Mme Merckel allume le feu


            On ne résiste pas, juste pour le fun :
            D’abord, il faut se rappeler que, dans les années 1830, les allumettes ne sont guère auto-allumeuses : tiges enduites de chlorate de potasse et de souffre, on les trempe dans un flaconnet d’amiante imprégnée d’acide sulfurique et elles s’enflamment aussitôt à l’air. Existent également des allumettes par frottement (dites aussi de cuisine), recouvertes de sulfure d’antimoine et de chlorate de potasse. Les unes comme les autres ne sont pas sans danger. Mme Merckel commercialise des boites simples à 10 c., et des mécanismes, comme le magicien tournant sur lui-même et vous présentant une bougie allumée, qui peuvent aller jusqu’à 60 fr. et au delà.
Mme Merckel, en 1858, est passée 7, rue du Petit-Hurleur. Gallica

            Mme Merckel, 34 rue du Bouloy dans la graphie de l’époque (auj. Bouloi), a d’abord eu l’idée, pour le corps des allumettes, de remplacer le bois par une mèche enrobée de cire « et, hâtons-nous de le dire [‘nous’ c’est le SEIN, acronyme qu’on n’invente pas plus que Mme Merckel, pour ‘Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale’], la substitution de ces substances n’entraîne pas une augmentation dans le prix net de revient tant la main d’œuvre a pu être réduite par suite de ce changement. »
            Déjà remarquée par le jury de l’Exposition de 1834, « Mme Merckel a, depuis lors, augmenté beaucoup sa fabrication toute spéciale, et une notable partie de ses produits sont vendus pour l’exportation », note celui de 1839, qui lui confirme sa médaille de bronze. Tandis que le SEIN, qui lui attribue une médaille d’argent, assure, pour donner une idée de l’importance de la maison, qu’elle  « dépense 5 à 6 000 fr. et plus par mois pour des ouvriers qu’elle paye 1,5 à 6 fr. par jour ». Un calcul approximatif donne donc un personnel compris entre 35 et 110 personnes pour cette entreprise, qui passe pour la plus importante du secteur, et qui ajoute des ateliers de ferblanterie, de cartonnage, à la fabrication des allumettes  proprement dite. Par comparaison, la fabrique de Joseph Morillon, boulevard de la Chopinette (auj. de la Villette), « où l’on recouvre simplement de mastic les allumettes à friction, occupe de 150 à 200 ouvriers de tout sexe et de tout âge. »