Une balade 100% prolétarienne (avec de vrais morceaux de jaunes dedans),
que le promeneur pourra mixer avec une seconde, plus interclassiste, prochainement
sur le site.
- Travail et Liberté, 38 av de l'Opéra. Le mensuel du Comité
d'Etudes Economiques et Syndicales, contrôlé par Irving Brown, délégué du
syndicat américain AFL, lequel a depuis 1946 une antenne à Bruxelles chargée de
rassembler les « syndicats libres », paraît pour la première fois en
février 1947. C’est autour de ce titre que vont se former les premiers
« syndicats indépendants », dans lesquels on trouve essentiellement
des vichystes, ex-syndicalistes et ex-communistes : Marcel Boucher, ancien
secrétaire général du syndicat des Ports et Docks de la Région Parisienne,
ex-secrétaire de l'Union des Syndicats de la R.P. ; Balsière, exclu du
syndicat du personnel des services centraux de la SNCF ; Sulpice Dewez,
ancien vice-président national des J.C., député communiste de Valenciennes de
1932 à 1940 ; et Parsal (Puech, dit Parsal), député communiste de la Seine de
1936 à 1940, qui participa en juin 1942 à la création du Comité d'information
ouvrière et sociale chargé de la propagande pour la relève, et qui sera
condamné à la dégradation nationale à vie et à la confiscation de ses biens au
procès de l'ex POPF, le 8 avril 1948.
- Vorwärts, à l’angle des 32 rue des Moulins et 49 rue
Neuve-des-Petits-Champs (auj. des Petits-Champs). C’est dans un
appartement du premier étage de cet immeuble d’angle, loué par les frères
Börnstein pour y installer leur agence de presse, que se tiennent plusieurs
fois par semaine les réunions de rédaction du Vorwärts, le
bi-hebdomadaire fondé au début de 1844 par Henri
Börnstein, avec l’aide du compositeur Meyerbeer. « Outre Bernays et
moi-même, qui étions les rédacteurs, raconte Heinrich Börnstein dans ses mémoires,
écrivaient pour le journal Arnold Ruge, Karl
Marx, Heinrich Heine, Georg
Herwegh, Bakounine, Georg Weerth, G.
Weber, Fr. Engels, le Dr Ewerbeck,
et Heinrich Bürgers ». Et il en oublie quelques-uns, dont German Mäurer,
l’un des dirigeants de la Ligue des Justes, soit une douzaine de personnes,
pour ne rien dire des discussions qui sont menées par ailleurs avec Proudhon, Louis Blanc, le typographe Pierre
Leroux (avec lequel George Sand avait créé la Revue indépendante
trois ans plus tôt), ou Victor Considérant,
le disciple de Fourier. L’ouvrage de référence du milieu ouvrier allemand est
alors les Garanties de l’harmonie et
de la liberté, publié par « le garçon tailleur Weitling » en 1842, dont Marx fera
l’éloge dans le Vorwärts du 10 août 1844 : « Pour ce qui est
de la culture des ouvriers allemands ou généralement de leur capacité à se
cultiver, je rappellerai l’œuvre géniale de Weitling, qui dépasse souvent
Proudhon lui-même au point de vue théorique ». « Il faut reconnaître
que le prolétariat allemand est le théoricien du prolétariat européen,
écrira-t-il ailleurs, de même que le prolétariat anglais en est l’économiste
et le prolétariat français le politique. »
- La Vérité des
Travailleurs, 64 rue de
Richelieu. C’est l’organe du PCI,
Section française de la IVe Internationale. « Toutes nos forces
pour la révolution algérienne » titre son numéro de février 1961. Et ces
forces ne seront pas mises au seul service de manifestations de rue. A peine
quatre mois plus tard, Michel Raptis,
dit Pablo, et Salomon Santen,
étaient jugés, à Amsterdam, pour une aide au F.L.N. qui s’était traduite par
l’impression de faux papiers et de fausse monnaie : 960 000 faux
billets de cent nouveaux francs avaient été saisis. Ils allaient être condamnés
à quinze mois ferme. Au même moment devenait opérationnelle, à la frontière
algéro-marocaine, une usine d’armements secrète que Pablo et ses camarades,
selon Les Porteurs de valises d’Hervé Hamon et Patrick Rotman, avaient
aidé à mettre sur pied. Pour la faire tourner, le F.L.N. avait rapatrié ses
meilleurs métallos de chez Renault ou Citroën. Et le PCI avait encore monté un
réseau pour l’aide médicale aux blessés.
