Belleville ou la revanche du lapin


L’occasion de ce parcours a été une balade pour la librairie Le Genre urbain, désormais 30 rue de Belleville et alors rue de Tourtille.


- La dernière barricade de la Commune : elle tomba le 28  mai, à 13h. Ce fut, au choix, celle de la rue de Tourtille, au coin de la rue Ramponneau, dans le 20e, dont Lissagaray a peut-être été le dernier défenseur (Il sera en exil à Londres, l’amour des 18 ans d’Eleanor Marx, dite Tussy, la cadette ; il en a lui-même 34), si l’on en croit un dessin de Robida (né en 1848, il habita Belleville de 1869 à 1882, avant de filer sur Argenteuil) désignant celle-ci comme « la dernière barricade de la Commune ».

Mais ce fut peut-être celle de la rue de la Fontaine-au-Roi que l’on évoque en traversant Bisson, qui la prolonge : sur celle-là, tenaient encore Jean-Baptiste Clément, Théophile Ferré, délégué à la Sûreté générale et son frère Hippolyte, Varlin, un garibaldien... « Au moment où vont partir leurs derniers coups, une jeune fille venant de la barricade de la rue Saint-Maur arrive, leur offrant ses services. Ils voulaient l’éloigner de cet endroit de mort, elle resta malgré eux. A l’ambulancière de la dernière barricade et de la dernière heure, Jean-Baptiste Clément dédia longtemps après la chanson des Cerises », écrira Louise Michel.

0n a encore l’hypothèse de celle de la rue Oberkampf ? De celle de la rue Rébeval dans le 19mitoyen ? En tous cas, elle se situa dans le périmètre du croisement des rue et boulevard de Belleville.

0n remonte la rue de Belleville :
Le Paradis du théâtre de Belleville par Eugène Carrière
- théâtre de Belleville, 48 rue de Belleville. Dans ce théâtre que viendra peindre Eugène Carrière allant sur le motif du Paris ouvrier, « surprendre le peuple dans son intensité émotive », comme l’écrit Leyret, Nadaud, député, donne souvent des conférences sur le thème de l’urbanisme, lui qui est l’inventeur de l’aphorisme « quand le bâtiment va, tout va. »

0n croise :
- habitation ouvrière à bon marché, coopérative, 57 rue Julien Lacroix, statuts adoptés en 1903.

- manifestation du 14 juillet 1944, bd et rue de Belleville, jusqu’autour du métro Pyrénées. La manifestation est protégée par deux compagnies de FTP qui empêchent la police d’intervenir. Mais c’est en s’y rendant qu’Yves Toudic est intercepté faubourg du Temple et assassiné dans la rue par les brigades spéciales de la préfecture.

0n prend la rue Piat, puis à gauche, au bout, la rue des Envierges :
- établissements Continsouza, 18 villa Faucheur, 9 rue des Envierges. Fondés à la fin de novembre 1909, ils fabriquent des instruments de précision puis, comme Gaumont de l’autre côté de la rue de Belleville, des appareils cinématographiques, et emploient 300 ouvriers.
Source Gallica
La Vérité trotskiste est au 11, rue des Envierges en 1932.

0n croise la rue de la Mare :
- magasin de la Bellevilloise, 60 rue de la Mare, à partir de 1903 : alimentation générale, quincaillerie, articles de ménage.
La rue de la Mare, où habite Raymond Kojitsky, pseudo Pivert dans les FTP-MOI, est un vrai schtétl, dit-il. On y est communiste de père en fils. Henri Krasucki, son chef, qui serait né rue de Belleville, grandit dans les mêmes conditions ; ils se retrouvent au patronage de la Bellevilloise.

0n poursuit par la rue Levert et on croise la rue des Rigoles :
- villa des Rigoles, 61-63 rue des Rigoles, édifiée par la Société coopérative immobilière des ouvriers de Paris, vers 1868-70, coop qui regroupait 8 ouvriers : un ébéniste, un carrossier, un tabletier, un tailleur, un modeleur, un ferblantier, un ciseleur, un menuisier. Maisons groupées par deux, jardinets latéraux également accolés, disparues dans les années 70. La même société était à l’origine de 24 maisons individuelles cité des Pavillons, partiellement disparues.

