Il se trouve que le 11ème, qui
n’a pas sur son territoire de grosses entreprises, de bastions de la classe
ouvrière, a été le lieu de passage ou de formation des grands rassemblements
emblématiques du Front populaire : le défilé du 14 juillet 1935, rue du
Fbg-St-Antoine, la montée au mur des Fédérés du 24 mai 1936, bd de Charonne, le
14 juillet de cette même année 36, le cortège funèbre de Tahar Acherchour du 29
novembre 1936, empruntant l’avenue Parmentier et l’avenue Ledru-Rollin dans sa
marche vers la gare de Bercy et, au-delà, l’Algérie natale de la victime du
fascisme patronal.
Avant ces ponctuations, le Front
populaire naît dans la riposte du 12 février 1934 à la tentative fasciste du 6,
qui voit se retrouver CGT et CGTU, PC et SFIO, passe par les victoires aux
municipales de mai 35, se concrétise avec le programme du Rassemblement
populaire à l’été, peut arriver au
gouvernement après les législatives de mai 1936 :
- Au 1er tour des municipales,
le 5 mai 1935, le PC fait 100 000 voix à Paris, est en tête de la gauche dans
les 4 circonscriptions du 11ème. Pourtant, malgré les désistements
de la SFIO et du PUP, à peu près respectés, seul Léon Frot est élu dans la
circonscription Roquette 2. Mais dès le 8 juin, l’élection du réactionnaire Dr
Hatton, à Ste-Marguerite, se voit annulée : par voix d’affiche, celui-ci
s’était abusivement réclamé du soutien d’Edouard Herriot, avait affirmé que
Gayman, candidat du PC, était allemand, etc. Vital Gayman sera élu à la
partielle des 1er et 8 décembre 35, ce qui provoquera des
rassemblements de Front populaire pour fêter cette victoire devant chacune des
permanences des 3 partis et devant la mairie. Le PC comptera ainsi finalement 9
élus à Paris, la SFIO 5, le PUP 4.
Dès août 36, Vital Gayman sera envoyé en
observateur militaire en Espagne (décoré en 14-18, il est lieutenant de
réserve) ; il y repartira en sept 36 et sera jusqu’au début d’août 37, à
l’État-Major d’Albacete des Brigades internationales, le « commandant
Vidal », c’est à dire le commandant militaire, flanqué d’André Marty comme
commissaire politique. Gayman quittera le PC après le pacte germano-soviétique.
- aux législatives du 3 mai 1936, les 3
sièges du 11ème sont enlevés par le PC : Florimond Bonte,
Georges Cogniot, et Henri Lozeray. Celui-ci sera ensuite vice-président de la
Commission des Colonies de la Chambre, poste dont on ne peut pas dire qu’il
profitera pour tenter de sortir la politique coloniale du Front populaire de son
immobilisme.
partie nord
- 10 av Parmentier, A. Laurent et Cie, fonte, tôle, boulons.
L’Humanité du 6 juin annonce,
pour le 11ème arrondissement, 90 à 100 entreprises représentant 10 à
12 000 ouvriers en grève, et 6 premières victoires. L’entreprise Laurent
en fait partie
- 51 rue Saint-Maur, Union centrale des locataires,
Fédération des locataires indépendants (les associations de locataires ont
scissionné, comme toutes les organisations du mouvement ouvrier,
postérieurement au congrès de Tours ; pour les locataires, en 1925). Le CA
de la Fédération décide, le 17 juillet 36, de souscrire pour 100 000
francs à l’émission des Bons du Trésor lancée par le gouvernement du Front populaire.
Cette décision figure à la Une du Populaire.
Secrétaire fédéral : Lucien Aubel. Il est au meeting de Japy, le 15 octobre
1936, où 6 000 locataires protestent contre la location de la colonne
montante, dont les « colonnards » comme on les appelle, compagnies
d’électricité ou propriétaires, réclament éternellement le paiement aux
locataires quand bien même la pose en est amortie depuis longtemps. Le meeting
réclame le vote du projet de loi déposé par Langumier, député PC du XXe, pour
mettre fin à cette location. Au conseil municipal de Paris, Marcel Paul et Léon
Mauvais ont émis un vœu, adopté à l’unanimité, appelant le gouvernement de
Front Populaire à faire voter cette loi. Le 1er novembre 36, ce sont
100 000 locataires de la région parisienne qui font la grève du paiement
de la location de la colonne montante, tandis que les compagnies, s’appuyant
sur les décrets-lois Laval du 30 octobre 35, multiplient les coupures de
courant dans les immeubles.
Les colonnes montantes seront incorporées
aux réseaux de distribution publique en 1946.
- 16 rue de la Folie-Méricourt, Fermetures S.A.S., fermetures à
glissières ; l’entreprise est du lot des six premières victoires
enregistrées au 5 juin.
- 22 rue de la Folie-Méricourt, Burel Fils, fabrique de robinets. L’Humanité du 9 juin annonce en Une 8
nouvelles victoires dans le 11ème arrondissement, dont celle de
Burel, ses 12 ouvriers obtenant 30% d’augmentation.
