Manteaux par Baltard, l’architecte des Halles, en 1863.

À la Pizza du Marais, 15, rue des Blancs-Manteaux, Font et Val donnaient, en 1974, leur Sainte Jeanne du Larzac : pendant les manœuvres de printemps, la belle Jeanne Duret « pompait l’armée pour la rendre inoffensive » ! L’année suivante, Renaud y partageait l’affiche avec Yvan Dautin et ils réunissaient quinze spectateurs chacun. Mais à la Pizza du Marais, Renaud a griffonné Laisse béton au dos d’un paquet de cigarettes et bientôt c’est le tube !

- 9, rue Aubriot, portes monumentales et vantaux, protégés IMH

- Au Crédit Municipal, "chez ma tante", on peut voir l'étuve servant à stériliser les matelas mis en gage; au n°22, cour Martin Feuillée, se trouve l'hôtel des Ventes du Mont de Piété où ont encore lieu chaque année une centaine de ventes aux enchères des objets non retirés.

- 2, 4, rue Rambuteau, jolie façade

- angle Franc-Bourgeois / Archives : L’hôtel des Guise, est passé aux mains de François de Rohan, prince de Soubise au début du 18e siècle. Comme il a besoin de jouer aux petits soldats, pour oublier qu'il laisse « sa femme, à la cour, se mêler du grand, des grâces et des établissements de sa famille » en sa qualité de maîtresse royale, l’architecte lui fait une vaste cour d’honneur, propice aux revues militaires, entre un porche monumental ouvert sur la rue des Franc-Bourgeois et le mur latéral du palais des Guise rhabillé en façade principale. Au bout du jardin, l’un de leurs fils, celui qui, sans doute, l’est « naturellement » du roi, se fait construire un hôtel par le même architecte, qui appelle Robert Le Lorrain à sculpter ici Les Chevaux du Soleil au fronton des écuries comme il allonge, de l’autre côté du parc mitoyen, La Gloire et La Magnificence au sommet du corps central de la façade.
Le musée des Archives nationales conserve, au bord de l'escalier du 1er étage, les 24 canons de fusils alignés constituant la machine de Fieschi utilisée dans l'attentat du 28 juillet 1835 contre Louis Philippe.

- 45, rue des Archives : L’ordre religieux de Notre Dame de la Rédemption des Captifs, ou des Pères de la Merci, se consacrait depuis 1218 au rachat des chrétiens capturés par les barbaresques. En 1613, la reine Marie de Médicis les installa rue du Chaume, actuelle rue des Archives.
Une église et les premiers bâtiments conventuels sont alors construits. Mais quand François de Soubise entreprend les travaux de son hôtel au début du XVIIIème siècle, il souhaite aussi avoir un beau vis à vis et finance la reconstruction de l’église de la Merci, où sa famille possède une chapelle, et du couvent, travaux menés par son architecte Germain Boffrand, en 1727-31.
L’église qui se trouvait au n°47 de la rue des Archives a été fermée puis détruite à la révolution et remplacée par des immeubles de rapport. Le couvent qui se présente comme un hôtel particulier avec son grand portail a été conservé et transformé pour l’habitation. Il possède encore un beau cadran solaire sur une de ses façades et un très bel escalier.

- 58, rue des Archives. Clisson, compagnon d’armes de Du Guesclin, a fait bâtir son hôtel vers 1370 ; c’est le moment où la vieille enceinte de Philippe Auguste, remplacée, était démolie et offrait du terrain à bon marché ; le temps aussi où le séjour du roi Charles V à l’hôtel Saint-Paul attirait la noblesse au Marais. L’hôtel était bâti depuis dix ans quand éclata à Paris la révolte dite des Maillotins, suscitée par un impôt de trop et, retour de la guerre de Flandre, Charles VI désarma les Parisiens, abolit leur gouvernement municipal, les fit emprisonner par centaines, pendre les uns et confisquer les biens de ceux que l’on ne pendait pas. C’est Clisson qui avait suggéré au roi, pas encore âgé de 15 ans, le désarmement de Paris : il avait fait arracher toutes les portes de la ville, et les avait fait coucher au sol afin que les piétinent chaque jour les hommes et les bêtes. Paris resta ainsi ouverte à tous les vents durant neuf années, si bien que Froissart pourra écrire que Clisson avait, au sens propre, ouvert la porte à ses assassins quand il sera, dans la nuit du 13 au 14 juin 1391, assailli devant son hôtel par Pierre de Craon et une quarantaine de ses hommes, qui sans cela n’auraient jamais pu pénétrer en ville.
Laissé pour mort, le connétable se remettra pourtant de ses blessures.
Un siècle et demi plus tard, les Guise acquièrent l’ex-hôtel de Clisson, et François de Guise s’inquiète d’abord du maintien de son alimentation par les eaux de Savies, l’une des commodités de la maison. Les autres épisodes sont plus sanglants. Quand Paris, après un premier massacre de protestants, à Wassy, accueille et escorte comme un roi François de Guise, c’est jusqu’ici. C’est encore dans cet hôtel que se trame peut-être l’assassinat de Coligny, sûrement la Saint-Barthélemy. Le 9 mai 1588, malgré la défense du roi, le fils aîné des Guise, Henri le Balafré, rentre à Paris, c’est-à-dire toujours ici, rue alors du Chaume. Trois jours plus tard, au petit matin, l’Université se couvre de barricades, qui n’arrivent qu’à la mi-journée autour de son hôtel. Il joue l’étonné : « Je dormais quand tout commença », écrira-t-il. « Et en effet, raconte Michelet, il se montra le matin à ses fenêtres en blanc habit d’été, dans le négligé d’un bon homme qui à peine s’éveille et demande : “Eh ! que fait-on donc ?” ».
Puis, se posant en médiateur, « sans armes, une canne à la main, il parcourait les rues, recommandant la simple défensive ; les barricades s’abaissaient devant lui. Il renvoya les gardes au Louvre ; il rendit les armes aux Suisses. Tous l’admiraient, le bénissaient. Jamais sa bonne mine, sa belle taille, sa figure aimable, souriante dans ses cheveux blonds, n’avaient autant charmé le peuple ». Et Michelet le montre aussi habile à rendre leurs manières aux bourgeois qu’à serrer les mains crasseuses des pauvres, tournant vers les uns un œil d’autant plus compatissant que sa balafre le fait larmoyer, et vers les autres un œil ravi. « Le 9 mai, c’était un héros ; le 12 au soir, ce fut un dieu. »
La reine mère est chez Henri de Guise lorsque son plus intime confident vient dire au duc : « Le roi est parti ».
À l’invitation des Guise, Pierre Corneille, académicien, mais toujours normand, vient profiter du nouveau régime vigoureusement mis en place par le jeune Louis XIV, en s’installant à Paris avec son frère Thomas, dans leur hôtel.
Dans son immense hôtel, Melle de Guise, Marie de Lorraine, entretient une musique d’une quinzaine d’exécutants pour lesquels compose Marc Antoine Charpentier, avant de tenir parmi eux la partie de haute-contre. Charpentier, qui est naturellement son pensionnaire, y écrit, dans les années 1680, un ballet pour Polyeucte comme des intermèdes pour la reprise d’Andromède, l’une et l’autre de Pierre Corneille. Seule la mort de Mlle de Guise mettra fin à un séjour de près de vingt ans (de 1670 à 1688), qu’il quittera pour devenir le maître de musique des jésuites. Autour s’élèvent maintenant de beaux hôtels, comme celui d’Assy (n°58bis), que l’architecte Pierre Le Muet achève juste avant de passer à son chef d’œuvre, l’hôtel d’Avaux (aujourd’hui musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, 71, rue du Temple).
Les Archives nationales, créées par l’Assemblée constituante, qui ont connu la salle des Feuillants puis le couvent des Capucins, sont déposées au palais de Soubise en 1808 ; doivent les y rejoindre celles de tous les pays de l’Empire napoléonien. De l’hôtel de la maison de Guise il ne reste plus qu’un escalier à la double croix de Lorraine. Michelet, après qu’il aura été nommé à la tête de la section historique des Archives, en 1831, y occupera durant vingt-cinq ans un bureau aux boiseries très simples autour d’une glace élégamment encadrée.

-Les beaux balcons aux consoles massives de l’hôtel Lelièvre font face, rue de Braque, au portail d’Olivier de Clisson. Au 3, rue de Braque, grille ornée de pommes de pin, décoration traditionnelle des cabarets.

Source: gallica.bnf.fr
- 7, rue de Braque, cour ; "Petit hôtel de Mesmes et de Vergennes, ministre de Louis XVI" dans la légende d'Atget:

- 11, rue de Braque, soubassement; ancienne maison Bournigat du 17e siècle.

- 71-75, rue du Temple (auj. Musée d’art et d’histoire du Judaïsme), bâti par Le Muet pour Claude de Mesme, comte d’Avaux, qui meurt en 1650. L'hôtel passera ensuite au gendre de Colbert, duc de Saint-Aignan. Son aile gauche est un « mur renard », une façade plaquée, ici contre la muraille de Philippe Auguste sur laquelle vient partout buter le bourg.
Hôtel Claude de Mesmes, "centre du mouvement des journées de juillet 1830" dans la légende d'Atget. L'hôtel connu aussi comme de Saint-Aignan, est sis 57, rue Sainte-Avoye dans la nomenclature de l'époque. Y habitent l'avocat Etienne Garnier-Pagès et son demi-frère. Lors des Trois glorieuses de 1830, "la commune centrale" républicaine y établit son quartier général et, le 29 juillet, à lire Louis Blanc, Histoire de 10 ans : "Plusieurs citoyens s’étaient réunis tumultueusement rue Sainte-Avoye, dans la maison de Garnier-Pagès. Il y avait été arrêté que le général Lafayette, le général Gérard, le duc de Choiseul, seraient invités à prendre en main la force publique. En même temps, par une coïncidence singulière, MM. Charles Teste et Taschereau créaient, dans les bureaux du National, un gouvernement provisoire, composé de MM. Lafayette, Gérard et Labbey de Pompières. Sur l’avis du poète Béranger, ce dernier nom fut remplacé par celui du duc de Choiseul. Et une proclamation, que le Constitutionnel trompé publia, répandit dans tout Paris la grande nouvelle d’un gouvernement qui n’existait que dans l’esprit de quelques courageux faussaires comptant sur le succès pour se faire absoudre."