- La Guerre Sociale, 121, rue Montmartre, à compter de
décembre 1906, puis rue Saint-Joseph en 1911. Diffusant 15 000 exemplaires
à son lancement, 20 000 un an plus tard, puis 50 000, vendu abondamment à la
criée, c’est, selon les intentions de Gustave
Hervé, un « organe de liaison entre les anarchistes de la CGT [...] et
les socialistes unifiés les plus avancés ». Gustave Hervé est membre de
L’Association internationale antimilitariste, dont il a signé, parmi trente,
l’« Appel aux conscrits »
qui, en octobre 1905, s’est étalé sur les murs de Paris. A la SFIO, ses amis et
lui sont organisés en tendance. A compter de la mi-1909, ces syndicalistes
anarchistes et ces socialistes avancés qu’il veut lier, Almereyda, Merrheim,
chaudronnier, secrétaire de la fédération des métaux CGT depuis 1905, Sébastien Faure et quelques autres,
mettent sur pied l’Organisation de
combat, pour préparer la grève révolutionnaire, et des Jeunes Gardes, que la police estimera à 600 membres vers la fin de
1911, formés en groupes de 10 hommes armés « à la moderne »,
commandés par un chef qui est le seul à être en rapport avec le comité
exécutif.
Au matin des manifs, la Guerre
Sociale ouvre ses colonnes à Gaston
Couté ou à Montehus et publie
« les chansons que l’on chantera ce soir », sans compter « La
Chanson de la semaine sur un thème d’actualité » à compter du 22 juin 1911
: « Chaque semaine nous publierons une chanson satirique de Gaston Couté.
L'auteur des Conscrits,
des Gourgandines,
du Christ
en Bois et de tant d'autres poèmes d'une langue si savoureuse et si
forte, vulgarisera à sa façon les idées de révolte et d'émancipation qu'il a
toujours défendues. »
Des chansons et des armes,
oui ; des colifichets, non ! « Rien n'est devenu plus piteux que le
commerce des insignes rouges soi-disant socialistes ou révolutionnaires. Bien
que destinés à affirmer, moyennant 10 centimes, l'héroïsme de celui qui les
porte, ils ont depuis longtemps perdu toute signification protestataire ou
combative. Il en est de ces insignes comme du pèlerinage annuel de la Semaine
sanglante, comme de l'épithète "sociale". L'usage les a galvaudés, en
a fait de simples démonstrations fétichistes. » Voilà comment La Guerre
sociale des 10-17 juillet 1907 rend compte, sous ce titre, d’« Une
Manifestation ».
N° du samedi 13 juin 1936 (Gallica) |
- l’Humanité, 142 (dès le début 1913) puis 138 (à compter
de 1931) rue Montmartre. Dans les mêmes immeubles sont logés Bonsoir,
Le Journal du Peuple de
Fabre, exclu du PC en mai 1922 à la
demande de l’Internationale ; le
Merle Blanc, créé en 1919 par Eugène Merlot dit Merle,
ex secrétaire adjoint de l’Association Internationale Antimilitariste,
collaborateur du Libertaire, et qui tirera à plus de 800 000 exemplaires
dès 1922 ; La Volonté ; La Victoire, ex Guerre
Sociale d’un Gustave Hervé devenu patriote, et qui a pris ce nouveau titre
au 1er janvier 1916 ; Paris-Magazine, ou encore Le Populaire de Paris, journal
socialiste du soir, avec comme directeur politique Jean Longuet, comme rédacteur en chef Paul Faure et comme directeur littéraire Henri Barbusse. En bas, la Librairie de l’Humanité. Rédaction et
administration du Conscrit
sont, en 1923, 142 rue Montmartre. Des cartouches y proclament :
« L’armée, c’est le revolver du voleur capitaliste », ou
« Conscrit ! à la caserne, fais l’apprentissage de la
violence ». « Devenez des Marty » est le titre de l’article de
« der ». Les cahiers du
Bolchévisme y ont leur adresse ; la rédaction de l’Avant-Garde est logée au 138
rue Montmartre.