- av Parmentier, av Ledru-Rollin,
le 29 novembre 1936, cortège funèbre
d’Acherchour entre la maison
des Syndicats rue Mathurin Moreau à la gare de Bercy, d'où le corps regagnera
sa terre natale.
Dans le Figaro
du 12 novembre, on pouvait lire ce chapeau : « Les
Nord-Africains, troupes de choc du communisme, ne sont plus surveillés par la
police parisienne. L'agitateur Messali se montre ouvertement à Paris. »
Et, en dessous : « Chiappe signale au préfet de Police, par une
lettre publique, que les usines de la Société Fulmen ont été occupées par une
partie de ses ouvriers en grève. Les occupants sont pour la plupart
nord-africains. Il en a été de même à l’usine Lebaudy [dans le 19e
arrondissement]. (…) “Des dizaines de milliers d’ouvriers algériens ou
tunisiens tendent de plus en plus à devenir la troupe de choc éventuelle des
révolutionnaires. C’est à eux, dans les usines occupées, que les ouvriers en
grève ont confié, en maintes circonstances que je pourrais vous spécifier, la
garde des directeurs et des ingénieurs séquestrés dans leurs bureaux.“ »
Au moment où paraît cet article, les Bougies de
Clichy sont occupées depuis une semaine – depuis le renvoi de trois ouvrières
pour un petit fait personnel s’étant déroulé en dehors de l’usine, le directeur
refusant de se rendre à ce sujet devant la commission des conflits. Le
23 novembre, le fils du patron, Paul Cusinberche, trésorier d’une section
Croix-de-feu, tente de reprendre « son » usine à la tête d’une bande
armée. Tahar Acherchour, gréviste algérien de 28 ans, syndiqué CGT, a le foie
et l’intestin traversés par une balle. Transporté à Beaujon, il y meurt le
lendemain. Sept autres grévistes ont été blessés.
Le 29 novembre, plus de 200 000 manifestants
suivent le corps d'Acherchour de la maison des Syndicats de la rue Mathurin
Moreau à la gare de Bercy. En tête, 25 000 Nord Africains tenant les
drapeaux de leur organisation, frappés de l'étoile et du croissant, le Comité
du Rassemblement indochinois en France et l'Union des travailleurs nègres. Le
Parti communiste est représenté par Marcel Cachin et Paul Vaillant-Couturier.
Sur le large terre-plein au fond duquel stationne le
wagon mortuaire, un délégué de l’Etoile Nord-Africaine a ces mots :
« Le sang de Tahar scellera encore plus l'union des peuples de l'Afrique
du Nord avec le peuple de France ! Ensemble, ils se libéreront de leurs ennemis
communs ! » Henry Raynaud, secrétaire général de l'Union des syndicats de
la région parisienne lui succède : « L'Union des syndicats, en
défendant particulièrement les revendications de tous les travailleurs sans
distinction de race, lutte énergiquement pour briser les chaînes qui pèsent sur
les peuples nord-africains. Elle lutte pour la suppression du code de
l'indigénat, le bénéfice des allocations familiales et des congés payés pour
les Nord-Africains au même titre que pour les ouvriers ! »
Marcel Cachin,
dont le discours n’était pas prévu, prend la parole : « Je voudrais que jusqu'au plus profond de l'Afrique du Nord, jusqu'au
plus modeste gourbi, jusqu'au plus lointain village perdu là-bas, l'on
apprenne qu'aujourd'hui, à Paris, plus de 200.000 travailleurs ont accompagné à
sa dernière demeure leur frère de travail et de souffrance. Que tout le peuple
nord-africain sache que nous sommes avec lui de tout cœur et que nous
travaillons plus énergiquement que jamais à assurer sa libération et celle du
peuple de notre pays par le communisme. » En un mot, libération
conjointe, dans et par le communiste, et à cette échéance-là, alors que Messali
Hadj vient de déclarer, propos que ne rapporte pas l’Humanité : « la politique d’assimilation ne peut se
faire, elle est condamnée par la raison, par la justice et par l’histoire. La
seule solution du problème est l’émancipation totale de l’Afrique du Nord et
nous disons franchement que nous désirons et nous souhaitons voir se réaliser
cette émancipation par l’aide effective de la France, en considération des
intérêts communs. »
Gaston
Monmousseau, Vandenbosch et Ernoult des industries chimiques accompagneront le
corps de Tahar Acherchour en Algérie jusqu’au cimetière de Sidi-Aïch.
Le plan Blum-Viollette — élaboré par
Léon Blum avec l’ancien gouverneur d’Algérie Maurice Viollette —, qui vise
à permettre à vingt-deux mille Algériens d’acquérir la citoyenneté sans
renoncer à leur statut personnel musulman, ne sera jamais présenté au
Parlement. L’Étoile nord-africaine sera dissoute le 26 janvier 1937 par un
décret émanant du Front populaire.