Si l'on en croit l'anonyme Souvenir glorieux du Parisien, ou Précis historique des journées des 26, 27, 28, 29, 30 et 31 juillet, suivi des plus beaux traits de cette mémorable révolte, et d'un tableau contenant le nom des braves qui se sont le plus signalés,
 "Un nommé Jean Grenier, ouvrier poêlier, rue de la Mortellerie n°20, s'est présenté dans la matinée du 31 juillet au commandant du poste de l'hôtel Saint-Aignan, rue Sainte-Avoye, 7e arr. "Sergent, dit-il, voici mon sabre, je l'ai bien employé depuis trois jours, maintenant je retourne à mon ouvrage et mon arme me devient inutile, j'en fais don à la Garde Nationale." Ce trait de patriotisme le plus désintéressé a été accueilli comme il devait l'être ; son auteur s'est refusé à recevoir aucun prix de son arme. "Je ne vends pas mon sabre, disait-il, je le donne." Et en effet il en fit don à un Grenadier qui en manquait."
Source: gallica.bnf.fr

Source: gallica.bnf.fr
- C’est au n° 79 – alors rue Sainte-Avoye –, qu’en 1623, Jean Habert – « Montmor le Riche », selon Tallemant des Réaux –, se fait construire l’hôtel fastueux qu’on connaît encore comme l’hôtel de Montmor. Henri-Louis Habert, fils de Montmor le Riche, né en 1603 comme Valentin Conrart, est déjà, à 22 ans, conseiller au parlement de Paris. Ses cousins Germain et Philippe sont tous les deux membres de l’Académie, et des familiers de l’hôtel de Rambouillet. Il les y rejoint et « Les Trois Habert » aident à tresser la Guirlande de Julie, y nouant Narcisse, Souci, Rose et Perce-Neige. À 31 ans, Henri-Louis est à son tour de l’Académie, et il en héberge les séances durant trois mois dans l’hôtel paternel. Mais son intérêt va davantage aux sciences et il reçoit, au milieu d’une collection de tableaux qui ne regroupe pas moins de cent quatre-vingt-sept pièces, et de manuscrits anciens dont Colbert trouvera soixante-treize dignes de sa bibliothèque, l’abbé Mersenne, Étienne Pascal et son fils Blaise, Roberval, Gui Patin, l’Italien Campanella, l’Anglais Hobbes, l’Allemand Kepler.
À l’hôtel de Montmor, Gassendi finit ses jours chez Henri-Louis Habert, auquel il lègue la lunette qu’il a lui-même reçue de Galilée, à condition que son hôte sera l’éditeur de ses œuvres complètes. Henri-Louis fait enterrer son ami à Saint-Nicolas-des-Champs, dans la chapelle de la famille Habert de Montmor, auprès de Guillaume Budé, son grand-oncle, le célèbre helléniste, fondateur du Collège de France, qui s’était éteint en 1540 au 203 bis, rue Saint-Martin.
En 1657, ce qui était une sorte de salon scientifique se formalise et adopte une constitution en neuf règles qui en fait l’Académie Montmorienne. Jean Chapelain, versificateur ennuyeux, mais correspondant de Huygens, y rend compte des découvertes de ce dernier : l’horloge à balancier, Titan, l’anneau de Saturne… 
On donne souvent Chapelain comme le modèle de Molière pour le Philinte du Misanthrope, en tout cas, après l’interdiction de Tartuffe dès le lendemain de sa création, le 12 mai 1664, c’est devant des membres de l’Académie Montmorienne – Jean Chapelain, Gilles Ménage, l’abbé de Marolles – que Molière en donne une lecture.
C’est encore ici qu’en 1667, deux médecins du roi font la première expérience de transfusion du sang : celui d’un veau sur un malheureux valet de chambre de Mme de Sévigné, amie et voisine des Habert de Montmor.

- mur peint rue des Haudriettes : l’Esprit des lieux
- façades et balcons des 5 et 5 bis
Source: gallica.bnf.fr
- Hôtel Bondeville (IMH),  4 rue des Haudriettes : hôtel d'origine 16ème, façades sur cour et cour, restauration contemporaine (façades). Hôtel de Maupéou dans la légende d'Atget qui en photographie la cour pleine de tonneaux:

- fontaine des Haudriettes, Située à l'intersection de la rue des Archives et de la rue des Haudriettes, cette fontaine classée, en forme de bâtiment trapézoïdal, a été conçue par Moreau-Desproux, petit-fils par alliance de Jean Beausire et Maître des Bâtiments de la Ville. Elle sera construite vers 1770 aux frais du prince François de Rohan, et remplacera la Fontaine Neuve qui datait de 1636. Elle est ornée d'un bas relief en marbre de Pierre Mignot représentant une naïade allongée dans les roseaux. Le mascaron représentant une tête de lion crachait de l'eau du canal de l'Ourcq, mais qui provenait à l'origine de Belleville.
La fontaine des Haudriettes subira de nombreuses restaurations, la plus importante étant celle entreprise par David en 1836.
Son nom provient d'une légende selon laquelle Etienne Haudry, un marchand drapier et grand panetier de Philippe le Bel, tardait à revenir de Croisade. Sa femme, qui ne l'attendait plus, prit le voile. Au retour d'Haudry, le couple donnera naissance à la société des femmes veuves, dites Haudriettes, qui possèderont diverses propriétés dans le rue qui porte leur nom.

-60, rue des Archives / 24, rue des 4 Fils, François Mansart bâtit l’hôtel de Guénégaud en 1651-53, que le bénédictin Germain Brice, dans le premier guide touristique parisien, publié en 1684, décrira ainsi : « Le devant est orné d’architecture, avec des refends, et des vases sur l’entablement, qui font ensemble une décoration agréable » (aujourd’hui musée de la Chasse et de la Nature).

- 20, rue des 4 Fils, bâtiment de 1747 où habita de Sèze, défenseur de Louis XVI.


- au bout de la rue des 4 Fils, le 11, rue de la Perle,  de 1717, devenu un immeuble municipal occupé par la Direction des affaires scolaires.

- 87, rue Vieille du Temple : L’imprimerie royale de Richelieu, après les Tuileries et le Louvre, est devenue nationale à l’hôtel de Toulouse, en l’an II, avant de gagner l’hôtel de Rohan en 1811.
D. Vierge, éd. de 1879 d'Histoire d'un crime, Groupe Hugo Paris 7
Très tard dans la soirée du 1er décembre 1851, Maxime Du Camp voit arriver chez lui un ami, très préoccupé : il est passé vers minuit devant l’Imprimerie nationale, rue Vieille-du-Temple, et il l’a vue entourée par une compagnie de la garde municipale, ce qui ne présage rien de bon. Ce qu’il n’a pu voir, c’est, dedans, chaque ouvrier, encadré par deux gendarmes, qui, dans le silence obligatoire, compose un tout petit fragment de texte qui à lui seul est sans signification. Le puzzle se reconstitue le lendemain matin sur tous les murs de Paris : "l’Assemblée nationale est dissoute".

- Dans les années 1630, la troupe de Montdory s’installe au jeu de paume du Marais, rue Vieille-du-Temple, au revers de l’hôtel Salé. Paris ne compte alors que deux salles de théâtre et deux troupes permanentes : les Comédiens du roi, de Bellerose, qui jouent à l’Hôtel de Bourgogne, et le Théâtre du Marais. Bellerose, à en croire Tallemant, « était un comédien fardé, qui regardait où il jetterait son chapeau, de peur de gâter ses plumes. Ce n’est pas qu’il ne fît bien certains récits et certaines choses tendres, mais il n’entendait point ce qu’il disait ». Montdory est, selon l’abbé d’Aubignac, «le premier acteur de [son] temps» ; il sait donner à l’interprétation de la comédie le ton « d’honnêteté », et à la tragédie classique celui de grandeur et de noblesse qu’attend alors l’élite de « la Cour et de la Ville ».
Corneille lui confie son Illusion comique à l’hiver de 1635-1636, et le Cid, en janvier 1637 ; Montdory y interprète Rodrigue. La France est en guerre avec l’Espagne, le public en entend des résonances dans la pièce, le succès est inouï. Le Cid « est si beau », écrit Montdory dès le 18 janvier à Guez de Balzac, « qu’il a donné de l’amour aux dames les plus continentes, dont la passion a même plusieurs fois éclaté au théâtre public. On a vu seoir en corps aux bancs de ses loges ceux qu’on ne voit d’ordinaire que dans la chambre dorée et sur le siège des fleurs de lys. La foule a été si grande à nos portes et notre lieu s’est trouvé si petit, que les recoins du théâtre qui servaient les autres fois comme de niche aux pages ont été des places de faveur pour les cordons bleus [de l’ordre du Saint-Esprit] et la scène a été d’ordinaire parée de croix de chevaliers de l’Ordre ».

- Aubert de Fontenay, dit Aubert des Gabelles parce qu'il eut le quasi monopole de celles-ci de 1632 à 1656, voit naturellement sa demeure qualifiée « d’hôtel salé ». Elle lui sera confisquée à la chute de Fouquet. C’est l’École centrale des Arts et Manufactures qui marqua ensuite le plus les lieux. On peut voir les marques de censive du Fief des Coutures Saint-Gervais (F C S G en losange autour d'une croix chrétienne) sur l’angle des communs de l’hôtel Salé, rue de Thorigny / rue des Coutures Saint-Gervais.

En face du musée Picasso, Françoise de Sévigné, fille de l'épistolière, épouse le comte de Grignan en 1669. Le jeune couple et Mme de Sévigné mère s’installent 8, rue de Thorigny (la maison brûlera ensuite et celle que l’on voit aujourd’hui est plus récente) mais, à l’automne 1669, le comte de Grignan est nommé lieutenant général du Languedoc. Voilà Madame de Sévigné épistolière par force, qui écrit ses premières lettres à sa fille en 1671. Mme de Sévigné logera ensuite rue du Parc-Royal où nous la retrouverons, la variole menaçant la rue de Thorigny. Puis elle louera une maison qui existe encore au 14 rue Elzévir (alors rue des Trois Pavillons) entre mai 1672 et 1677.