Marcel Cachin et Jacques
Doriot sont arrêtés dans les bureaux de l’Humanité le 18 juillet
1927, après que le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, a dénoncé le
travail antimilitariste et anticolonialiste du parti : « le
communisme, voilà l’ennemi ». Une toile de Dali, « Autoportrait
avec l’Humanité », le montre en bleu de chauffe, muni du
quotidien daté du 24 juillet 1928, plié et ne laissant voir de son titre que
« mani », en quoi l’on peut voir l’intention que l’on voudra mais pourquoi
pas « manie », ce numéro tombant en plein milieu du VIe congrès du
Komintern à Moscou, celui de la période « classe contre classe » où
la social-démocratie, présentée comme « social-fascisme », devenait
l’ennemi principal. Le 17 juillet 1929, une action judiciaire pour atteinte à
la sûreté extérieure de l’Etat ayant été ouverte contre Louis Cassiot, le
responsable de la rubrique militaire du quotidien, des perquisitions y sont
faites, et poursuivies le 25 juillet quand l’inculpation est étendue au journal
dans son ensemble. Des documents sont saisis, l’action judiciaire encore
élargie et 154 personnes inculpées, dont de nombreux membres du comité central.
La police a pris les devants, le Parti préparant sa « Journée
rouge », la journée internationale de lutte contre la guerre du 1er
août 1929, 15e anniversaire du déclenchement de la guerre de 1914. L'Humanité
écrivait dès le 12 juin, ainsi que le cite Danielle Tartakowsky : "La
journée du premier août doit être une étape [...] Elle n'est pas la révolution
ni l'insurrection mais en constituera un chaînon (...). Elle n'est pas l'émeute
mais l'organisation consciente de la résistance [...] à la répression [...].
Elle n'est pas le putsch mais la journée où les prolétaires cesseront le
travail et manifesteront [...] pour leurs revendications immédiates, leur droit
à la rue en même temps qu'ils affirmeront leur volonté puissante de lutte
contre la guerre impérialiste et la solidarité avec l'URSS". De tout ce
qu’elle n’était pas, le pouvoir avait retenu le mais.
Dans le numéro du 13 juin 1936 de l'Humanité (Gallica) |
En septembre de cette même année,
ce n’est plus la police qui investit les lieux mais les Jeunesses, venues
débarquer les « vieux » ; c’est la « révolution
culturelle » à l’Humanité. Un groupe de militants du bâtiment,
emmené par Marcel Gitton, occupe des bureaux où Marcel
Cachin n’a que la ressource de s’enfermer à clef, en expulse sept rédacteurs et
menace les autres et leurs déviations de sa vigilance révolutionnaire. Enfin
ils destituent le rédacteur en chef, et installent à sa place Florimond Bonte. Dans le numéro qui
suit, le 3 septembre, une déclaration du Bureau politique avalise le
changement, qu’elle situe dans le cadre du « travail d’épuration entrepris
dès le lendemain du VIe Congrès mondial ». L’initiative « de la
base » répondait en fait à une suggestion des responsables de l’action
antimilitariste et anticolonialiste, auxquels l’Internationale venait de
confier le parti français : Barbé,
membre de l’exécutif de l’International communiste des Jeunes et officieux
premier dirigeant du PC, et Célor.