- 10 cité d’Angoulême : le Comité des chômeurs du 11ème,
qui compte 5 000 membres, y ouvre le 6 février 1936 un restaurant populaire.
- impasse de la Baleine, est inaugurée le 2
mai 1937, comme annexe de la Maison des Métallos, l’école de rééducation et
de formation professionnelle pour les chômeurs (70 étaux, 20 machines). Les
chômeurs continuent d’y toucher leur indemnité de chômage mais sont dispensés
de pointage. En 18 mois, 400 élèves sont rééduqué et placés. Cette expérience
contribuera à la création de l’AFPA (Association pour la Formation
Professionnelle des Adultes).
- 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Maison des
Métallos. Ex manufacture d'instruments de musique de 1881 à
1936 : la lyre du portail (1882) est le seul élément explicite qui en
rappelle l'histoire. « Couesnon & Cie » fabriquait dans la grande
halle métallique des cuivres réputés dans le monde entier des fanfares et du
jazz. Le Hall de l'hôtel industriel est son magasin, vitrine internationale de
ses instruments qui sont testés dans la salle de l'Harmonie ; un Cercle
Lamartine, société justement « lyrique » a été hébergée dans ces
lieux par un négociant en vin à l'origine de la salle de l'Harmonie. Au début
de la 3e République, six cents ouvriers fabriquent des instruments à vent dans
« la manufacture la plus importante du monde ». Elle devient
propriété de la CGT métaux en 1936 par l'achat de l'usine par l'Union
Fraternelle des Métallurgistes, association dépendant de la CGT. A
cette époque, c’est Rol-Tanguy, métallo de Talbot Paris puis de Renault,
militant de la première cellule d’entreprise créée dans l’usine au début 1924,
qui est le secrétaire du syndicat des métallos de la région parisienne. A
partir des années 1930, c’était toujours le syndicat des métaux qui était le
premier du cortège syndical au Mur des Fédérés, et à la tête des métallos, on
voyait Jean-Pierre Timbaud, ouvrier dans une fonderie d’art, trapu,
« image d’Épinal avec ses couleurs chantantes et crues », comme le
décrit Philippe Robrieux. C’est dans le Grenelle des usines Citroën qu’il avait
mené la campagne électorale du Parti communiste, en 1932, contre Marceau
Pivert. C'est sous ce fer forgé des métallos que furent accueillis les
volontaires des Brigades internationales à leur retour en 1938,
On lit, selon les numéros du Populaire, si l’on désire accueillir la
tournée de la troupe, soit « écrivez au camarade Jack Darcourt » soit
à Jack Darcourt tout court. La pièce qui tourne principalement pendant le Front
Populaire s’intitule Le Fou de Paris.
travail d'élève de l'école de J.F. du 123 rue de Patay (13e) à l'automne 1940. Musée national de l'éducation |
- 25, rue du Fbg du Temple (10e)
l’un des magasins des Etablts
Loiseau-Rousseau, maison parmi les grands de l’alimentation, à l’instar de
Félix Potin, Julien Damoy ou Goulet Turpin. Fondée en 1917, sous la devise de
« maison contre la vie chère », elle compte 73 dépôts à Paris en
1936, dont celui du 25, rue du Fbg du Temple. La maison Loiseau-Rousseau, qui a
son siège social et son magasin principal 96 bd de Sébastopol, dans le 3ème
arrdt, a été rachetée en 1933 par une SA, et son fondateur, E.
Loiseau-Rousseau, se suicide à son domicile du 109 bd Sébastopol début août 37.
Pendant le Front populaire, on peut lire dans ses publicités qu’ « une économie de tous les jours équivaut
à une augmentation de salaire. Pour la réaliser, un seul endroit : les
Etablts Loiseau-Rousseau »
- 50, rue de Malte, à l’Alhambra (aujourd’hui démoli), Gilles
et Julien y chantaient, pendant le Front populaire, « La Belle France
: il était question de bleuets et de coquelicots, on aurait dit du Déroulède »,
ironise Simone de Beauvoir dans La Force de l’âge, mais le duo chantait
aussi La Chanson des 40 heures.
- 5 av de la République. Radio-Liberté. FNCC :
La
Maison de la Coopération
a d’abord été installée au 13, rue de l’Entrepôt, dans le 10e. L’Union
des coopératives, qui lui succède,
acquiert au début de 1919, grâce au concours financier du Magasin de
Gros, de la Verrerie ouvrière d’Albi et de la Bellevilloise, l’immeuble situé
29-31 bd du Temple et 85 rue Charlot (auj. annexe de la Bourse du Travail), après
la fusion avec La Prolétarienne du 5e, l’Avenir social du 2e,
et la Bercy-Picpus, tandis qu’est en cours un rapprochement avec l’Économie
parisienne du 3e, La Lutèce sociale, et l’Union des coopérateurs
parisiens. L’Union des Coopératives compte alors 39 168 sociétaires, emploie
1 398 personnes et possède 230 établissements à Paris, en banlieue et dans
l’Oise, y compris trois colonies de vacances et trois entrepôts. Rien qu’au
cours de l’année 1919, sont ouverts à Paris, quatre restaurants, sept épiceries
et trois boucheries. Une blanchisserie est désormais commune à l’Union des
coopératives, à la Bellevilloise, à l’Union des coopérateurs parisiens et aux
restaurants ouvriers de Puteaux.