Dans le lotissement que réalise Le Jay, président au parlement de Paris, des terrains cultivés, "cultures" ou "coutures" des hospitalières de Saint-Gervais, Villedo construit avec le charpentier Claude Dublet, bâtisseur des maisons du pont Marie, tout le côté des numéros pairs de la rue Neuve-Saint-Louis (aujourd’hui de Turenne) entre les rues Saint-Gilles et Saint-Claude.
[En 1637, Michel Villedo, « maçon de la Creuse » mais de bonne bourgeoisie rurale, pas exactement un pauvre hère, a signé avec le bureau des finances le « traité » qui lui confie les travaux d’un canal de dérivation destiné à réguler les crues de la Seine. Il a déjà à son actif l’église de la Visitation-Sainte-Marie de François Mansart, mais son grand projet, auquel il a réussi à intéresser le Père Joseph, l’éminence grise, et par l'intermédiaire de celui-ci le rouge cardinal de Richelieu lui-même, c’est la reviviscence du bras mort de la Seine par le creusement et l’élargissement du ruisseau de Ménilmontant, qui en est un vestige, depuis l’Arsenal jusqu’à l’extrémité du Cours-la-Reine, au large de l’enceinte des « fossés jaunes » dont la construction vient de s’achever. La surintendance des finances se dédit et Villedo est nommé, à titre de compensation, « général des œuvres de maçonneries et ouvrages de Sa Majesté ».]

Source: gallica.bnf.fr
- 64, rue de Turenne, construit par Villedo et Dublet donc, l’hôtel Méliand (du pdt de Tanlay chez Atget), pour François Petit, maître d’hôtel ordinaire du roi ;
- comme au 66-68, celui de Pierre Boulin, trésorier du Marc d’or (un droit qui se lève sur tous les offices de France à chaque changement de titulaire) ;
- comme au 68 bis, enfin, où Turenne vécut une quinzaine d’années, l'hôtel que l’église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement a remplacé.
À la mort de Turenne, le 30 juillet 1675, Mme de Sévigné habite donc rue des Trois-Pavillons (aujourd’hui 14, rue Elzévir). « Tout le monde se cherche pour parler de M. de Turenne ; on s’attroupe ; tout était hier en pleurs dans les rues, le commerce de toute autre chose était suspendu... Jamais un homme n’a été regretté aussi sincèrement ; tout ce quartier où il a logé, et tout Paris et tout le peuple étaient dans le trouble et dans l’émotion. »
Au n° 62, rue de Turenne, l’hôtel de Hesse; au 60, un hôtel qui sera plus tard celui du « Grand Veneur », et qui a retrouvé un état proche de sa réfection de 1735. A l’arrière, 15, rue du Grand Veneur, dans un bâtiment de 1865-66, habita l'abbé Surat, archidiacre de Notre-Dame de Paris, otage de la Commune, tué lors de son évasion de la Roquette.

En face du 60, l'Hôtel de Pologne (IMH), 65 rue de Turenne, 17ème classique : escalier et sa rampe; au n° 56, habiter Scarron (voir ci-dessous); aux 52 et 54, la bibliothèque des Amis de l’instruction, organisée par des artisans et des ouvriers sous le Second Empire, occupe un local depuis 1884.
Mais le plus saisissant de ce que l'on doit à nos duettistes, c’est, dans la partie orientée est-ouest de l’actuelle rue Villehardouin, les douze maisons de rapport uniformes, hautes de deux étages et d’un comble, larges de quatre travées, s’élevant sur des parcelles identiques de cent quarante-quatre mètres carrés, qui lui donnaient alors le nom de rue des Douze-Portes.

Paul Scarron a été atteint, en 1638, d’un rhumatisme tuberculeux. Il est revenu du Mans paralysé des jambes, la nuque raidie, déformé, condamné à la chaise, « avec la douleur que donne [un] derrière pointu qui n’a plus d’embonpoint ». Mais pas plus sinistre pour autant :
Revenez mes fesses perdues,
Revenez me donner un cul,
En vous perdant j’ai tout perdu.
Hélas ! qu’êtes-vous devenues ?
Appui de mes membres perclus,
Cul que j’eus et que je n’ai plus...
En 1652, il arrache à la misère, en l’épousant, une jeune orpheline très belle, Françoise d’Aubigné, qui sera un jour Mme de Maintenon. À l’angle de la rue Neuve-Saint-Louis et de la rue des Douze-Portes (soit les actuelles rues de Turenne et Villehardouin), Scarron accueille les hommes les plus en vue de l’intervalle heureux qui sépare la dictature de Richelieu de l’absolutisme de Louis XIV, des libertins comme d’Elbène ou le maréchal d’Albret.
Désormais, quand il s’éloigne, toujours à regret, du Marais, c’est que s’impose une cure. Ninon, pendant ce temps-là, prête sa « chambre jaune » à Mme Scarron et à Villarceaux.
Crébillon père, Lesage succèderont à Scarron dans cette maison.

La forte pente de la rue Saint-Gilles, comme celle de la rue Saint-Claude, rappelle que le boulevard Beaumarchais est construit sur l’escarpe des remparts. « Vainement on chercherait dans Paris une rue plus paisible que la rue Saint-Gilles, au Marais, à deux pas de la place Royale. Là, pas de voitures, jamais de foule. À peine le silence y est rompu par les sonneries réglementaires de la caserne des Minimes, par les cloches de l’église Saint-Louis ou par les clameurs joyeuses des élèves de l’institution Massin à l’heure des récréations. Le soir, bien avant dix heures, et quand le boulevard Beaumarchais est encore plein de vie, de mouvement et de bruit, tout se ferme », raconte Émile Gaboriau en 1872 dans L’Argent des autres.
Dans l’ancienne infirmerie du couvent des minimes, placée dans le pavillon ouest du portail dessiné par François Mansart en 1678, seul vestige qui nous soit resté après la démolition du cloître au profit de l’agrandissement de la caserne, en 1925, quatre cents élèves ont connu à l'institution Massin, à en croire Ernest Lavisse dont les souvenirs ont le sérieux de l’historien professionnel, le régime du bain de pieds collectif et mensuel ! Cela a-t-il fait d’Auguste Blanqui, qui y fut élève dès ses 13 ans, un révolutionnaire ?

- 29, rue de Sévigné. Dans l’hôtel des Saint-Fargeau, de 1686, que la famille du conventionnel avait occupé jusqu’à la fin de l’Empire, l’institution Jauffret accueillit les fils Hugo, le romancier Edmond About, Louis Ulbach, le futur directeur de la Revue de Paris. Durant la Deuxième République, Pierre Larousse y était répétiteur de français et de latin pour les classes élémentaires. Sous la Troisième, Émile Durkheim y rencontrait Jean Jaurès préparant comme lui le concours d’admission à l’École normale supérieure. L’un sera le plus connu des sociologues français ; l’autre, le grand leader du mouvement socialiste.

- 8, rue du Parc-Royal : Mme de Sévigné y loge, on l'a dit, chez ses cousins Coulanges entre fin 1671 et mai 1672, la variole se faisant menaçante rue de Thorigny.

- 13, rue Payenne, hôtel de Châtillon ;
- n°11 le toit en carène de bateau de l’hôtel de Marle, presque contemporain de Carnavalet, est caractéristique de Philibert Delorme. Baudelaire n’aura pas le temps, en un trimestre, d’user ses fonds de culotte dans la pension qui y est alors installée.
- n°9, hôtel Donon, d’époque Henri III, musée Cognac Jay. Tous ces bâtiments ont une autre façade rue Elzévir. Madame de Sévigné y loue une maison presque au coin de la rue du Parc Royal entre mai 1672 et 1677.

- 31, rue des Francs-Bourgeois, Hôtel d'Albret. La façade sur rue est l''une des rares représentations dans le Marais de l'architecture Louis XV avec son balcon en ferronnerie. L'Hôtel, de François Mansart, date du XVIème siècle.

L'Hôtel Lamoignon est du 16e siècle. Son dernier agrandissement datait de 1624 et de Charles de Valois, bâtard du roi Charles IX et de Marie Touchet, sa favorite, qui y avait vécu jusqu'a sa mort en 1650, quand en 1658 Guillaume de Lamoignon loua l'hôtel. Il y tint hebdomadairement un salon où l'on pouvait côtoyer entre autres Boileau et Racine. L'hôtel fut acheté par son fils en 1688. L'avocat de Louis XVI, Lamoignon de Malesherbes y vit le jour en 1721. La famille de Lamoignon avait quitté les lieux vers 1750 ; le quartier passait de mode, et le 5e duc d’Aumont revendait lui aussi.

- Claude Boislève, pour lequel François Mansart a refait l’hôtel Carnavalet, l’un des premiers du Marais, construit à la jonction des règnes de François Ier et d’Henri II, sans doute par Pierre Lescot et avec le concours de Jean Goujon, est embastillé à la chute de Fouquet.
Après trois ans d’instruction, s’ouvre devant une chambre ad hoc, installée à l’Arsenal, le procès de Fouquet que Mme de Sévigné suit avec anxiété du 14 novembre, où il commence, jusqu’au verdict, qui tombe le 20 décembre1664. Un jour, enfin, elle réussit à apercevoir Fouquet, sur le trajet de la Bastille, sans doute depuis l’hôtel Fieubet. « Imaginez-vous que des dames m’ont proposé d’aller dans une maison qui regarde droit dans l’Arsenal, pour voir revenir notre pauvre ami. J’étais masquée, je l’ai vu venir d’assez loin. M. d’Artagnan était auprès de lui ; cinquante mousquetaires derrière, à trente ou quarante pas. Il paraissait assez rêveur. Pour moi, quand je l’ai aperçu, les jambes m’ont tremblé, et le cœur m’a battu si fort, que je n’en pouvais plus. En s’approchant de nous pour rentrer dans son trou, M. d’Artagnan l’a poussé, et lui a fait remarquer que nous étions là. Il nous a donc saluées, et a pris cette mine riante que vous connaissez. Je ne crois pas qu’il m’ait reconnue. »
Bouleversée, elle s’en retourne rue Sainte-Avoye (aujourd’hui du Temple), où elle est venue loger, veuve à 25 ans, à la fin de sa période de deuil.
Enfin, le 7 octobre 1677, elle écrit à sa fille : « Vous m’attendrissez pour la petite (…) Ne pourriez-vous point l’amener ? Vous auriez de quoi la loger au moins ; car, Dieu merci, nous avons l’hôtel de Carnavalet. C’est une affaire admirable : nous y tiendrons tous, et nous aurons le bel air ; comme on ne peut pas tout avoir, il faut se passer des parquets et des petites cheminées à la mode ; mais nous aurons du moins une belle cour, un beau jardin, un beau quartier, et de bonnes petites filles bleues [Celles du couvent contigu des Annonciades célestes], qui sont fort commodes, et nous serons ensemble, et vous m’aimez, ma chère enfant ».
L’Ecole des Ponts et Chaussées passera de l’hôtel Libéral Bruant, domicile de Perronet, son fondateur, à l’hôtel Carnavalet. Puis Carnavalet n’abritera pas moins de deux pensions.
 