Par Rigoles puis C. Berthaut, on arrive au :
- domicile de Camélinat, 135 rue de Belleville. C’est là que le vieux Communard, né en 1840, l’un des fondateurs de l’Internationale, directeur de la Monnaie en 1871, qui avait réussi à faire frapper 50 000 francs de pièces portant sur leur tranche « Travail, Garantie Nationale », avait raconté ses souvenirs à André Marty.
Son cortège funèbre partira de l’angle de la rue de la Villette avec la rue de Belleville en direction de la gare de Lyon-Messageries, le 13 mars 1932.

- Groupe d’œuvres sociales de Belleville, 162 rue de Belleville. Robert Garric, jeune agrégé de lettres qui a rencontré le peuple dans les tranchées de 14-18, s’est installé ici de 1924 à 28, avec d’autres catholiques inspirés par l’encyclique rerum novarum. Il y écrivit son Belleville ; il remarqua que les pièces de Montéhus mettaient toutes en scène de très beaux rôles de « prêtres des pauvres » opposés à la hiérarchie, et qu’elles étaient fort bien acceptées ici par le public révolutionnaire : « Au dernier tableau du Prêtre en guenilles, la brûlante vision du grand soir était projetée sur l’écran, et la salle debout et frémissante chantait l’Internationale. »

Source Gallica
- syndicat du personnel du Funiculaire de Belleville, 3 rue de Lassus. Fondé en 1910, il compte 60 membre à la veille de la première guerre mondiale, et nous rappelle ce tramway à câble souterrain qui descendait la Courtille comme l’avaient fait les ouvriers « dont la lampe le matin au clairon du coq se rallume », [1 h de trajet à pied le matin et autant le soir, disent les ouvriers de 48, qui s’ajoutent aux 10 h qui viennent d’être accordées ; et l’on ne peut pas habiter près de l’atelier car on en change trop souvent] ou les fêtards de Carnaval : « deux wagons exigus réunis par une plate-forme sur laquelle, derrière un appareil à sonnerie, se tenait le receveur. Le funi descendait sagement de l’église Saint-Jean-Baptiste à la place de la République, remontait lentement, stationnait sur une voie de garage... », comme le raconte Eugène Dabit.

- domicile de Victor Serge, 24 rue Fessart. C’est aussi l’imprimerie et le siège de l’anarchie (sans capitale) à compter de l’automne 1911. Avant d’arriver rue Fessart, l’anarchie (fondée en 1905 par Libertad, infirme des deux jambes) avait été durant quelque temps à Romainville (après Montmartre), et Victor Serge y avait cohabité durant trois mois avec l’équipe précédente du journal, et future bande à Bonnot : Raymond Callemin, que Serge connait depuis leurs 13 ans, Edouard Carouy, tourneur en métaux, rencontré en Belgique, végétariens absolus, « n’invoquant que la ‘raison scientifique’ et ‘l’égoïsme conscient’ », enfin Octave Garnier, ouvrier du bâtiment, sous l’influence duquel ils allaient évoluer vers l’illégalisme. Le 31 janvier 1912, Victor Serge y est arrêté comme inspirateur de la Bande à Bonnot, inculpé de recel après qu’une perquisition a fait trouver deux revolvers mis là à son insu, et incarcéré à la Santé grâce aux lois scélérates. Son procès aura lieu un an plus tard, du 3 au 28 février 1913, et il y écopera de 5 ans de réclusion plus 5 ans d’interdiction de séjour.

- bibliothèque publique, rue Fessart. Créée en 1922 par un comité franco-américain, elle a été cédée à la ville de Paris en 1924. C’est une baraque en planches, ouverte l’après-midi, le soir de 20 h à 22 h, et le dimanche matin. Robert Garric y observe la boulimie de lecture de Belleville : « ce qui est sûr, c’est que le peuple des ouvriers, des employés, des manœuvres a une véritable passion de savoir. » Huit à dix mille livres y sont empruntés chaque mois ; les auteurs sont ceux que citait déjà Poulot plus de cinquante ans auparavant : Dumas, Balzac, Hugo, et pour les contemporains : Anatole France, Romain Rolland mais devant eux tous, et toutes catégories confondues, Pierre Loti. En histoire, c’est celle de la Révolution, de Michelet, qui sort le plus souvent.