Au début de 1930, la FNCC (Fédération nationale des coopératives de
consommation) quitte le 29 bd du Temple pour le 5 av de la République, y remplaçant
une sous-station électrique. Là se regroupent l’École technique pour le
personnel coopératif, la Fédération de la RP, l’Enfance coopérative, le Comité
national des loisirs, etc.
L’immeuble abrite aussi la Fédération des
sociétés juives de France, 77 sociétés, toutes fondées par des immigrés,
sociétés de secours mutuel, de charité, la Fédé ayant en charge 20 000
familles en 1931.
Le local est aussi celui des permanences
syndicales de l’habillement, le soir entre 18h et 20h.
Le rez-de-chaussée est occupé par un hall
d’information de Paris-Midi Paris-Soir,
le bureau de voyages et un cinéma de ces quotidiens. On peut lire dans leurs
colonnes, le 30 juin 36, que « les nouvelles conditions de travail de la
production cinématographique obligent nos trois cinés Paris-Soir à changer leurs programmes jusqu’à nouvel ordre le
jeudi, à 10h du matin. » Les films sortaient jusqu’alors le
vendredi ; c’est le samedi chômé, suite aux Accords Matignon du 7 juin,
qui fait avancer leur sortie d’un jour. Un an plus tard, l’industrie optera
finalement pour le mercredi.
L’association
Radio-Liberté siège elle
aussi au 5 avenue de la République. Fondée le 1er mars 36, elle
assure, dès le 23 mai, regrouper 22 000 adhérents, et se désigne comme
« le Front populaire de la radio ». Depuis 1933, des « élections
radiophoniques » permettent de désigner des représentants des assujettis à
la redevance pour à peu près un tiers des sièges des Conseils de gérance des
régions radiophoniques. Radio-Liberté sera, dans ces élections, l’association
de gauche face à Radio Familles, qui remportera néanmoins les troisièmes
élections, en 1937.
Radio-Liberté, Revue hebdomadaire de TSF, publie son 1er
n° le 23 octobre 1936 et paraîtra tous les vendredis jusqu’au 1er
septembre 39. Dans ce premier numéro, outre bien sûr les programmes de toutes
les stations de radio, un message de Romain Rolland, de Paul
Langevin ; un article “musique“ consacré à « 2 chants français :
la Marseillaise et l’Internationale », etc.
Pierre Brossolette, adhérent de la SFIO
depuis 1929, rédacteur de politique étrangère au Populaire, membre du cabinet du ministre des Colonies, est évincé
de l’Agence radio et de Radio PTT à la fin de 1938 après qu’il s’est élevé
contre les accords de Munich. Le n° du 10 février 1939 de Radio-Liberté fait sa couverture sur
Pierre Brossolette auquel il consacre une grande interview, et mènera une grande
campagne en faveur des radiés de la radio et pour le retour de P.B. au micro.
La collection est sur Gallica |
- 62 bd Richard-Lenoir et rue Moufle,
Fédération des locataires de la RP de l’Union
confédérale (c’est l’association mère, fondée en 1916, d’où est sortie, en
1925, l’association socialiste mentionnée rue Saint-Maur). Dès janvier 34, les
retrouvailles ont lieu et se fait « l’Unité d’action contre l’offensive de
la propriété bâtie ». L’Union confédérale est bien sûr à la pointe de la
lutte contre les « colonnards ».
C’est le seul groupement du 11ème
(assoce, parti, syndicat, entreprise…) qui n’ait pas bougé depuis le Front
populaire et occupe aujourd’hui encore (sous le nom de CNL) ses locaux
historiques.
- 126, bd Voltaire, l’un des 12
magasins parisiens des chaussures Pillot,
(dont les ateliers principaux étaient120 à 130 av Ledru-Rollin, voir plus
loin), le plus gros employeur du 11ème à l’époque du Front
populaire, et dont les ouvriers étaient sortis victorieux de leur grève dès le
5 juin.