Des Lumières à la lanterne


Le parcours fait une boucle autour de la librairie Delamain, 155, rue Saint-Honoré, Paris Ier.

La porte Saint-Honoré, 2ème du nom, était située devant l’actuelle Comédie-Française. La butte des Moulins, à l’intersection des actuelles rue Sainte-Anne et rue des Petits-Champs, formée par la haute voirie Saint-Honoré et les déblais de construction de l’enceinte d’Étienne Marcel et de Charles V, dont cette porte était l’entrée ouest, était suffisamment importante pour fournir un point d’appui à l’assaut que Jeanne d’Arc et les Armagnacs lancèrent contre Paris, entre ladite porte Saint-Honoré et la porte Saint-Denis, le 4 septembre 1429.
Après cette date, elle s’est encore augmentée, et la butte Saint-Roch aussi, des nouveaux travaux de défense qu’à l’été de 1536 François Ier confie au cardinal Jean du Bellay pour parer à une éventuelle offensive de Charles Quint. À ce moment, l’état de la vieille fortification est piteux, si l’on en croit Rabelais, protégé du cardinal, qui fait dire à Panurge : « Voyez donc ces belles murailles. Oh ! qu’elles sont solides et bien propres à garder les oisons en mue ! Par ma barbe, elles sont bien minables pour une ville comme celle-ci, car une vache d’un seul pet en abattrait plus de six brasses ».
Les deux buttes, longtemps hérissées d’un gibet et de moulins, seront aplanies, pour la moindre en 1670, en même temps que le Roi-Soleil sonne la fin du Paris fortifié et fait de sa capitale une ville ouverte.

- place du Palais-Royal : Le Petit-Bourbon en passe d’être démoli, la troupe de Molière, en 1660, se transporte dans le théâtre de l’ancien Palais-Cardinal, une salle de douze cents places que Richelieu a inaugurée vingt ans plus tôt avec, il a tous les talents, des pièces écrites de sa propre main. Au répertoire de Molière, Le Dépit amoureux et Le Cocu imaginaire. Cette dernière pièce propitiatoire, peut-être, son auteur s’apprêtant à épouser Armande Béjart, la fille de la maison dans laquelle il vient d’emménager, en haut de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, du côté ouest, là où elle s’élargit pour devenir la place du Palais-Royal.

Le Régent, installé au Palais-Royal, meurt, frappé d’apoplexie, en 1723. Louis XV règne officiellement ; il n’exercera la réalité du pouvoir que vingt ans plus tard. Ce temps approche lorsqu’au Café de la Régence, sur la place du Palais-Royal, tout à côté de la maison où Molière a rencontré Armande Béjart, Denis Diderot et Jean-Jacques Rousseau sont présentés l’un à l’autre.
« Le café est très en usage à Paris : il y a un grand nombre de maisons publiques où on le distribue », affirment les Lettres persanes de Montesquieu, censément écrites entre 1712 et 1720. « L’effet en fut incalculable, - n’étant pas affaibli, neutralisé, comme aujourd’hui, par l’abrutissement du tabac. On prisait, mais on fumait peu », assure Michelet qui attribue au café « l’explosion de la Régence et de l’esprit nouveau, l’hilarité subite, la risée du vieux monde, les saillies dont il est criblé, ce torrent d’étincelles »…
L’établissement, tenu par Rey, qui lui a donné ce nom dès le début de la Régence, est avec le café Marion, impasse de l’Opéra (aujourd’hui début de la rue de Valois), le lieu où se fait l’opinion. On y trouve le Journal de Paris, cantonné aux questions artistiques, qui est crié à 5 sols là comme dans les jardins publics, la Gazette, toujours publiée au Louvre, qui paraît maintenant le lundi et le vendredi, et des placards et libelles plus officieux. On y joue aux échecs. « Si le temps est trop froid, ou trop pluvieux, confesse Diderot par la voix du Neveu de Rameau, je me réfugie au Café de la Régence ; là, je m’amuse à voir jouer aux échecs. Paris est l’endroit du monde, et le Café de la Régence est l’endroit de Paris où l’on joue le mieux à ce jeu. C’est chez Rey que font assaut Legal le profond, Philidor le subtil, le solide Mayot... »

Passage Richelieu : le chantier du Louvre de Napoléon III commence par là en 1852-1855 ; Louis Visconti l’affirme, « Le caractère de la nouvelle architecture sera emprunté religieusement au vieux Louvre. L'architecte fera abnégation de tout amour-propre pour conserver à ce monument le caractère que ses devanciers lui ont imprimé ». Mais, le 29 décembre 1853, une attaque d'apoplexie l'emporte – c’est à Hector Lefuel que l’on devra la recherche décorative sur l'aile bordant la rue de Rivoli, où l'on retrouvera, avec des cariatides imitées de celles de Jacques Sarazin pour le pavillon de l’horloge, tout un vocabulaire hérité du début du XVIIe siècle : bossages vermiculés, colonnes baguées, agrafes de baies en forme de trophées tous différents, tables sculptées, lucarnes ornées, avec des N aux trois étages : décor d'ailleurs parfaitement ordonnancé qui fait du pavillon de la Bibliothèque peut-être la partie la plus intéressante de l'œuvre nouvelle, et digne, avant l'opéra, d'être qualifiée de “style Napoléon III“.

On aperçoit, par la baie de droite, le Mercure et la Renommée sculptés par Coysevox pour l’abreuvoir de Marly, amenés en 1719 sous les fenêtres du palais des Tuileries. On voit par la baie de gauche les esclaves de l’ancienne statue de la place des Victoires. Louis XIV n’assista pas, pour cause de fistule, à son inauguration, le 18 mars 1686. Finalement pédestre et en bronze doré, haute de 4 m, elle était posée sur un piédestal haut de 7, où étaient enchaînés, aux quatre angles, des esclaves figurant l’Empire, l’Espagne, la Hollande, et le Brandebourg. Le Louvre les conserve parce que la Révolution, qui n’était point chauvine, ne voulait point offenser ces nations en place publique et en avait débarrassé la statue.

A l’emplacement de l’actuel pavillon Turgot, l’hôtel de Rambouillet : Catherine de Vivonne en a tracé elle-même les plans et a créé un style : des pièces en enfilade, de grandes portes-fenêtres s’ouvrant du sol au plafond, des alcôves et leurs ruelles – l’espace entre lit et cloison – qui délimitent le lieu de la nouvelle sociabilité. La « Chambre bleue » de la marquise a vite été « la Cour de la Cour », c’est-à-dire le comble de la politesse. Il y a eu le Louvre des soldats et de l’intrigue, et il y a eu en réaction, dès 1610, dans cette même rue Saint-Thomas qu’il habite, un peu plus bas, l’anti-Louvre : l’hôtel de la marquise de Rambouillet. C’est aussi le réservoir de l’esprit précieux dans lequel Molière puise en voisin pour en railler les ridicules. Sans compter que le marquis de Montausier, qui soupira dix ans pour la fille de l’hôtesse et composa pour elle, avec le renfort de quantité d’autres beaux esprits, La Guirlande de Julie, bouquet de soixante-deux poèmes la célébrant sous les traits de trente fleurs, passe pour être le modèle de l’Alceste du Misanthrope.

« À l’époque du 10 août 1792, il y avait sur la place du Carrousel, écrit Louis Blanc, une boutique qu’occupait Fauvelet, frère de Bourrienne. Pendant que le peuple assiégeait le château, un homme, du haut des fenêtres de cette boutique, jouissait du spectacle : c’était un officier renvoyé du service, fort pauvre, très embarrassé de sa personne, et qui avait dû former, pour vivre, le projet de louer et de sous-louer des maisons. Il se nommait Napoléon Bonaparte. Napoléon encore ignoré par la Révolution et la regardant faire, que de choses dans ce rapprochement ! Or tout ce qu’il suggère, la boutique de Fauvelet le disait au passant : qui ne la regretterait ! »
Pas de regrets chez Balzac pour qui « Ces prétendues maisons ont pour ceinture un marais du côté de la rue de Richelieu, écrit-il en 1846, un océan de pavés moutonnants du côté des Tuileries, de petits jardins, des baraques sinistres du côté des galeries et des steppes de pierre de taille et de démolitions du côté du vieux Louvre. »
« Lorsqu’on passe en cabriolet le long de ce demi-quartier mort, poursuit la Cousine Bette, et que le regard s’engage dans la ruelle du Doyenné, l’âme a froid, l’on se demande qui peut demeurer là ? »
Une dizaine d’années plus tôt, demeuraient là, et Balzac le sait parfaitement, Gérard de Nerval et Théophile Gautier, Arsène Houssaye, leurs amours de passage, et Eugénie Fort et Jenny Colon, pour ne rien dire des peintres Nanteuil, Corot, Chassériau venus y peindre les décors des fêtes, Gavarni et Alphonse Karr, et tous les locataires distingués de l’impasse – il y en avait donc –, qui n’étaient « reçus qu’à condition d’amener des femmes du monde, protégées, si elles y tenaient, par des dominos et des loups ».
« Voici bientôt quarante ans que le Louvre crie par toutes les gueules de ces murs éventrés, de ces fenêtres béantes : Extirpez ces verrues de ma face ! On a sans doute reconnu l’utilité de ce coupe-gorge, et la nécessité de symboliser au cœur de Paris l’alliance intime de la misère et de la splendeur qui caractérise la reine des capitales », s’indigne encore Balzac.
Il reviendra au Second Empire de cautériser la cour du Carrousel – et d’emporter du même coup un souvenir du glorieux oncle. Déplorant, comme tant d’autres, la brutalité haussmannienne, Louis Blanc regrette, au lieu de tout ce que « la boutique de Fauvelet disait au passant », de ne plus trouver que le silence des pierres.
Il reviendra également à Napoléon III d’achever, le 14 août 1857, le « grand dessein », toujours pendant depuis Henri IV : la réunion du Louvre et des Tuileries par le nord.