Source Gallica
- coopérative de production Association des Maçons, 10 rue Mélingue. Une société des maçons s’était créée en 1848, avec pour gérants Bouyer, et Cohadon, deux compagnons de remplissage du chantier de Nadaud ; elle deviendra la plus importante de toutes les associations ouvrières, avec 83 associés plus une centaine d’auxiliaires qu’elle n’intéresse pas aux bénéfices, et « il n’y eut pas dans Paris d’entrepreneurs qui occupassent un nombre plus considérable d’ouvriers, ni qui eussent surtout un matériel supérieur au leur ». Forte d’autant d’atouts, la société soumissionna l’importante gare d’Orléans (auj. d’Austerlitz), et des hôtels pour les ministres de Louis Napoléon, Rouher et Fould, et pour Jérôme Bonaparte, notamment sur la place de l’Europe. Elle avait su, affirme Nadaud, « supprimer la maîtrise et par conséquent l’exploitation de l’homme par l’homme ». Mais quand Nadaud revint à Paris, après l’amnistie de 1860, et qu’il s’attendit à y retrouver sa place, les gérants lui répondirent : « Votre présence parmi nous, mon cher Nadaud, pourrait faire croire à notre clientèle que nous songeons à revenir à 1848 ; mais telle n’est pas notre intention. » L’exilé s’en retourna donc à Londres, tandis qu’à la chute de l’empire, les gérants Bouyer et Bagnard, et le caissier Frisert « vendirent chevaux et voiture, en un mot tout le matériel de l’association, et ils se mirent à travailler à leur compte. » Cohadon seul refusa de s’associer à cette trahison.

La rue est dédiée à Mélingue qui tint le rôle-titre dans le Chevalier de Maison-Rouge, adaptation par Dumas de l’Histoire des Girondins de Lamartine, immense succès de librairie ; la chanson des Girondins sera l’hymne de la révolution de 1848. Puis Mélingue jouera dans les trois Mousquetaires. « Non, voyez-vous, jamais M. Bocage, jamais M. Mélingue ne m’ont donné un battement de cœur pareil à celui que j’avais en voyant là-bas, au bout de la rue, dans l’espace resté vide, le commissaire s’avancer avec son écharpe... » fait dire Alphonse Daudet à un gamin de Paris né rue de l’Orillon dans l’un de ses Contes du lundi, Les trois sommations.
La grève de 1936 aux studios Gaumont. Agence Meurisse. Gallica

- ateliers cinématographiques Gaumont, 12 à 30 rue des Alouettes ; la location est au 28. L’industrie du matériel de prise de vues et de projection fait partie de ce que l’innovation apporte au tissu industriel parisien au début du siècle : Gaumont a commencé ici avec 200 ouvriers. En 1895, Léon Gaumont installait son comptoir de photographie dans des hangars, rue des Alouettes. C'est là qu'il produisit de petits films pour un public découvrant le cinématographe. En 1905, il construisait un vaste studio moderne, baptisé Cité Elgé (L.G., Léon Gaumont), où se tourneraient les premiers films sonores ; il s’y adjoignait un dépôt de celluloïd en 1907.
Cinquante ans plus tard, le Centre René Barthélemy, les studios de la télévision française, prenaient la suite, soit 2500 salariés : scénaristes, comédiens, artistes, décorateurs, techniciens. Jusqu’à ce que la SFP (Société Française de Production), née de l'éclatement de l'ORTF, émigre à Bry-sur-Marne, en 1993.
Sur 600 m2 des anciens terrains de la SFP, au croisement de la rue des Alouettes et de la rue Carducci, un Centre d'art contemporain, Le Plateau, inauguré en 2002, doit rappeler ce passé culturel.
- coopérative de consommation l’Union du Plateau, 42 rue des Alouettes. Fondée en 1881, elle compte 140 sociétaires en 1905.