En 1934, l’Humanité n’a
toujours que 6 pages comme à la veille de 1914. Dans ces années-là, à la
rubrique « Convocations », carnet de rendez-vous pour toutes les
organisations de l’univers communiste, les cours d’espéranto de l’Université
ouvrière sont encore réguliers, comme les sorties du groupe des naturistes,
pendant que dans les colonnes voisines, l’Humanité propose sa vente
directe de charbon comme le fait le
Populaire à la même époque. C’est alors leur seul point commun. Le
Front Populaire en amènera d’autres, et même un dialogue inattendu, l’Humanité
répondant au « Tout est possible »
affirmé dans le Populaire par Marceau
Pivert, sous la plume de Marcel Gitton : « Non, non, il ne s’agit
aucunement « d’un changement radical, à brève échéance, de la situation
économique et politique » comme l’écrit le camarade Pivert. Non, non,
Marceau Pivert, il n’est pas question pour le gouvernement de demain
« d’opérations chirurgicales ». » Le 28 mai, un article de
Frachon disait déjà : « Nous approuvons et soutenons l’action des
travailleurs parisiens. Il y a cependant des régions où la misère est encore
plus grande. » Et l’Humanité du 13 juin 1936 enfoncera encore le
clou, Thorez y rappelant la
« riposte que nous avons faite à Pivert » : « nous et
nous seuls, nous avons répondu : « Non, tout n’est pas possible maintenant. » »
L'hôtel Colbert (porche), 16 rue du Croissant, en 1914 (Gallica) |
- L’Humanité, 16 rue du Croissant. Et Librairie de
l’Humanité. Le 24 avril 1908, L’Humanité
de Jean Jaurès, arrivant du 110, rue de Richelieu, s’installe à l’hôtel
Colbert ; elle y restera jusqu’au 25 janvier 1913, pour s’installer
ensuite à deux pas, au 142 rue Montmartre.
- Imprimerie du Croissant, 19 rue du Croissant. Dans les années
1960, c’est dans cette imprimerie centenaire, auprès des militants de la CGT -
le syndicat ayant le monopole de l’embauche dans la branche -, que les
étudiants de l’Unef viennent chercher le job d’été qui leur fera nettoyer les
locaux de l’International Herald Tribune ;
et dans ces mêmes sous-sols syndicaux que sont diffusés les premiers films
porno suédois.
L'inauguration de la plaque en 1924 (Gallica) |
- café du Croissant, 146 rue Montmartre. « J’ai
visité, écrit Trotsky le 17 juillet
1915 dans la Kievskaya Mysl dont il est le correspondant parisien, le
café, désormais célèbre, du Croissant, situé à deux pas de l’Humanité.
C’est un café parisien typique : plancher sale avec de la sciure de bois,
banquettes de cuir, chaises usées, tables de marbre, plafond bas, vins et plats
spéciaux, en un mot ce que l’on ne rencontre qu’à Paris. On m’a indiqué un
petit canapé près de la fenêtre : c’est là qu’a été tué d’un coup de
revolver le plus génial des fils de la France actuelle. » Il s’agit bien
sûr de Jaurès assassiné ici un an plus tôt dans sa 55e année.
- rue Saint-Fiacre. Martin Nadaud y travaille en 1835,
souvent de 4h du matin à 8h du soir, à démolir de vastes ateliers qui avaient
servi à une maison de roulage – « on sait que ce quartier est le centre du
grand commerce d’exportation de Paris ». Il y a deux autres chantiers à
côté du sien. « En face de notre bâtiment, il y avait de grands magasins
de marchandises d’exportation qu’on chargeait ou déchargeait dans la cour ou
même dans la rue. Les emballeurs s’adressaient à nous en répétant les noms que
nous donnions à nos garçons, puis ils riaient aux éclats en nous
regardant. » L’affront ne restera pas impuni : on en viendra aux
mains, chaque bande envoyant son champion pour une rencontre à la régulière.
- FTOF, AEAR, 12 rue Saint-Fiacre. La Fédération du Théâtre Ouvrier de France
(FTOF), la permanence qu’elle assure du lundi au samedi de 15h à 18h, et la
rédaction de la Scène Ouvrière,
arrivent ici, au 4e étage, à la mi-1932, en même temps que la toute
jeune Association des Ecrivains et
Artistes Révolutionnaires (AEAR),
dont l’assemblée constitutive vient de se tenir le 18 mars, et qui avait occupé
depuis, provisoirement, le 3 rue Valette.