partie sud
- Le 12 rue de Belfort était le siège, dans les années 1920, de la 11e section du PC à
laquelle avait été affecté Messali Hadj, future incarnation de l’Etoile
Nord-Africaine. Daniel Guérin «…Je fais la connaissance de Messali à l’occasion
de l’émeute fasciste du 6 février 1934, au siège de la fédération socialiste de
la Seine, rue Feydeau, dont les secrétaires sont mes amis : Jean Zyromski et
Marceau Pivert. Messali est alors un homme encore jeune, élancé, un peu osseux,
vêtu à l’européenne et portant un soupçon de moustache noire, marié au surplus
à une Française. Il emprunte son allure aux communistes français avec lesquels
il a fait un bout de chemin. […] Messali s’est rendu chez les socialistes, au
lendemain de l’émeute factieuse, pour leur proposer d’empêcher le recrutement
des travailleurs nord-africains par les «ligues» d’extrême droite. Pressentant
l’évènement, il a tenu, à l’avant-veille, un meeting au 48 de la rue Duhesme,
dans le 18e arrondissement de Paris. Il y a recommandé à ses frères de
repousser toutes les sollicitations réactionnaires, de rester aux côtés de la
démocratie laborieuse française et, si besoin était, de descendre avec elle
dans la rue. De fait, l’Etoile nord-africaine sera présente à toutes les
manifestations antifascistes, à la place de la Nation, le 12 février 1934, au
mur des Fédérés en mai 1934 et 1935, à celle du 14 juillet 1935 qui donne
naissance au Rassemblement populaire, en février 1936 au défilé de protestation
consécutif à l’attentat perpétré contre Léon Blum, et encore mieux à l’immense
cortège du 14 juillet 1936, où plus de 35 000 ouvriers algériens marchent en
rangs serrés, aux acclamations d’une mer humaine qui ne connaît pas ou a oublié
le racisme.»
- 1 rue Gerbier et 15 rue de la
Folie-Regnault, Neuhaus, vis
cylindriques de toutes sortes, décolletage de précision, 47 ouvriers, 15 à 30%
d’augmentation obtenus dès le 8 juin comme l’annonce l’Humanité du
lendemain, célébrant en Une « huit nouvelles victoires dans le 11ème. »
- 102 rue de Charonne, Budy (G.) et fils, dite aussi Etablts
Libma (également éditeur de quelques ouvrages dont on trouve mention entre 1912
et 1938), clichés et impression “Libma“, 20 ouvriers, 100% d’augmentation obtenus
dès le 8 juin.
- 146 rue de Charonne, société Les Aigles, agence automobile, agence
directe des grandes marques, dont Peugeot ; transports, 50 ouvriers, 15 à
20% d’augmentation obtenus le 8 juin.
Pendant la guerre, la société
« transformera les véhicules utilitaires pour l’emploi des carburants
nationaux ».
- 71 à 77 av Philippe Auguste,
ateliers Henri Esders, construits autour
de 1920 par les frères Perret, un peu avant le bâtiment du 124 rue de Rivoli,
pareillement en béton armé et comptant sur un rez-de-chaussée de 5,30 m sous
plafond, 5 étages de magasins et 2 étages d’appartements destinés au personnel.
Le hangar industriel de l’avenue Philippe Auguste sera démoli en 1960. La maison
de confection, à la fin du 19e s., comptait 4 magasin qui avaient
pour noms à St-Joseph, à la Grande Fabrique, au Pont-Neuf, à la
Tour-St-Jacques. Le patron, Henri Esders, était de ces patrons paternalistes inspirés
par Frédéric Le Play qui, aux côtés de personnalités catholiques et
protestantes, fondaient en septembre 1889 la Ligue populaire pour le repos du
dimanche. Henri Esders, joignant l’acte à la propagande, annonçait ensuite, dans le courant de mars 1906, qu’à compter du 1er
avril ses magasins seraient fermés le dimanche et resteraient ouverts en
revanche la veille jusqu’à 9h du soir. Il devançait ainsi la loi sur le repos
hebdomadaire de l’été 1906 qui, les dérogations se comptant par milliers, ne
sera véritablement générale qu’après la Grande guerre.
« La semaine des deux
dimanches », le samedi chômé, sera une conquête du Front populaire (7 juin
36)… et le samedi bien vite supprimé par le gouvernement Daladier, dès 1938.
Henri Esders, mort en 1923, a été
remplacé par son fils Armand, c’est ce dernier qui fait construire les deux
bâtiments prestigieux conçus par les frères Perret. Armand Esders possède une
des dix plus belles villas de Deauville, un des dix plus beaux avions de France
et un des dix plus beaux yachts d'Europe (65 mètres de long), et conduit aussi,
parmi plus de 20 automobiles, la plus belle voiture de 60 chevaux alors
construite en France et tirée à quelques exemplaires seulement. Le fils, s’il a
conservé la marque au nom de son père, Henri Esders, est à l’initiative, dans
tous les sports de prestige, d’innombrables coupes Armand Esders, alors que la
clientèle de la maison de confection est plutôt populaire et à ce titre un gros
annonceur des journaux ouvriers. C’est
avec sa 60 CV qu’en mars 36, à Rueil-Malmaison, il écrase deux jeunes filles qui
rentraient du bal et en tue une avant de prendre la fuite.
En 1936, l’entreprise compte 6 magasins à
Paris : outre celui des 124-126 rue de Rivoli, un second dans la même rue
au n° 68 ; un au 115 rue Montmartre ; au 50 rue de Turbigo ; au 18
bd St-Denis ; des succursales à Lyon, Marseille. Esders est le second plus
gros employeur du 11ème avec un demi-millier d’employés. Ceux-ci
obtiennent, suite à leur grève, 10% d’augmentation le 5 juin.
En 1937, malgré la création d’un syndicat
maison, tous les délégués élus seront de la CGT.