- la Cordonnerie ouvrière, 81 rue Rébeval ; fondée au mois de mai 1903 en accord avec le Syndicat des cordonniers, et Renaudin, secrétaire des Cuirs et Peaux. L’Avenir de Plaisance la subventionne à sa création ; elle aura disparu six ou sept ans plus tard.
Le Père Peinard, d’Emile Pouget, (paru le 24 février 1889), est sous-titré « Réflecs d’un gniaff ». Le gniaff, c’est le savetier opposé au cordonnier, c’est l’ouvrier maladroit ; en frontispice du journal, c’est l’occasion d’un croquis d’échoppe ayant pour nom « A la botte au cul », la botte de l’enseigne formant le L initial du titre.
Pierre Brochon l’a remarqué, l’écrivain ouvrier type du 19e siècle, c’est l’artisan cordonnier parce que c’est celui qui est le moins pressé par la besogne, qu’il peut interrompre à tout moment pour noter des vers, parce qu’il peut chanter et composer en travaillant. Se rappelant son oncle, ouvrier cordonnier à Belleville et membre de la section socialiste du quartier de la Goutte d’Or, Eugène Dabit le revoit, dans les années 1910 : « Il discutait avec des camarades, sans cesser une minute de taper son cuir... »
Les cordonniers représentaient plus de 4% de ceux qui comparurent pour fait de résistance au coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte ; ce sont les cordonniers qui créèrent, en 1866, la première Chambre syndicale. Après les élections d’avril 1871, la Commune comprenait nombre de cordonniers : Simon Dereure, l’animateur de l’Internationale à Montmartre, Trinquet, de Belleville, Emile Clément, Serraillier (qui informera Marx des évènements et sollicitera ses conseils), et Benjamin Sicard, capitaine d’état-major à la préfecture de police. Sans compter Napoléon Gaillard, et Rouillier, qui proposera comme première mesure la chopine de rouge pour tous les gamins allant à l’école.
Le mouvement anarchiste des années 1890 sera pareillement riche en cordonniers : Emile Henry, fils d’un communard notoire, qui mit au siège de la Société des mines de Carmaux la bombe qui exploserait au commissariat des Bons-Enfants, Gustave Babet, et encore Jean Grave, le pape de la rue Mouffetard, qui n’était devenu typographe qu’ensuite. Victor Griffuelhes, futur secrétaire général de la CGT, de 1902 à 1909, était également cordonnier.

- usine à gaz le long de la rue Saint-Laurent (auj. 48 à 70 rue Rébeval). La Compagnie d’Eclairage de Belleville, l’une des six d’avant la fusion de 1855, a eu son usine ici de 1834 jusque vers la fin du siècle.
L'éclairage des particuliers au gaz, signalé bientôt par la plaque "Gaz à tous les étages", date de 1830 et durera environ un siècle. L’abonnement se prenait par bec et par an. Le tarif était fonction de l'heure d'extinction : 22 heures, 23 heures ou minuit, avec un supplément pour les dimanches et fêtes. Des agents passaient à l'heure dite pour fermer le robinet de l'abonné mais comme ils ne pouvaient fermer tous les robinets d’une même échéance en même temps, les compagnies perdaient le montant de leur retard au désallumage, d’où, le plus tôt que ce fut possible, la mise en place de compteurs individuels.

- coopérative de production de cochers, l’Egalitaire, 9 rue Rébeval.

- usine de chaussures Dressoir et Pemartin, 18 rue du général Lassalle, 16-18 et 19 rue Rampal, et 12 passage Lauzin. La présence des abattoirs de la Villette, achevés en 1867, amène l’implantation de manufactures de chaussures. « A Belleville, de puissantes entreprises fabriquent la chaussure. Beaucoup de femmes y travaillent », écrit encore Dabit au début des années 1930. La manufacture de Dressoir va tripler le nombre de ses ouvriers entre la fin de la Commune (où ils sont 420), et le début du 20e siècle, d’autant plus facilement que la liquidation de l’usine à gaz de la rue Rébeval lui offre de vastes terrains avantageux : 680 ouvriers travaillent dans sa nouvelle usine sur 159 machines mues par la vapeur ; ils seront 1 100 puis 1230 ouvriers en 1907.

- boulangerie coopérative de production, la Solidarité Universelle, 3 rue Rampal, vers 1905.
[Le 16 novembre 1867, chacun des membres du groupe de la rue Myrrha de l’Association Internationale des Travailleurs, dont le Dr Dupas, chez qui on se réunit deux fois par semaine, Victorine Brocher et son mari, chacun donc apporte le premier versement de ses 20 francs, payables par fraction, qui permettront la création d’une boulangerie coopérative dans le quartier de la Chapelle ; elle sera la première à Paris. Une épicerie coopérative suivra mais toutes deux couleront d’avoir trop fait crédit durant cet hiver 1867 où un froid rigoureux s’ajoute à la misère. La boulangerie coopérative renaîtra en 1873 mais, cette fois encore, sans pouvoir durer bien longtemps. Une coop sœur, la boulangerie-biscuiterie La Coopération socialiste, 84 rue Barrault dans le 13e, sera inaugurée le 16 septembre 1900, en présence de personnalités du socialisme parisien, dont Jean-Baptiste Clément. A l’origine de la coop, les typos Xavier Guillemin, de la Fédération du livre, deux fois candidat pour le P.O.S.R. et Alfred Hamelin, dirigeants de l’importante coopérative l’Avenir de Plaisance, et les rédacteurs du Mouvement socialiste, Marcel Mauss et Philippe Landrieu. Enfin la boulangerie coopérative l’Evolution sociale, 34 rue de Pontoise, dans le 5e, aura une succursale 16 rue Linné, dans le même arrondissement, et une autre 56 rue Mirabeau, à Evry. Elle fournira une vingtaine de coopératives de consommation entre 1909 et 1911.]

