Balade (largement) autour de la librairie la Terrasse de Gutenberg, 9 rue Emilio Castelar, Paris 12e, le dimanche 24 juin.
- A la pointe des 2, rue Emilio Castelar / 85, rue de Charenton : Boulangerie aménagée en rez-de-chaussée d'un immeuble d'angle construit en 1906. La devanture comporte des panneaux peints fixés sous verre, signés de T. Luc et représentant des scènes de moisson. A l'intérieur, les murs sont recouverts de carreaux de céramique, agrémentés d'une frise de fleurs stylisées. Inscrite MH
- A la pointe des 2, rue Emilio Castelar / 85, rue de Charenton : Boulangerie aménagée en rez-de-chaussée d'un immeuble d'angle construit en 1906. La devanture comporte des panneaux peints fixés sous verre, signés de T. Luc et représentant des scènes de moisson. A l'intérieur, les murs sont recouverts de carreaux de céramique, agrémentés d'une frise de fleurs stylisées. Inscrite MH
- 38, rue Traversière : École de
trait puis librairie ouvrière créées par Agricol
Perdiguier en 1856. Aujourd’hui, belle enseigne de l’ébéniste
restaurateur Didier Maulet.
- Au 57, arrière et entrée de la crypte
de Saint-Antoine des 15-20. C’était ici un petit coin d’Auvergne :
des parents aveyronnais, chaque samedi, de 14 à 15h, y conduisaient leurs
enfants, à partir de trois ans, aux leçons de bourrée longtemps données par Raymonde Raynaldy. Cette personnalité
du folklore rouergat en a dirigé pendant près de quinze ans les cours
hebdomadaires dans les locaux de la paroisse. Les positions et les voltes sont
enseignées depuis par Régine Raynaldy,
fille de Raymonde, qui a elle-même fondé son propre orchestre, partie
intégrante de La Bourrée Montagnarde fondée en 1927.
- Église
Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts élevée pour le compte de la Ville de Paris
par l'architecte Lucien-Robert Roy sur les plans d'Émile Vaudremer et Paul Bichoff entre 1902 et 1904. La conception
de cette église emprunte beaucoup aux œuvres majeures de Vaudremer :
Saint-Pierre de Montrouge, Notre-Dame d'Auteuil et surtout l'église grecque de
la rue Bizet. Elle offre un bel exemple de juxtaposition du style néo-roman et
de techniques nouvelles. Le clocher aligné sur l'église est désaxé par rapport
à la rue. Cette tour de style roman, flanquée d'un escalier en
échauguette, domine le mur en brique animé par une horloge en fer de
grande taille. A l'intérieur, les structures reproduisent fidèlement les
arcades en plein cintre, les chapiteaux et les lourds piliers des églises
romanes. Mais une large verrière au-dessus du transept, la forme incurvée des
tribunes, l'usage systématique du fer forgé, le décor en grès de Bigot des
autels sont autant de signes de modernité. Œuvre posthume, réalisée assez
fidèlement par un disciple, Saint-Antoine-des-Quinze-Vingt révèle l'attirance
de Vaudremer, dans les dernières années de sa vie, pour le pittoresque et
l'asymétrie.
L’orgue en fut construit par le fameux
facteur d’orgues, Aristide Cavaillé-Coll,
en 1894, pour le Baron de l’Épée, riche amateur de musique qui désirait jouer
chez lui du Wagner, dans le vaste auditorium qu’il s’était fait aménager 55,
avenue des Champs-Élysées. Avec ses 2 800 tuyaux, dont le plus grave
mesure plus de 5 m. de haut, l’instrument possède la puissance des cuivres
wagnériens jointe à la subtilité des cordes et des bois.
Lorsque Cavaillé-Coll disparaît en 1899,
l’église Saint-Antoine est déjà en projet. En 1907, le Comte Christian de
Bertier de Sauvigny rachète au Baron de l’Épée le grand orgue de son salon de
musique et décide de le faire installer dans l’église Saint Antoine.