A la fin d’août 1931, alors que
la FTOF avait pensé réunir 30 groupes de « Blouses Bleues » à Bezons
pour son assemblée régionale parisienne, seize seulement s’étaient présentés,
dont neuf en mesure de participer à un « spectacle » de
démonstration. Mais la Fédération allait bientôt compter plus de cent groupes
dont, pour Paris intra muros, Masses,
Mars, et Octobre, outre ceux des 13e, 14e, 18e
et 20e arrondissements. La FTOF, dont le trésorier est l’orthodoxe Gaston Clamamus, est alors animée par
le compositeur Robert Caby, l’un des
derniers amis d’Erik Satie, journaliste musical de l’Humanité et gérant
de la Revue du Cinéma de Jean-Georges Auriol, et par Jean-Paul Dreyfus (Le Chanois). Robert
Caby, membre du PC depuis la fin des années 1920 mais ami de Léon Sedov,
quittera plus tard le parti pour militer à l’aile gauche du PS.
- cinéma Le Rex, 1 bd Poissonnière. Il est Soldatenkino
durant l’occupation, et sera de ce fait la cible d’une attaque de la résistance
qui marque un tournant dans l’opinion, se rappelle Simone de Beauvoir :
« L’explosion de bombes à retardement au cinéma Garenne-Palace et au
cinéma Rex, l’attaque à la grenade d’un détachement allemand rue d’Hautpoul [19e],
furent chèrement payées : on fusilla quarante-six otages communistes au
fort de Romainville. (...) A présent, l’immense majorité des Français appelait
avec impatience la défaite allemande. »
- la SNEP, 6 bd Poissonnière. Le Populaire
s’y installe à la Libération. En vertu de la loi du 11 mai 1946, les biens de
presque tous les journaux apparus sous l’occupation sont regroupés dans un
holding d’Etat, la Société Nationale des
Entreprises de Presse (SNEP), à charge pour celui-ci de les revendre ou les
louer à bail à la presse nouvelle, après indemnisation des titres non coupables
de collaboration. Mais la mise en œuvre de la loi dépendra des ministres de
l’Information successifs, socialistes, MRP ou RGR, qui y feront preuve d’un
zèle très divers. André Ferrat, qui
avait dirigé la Section coloniale du Parti communiste à partir de 1931, et qui
avait à ce titre réorganisé le parti en Algérie au printemps de 1934, en en
confiant la direction à Amar Ouzegane, futur ministre du gouvernement algérien
de 1962 à 1965, est directeur de l’imprimerie
Réaumur, filiale de la SNEP, en 1946. C’est là qu’est imprimé le journal du
MTLD, l’Algérie Libre. Quand
le préfet de police veut le faire saisir, le 17 juin 1950, il trouve la SNEP
peu coopérative, pour ne pas dire complice. Le 1er septembre 1950,
il est à nouveau question de saisie, et la police s’étonne que le ministère de
l’Information, tutelle de la SNEP, n’interdise pas tout bonnement à celle-ci
d’imprimer le titre. On doit se borner à conduire au poste ses vendeurs. Le 8
septembre, la SNEP renonce à l’impression de l’Algérie libre, André
Ferrat ayant été prévenu qu’il se trouvait pénalement responsable ; dix
jours plus tard, plus de 1 100 Nord-Africains sont interpellés
préventivement alors qu’ils tentaient de manifester en direction de
l’imprimerie Réaumur. A la fin du mois, l’Algérie libre reparaît chez un
autre imprimeur, non identifié, elle est alors saisie dans la rue. Elle l’est à
nouveau à la mi-octobre.
- L’Humanité, 8 bd Poissonnière, face au cinéma Rex.
La Librairie Nouvelle est au
rez-de-chaussée, le quotidien au 4e étage, L’Humanité Dimanche au 5ème. Le 29 novembre 1947,
l’Humanité et Ce Soir
sont saisis en vertu de l’article 10 ; la manifestation de protestation
organisée autour des locaux, le lendemain, ne regroupe que 2 000 personnes
selon la police. Le 2 décembre, l’Humanité est à nouveau saisie, sur
mandat de justice, en même temps qu’une affiche du Comité central de Grève,
présidé par Benoît Frachon. Le 6
décembre, une Commission rogatoire assez largement conçue donne toute latitude
à la police de saisir les tracts, affiches et journaux sans être obligée
d’obtenir l’accord préalable du Parquet. L’immeuble de l’Humanité va
être, dans les années d’après guerre, le lieu autour duquel on se regroupe en
défense, et parfois en faisant parler le plomb, qui est encore l’outil de
travail des typos ; devant lequel on se réunit aux soirs d’élections pour
l’affichage des résultats ; devant lequel on se recueille les jours de
funérailles. Le 17 mai 1963, le cercueil de Pierre Courtade est exposé dans le hall de l’Humanité. En
1967, c’est celui de Georges Sadoul,
devant lequel Aragon prononce, juge
Pierre Daix, « un discours non dénué de nostalgies, où se lisait une
interrogation sur le chemin qu’ils avaient pris ensemble, comme aussi leur
regret commun de n’avoir pas su retrouver Breton. »
Au début de juin 1970, c’est Elsa
Triolet qui y repose, et c’est de là que part, après un « discours
déchirant » de Pablo Neruda, un
petit cortège d’intimes et de dirigeants du parti en direction du moulin de
Saint-Arnoult en Yvelines.