- la Courtille, autrement dit la rue de Paris, (auj. rue de Belleville). « La partie inférieure de la grande rue de Paris est demeurée célèbre, sous le nom de Courtille, pour le défilé hideux et grotesque qui y terminait autrefois le carnaval » écrit le guide Joanne de 1863. Du faubourg du Temple jusqu’à l’église Saint-Jean-Baptiste, c’est une suite ininterrompue d’établissements de toutes tailles. A la barrière de la Courtille, Martin Nadaud travaille en 1834 : « la jeunesse de l’intérieur de Paris, qui travaillait en chambre, privée d’air pendant la semaine, y accourait en foule » le dimanche. Nadaud, lui, travaille en plein air mais vit dans un garni malodorant (il nous en détaille les odeurs de sanitaires et de chaussettes), où l’on est douze par chambre. Originaire d’un village creusois, il garde le goût de la nature.

- université populaire Fondation universitaire, 19 rue de Belleville. On retrouve Guillemin et Hamelin au siège de la revue Génération consciente, 27 rue de la Duée, à l'Université populaire du 20e, pour une conférence consacrée aux coopératives et aux « pots-de-viniers », conférence dont le Cercle des coopérateurs de la Bellevilloise allait mettre les idées en œuvre en expulsant manu militari ses gérants indélicats.

- coopérative de production d’ébénistes en sciences et fantaisie, 18 rue de Belleville.

- salle Favié, 13 rue de Paris. Fondée en 1830, elle pouvait accueillir 3 000 danseurs sur 1 100 m² ; c’était l’établissement favori des ouvriers de Belleville et de Ménilmontant. (En 1848, le Club des Montagnards de Belleville s’y réunit, présidé par Pottier, ancien fabricant de casquettes devenu commis voyageur, qui habite 108 rue de Ménilmontant ; le 23 juin 1848, ce sont ses membres qui défendront les barricades de la rue d’Angoulême et celles de la rue des Trois Bornes, et ils mettront deux généraux et 300 soldats hors de combat.)
Le père Favié, enrichi sous l’Empire refusant sa salle, c’est Dénoyez, au 8, qui devient la salle politique, mais les Montagnards de Belleville vont retrouver le chemin de Favié en 1870-71, la salle étant « réquisitionnée » par la Commune : on y entendra Vallès, Ranvier, Ferré, Rochefort. Le dernier coup de canon fédéré est tiré à midi, rue de Paris, de la barricade située en face de Favié, défendue par deux pièces de 12.
Favié mort vers 1871, le bal, sous la direction de son gendre, perd son caractère ouvrier et devient le rendez-vous des souteneurs et des filles publiques, mais la salle reste une salle politique où s’exprimeront Louise Michel, Jean Allemane, Edouard Vaillant... Le dimanche 6 novembre 1887 s’y tient un meeting organisé par les 22 chambres syndicales, avec 2 000 participants, surtout des gars du bâtiment, qui approuvent l’idée d’une grève générale suspendant la vie sociale dans tout Paris.
Le dimanche 5 août 1888, y a lieu une réunion organisée par les blanquistes à l’occasion de la grève des terrassiers et des verriers. Eudes, ancien général de la Commune en assure la présidence, alors qu’il s’écrie « Honte aux riches ! Honte aux traîtres ! Honte à la bourgeoi... » il tombe sur le pupitre, les bras en avant, la tête sur la carafe d’eau ; il expirera dans le jardin où on le transporte.
Le 11 août 1893, le Comité d’organisation de la Grève générale, issu du premier congrès unitaire des Syndicats et des Bourses tenu un mois plus tôt, se réunit salle Favié. Parmi une vingtaine d’orateurs, ce sont les anarchistes qui sont les plus écoutés. Le 24 septembre, nouvelle réunion, avec Bernard Besset, le 1er secrétaire de la Fédération des Bourses ; la salle est mise en vente peu après. Elle prendra ensuite le nom de Palais du Travail. Le mercredi 1er juillet 1908, à 8 h 30, un grand meeting de la CGT y aura encore pour ordre du jour « la grève générale », avec Griffuelhes et Yvetot comme orateurs, mais perturbé par des anarchistes individualistes, Libertad à leur tête, rien n’y sera décidé. Des représentations théâtrales en yiddish y sont données dans les années 1920.