Rue de Rivoli. Jusqu’à la hauteur de la rue de l’Échelle, on est sur son prolongement des années 1852-55. Ce fut l'une des premières opérations d'Haussmann: confiée aux Pereire, elle devait être achevée pour l'Exposition universelle de 1855. Au n°190, sur le tronçon primitif d’après 1806, on peut voir la seule porte ancienne conservée.

Au Musée des Arts déco se trouvent :
- les boiseries de la chambre à coucher du baron Hope. Lorsqu’en 1838 le baron William Hope, richissime banquier d’origine anglo-hollandaise, achète l’hôtel particulier du 57, rue Saint-Dominique, que Brongniart a construit pour la princesse de Monaco (actuelle ambassade de Pologne), il confie à l’architecte Achille-Jacques Fedel (1785-1860), peu connu, le soin d’en faire une somptueuse demeure dans le nouveau goût inspiré de la Renaissance. L’hôtel sera racheté par le baron Achille Seillière, donné à sa fille, princesse de Sagan, mariée à Boson de Talleyrand-Périgord. La guerre de 1870, la Commune suspendront à peine ses fêtes fastueuses. En 1880, en costume d’Esther, elle accueillera mille cinq cents invités ; en 1884, elle donnera son bal des Paysans, l’année suivante, son bal des Bêtes qui la verra déguisée en paon.
« Est-ce que ce n’est pas assez faux chic, assez snob à côté, ces Sagan ? , demande le Bloch de Proust dans Le Côté de Guermantes.
- le lit de parade en bronze de la célèbre Valtesse de la Bigne, le futur modèle de Nana, créé en 1877 par Barbedienne pour Édouard Lièvre ; au musée des Arts Déco depuis 1911. Deux cupidons nus à la tête, 2 lampes au pied, 2 portières pour entrer dans son enceinte, un dais très haut avec de lourdes draperies. Il trônait dans le magnifique hôtel particulier construit par Jules Février en 1876 à l’angle du boulevard Malesherbes (n° 98) et de la rue de la Terrasse. Zola, dans Nana, le transplante à l’angle de l’avenue de Villiers et de la rue Cardinet (carrefour du lycée Carnot, qui n’existe pas encore puisque Nana meurt en juillet 1870 tandis que le lycée est de 1874).
- la chambre, le boudoir et la salle de bains de l’appartement privé de la grande couturière Jeanne Lanvin. Aménagé en 1924-1925 par le décorateur Armand-Albert Rateau, rue Barbet-de-Jouy, l’ensemble est somptueux avec ses meubles en bronze à patine antique ou en bois doré. Vers 1920, la couturière Jeanne Lanvin, dont les robes donnent aux jeunes filles « un air de fantaisie poétique qui les apparente à celles de Francis Jammes et de Marie Laurencin », à en croire Louise de Vilmorin, achète pour sa fille chérie un pavillon de la rue Barbet-de-Jouy que laisse « la Marquise rouge » Arconati-Visconti (1840-1923), salonnière dreyfusarde, républicaine et athée. Ancienne élève de l’École des Chartes et de l’École du Louvre, celle-ci aimait à s’entourer de beaux esprits, hommes politiques, historiens d’art, artistes parmi lesquels on comptait Jean Jaurès ou Raymond Koechlin. Passionnée, elle avait réuni à partir de 1890 une importante collection d’objets, de meubles et de boiseries du Moyen Âge et de la Renaissance avec l’aide d’un ami antiquaire : Raoul Duseigneur. Nous lui devons en particulier des boiseries et une cheminée de la fin du XVe siècle ainsi qu’une importante collection de pièces d’orfèvrerie, de la vaisselle et des bijoux du XIXe siècle.
 Jeanne Lanvin fera construire pour elle-même au n° 16, à côté, une annexe que décorera Armand Rateau : dans sa chambre, des tableaux qui, s’ils sont signés Renoir, Bonnard, Vuillard, etc., ont tous en commun de représenter des ateliers de modiste, le décor des débuts de la désormais célèbre couturière. Son grand salon est un musée de quatre cents œuvres, toutes à sujet féminin, et le lieu des défilés annuels de sa maison.

Au sud de l’actuel pavillon de Marsan, était dans le palais des Tuileries la salle des Machines : un vrai théâtre, voulu par Mazarin, en 1662, après que Molière a joué dans la salle des cariatides du Louvre, devant la cour, L’Étourdi, Les Précieuses ridicules, George Dandin. Mais cette « salle des Machines » a une acoustique qui s’avère décevante et Molière préfèrera donner encore L’École des femmes et Le Mariage forcé dans la salle des Cariatides.

Quand Voltaire rentre à Paris après vingt-cinq ans d’exil, en 1778, le palais des Tuileries est toujours vide de toute présence royale depuis l’enfance de Louis XV, même si Marie-Antoinette, à l’avènement de son époux, a manifesté le désir de s’y installer. C’est la Comédie-Française qui est maintenant depuis huit ans dans « la salle des Machines », et sa situation, entre le parc et la cour du Carrousel, a déjà doté les acteurs de cet argot de métier, désormais consacré, qui oppose un « côté jardin » à un « côté cour ».

Là où sera percée la rue de Rivoli, on trouve une carrière, au droit des numéros impairs de la rue Saint-Roch, puis un manège de 120 m de long par 20 m de large qui s’étend jusqu’à l’actuelle rue de Castiglione ; il a été construit pour l’éducation du jeune Louis XV, présent au château des Tuileries de 1715 à 1722. Derrière le manège, le monastère des Feuillants, religieux de l’ordre de Citeaux.
Paris, depuis longtemps, ne plaisait plus aux rois. Quand un souverain vient enfin habiter les Tuileries, la Révolution y entre avec lui. Le « boulanger, la boulangère et le petit mitron » y emménagent, contraints et forcés, le 6 octobre 1789. L’Assemblée nationale s’installe dans la salle du Manège, jouxtant le parc, le long de la terrasse des Feuillants. La société des Amis de la Constitution, ce club constitué par des députés bretons, qui compte maintenant un millier de membres, loue le couvent des Jacobins.
C’est dans ce périmètre que s’écrit la geste révolutionnaire : le roi s’échappe des Tuileries le 21 juin 1791, y est ramené quatre jours plus tard. Sa fuite promeut l’idée républicaine. Aux Jacobins, les partisans d’une monarchie constitutionnelle, La Fayette en tête, font alors sécession et s’en vont installer au couvent voisin leur Club des feuillants, à quatre louis d’or par tête. Dans l’église, dont il a fait son atelier pour la circonstance, Jacques Louis David est en train de peindre Le Serment du Jeu de paume, le 20 juin 1789.
Au jour anniversaire dudit serment, le 20 juin 1792, la foule, menée par le brasseur Santerre, marche sur les Tuileries : le roi a remplacé des ministres brissotins par des ministres feuillants ; il lui faudra boire à la santé de la nation, coiffé d’un bonnet phrygien. Le 10 août, la patrie en danger, les émigrés de Coblence et leurs alliés austro-prussiens menaçant Paris d’« une vengeance exemplaire et à jamais mémorable », et le roi soupçonné de complicité, les sections, fédérés de Marseille en tête, donnent l’assaut aux Tuileries. La famille royale escalade en toute hâte les marches de la terrasse des Feuillants, gagne la salle du Manège, s’y place sous la protection de l’Assemblée législative. Elle passe là trois longues nuits, au terme desquelles le roi est suspendu.
C’est dans cette salle du Manège que la République, la première, est proclamée le 21 septembre. C’en est fini du Club des feuillants ; Robespierre est l’âme des Jacobins ; la guillotine se dresse dans la cour du Carrousel.
En mai 1793 seulement, quand la Convention, quittant le Manège, s’installe dans la salle des Machines, elle fait débarrasser de la guillotine la cour du Carrousel, sur laquelle donnent maintenant ses fenêtres.

Au 194bis, rue de Rivoli (coin rue St-Roch), une plaque indique que Vauban est mort à cet emplacement. Vauban était l’auteur d’un projet de réforme fiscale qu’il avait adressé à Louis XIV, et dont certains ont pu penser qu’il aurait été susceptible d’éviter la Révolution, mais on avait fait lapider, au pilori situé au débouché du prolongement aujourd’hui imaginaire de la rue Mondétour dans la rue Rambuteau, en février 1707, cette œuvre qui portait le titre de Dixme royale.

De la terrasse des Feuillants, on évoque la « perspective triomphale » :
La première entrée solennelle aux Tuileries par le jardin, celle d’un ambassadeur turc, n’avait eu lieu qu’en 1721. La Renommée et Mercure de Coysevox, installés depuis deux ans, étaient naturellement tournés vers le palais.
Le Comité de salut public, qui n’entend pas faire de la place de la Révolution la place des supplices, se préoccupe de son embellissement, - la décision est du 5 floréal an II, soit le 24 avril 1794 -, et confie à David, par exemple, d’amener à leur tour les chevaux numides domptés par des Africains, qui avaient été élevés d’un seul bloc de marbre par Coustou pour remplacer les Coysevox à l’abreuvoir de Marly, et de les placer à l’entrée des Champs-Élysées.
Quand ils le seront effectivement, entre juillet et septembre 1795, les dompteurs qui les flanquent sont tournés vers la place et regardent donc, comme la Renommée et le Mercure de Coysevox, les Tuileries. La République, comme les rois, envisage toujours notre place de la Concorde comme mieux faite pour être traversée du regard, depuis les Tuileries, qu’empruntée par des gens ; elle y voit une perspective plus qu’un espace.
Longtemps encore, entre côté jardin et côté cour, le cœur des souverains continuera de balancer. En 1808, à l’apogée de son règne, c’est à la cour que Napoléon, avec l’arc de triomphe du Carrousel, donne une entrée grandiose. Finalement, c’est la IIIe République qui tranchera. Le Consulat et l’Empire, par le percement des rues de Rivoli, de Castiglione, etc., avait effacé alentour les souvenirs de la République ; la République se résout, en 1883, à l’arasement du palais des Tuileries en tant que symbole de la monarchie. C’était sans doute une ruine au toit crevé depuis la Commune, mais le gros œuvre tenait bon.
[Beaucoup de ses matériaux ont été remployés au château de la famille Pozzo di Borgo à la Punta, à Alata, en Corse (près d’Ajaccio).] Cet obstacle levé, « la voie triomphale », comme la flèche recule sur la corde que tend l’archer, allait s’ancrer entre les bras du Louvre, au cœur même de Paris.