Armand Esders meurt en 40 ; le
contenu de son appartement, 48 rue de Villejust (auj. Paul Valéry, au coin de
l’av Foch), donne lieu à 4 ventes à Drouot de boiseries, cheminées de marbres,
meubles et objets, tous du 18e siècle.
- 83 et 85 bd de Charonne, Brenot frères, cuivrerie pour
l’éclairage, la ferblanterie et l’électricité, 36 ouvriers, 30 à 40%
d’augmentation obtenus le 8 juin.
- 75 et 77 bd de Charonne, fonderie Mazelier Frères et Fils,
fonderie de zinc et commerce de métaux, Sarl qui compte 75 ouvriers à Paris, 40
à Lille et 10 à Valenciennes; fait 1 000 tonnes de zinc/mois pour la
galvanisation, 250 t/mois pour alliages et laiton ; réalise également
brasure du cuivre, soudure d’étain, laiton, bronze et alu en lingots, etc. Dans
l’Humanité du 9 juin : « après
une 1/2h de grève, 15 à 20% d’augmentation ! »
Pour l’anecdote, c’est chez Mazelier que
le petit-fils de Frédéric Le Play retrouvera après la guerre un moulage de la
statue de son gd-père enlevée du Luxembourg comme bien d’autre par les
Allemands en 41. Mazelier faisait donc probablement à cette date de la fonte
d’art et avait pris un moulage pour une éventuelle fonte ultérieure. (La
statue, finalement cachée par l’entreprise chargée de son enlèvement, sera
remise à sa place en 1946).
- bd de Charonne, rassemblements
pour la montée au Mur, depuis le
cours de Vincennes jusqu’aux abords du Père-Lachaise. L’Humanité
du dimanche 24 mai 1936, que l’on lit pendant cette attente qui sera
interminable (les derniers défileront à 10 heure et demie du soir), titre :
« Elle aura sa revanche ! » surtitre : Au Mur, à partir de
13 heures, pour fêter la victoire !
“Pour
le pain, pour la paix, pour la liberté !“, c’est l’édito encadré de Paul
Vaillant-Couturier qui se termine par « la foule immense qui défilera au
Mur du Père-Lachaise, avec, devant elle, le programme du Rassemblement
populaire à réaliser, et au-delà, le magnifique espoir de la revanche totale de
la Commune, la République française des conseils du peuple, les Soviets
partout ! » Le slogan est repris en ligne de pied : « Les
Soviets partout ! »
Cette
édition de l’Humanité contient, en page 5, rubrique « Sur le
Front du Travail », un papier de Pierre Delon, surtitre : « Pour
la revalorisation des salaires », titre : « Une belle série de
victoires dans les usines d’aviation ». L’article, sur 2 colonnes, est
illustré par « un tourneur au travail dans une usine de
mécanique » : « Depuis des années, écrasés par la crise et les
attaques patronales contre leurs conditions d’existence, ils se sentent forts
maintenant de leur unité syndicale réalisée, ils ont puissamment affirmé leur
volonté lors des élections législatives, et ils réclament les améliorations à
leur sort auxquelles ils ont droit. Pendant ces dernières semaines, de
nombreuses grèves ont eu lieu et se sont terminées par des victoires ouvrières.
Un des exemples les plus significatifs est celui de l’aviation. » Ce sont
les premières des grèves avec occupation qui vont maintenant s’étendre comme
une traînée de poudre.
Dans
l’Humanité du lendemain, qui titre « 600 000 au mur »,
parmi les 5 photos de la page, l’une montre « Les Bloch victorieux / Pour
un contrat collectif dans l’aviation » [Bloch deviendra Dassault], mais le
cortège des Bloch n’est pas décrit dans l’article, et aucun mot d’ordre
revendicatif n’y est cité, à part celui des midinettes. Les mots d’ordre
retenus sont exclusivement politiques : « Vive le Front
populaire », « A bas le fascisme », « Les Soviets
partout ».
Ce
24 mai 1936, dans le cortège qui monte au mur des fédérés, il y a aussi dix
mille maghrébins. Ces “travailleurs coloniaux“ se regroupent selon que l’on lit
le Populaire ou l’Humanité, soit derrière le 13e groupe (celui de la banlieue
sud), soit derrière le 14e groupe, celui de la banlieue nord, c’est
à dire au niveau des 62 ou 52 bd de Charonne. Pour le Populaire, ils scanderont « Limogez Peyrouton » (celui-ci
est le résident général au Maroc après l’avoir été en Tunisie),
« Démission de Martel » (le comte Damien de Martel est le Haut
Commissaire au Levant). L’Humanité ne
rapporte pas leurs slogans. Selon l’Etoile Nord-Africaine, ils viennent
commémorer la Commune de Paris, en même temps que l’insurrection algérienne de
1871 menée par Mohammed el-Mokrani et le Cheikh el-Haddad de la confrérie
soufie Rahmaniya. Par ce geste, les militants nationalistes montrent que pour
eux la question sociale et la question nationale sont intimement liées dans
leur combat pour la libération du Maghreb.