- Au n°64 Ledru-Rollin, PLU :
Ensemble construit vers 1880-1890 autour d'une cour rectangulaire, sur une
parcelle traversante. Il s'ouvre avenue Ledru Rollin par un immeuble de rapport
en pierre de taille et brique adroitement composé et signé “P. Flanet,
architecte 1891”. A l'arrière, sur cour, se développent symétriquement des
ateliers en pierre, brique et métal élevés de trois étages sur rez-de-chaussée.
Une verrière à structure métal en tiers-point abrite une partie de la cour.
Celle-ci se clôt, côté rue Traversière, par un immeuble présentant une façade
composée symétriquement de sept travées autour d'un porche monumental en plein
cintre (n°55 : passage de la Trôle) et élevée de quatre étages carrés sur
rez-de-chaussée. Les modénatures sont très sobres (chaînes de
refends, bandeaux et moulurations autour des baies). L'une des parcelles
polyvalentes habitat-industrie-commerce les plus caractéristiques du faubourg
pour la régularité de l'espace et de l'esthétique (verrière) de la cour.
-
Écoutons Vielé-Griffin, poète
symboliste de 20 ans le cadet de Verlaine,
qui vient visiter son aîné : « Dépassant donc la Bastille, lieu
encore lointain à cette époque pré-métropolitaine, nous suivîmes le viaduc du
chemin de fer de Vincennes, sous les arcades duquel se blottissent encore des
boutiques et des habitations cintrées d’entresol. Mais voici qu’une voûte
s’ouvre, donnant accès à une rue ; nos indications s’en confirment ;
hardiment nous franchissons l’humble arc de triomphe et, curieux bien que peu
rassurés, nous tournons sans hésiter à gauche pour nous trouver dans une grande
cour aux larges pavés gras de lessive et de déchets alimentaires… un lavoir
laissait échapper la vapeur de son essoreuse et des gaillardes aux manches
retroussées vidaient à même le ruisseau leurs baquets d’eau bleue… bientôt nous
voici reçus par le poète. Une chambre de rez-de-chaussée, triste et nue :
deux chaises ; une table devant la fenêtre sans rideaux portait des
livres, parmi lesquels nous reconnûmes, non sans émotion, nos premières
plaquettes ; un lit, à rideaux de lustrine verte, faisait face à la
fenêtre et, l’œil fixe vers la cheminée sans glace où s’accumulaient brochures
et journaux, un mauvais portrait de Verlaine, toile nue et sans cadre, pendait
à un clou. C’était sinistre. » Ça s’appelle l’hôtel du Midi, maison plus
ou moins de passes, au n°6 de la cour Saint-François qui ouvre au n°5 de la rue
Moreau ; et la chambre est une espèce d’arrière salle de la buvette du
marchand de vins qu’il faut traverser pour y accéder. Verlaine est venu y
habiter le 15 mai 1885, 2 ans après son départ du 17 rue de la Roquette.
En
octobre, il reçoit ici de Mallarmé,
une enveloppe dont l’adresse est celle-ci :
Tapi
sous ton chaud macfarlane
Ce
billet, quand tu le reçois
Lis-le
haut ; 6 cour Saint-François
Rue,
est-ce Moreau ? cher Verlaine.
Et
la lettre arrivée à bon port, Mallarmé suit.
A
l’hiver, Verlaine a la jambe dans une gouttière, plâtrée, et sa mère qui le
veille jour et nuit en attrape une pneumonie. Le 21 janvier 1886, elle meurt
dans une chambre du 1er étage. L’escalier est trop étroit pour qu’on puisse
monter Verlaine sur une civière afin qu’il lui donne un dernier baiser. De la
même façon, le cercueil sera descendu par la fenêtre, Verlaine ne l’a pas revue
et ne sera pas à la messe d’enterrement qui est dite dans la chapelle des
Quinze-Vingts. Il va rester là encore un an ou un an et demi après quoi il sera
plus souvent à l’hôpital que n’importe ou ailleurs : 20 séjours en 10 ans.