- siège de la FTOF, et de
l’A.E.A.R., 13 rue du Fbg
Montmartre. Le troisième congrès de la FTOF, à la Bellevilloise, le 15
janvier 1933, est l’occasion de représentations de La Bataille de Fontenoy – dont Masses, de René
Lefeuvre, juge qu’elle passe « par-dessus la tête de
l’ouvrier » -, par le groupe Octobre, et de Prolos en scène par la chorale de l’AEAR. L’assemblée
décidera également d’envoyer comme représentants aux Olympiades du théâtre ouvrier de Moscou, ce même groupe Octobre, dont fait partie Jacques Prévert, et les Blouses bleues de Bobigny. L’AEAR
publie maintenant un journal-tract, Feuille
rouge, en Une duquel André Breton explique que « M. Renault est
très affecté » : l’explosion d’une chaudière vient de faire dans son
usine 5 morts et 150 blessés. Ce n’est qu’une conséquence de sa politique de
rationalisation et d’exploitation, explique Breton.
A la « Fête de l’Huma »
qui suit, à Garches, outre les deux groupes retour de Moscou, la FTOF présente
encore Mars, et la Phalange du 18e, à côté de
la chorale juive et de sa centaine
de choristes. Les Blouses Bleues seront à la fête commémorative de la
Révolution russe, le 8 novembre, comme elles étaient allé animer le congrès de
la CGTU. Trois ans plus tard, ce sont 120 groupes de la FTOF de Paris et de la
région parisienne que l’on retrouvera dans le défilé du 14 juillet 1936.
- permanence de la Seine du
Parti socialiste, 12 rue Feydeau.
A cette adresse est d’abord édité Le Populaire, en 1921, après le
congrès de Tours, quand le PS maintenu a perdu l’Humanité et aussi tous
ses locaux. De journal socialiste du soir, le Populaire en devient
quotidien du matin, avec Jean Longuet et Léon
Blum comme directeurs politiques. Les excercices d’espéranto que publie le
Populaire resteront à expédier au 12 rue Feydeau, qui les corrige et les retourne, longtemps après que
le quotidien sera passé rue Victor-Massé et l’adresse devenue celle de la Fédération de la Seine. C’est cette
fédération, en effet, qui assure l’enseignement de l’espéranto par
correspondance.
A la Fédé (on dit aussi
l’Entente) de la Seine, domine d’abord le courant de « la Bataille socialiste » dans
lequel Jean Zyromski, en charge de
la page sociale du Populaire, a regroupé dès 1927 les éléments hostiles
à la participation socialiste au gouvernement. Marceau Pivert, qui partage
bientôt le leadership de ce courant, manifestera plus tard ses désaccords.
Le local ayant été mis à sac par
les Croix de Feu le 7 avril 1935, Marceau Pivert accepte l’offre des
Bolcheviks-Léninistes (trotskystes), qui viennent d’adhérer au PS, d’organiser
une milice : ce seront les TPPS
(Toujours Prêts Pour Servir), organisés en dizaines, trentaines et
centaines, entonnant dans les défilés leur « Marche des TPPS ».