Une
semaine plus tôt, au cours d’une réunion au Cercle du Progrès d’Alger, le 17
mai, il a été décidé de la création d’un comité « chargé de faire auprès
des masses populaires une utile propagande pour la réunion d’un Congrès
Musulman algérien, qui se tiendrait dans le courant de juin et aura pour
mission d’arrêter un programme de réforme. » Ce Congrès Musulman, composé
d’élus, de notables, d’oulémas et de partisans du Front populaire, à l’exclusion
de l’Etoile Nord-Africaine, se réunira effectivement le 7 juin 1936 à Alger, au
cinéma Majestic, et adoptera deux revendications principales : l’égalité
c’est-à-dire la fin de l’exception, le droit commun et le rattachement de
l’Algérie à la France avec la suppression de tous les rouages spéciaux ;
la représentation parlementaire des musulmans algériens. A la fin de ce mois de
juin, le PCF et le PCA appuieront la « charte revendicative du peuple
algérien musulman », approuvée par le Congrès musulman d’Alger, y compris
« le rattachement pur et simple de l’Algérie à la France ».
- 48 rue des Boulets (auj. Léon Frot)
et 197 bd Voltaire, E. Chambournier,
isolants, mica fibre, 150 ouvriers,
le 3ème employeur en nombre d’ouvriers des entreprises du 11ème
citées par la presse ouvrière durant le Front populaire ; également
présent à Lyon. L’une des 8 nouvelles
victoires du 9 juin.
- 2, rue Saint-Bernard, section CGT du 11e, Fédération du bois. Le 29 mai 1936, à
20 h 45, dans la salle du 2e étage, est constitué le
Centre de propagande syndicale du 11e qui va réunir tous les
syndiqués tous les dimanches matin de 10 à 12h.
- rue du Fbg St-Antoine, statue de Baudin ; la banderole du
serment de Buffalo est posée à ses pieds et y demeure, devant laquelle passera
un cortège de 500 000 personnes. En tête, sur deux voitures, un immense
drapeau rouge sur lequel est inscrit Comité du Rassemblement, et un tout aussi immense
drapeau tricolore, les deux ayant été associé le matin au vélodrome Buffalo
(Montrouge).
Là-bas, Victor Basch, président de
la Ligue des Droits de l'Homme avait ouvert la rencontre à laquelle participait
l'ensemble des organisations de gauche : les dirigeants communistes,
socialistes et radicaux ; les représentants des deux CGT (qui ne se
réuniront qu’en mars 1936) ; la fédération sportive et gymnique du travail
(FSGT) récemment réunifiée ; le comité de vigilance des
intellectuels antifascistes. La banderole rappelle dans le cortège de
l’après-midi ce qu’on s’est juré le matin : « Nous faisons le serment
solennel de rester unis pour désarmer et dissoudre les ligues factieuses, pour
défendre et développer les libertés démocratiques et pour assurer la paix
humaine. »
Perchés sur un taxi, Daladier, Thorez
et Pierre Cot lèvent le poing en chœur, des manifestants crient «
Daladier au pouvoir ! » Dans le cortège du 14e arrondissement (son siège est 19 rue Daguerre), sont
présents quelque 7 000 membres ou sympathisants de l’Etoile Nord-Africaine
de Messali Hadj. Ce dernier a été libéré le 1er mai après six
mois à la Santé pour « infraction à la loi sur les associations ».
Si fin février 1935, le PC réclamait
encore « l’indépendance totale de l’Algérie et de l’Afrique du
Nord », en mai 35, il y a eu la signature du pacte franco-soviétique et,
l’antifascisme primant désormais sur tout, le PC va passer au réformisme
colonial et à l’assimilation réformiste.
Le 14 juillet 1936, à l’occasion du
défilé parisien, six mille Maghrébins défilent derrière des mots d’ordre
spécifiques : « Libérez l’Afrique du Nord, Libérez la Syrie, Libérez
le monde arabe ! » Le 18 juillet, la délégation du Congrès musulman
arrive à Paris. Elle rencontre Blum, quantité de représentants de tous les
partis de gauche… Elle fera un compte-rendu de sa mission le 2 août au stade
municipal d’Alger, auquel Messali s’invite : « nous n’accepterons
jamais que notre pays soit rattaché à un autre pays contre sa volonté ;
nous ne voulons sous aucun prétexte hypothéquer l’avenir, l’espoir de la liberté
nationale du peuple algérien » ; nous voulons « la création d’un
Parlement algérien, élu au suffrage universel, sans distinction de race ni de
religion. » Il conclut son discours en se baissant et en ramassant une
poignée de terre algérienne : « Cette terre est à nous, nous ne la
vendrons à personne ! »
El Ouma écrira « L’Etoile
nord-africaine est une organisation ouvrière adhérant au Rassemblement
populaire dès le jour de sa création. Elle a participé à toutes les
manifestations, à tous les meetings aux côtés du peuple français pour le pain,
la paix et la liberté et, notamment, le peuple de France a remarqué avec joie,
aux deux grands défilés des 14 juillet 1935 et 1936, le cortège de l’Etoile
nord-africaine groupant plus de 30 000 Nord-Africains et manifestant en
criant : la terre aux fellahs ! du pain aux travailleurs et la
liberté aux peuples ! » Mais
aussi : « Non le Front populaire n’est plus le Front populaire du 14
juillet 1935. Il a à son tour coiffé le casque colonial et a sévi durement
contre les organisations algériennes, marocaines, tunisiennes, africaines et
asiatiques. »
Le 26 janvier
1937, c’est l’interdiction de l’ENA par le gouvernement de Front populaire. Le
27 août, Messali Hadj est arrêté et condamné à 2 ans. L’Humanité
applaudit. Voir, plus bas, le bilan que tire Simone Weil de la politique
coloniale du Front populaire.