Source Gallica
- grand marchand de vin Dénoyez, 8 rue de Paris (auj. de Belleville) Gambetta, Flourens, Vallès y prononcent encore en 1869 la plupart de leurs discours. A Dénoyez succèderont les Folies-Belleville, la plus grande salle de bal de Paris.

- La Vielleuse, à l’angle de la rue de Belleville et du bd de Belleville, a été l’un des grands bals de la Courtille. Son miroir, touché par un obus de la grosse Bertha en 1918, n’a pas été réparé. A sa terrasse, le 13 juillet 1941, les jeunes communistes du 11e chantent les chants de la liberté et fêtent le 14 juillet. Il y a là Jean Capievic, responsable à l’Avant-Garde et à la propagande pour la région parisienne, Gilbert Brustlein, vendeur sur les marchés, Fernand Zalkinov, ouvrier  fourreur, Acher Semhaya, ouvrier du bâtiment, Simon Lichtenstein, Liliane Lévy, Maurice et Henri Chévit, Charles Dinestein, etc. La police arrête un certain nombre d’entre eux ; Liliane Lévy a juste le temps de se cacher avec les tracts dans les sous-sols du café. Le café est démoli le 15 février 1882.
Le miroir en question dans le JT Paris IdF du 2 février 1982 :

- Au Lapin Vengeur, barrière de Belleville (auj. place du Gal Ingold), au bout du faubourg du Temple. « Le dimanche, l’ouvrier vrai, écrit Denis Poulot, va se promener avec sa femme et ses enfants dans les promenades publiques, visite les musées, les expositions, l’été plus spécialement, va à la campagne dans les environs de Paris, à dix heures il est rentré. »
Passons à l’ouvrier, le second dans l’ordre décroissant de sa nomenclature : « Quand il fait beau le dimanche, à une heure, tout le monde en route, à Saint-Ouen (pour la friture), Joinville, Romainville ou Bondy, on dîne au Lapin Vengeur, [l’enseigne représente un lapin tuant d’un coup de pistolet un cuisinier] on rentre chargé de lilas ou de muguet, même de simples fleurs des champs ; à onze heures, tout le monde dort. »
Pour l’ouvrier mixte, « le dimanche, le dîner à la barrière est de rigueur, il prend son allumette de campagne, quelquefois un poteau kilométrique, mais rarement le poteau télégraphique. [argot des mécaniciens du chemin de fer, distinguant 5 degrés dans la biture ; ici les trois derniers] ».
Après la Commune, il fallut attendre 1881 pour que, sous la pression des conseils municipaux, le préfet de police autorisât le rétablissement de quelques-unes des fêtes des villages annexés : celles de Belleville, de Charonne, d’Auteuil, de Passy ; la Foire au Pain d’Epice seule, très surveillée, ayant perduré. Vallès commenta : le peuple « n’a pas encore le pain, mais on lui a rendu les spectacles. On a rétabli les foires dans les communes et les faubourgs. »
Comme dans toutes les salles de Belleville, fête et lutte sont indissociables : le 1er avril 1868, MM. E. Brisebarre et E. Blum, auteurs du Lapin vengeur, annoncent dans l'Indépendance dramatique que c'est naturellement au Lapin vengeur qu'ils régaleront les artistes du Châtelet si leur pièce atteint la centième.
En juin 1890, c'est au Lapin vengeur que les possibilistes réclament la création de lavoirs municipaux pour faire pièce à l'augmentation de 5 centimes/jour de leurs tarifs décidée par les propriétaires de lavoirs privés.
La cavalcade de mi-carême de mars 1893, qui part à 14h de l'annexe de la Bourse du travail de la rue J.-J. Rousseau, a pour point d'arrivée le Lapin vengeur. Ses sujets offrent là un banquet à la reine de la chambre syndicale ouvrière des blanchisseuses, une jolie brunette de 20 ans, Louise Vivien, après quoi le bal s'y ouvre à 23h.
Enfin en septembre 1924, après la scission syndicale, c'est au Lapin vengeur qu'une poignée de militants de la Seine et de la Seine & Oise crée une union interdépartementale qui prendra le titre, après la réunification de 1935, d'Union des Syndicats Ouvriers de la Région Parisienne (CGT).
Les tramways électriques empruntèrent tôt ces lignes dominicales : dès 1896, la ligne République-Romainville emmenait les voyageurs sur ses tramways à impériale.