On quitte la terrasse des Feuillants par la grille de la rue de Castiglione. Balzac, La Femme de 30 ans : « Au commencement du mois d'avril 1813, il y eut un dimanche dont la matinée promettait un de ces beaux jours où les Parisiens voient pour la première fois de l'année leurs pavés sans boue et leur ciel sans nuages. Avant midi un cabriolet à pompe attelé de deux chevaux fringants déboucha dans la rue de Rivoli par la rue Castiglione, et s'arrêta derrière plusieurs équipages stationnés à la grille nouvellement ouverte au milieu de la terrasse des Feuillants. Cette leste voiture était conduite par un homme en apparence soucieux et maladif ; des cheveux grisonnants couvraient à peine son crâne jaune et le faisaient vieux avant le temps ; il jeta les rênes au laquais à cheval qui suivait sa voiture, et descendit pour prendre dans ses bras une jeune fille dont la beauté mignonne attira l'attention des oisifs en promenade sur la terrasse. La petite personne se laissa complaisamment saisir par la taille quand elle fut debout sur le bord de la voiture, et passa ses bras autour du cou de son guide, qui la posa sur le trottoir, sans avoir chiffonné la garniture de sa robe en reps vert. Un amant n'aurait pas eu tant de soin. L'inconnu devait être le père de cette enfant qui, sans le remercier, lui prit familièrement le bras et l'entraîna brusquement dans le jardin. Le vieux père remarqua les regards émerveillés de quelques jeunes gens, et la tristesse empreinte sur son visage s'effaça pour un moment. Quoiqu'il fût arrivé depuis longtemps à l'âge où les hommes doivent se contenter des trompeuses jouissances que donne la vanité, il se mit à sourire.
- L'on te croit ma femme, dit-il à l'oreille de la jeune personne en se redressant et marchant avec une lenteur qui la désespéra. »

La rue de Castiglione a été ouverte en 1802. A dr., 10-14 Castiglione / 14-18 Mont-Thabor, PLU : architecture ordonnancée protégée par ancien POS, immeuble édifié à l’emplacement des Feuillants selon les plans de Percier et Fontaine. Arrêté des Consuls du 47 vendémiaire an X.
A g., 5-11 Castiglione / 20 Mt-Thabor / 237 St-Honoré, PLU : architecture ordonnancée protégée par ancien POS, selon les plans de Percier et Fontaine. Arrêté des Consuls du 47 vendémiaire an X.

Rue du Mont-Thabor, le trottoir de gauche est le revers de l’hôtel Continental, (inauguré pour la 3ème Expo universelle, celle de 1878, 400 chambres et 25 suites), dont on aperçoit la marquise rue Rouget de l’Isle ; sur le trottoir de dr., regarder les N°20, 26, 28.

Entre la rue Rouget de l’Isle et la rue Cambon, l’îlot de gauche a été occupé par le ministère des Finances de la Restauration à la Commune ; la construction actuelle est postérieure à celle-ci. Sur le côté impair de Cambon, s’élevait le couvent des Assomptionnistes ou Nouvelles Haudriettes. La fille de la Pompadour, Alexandrine, y arriva à 6 ans pour y recevoir une excellente éducation jusqu’à son mariage, déjà arrêté avec un fils la maison de Chaulnes et de Luynes pour ses 13 ans, quand elle y mourut d’une péritonite deux mois avant son dixième anniversaire, en 1754. Elle aura connu, dans la chapelle, l’Adoration des mages, de Carle Van Loo, qui y était suspendue depuis 1740.
Les bâtiments conventuels ont été détruits en 1898 pour laisser place à la cour des Comptes (immeuble de 1912). L’église, des premières années 1670, avait été rendue au culte après le Concordat de 1802, et Napoléon logea au couvent sa garde à cheval, qui comptait un nombre assez important de Polonais. Le 22 mai 1834, les Polonais, nombreux à Paris depuis l’échec de leur insurrection de 1831 contre l’autorité tsariste, assisteront en masse, dans cette église, aux obsèques de La Fayette. L'église de l'Assomption leur sera dévolue par l’archevêque de Paris, Mgr Affre, en 1844.

En arrivant sur St-Honoré, on évoque Robespierre :
Le 27 juillet 1794, 9 thermidor an II, Robespierre quitte son premier étage de la cour du 398, rue Saint-Honoré, devant l’ancien couvent de la Conception, comme il le fait chaque matin depuis trois ans, pour gagner la Convention. Il sera guillotiné le lendemain. Le Club des jacobins est fermé.

382, rue Saint-Honoré, la maison de Mme de Tencin, enclavée dans le couvent des Filles de la Conception, à l’emplacement des actuelles rues Chevalier-de-Saint-Georges et Duphot, était à la fois le quartier général des agioteurs en même temps qu’un salon où l’on pense. L’hôtesse, qui venait de mettre au monde, pour l’abandonner aussitôt, le futur d’Alembert, accueillait dans sa « ménagerie », ses « bêtes » qui s’appelaient, Réaumur, Montesquieu, Fontenelle, Mme du Deffand, Mme Geoffrin. Et voilà qu’une bête amoureuse, celle qui prenait la suite de Marc-René d’Argenson, lieutenant général de police, du Régent, du Premier ministre, cardinal Dubois, et du chevalier Destouches, père naturel de d’Alembert, voilà qu’au beau milieu de la ménagerie, La Fresnaye se donnait le ridicule trop humain d’un suicide au pistolet. Le scandale enverra Mme de Tencin à la Bastille, où elle arrivera par hasard en même temps que Voltaire, qui y séjournait déjà pour la deuxième fois.

374 St-Honoré, PLU : maison du 18e s., salon de Mme Geoffrin autour de 1750. Elle est de petite naissance – fille d’un valet de chambre de la Dauphine –, mais son mari lui laisse en mourant une grande fortune ; son orthographe est rudimentaire, mais le futur roi de Pologne Stanislas Poniatowski, Diderot, d’Alembert, Helvétius, Voltaire, d’Holbach, Montesquieu, Hume et Horace Walpole sont là le lundi et le mercredi, sous des tableaux qu’elle a commandés à Vernet, Vien et Carle Van Loo pour son hôtel, et d’autres achetés à Boucher, Greuze ou Hubert Robert pour enrichir sa très belle collection.

n° 239 : Costes ; en face, la Cour Vendôme permet d’arriver au 7 qui en est le revers place Vendôme. Au club de l’Entresol, qui tire son nom du demi-étage du n° 7 de la place, se réunissent tous les samedis, chez le président Hénault, de 5 h à 8 h du soir, une vingtaine d’esprits hardis intéressés par les questions politiques. Jusqu’à ce qu’un Grand Acte royal y mette l’éteignoir en 1731.



1, place Vendôme et 358bis, rue St-Honoré : hôtel de Vendôme
En se rendant chez Mme Geoffrin pour souscrire à l’Encyclopédie qu’elle subventionne, ses invités ont croisé, entre les Jacobins et la place Vendôme, une foule en colère entourant le domicile de Nicolas Berrier, lieutenant général de police, « le vilain Beurrier » soupçonné de se faire graisser la patte pour peupler avec les enfants de Paris, enlevés de force à leurs parents, le Mississippi, resté colonie de la couronne de France alors que Jean Law est failli et enterré.
On longe le n°352, PLU, hôtel Régence, appuis de fenêtre en fer forgé ; Inscription partielle à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (porte monumentale, vantaux compris, et balcon qui la surmonte).
 n°350, PLU : ancien hôtel d'aspect seconde moitié XVIIIe ; surélévation; beau balcon un surmontant la porte d'entrée à l'étage noble. Remarquable cour intérieure avec façades conservant des appuis de fenêtre en fer forgé et une statue néoclassique. 
n°348, PLU : présente une façade en pierre de taille avec des appuis de fenêtre Louis XV conservés au premier étage. Soubassement nettement dénaturé.
n°346, PLU : Maison à loyer d'aspect années 1790. Façade en pierre de taille. Entresol parcouru de refends horizontaux. Chambranles à crossettes.

En face, au n°229, était l’entrée monumentale du monastère des Feuillants, due à Jules Hardouin-Mansart, en 1676 (l’année de la consécration de N.-D. de l’Assomption). Leur chapelle, due à François Mansart pour la façade, terminée en 1624, allait être détruite en 1804.

Anne d’Autriche est aux Feuillants en 1638, priant saint Joseph de lui donner un fils. Un an plus tard, c’est aux Jacobins, remplacés par les rue et place du Marché Saint-Honoré d’aujourd’hui, que l’on va chercher Campanella, à deux reprises, pour examiner le nouveau-né. L’utopiste, qui s’est réfugié là après vingt-sept années de cachot et sept passages par la torture de l’Inquisition, est féru de kabbale et de magie : le futur Louis XIV tout nu devant lui, il lui tire l’horoscope. Prévoit-il que dix ans plus tard, le 6 janvier 1649, chassés de Paris par la Fronde, le jeune roi, avec sa mère la régente et son Mazarin de ministre, iront coucher sur la paille à Saint-Germain ?
C’est encore aux Feuillants qu’après sa rupture avec La Fare, Mme de La Sablière, l’Iris des Discours et « Dédicaces » de La Fontaine, prend pension dans un logement situé au-dessus de l’entrée monumentale que Jules Hardouin-Mansart a bâtie pour leur couvent, le long de la rue Saint-Honoré. Elle y emmène le fabuliste qu’elle loge depuis sept ans. De tous ceux qui fréquentaient son salon, Molière, Retz, La Rochefoucauld sont morts, mais Mme de La Fayette, Mme de Sévigné, Boileau, Racine sont toujours fidèles.
Elle a installé La Fontaine dans une maison à lui, au n° 308 de la rue Saint-Honoré, quand, à l’église des Feuillants, Lully dirige le Te Deum qu’il a composé pour remercier le ciel d’avoir guéri le Roi-Soleil de sa fistule. Ce faisant, ce mémorable 8 janvier 1687, il se plante dans le pied la longue canne au lourd pommeau avec laquelle se bat la mesure. La gangrène s’y mettra, et Lully en meurt.
La Fontaine, qu’on a fini par admettre à l’Académie après l’avoir censuré, s’est fait une « chambre des philosophes » où, sous les bustes de Platon, de Socrate et d’Épicure, de jeunes et jolies demoiselles viennent toucher le clavecin parmi des abbés de cour, des poètes et des amis de la pensée libre. Mais à la première occasion – une maladie qui semble devoir être mortelle, en 1692 –, son confesseur sait lui arracher, devant une délégation d’Immortels, une abjuration publique de ses contes «infâmes».