Au 5e étage du même
immeuble, se trouve la Fédération des Jeunesses Socialistes, qui y inaugure un
foyer le 11 mai 1935. L’Entente de la Seine des Jeunesses dispose, à partir de
décembre 1934, d’un mensuel fédéral, Révolution,
« organe de lutte et de combat de la jeunesse ouvrière », dont Fred Zeller représente la rédaction, et
qui est beaucoup plus virulent que l’organe national, le Cri des Jeunes. A l’été 1935, les Jeunesse de la Seine
comme celles de la Seine-et-Oise sont dissoutes. Les exclus continuant de se
maintenir rue Feydeau, le Populaire doit rappeler que, dorénavant,
« le seul organisme régulier des Jeunesses Socialistes pour la fédération
de la Seine est rue Victor-Massé », et pour la Seine-et-Oise, rue
Rodier. Dans ces conditions, la grande fête des J.S. à Boulogne-Billancourt, le
15 septembre n’est pas un franc succès. En janvier 1936, les Jeunesses
« maintenues » rompront avec la SFIO pour constituer les Jeunesses Socialistes Révolutionnaires.
Chez les adultes, Marceau Pivert
a finalement fondé sa tendance, la Gauche
révolutionnaire, en septembre 1935 ; elle aura son mensuel éponyme,
comme journal de courant, interne à la SFIO, et la revue Masses de René
Lefeuvre, membre de la tendance, pour faire connaître ses idées à l’extérieur.
Dans la Gauche révolutionnaire du 25 février 1936, René Lefeuvre
théorisait la « grève sur le tas »
en pratique aux Etats-Unis comme une nouvelle forme d’action directe. C’est
cette grève sur le tas (ou encore « avec occupation ») qui allait
être mise en œuvre dans les entreprises de l’aéronautique deux mois et demi
plus tard. En décembre 1936, indépendamment de Marceau Pivert alors au
gouvernement, sa tendance constituait un Comité
d’action socialiste pour la levée de l’embargo, qui devenait Comité d’action socialiste pour l’Espagne
quand les zyromskistes l’eurent rejoint.
Marceau Pivert acceptera de
dissoudre sa tendance en 1937, avant de quitter finalement la SFIO en 38, avec
la majorité de la fédération de la Seine, pour fonder le Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (PSOP). Après la guerre, il
reviendra pourtant à la SFIO et sera secrétaire de la Fédération de la Seine à
partir du 4 juillet 1947. Jean Zyromski, qui avait été comme lui le champion de
l’unité organique et le dénonciateur de la politique de non-intervention en
Espagne, a choisi pour sa part l’adhésion au PC en 1945.
Dès la fin de 1946, les Jeunesses
du PS étaient à nouveau mises en accusation dans la SFIO. A la mi-47, 80%
des JS de la Seine suivaient André Essel,
condamné aussi bien par le Comité directeur du PS que par une Fédération de la
Seine dont Marceau Pivert était désormais le secrétaire.
- Travail et Liberté, 100 rue de Richelieu puis 18 rue Saint-Marc.
A la fin de 1947, le mensuel cité plus haut est devenu un « hebdomadaire
de combat pour la CGT indépendante, libre et démocratique ». A la même
adresse siège bientôt l’Union Départementale de la Confédération générale des
Syndicats indépendants, dont les premières sections sont, fin 1947, aux
Wagons-Lits, avec Raymond Doubre comme secrétaire général ; aux Grands
Moulins de Paris, sous la responsabilité d’Emile Ganne, et chez Bozel-Malestra,
entreprise chimique dont le président est aussi le trésorier du RPF. Si le
journal a été fondé par une équipe vichyste, la très grande majorité des
syndiqués et une importante partie des dirigeants fédéraux seront vite des militants
du RPF, « le devoir des compagnons étant de favoriser la création de
syndicats autonomes, apolitiques », comme l’a écrit L'Etincelle
ouvrière du 9 janvier 1948, et comme l’a confirmé de Gaulle en personne, dans sa conférence de presse du 17 novembre
: "Nous serons amenés à constituer des syndicats nouveaux". Dès le 10
avril 1948, le bientôt fameux commissaire Jean
Dides a entamé rue Saint-Marc un cycle de conférences éducatives pour la
formation des "syndicalistes indépendants" aussi bien ouvriers que
policiers. Les conflits, au sein de la confédération, deviendront très violents
et, au début d'avril 1949 par exemple, Dewez et Houssard, c’est-à-dire la
tendance RPF, s’empareront par la force des locaux de l'U.D. Le congrès de la
C.G.S.I. d’octobre 1952 connaîtra les mêmes affrontements. La Confédération
éclatera ensuite entre un "syndicat Simca", la C.F.S.I. animée par
Charles Delarue, ex-inspecteur des RG, ancien policier collaborateur, et la
« C.F.S. Travail et Liberté ».