- 120 à 130 av Ledru-Rollin,
chaussures Pillot. Société
créée en sept 1932, une usine à la Plaine St-Denis, une à Paray-Vieille-Poste près
d’Orly (qui entre en fonction en août 1935), un atelier 2, rue Charles Friedel dans
le 20e qui fait les talons de bois ; en tout 2 700 salariés,
dont 50% de femmes, pour 1 à 1,5 millions de paires: « Les premières chaussures françaises fabriquées en grande série », aux marques :
Guéritou, pour pieds sensibles, Kisuzpa, etc. Le passage de la coupe à Orly a fait tomber le nombre d'ouvriers parisiens de 1 000 à environ 500, qui obtiennent satisfaction dès le 5 juin. L'entreprise compte seulement 12 magasins à Paris, dont
90 av Ledru-Rollin, 126 bd Voltaire, 109 Fbg St-Antoine, et 16 place de la Répu
(10e) mais, début 1936, elle a signé des contrats d’exclusivité avec environ 100
détaillants de province, pour 10 ans, avec l’objectif d’en signer 300.
-les Etablts
Loiseau-Rousseau sont, sur notre parcours, au 25, rue du Fbg du Temple (10e),
au 20, av Philippe Auguste, enfin, ici, au 88 rue du Fbg St-Antoine (12e).
travail d'élève de l'école de jeunes filles du 123 rue de Patay (13e) à l'automne 1940. Musée national de l'éducation |
- 10 place de la Bastille, salle
du Tambour. S’y réunit le comité local
d’action syndicale du 11e : tous les délégués d’entreprise
de l’arrondissement.
- 10 bd Beaumarchais, Chansonnia, l’un des derniers
music-hall parisien avec la Gaieté Montparnasse, les Folies Belleville, et la
Fauvette (13e). Connu comme Grand Concert de l’Époque, sous la
direction de Bruant en 1899, il a été repris par Ernest Pacra et baptisé
Chansonia en 1925. La veuve lui ajoutera son sous-titre de Concert Pacra. Fin 1935,
la troupe de Montéhus y donne De l’or… du
sang !!!
Le 4 juillet 1936, 800 commerçants du 11ème
y forment un groupe populaire de défense des intérêts des petits commerçants,
artisans et petits industriels, en présence d’orateurs PS, des conseillers municipaux
et députés du PC. On y signe une pétition pour protester contre l’augmentation
de la patente.
Dans les
Bonnes Femmes, de Claude Chabrol, sorti en 1960, Ginette (Stéphane Audran),
vendeuse dans un magasin d’appareils électroménagers situé au 72 du même boulevard
et sur le même trottoir, y chante le soir en cachette de ses collègues. La
salle est circulaire, la scène au milieu, les sièges en bois ; l’entrée
secondaire 3 rue Amelot. Le Chansonnia est démoli en 1972.
Simone Weil écrit dans la livraison du 25
mars 1937 des Feuilles libres,
c’est-à-dire après la dissolution de l’Etoile Nord-Africaine, qui a eu lieu fin
janvier, et après la grève à la mine de phosphates de Metlaoui, en Tunisie, où
la gendarmerie, le 4 mars, a fusillé à bout portant 19 grévistes indigènes :
« Il faut bien reconnaître que l’œuvre coloniale du gouvernement se réduit
à peu près jusqu’ici à la dissolution de l’Etoile Nord-Africaine. On dira que
le programme du Rassemblement Populaire ne prévoit pas de réformes coloniales.
La dissolution non motivée de la courageuse Etoile Nord-Africaine n’y était pas
prévue non plus. Les morts de Tunisie non plus, d’ailleurs. Ce sont des morts
hors programme.
Quand je songe à une guerre éventuelle,
il se mêle, je l’avoue, à la crainte et à l’horreur qu’inspire une pareille
image, une pensée quelque peu réconfortante. C’est qu’une guerre européenne
pourrait peut-être bien servir de signal à la grande revanche des peuples
coloniaux pour punir notre insouciance, notre inintelligence et notre cruauté.
Ce n’est pas une perspective riante, mais
le besoin de justice immanente y trouve une certaine satisfaction. »