n°326, PLU : maison du 1er tiers du 19ème siècle sur plus ancienne coupée par le percement de la rue du Marché St-Honoré sur l’emplacement des Jacobins. Les jacobins de la rue Saint-Honoré entraient dans leur couvent par la rue Saint-Hyacinthe, que fermait leur église qui faisait de cette rue un cul-de-sac,
n°324, PLU : maison néo-classique fin 18ème s. Idem n°322, PLU ; n°320, PLU : maison Louis XV, appuis fenêtres en fer forgé Louis XV ; n°318, 316, 314, 312, PLU : Maisons anciennes appartenant à une séquence des XVIIe  et XVIIIe  siècles. Porte cochère à vantaux en bois donnant accès à une longue cour commune au n°310 à 316.
n°310, PLU : Deux maisons présentant des façades composées chacune d'une seule travée, du XVIIe siècle. Appuis de fenêtre en fer forgé Louis XIV (travée de droite). Élévation de quatre étages carrés sur entresol et rez-de-chaussée.
n°306, (et 2, rue de la Sourdrière), PLU : Immeuble de rapport construit par l'architecte A.-J. Sellerier en 1892. Il est remarquable par sa façade en briques décoratives. Rouges, blanches et vernissées bleues, elles alternent en bandeaux sur le premier et le troisième étage et sont agencées en quinconce au deuxième étage. Un bow-window métallique se détache à l'angle.

Louis XIV a posé la première pierre de Saint-Roch en 1653, en la présence de sa mère Anne d'Autriche. Jacques Lemercier, l'architecte de la Sorbonne, en a dessiné les plans. La construction sera interrompue en 1660, alors que le transept et la dernière travée de la nef étaient achevés. Jules Hardouin-Mansart reprendra la direction du chantier en 1701. Il construira l'arrière du choeur ellipsoïdal de la chapelle de la Vierge. Une nouvelle fois interrompus, les travaux reprendront en 1719 grâce à un don du banquier Law. Law s’est porté acquéreur d’au moins huit des hôtels de la place des Conquêtes (Vendôme), et ses largesses autorisent Mansart à terminer l’église. Robert de Cotte édifiera la façade à deux étages en 1753.
Le 5 octobre 1795, 13 vendémiaire an IV, la Convention, menacée par les royalistes, appelle Bonaparte à la rescousse. En deux heures, la cour du Carrousel est dégagée et l’insurrection vient mourir aux marches de l’église Saint-Roch. Bonaparte est nommé général commandant l’armée de l’intérieur et se voit attribuer le bel hôtel de la Colonnade, entre boulevard et rue des Capucines.
A la mi-janvier 1815, le curé de Saint-Roch, église où Molière fit baptiser son enfant, où Sophie Arnould fit de même pour celui que lui avait donné le duc de Brancas, refuse d’accueillir la dépouille mortelle de la Raucourt, actrice dont la gloire se confond avec les débuts de l’Odéon, protégée de feu la reine Marie-Antoinette. Le peuple enfonce les portes et procède lui-même au service religieux.
Au départ des cent cinquante mille soldats alliés, à la fin du mois de novembre 1818, la presse de la Restauration, dans la fiction balzacienne, publie cet écho concernant un célèbre parfumeur du 397, rue Saint-Honoré (la rue s’arrête aujourd’hui au n°281, au coin de la rue Royale) : « Nous apprenons que la délivrance du territoire sera fêtée avec enthousiasme dans toute la France, mais, à Paris, les membres du corps municipal ont senti que le moment était venu de rendre à la capitale cette splendeur qui, par un sentiment de convenance, avait cessé pendant l’occupation étrangère. Chacun des maires et des adjoints se propose de donner un bal : l’hiver promet donc d’être très brillant ; ce mouvement national sera suivi. Parmi toutes les fêtes qui se préparent, il est beaucoup question du bal de monsieur Birotteau, nommé chevalier de la Légion d’honneur, et si connu par son dévouement à la cause royale. Monsieur Birotteau, blessé à l’affaire de Saint-Roch, au treize vendémiaire, et l’un des juges consulaires les plus estimés, a doublement mérité cette faveur ».
Pour l’occasion, César Birotteau a demandé à un architecte de réunir son logement, au-dessus de la boutique, à l’appartement mitoyen, et de lui ouvrir un accès sur la rue. « La porte de la maison avait été refaite dans un grand style, à deux vantaux, divisés en panneaux égaux et carrés, au milieu desquels se trouvait un ornement architectural de fonte coulée et peinte. Cette porte, devenue si commune à Paris, était alors dans toute sa nouveauté. » Devant cette porte, quelque deux cents voitures allaient déposer ses invités.

Saint-Roch se découpait encore sur un tout autre paysage : derrière son chevet, à l’intersection des rues Thérèse et des Pyramides, s’élevait une butte haute d’une trentaine de mètres. On accédait à l’église Saint-Roch, sur son bord, en descendant sept marches ; il faut aujourd’hui en monter douze ! Le percement de l’avenue de l’Opéra rabotera cette butte des Moulins (elle a pris le nom de sa cadette qui a fini avec l’enceinte), jusqu’à la racine. Zola, écrivant Une page d’amour juste après son arasement, lui offre une réparation symbolique en la replaçant dans le panorama contemplé par l’héroïne à cinq reprises, à des heures et en des saisons différentes, depuis une fenêtre du Trocadéro : « Maintenant, Hélène, d’un coup d’œil paresseusement promené, embrassait Paris entier. Des vallées s’y creusaient, que l’on devinait au mouvement des toitures ; la butte des Moulins montait avec un flot bouillonnant de vieilles ardoises, tandis que la ligne des Grands Boulevards dévalait comme un ruisseau, où s’engloutissait une bousculade de maisons dont on ne voyait même plus les tuiles ».
Rémy de Gourmont la regrettera encore à la veille de la guerre de 1914 : « Le sol de Paris était mouvementé, il n’y a pas encore si longtemps mais quand on nous parle de la butte des Moulins, il nous est bien difficile de nous la représenter entre le Théâtre-Français et l’Opéra. Si les vrais amis de Paris savaient ce que Haussmann lui a enlevé de pittoresque, comme sites, comme vieilles et nobles architectures ! »

N°276 à 256, PLU : Maisons datant de la fin du XVIIe  ou du début du XVIIIe  siècle à l'ancien alignement. Au n°256 haute maison à loyer présentant une façade en pierre de taille d'aspect XVIIIe composée de huit travées et quatre étages carrés sur rez-de-chaussée et entresol. Entresol découpé par des arcatures. Fenêtres cintrées. Remarquables appuis de fenêtre en fer forgé mentionnés par Rochegude. Du n°258 à 268 maisons étroites d'aspect du XVIIe  siècle composées d'une à deux travées et présentant un fruit. Au n°268, curieux immeuble avec une fenêtre par étage et cours intéressantes. Au n°270, maison ancienne comportant une remarquable porte cochère d'aspect XVIIe  et où vécut Olympe de Gouges qui y écrivit "La Déclaration de la Femme et de la Citoyenne" en 1791. Au n°272 appuis de fenêtres remarquables en fer forgé. Cour. A noter également les deux cours historiques des n°274 et 276. Porte cochère remarquable au n°274.