- Opéra Comique, 5 rue Favart. Trotsky se rappelle y
être allé avec Lénine, à la fin de
1902, lors d’un bref séjour qu’ils firent à Paris alors qu’ils résidaient à
Londres. Avec leurs compagnes Kroupskaia et Sedova, selon certains, ou sans la
Kroupskaïa mais avec Martov, dans le souvenir de Trotsky ; bref, Lénine
avait acheté des chaussures à Paris, qui s’avérèrent trop étroites. Justement,
les chaussures de Trotsky étaient à bout. Lénine lui donne donc sa paire trop
petite ; à première vue, elle lui va parfaitement. Durant le spectacle, ça
commence à être moins sûr et, sur le chemin du retour, « je souffrais
atrocement et Lénine me raillait tout le temps, d’autant plus impitoyable qu’il
avait enduré lui-même plusieurs heures le supplice de ces chaussures. »
- chantier de Nadaud, 29 rue de la Chaussée-d’Antin. Pendant
qu’il travaille là, en 1830, la gargote où il prend ses repas est fréquentée
par d’anciens soldats de Napoléon qui appartiennent à l’état-major du général
La Fayette, alors commandant en chef des gardes nationales et qui habite la
rue. « Parmi eux, deux ou trois qui racontaient les évènements de la
journée où Louis XVI fut guillotiné. C’était la première fois que j’entendais
parler de république... »
Emile Pataud devant le lycée Voltaire le 9/9/1908 |
- Union des Jeunes Filles de
France, 9 bd des Capucines.
Le premier congrès de l'Union des jeunes filles de France s’est tenu le 26
décembre 1936, et a réuni 600 déléguées, représentant 9 643 adhérentes.
"Au début, quelques unes d'entre nous se sont demandées si ce n'était pas
tourner le dos à nos principes que de vouloir organiser séparément les jeunes filles,
y a confessé Danièle Casanova, citée
par Jacques Varin dans, Jeunes comme JC... Disons franchement qu'une
organisation mixte ne nous permettait pas un bien large recrutement. Depuis que
notre organisation est constituée, nous avons découvert des militantes
nouvelles et courageuses. Notre travail les intéresse, elles ont pris leur
tâche à cœur, et pour la première fois nous pouvons dire, les jeunes filles
participent nombreuses à la vie politique de la fédération des Jeunesses
communistes de France." Outre qu’elles publient un mensuel, Jeunes filles de France, elles
vont créer un millier de foyers de jeunes filles en France et compter
20 000 adhérentes en 1939.
- ministère des Affaires
étrangères, 37 à 43 bd des
Capucines (de 1820 à 1853). Le 23 février 1848, vers 9h30 du
soir, à la hauteur du ministère des Affaires étrangères, un détachement du 14e
de ligne ouvre le feu sur des manifestants, arborant des drapeaux rouges, qui
arrivent du faubourg Saint-Antoine et se dirigent vers la Madeleine. Il y a
plus de 100 morts. La foule, à la lumière des torches, promène toute la nuit
des cadavres dans Paris. « Dans un chariot attelé d’un cheval blanc, que
mène par la bride un ouvrier aux bras nus, seize cadavres sont rangés avec une
horrible symétrie, écrit Marie d’Agoult.
Debout sur le brancard, un enfant du peuple au teint blême, l’œil ardent et
fixe, le bras tendu, presque immobile, comme on pourrait représenter le génie
de la vengeance... » Un autre ouvrier, à l’arrière du chariot ne fait pas
qu’incarner la vengeance, il la crie : « Vengeance !
Vengeance ! On égorge le peuple ! – Aux armes ! » répond la
foule ». Les corps seront finalement déposés à la mairie du 4e
de l’époque, place du Chevalier-du-Guet (auj. rue Jean Lantier).
"Décharge sur le bd des Capucines", gravure de l'Histoire de la Révolution de 1848 de Marie d'Agoult (Gallica) |