On prend, à gauche, la rue de l’Echelle ; on a tout de suite la rue d’Argenteuil : très fréquenté, le chemin ramenait de ce village ses produits maraîchers et son vin, tandis qu’il y conduisait, (par les actuelles rues d’Argenteuil, des Capucines, de Sèze, de l’Arcade, du Rocher et de Lévis), les pèlerins allant y honorer la Sainte-Tunique.
Dans la nuit du 30 septembre au 1er Octobre 1684, Corneille, revenu au grand âge sur les lieux de ses anciens succès, mourait au 6 de la rue d’Argenteuil. Le Cid avait été donné trois fois au Louvre devant Louis XIII et deux fois au Palais-Cardinal devant Richelieu, qui faisait en tout, mais bien sûr en moindre, comme son roi ; la première lecture de Polyeucte avait eu lieu à l’hôtel de Rambouillet. Depuis longtemps, Corneille n’écrivait plus et il ne s’occupa ici que de superviser une édition complète de son théâtre. Il venait de récupérer la pension qu’on oubliait de lui verser depuis sept ans ; il avait su que la reprise d’Andromède, une vieille tragédie à machines écrite bien trente ans plus tôt, faisait un triomphe.
La rue Traversière (aujourd’hui Molière), suivait l’ancien chemin de ronde extérieur à l’enceinte de Charles V, qui traversait de biais le Palais-Royal actuel selon une direction sud-ouest / nord-est, et qui, démolie en 1633, avait permis à Richelieu de s’agrandir.
- 18, rue Molière, PLU : Maison présentant une façade sobre d'aspect XVIIe  composée de trois travées et de trois étages carrés sur rez-de-chaussée. Bandeaux plats d'étage. Trois lucarnes.
- 10, rue Molière à 21, rue de Richelieu, PLU : Hôtel du receveur général à Bordeaux André Gaspard Dodun reconstruit en 1725 par l'architecte Jean-Baptiste Bullet de Chamblain sur un premier hôtel de 1639. "L'architecte mourut en 1726 et la réalisation fut dirigée par un de ses confrères que nous ignorons, mais avec une parfaite fidélité. L'autorisation d'étayer les maisons mitoyennes et d'ouvrir les tranchées de fondation fut délivrée par les Trésoriers de France en juillet-août 1727. Entre la rue de Richelieu et la rue Molière, Bullet de Chamblain a tiré parti d'un terrain étroit. Dans le corps de logis du fond, l'escalier d'honneur est un espace séduisant par l'élégance de ses voûtes et de ses ferronneries, par la légèreté de ses stucs; (...) L'appartement d'apparat du premier étage se développe sur un côté de la cour et sur la rue de Richelieu. Les plus beaux lambris de l'hôtel ont été remontés à l'ambassade d'Irlande avenue Foch, et à Waddesdon Manor." (M. Gallet, Les architectes parisiens du XVIIIe  siècle, Mengès ed.). Hôtel de Champlay (1751), de Tourdonnet (1769), hôtel meublé (1791) selon Rochegude. Inscription partielle à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.
15, rue Molière
- 21, rue Molière. Emplacement de l’angle nord-est de la petite rue du  Clos-Georgot, qui s’ouvrait là jusqu’en 1876, où Voltaire, rentré en grâce par l’appui de son condisciple de Louis-le-Grand, René-Louis d’Argenson, qui vient d’être nommé secrétaire aux Affaires étrangères, loue à la mi-1745, avec la marquise du Châtelet, une maison dont il occupe le premier étage. Mais la faveur ne dure guère et il leur faut regagner la cour de Lorraine. Mme du Châtelet y étant morte, Voltaire revient dans la maison de la rue Traversière où il laisse intacts les appartements de la marquise : « Les lieux qu’elle a habités nourrissent une douleur qui m’est chère et me parleront continuellement d’elle ». Pendant qu’il y écrit Des Embellissements de Paris, il a pour locataire le jeune acteur Le Kain – celui que l’on verra ensuite, chez Mme Geoffrin, entretenir le culte de l’absent – et lui construit, au 2e étage, un théâtre de chambre de cinquante places inauguré avec Mahomet.  
- 25, rue Molière (et 1-3 rue Thérèse), PLU : A l’angle, façade en pierre de taille dans son aspect actuel néoclassique vers 1800. Élévation de deux étages carrés sur rez-de-chaussée et entresol. Persiennes ajoutées au premier étage. Appuis du second étage soutenus par des consoles en dés et portant des ferronneries à motifs géométriques. Puissante corniche soutenue par des consoles en quart de cercle. Grande arcade cochère à décor de refends rue Thérèse. Inscription par arrêté du 12 février 1925 : porte en menuiserie Directoire sur rue et décoration intérieure de l'escalier. Au n°3, maison présentant une façade en pierre de taille de la fin du XVIIe  siècle composée de cinq travées et de deux étages carrés sur un niveau d'entresol. Grande porte cochère à motif de bouclier Directoire. Baies portant des appuis de fenêtres en fer forgé Louis XIV et au second étage surmontées de dais soutenus par des consoles. Rue tracée vers 1667 (lotissement Villedo).
- 9-15, rue Molière, PLU : ensemble de maisons Louis XV daté vers 1730. Au n°9, remarquable porte cochère en plein cintre avec vantaux sculptés Régence, ornée d’un mascaron féminin, et appuis de fenêtre en fer forgé. Au n°15, lucarne feunière, porte cochère et escalier ancien documenté. L’ensemble a conservé de remarquables ferronneries.
La rue de Richelieu est ouverte en 1634 ; le lotissement du pourtour de l’ancien Palais-Cardinal a été commencé dès 1630 par l’entrepreneur Le Barbier. Il sera doublé en 1781 de l’enceinte intérieure du jardin du Palais-Royal à façades ordonnancées dessinées par Victor Louis.
Molière meurt au 40, rue de Richelieu. On l’y ramène du théâtre situé de l’autre côté du Palais-Royal où il était le Malade imaginaire pour la quatrième soirée consécutive, vêtu de la robe de chambre et du bonnet de nuit empruntés à un original habitant la même rue, au n° 21, qui les portait nuit et jour.
En juillet 1784, Diderot quitte ses étages de la rue Tarane pour emménager au 39, rue de Richelieu. L’impératrice de Russie a loué pour lui le rez-de-chaussée de l’hôtel de Bezons ; il n’y habitera que douze jours. Il meurt le 31 juillet, est autopsié conformément à ses dernières volontés, puis enterré en l’église Saint-Roch de la rue Saint-Honoré. Sa mort subite avait empêché toute démarche ecclésiastique ; les quelques scrupules du curé de Saint-Roch, « fondés sur la doctrine répandue dans ses écrits, doctrine qui n’avait été démenties par aucune profession publique », ont vite cédé, selon Meister, « à la demande d’un convoi de 1 500 à 1 800 livres » présentée par son gendre.
Au sortir du passage de Beaujolais, on tombe sur le théâtre du Palais-Royal. Au Théâtre du Palais-Royal, Offenbach remplaça Labiche, dont on avait donné ici quatre-vingt-deux pièces, pour la création de La Vie parisienne le 31 octobre 1866 ; le tsar et ses deux fils viennent l’y applaudir l’année suivante, à l’occasion de l’Exposition universelle.
LE PALAIS-ROYAL. La galerie des Proues, ancien mur est de la cour d’honneur, dont rostres et ancres rappellent que Richelieu était grand-maître de la Marine, est le seul reste du Palais-Cardinal, avec le n° 6 de la rue de Valois, dont le grand balcon aux consoles léonines donnait sur le jardin jusqu’en 1784.
Le palais légué par Richelieu, échu à la branche cadette des Bourbons, a été embelli par Mansart. Monsieur y donne de fort belles fêtes et ouvre ses jardins au public. Son fils est bientôt le Régent. Trois mois à peine après les funérailles de Louis XIV, le Régent ouvre le bal dans l’Opéra de son palais [à l’angle sud-est du Palais-Royal, le long de la future rue de Valois alors cul-de-sac de l’Opéra], cette salle où Molière est mort le 17 février 1673 en jouant le Malade imaginaire, où l’Académie royale de musique dirigée par Lully lui a succédé.
Trois fois par semaine, de la Saint-Martin jusqu’à la fin du carnaval, le plancher du parterre s’élève jusqu’à rejoindre la scène. Le Régent et ses « roués », c’est-à-dire ses gibiers de potence, au sortir de leurs soupers à huis clos, sans cuisiniers ni laquais sauf pour interdire les portes, y viennent se mêler à la danse, quand ils tiennent encore debout. Une nuit que le Régent veut y paraître absolument incognito, l’abbé Dubois, qui a été son précepteur, affirme qu’il connaît le moyen le plus sûr : il lui donnera publiquement des coups de pieds au derrière. Ce qu’il fait avec tant d’entrain que sa victime doit lui crier : « L’abbé, tu me déguises trop ».
L’Opéra a brûlé, a été remplacé par un autre plus grand, juste en face, qui vient à son tour d’être la proie des flammes, et a manqué consumer la Guimard. Elle est révolue l’époque du banc de l’allée d’Argenson, du côté de l’actuelle rue des Bons-Enfants où se trouvait l’hôtel du marquis, ce banc près duquel Diderot retrouvait Sophie Volland, et qu’il évoque dans le Neveu de Rameau en en gommant pudiquement son amie : « Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid, c’est mon habitude d’aller sur les cinq heures du soir me promener au Palais-Royal. C’est moi qu’on voit toujours seul, rêvant sur le banc d’Argenson ».
Devant le banc, un bois plus qu’un jardin, « la salle d’arbres » selon l’expression d’alors, du Palais-Royal, qu’on disait la plus belle du monde. L’annonce de sa destruction a suscité un tollé chez les Parisiens, mais le saccage a tout de même eu lieu : le duc de Chartres – il ne sera duc d’Orléans qu’à la mort de son père, en 1785 – a fait construire ses cent quatre-vingts arcades en soixante pavillons à louer, à l’origine d’un nouveau sobriquet pour l’endroit, devenu, dans le langage parisien, le Palais-Marchand. Mais, déjà, le nouveau jardin est la promenade à la mode.
« Mon cousin, lui demandera Louis XVI, maintenant que vous voilà boutiquier, ne vous verra-t-on plus que le dimanche ? »
Le divorce est total entre le roi dévot conduisant une réaction aristocratique qui, flattant les préjugés féodaux, n’autorise plus l’accès des charges à la cour, des grades dans l’armée, qu’à ceux qui peuvent justifier d’au moins quatre quartiers de noblesse, et le candidat au trône, Grand-Maître de la franc-maçonnerie, allié de la bourgeoisie d’affaires là comme, après les élections, au Club breton qui deviendra celui des Jacobins. Dès le mois de juin 1789, les agitateurs du futur Philippe-Égalité ont mené dans l’armée la propagande fructueuse qui allait aboutir à sa défection, si bien que Camille Desmoulins, au Palais-Royal, debout sur une table du Café de Foy, pouvait, le 13 juillet, appeler sans grands risques à l’émeute : comme il l’avait assuré à son père, « les gardes-françaises se feraient tuer plutôt que de faire feu sur un citoyen ».
L’endroit où les insurgés, à son appel, avaient arraché une feuille aux arbres pour s’en faire une verte cocarde qui serait, deux jours durant, un signe de ralliement, y gagnerait un nouveau nom, celui de « Palais-Égalité ».
Sous l’Empire, le Palais-Royal est devenu le palais des filles et le palais du jeu. On y a vu miser Joséphine de Beauharnais ; on y verra, après Waterloo, Blücher et les officiers alliés y perdre le tribut gagné sur le champ de bataille.
Quand commencent les Trois Glorieuses, Berlioz est en train de plancher à l’Institut pour le prix de Rome. Le 29 juillet 1830, enfin, il peut rejoindre la rue, « le pistolet au poing ». Comme il traverse la cour du Palais-Royal, un groupe de dix à douze jeunes gens y chante un hymne guerrier de sa composition ; il se joint à eux, incognito. La foule est si empressée que, pour ne pas étouffer, ils reculent pas à pas vers la galerie Colbert. Là, une mercière leur ouvre son premier étage, sous la rotonde vitrée. De la tribune de sa fenêtre, ils entonnent une Marseillaise qui tombe dans un silence recueilli. Berlioz se rappelle alors qu’il a adapté ce chant pour grand orchestre et double chœur ou plutôt pour un effectif, a-t-il écrit sur la partition, composé de « tout ce qui a une voix, un cœur et du sang dans les veines ». Il appelle la foule à reprendre avec eux.

Le théâtre bâti en 1790 pour le duc d'Orléans a été rouvert le 30 mai 1799; la Comédie française ne l'a plus quitté. Sa nouvelle façade sur la place Colette est de 1860-64. Après l'incendie de 1900, il y a eu les travaux de 1935, de 1974-76, de 1994; de 2 000 places à sa construction, la salle est passée à moins de 900 aujourd'hui.