-
rue Jules César. Elle doit son nom d’avoir été ouverte, au moment où paraissait
l’Histoire de Jules César de
sa majesté impériale Napoléon III, (en 1865), sur l’emplacement des Arènes
nationales, construction légère de bois et de toile mais du plus pur style
gothique ; cirque à l’antique, sportif et gymnique, et non tauromachique, comme
le regrette Théophile Gautier dans son feuilleton de La Presse
qui en relate l’inauguration :
« La
place de la Bastille et la rue de Lyon avaient, lundi dernier [7 juillet 1851],
l'apparence de la calle d'Alcala à Madrid un jour de course. – Dia de toros.
Les voitures se hâtaient de toutes parts et de longues files de piétons dont
aucun ne retournait, se dirigeaient vers le même but; on ouvrait les Arènes
nationales, espèce de succursale de l'Hippodrome, trop éloigné des faubourgs
populeux de Paris et plus exclusivement destine à la fashion qui le trouve sur
le chemin du bois de Boulogne. (…)
Les
Arènes, bâties au point de vue populaire, ne donnent que deux représentations
par semaine, le dimanche et le lundi, pour ne point distraire les
ouvriers de leurs travaux. On sait que, depuis un temps immémorial, le lundi
est célébré beaucoup trop religieusement par la classe qui travaille, dans les
cabarets et les guinguettes de la banlieue. Le prix des places des Arènes
nationales lui donne les moyens de se divertir plus honorablement et à moins de
frais, variant de dix sols à vingt sols. C'est donc un service que rend M.
Arnaut à l'édilité de Paris en occupant un certain nombre d'heures une
population un peu turbulente dans les plaisirs, où la pousse le besoin de
réagir contre ses rudes labeurs. Le prix d'un litre de bleu empoisonné de
litharge et de bois de campêche solde un billet des Arènes et empêche de boire
ce même litre. Double avantage : l'on s'amuse et l'on ne s'intoxique
pas. »
-
Passerelle de Mornay, 1825.
-
Bd Bourdon (1806) C'était jadis une allée qui longeait le fossé de l'Arsenal,
depuis la Seine jusqu'à la Bastille. Depuis 1822, le canal St-Martin a
remplacé, entre la Bastille et la Seine, l'ancien fossé de l'Arsenal. Le mur
d'escarpe de ce fossé avait remplacé au 16ème siècle le mur
d'enceinte de Charles V. Il fut surélevé et couronné d'un parapet pour devenir
le mur du quai actuel du boulevard Bourdon.
- Station de métro Arsenal :
fermée depuis le 2 septembre 1939. La station Arsenal jouait un grand
rôle dans La Grosse Caisse, film
dont Bourvil était le héros en 1965,
une histoire de holdup sur le train spécial collectant les recettes des stations
du métro jusqu’en 1967, dont la station Quai de la Rapée, toute proche,
était l’une des étapes. Un poinçonneur (Bourvil), auteur amateur de polars, en
avait échafaudé le plan et, s’étant vu refuser son manuscrit, l’avait par dépit
refilé à un caïd de la pègre (Paul
Meurisse). La station Arsenal (voir sur le lien à 1'01") y est, dans le film, quai d’exposition pour
des voitures Simca (ce qu’elle était souvent dans la réalité), outre qu’elle
sert de base aux voleurs.
-
Lisons maintenant le début de ce roman de Flaubert dont vous devinerez sans doute le titre,
au moins à l’apparition des personnages. L’action se déroule en 1839 :
« Comme il faisait une chaleur de 33
degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert.
Plus bas le canal Saint-Martin, fermé par
les deux écluses étalait en ligne droite son eau couleur d'encre. Il y avait au
milieu, un bateau plein de bois, et sur la berge deux rangs de barriques.
Au delà du canal, entre les maisons que
séparent des chantiers le grand ciel pur se découpait en plaques d'outremer, et
sous la réverbération du soleil, les façades blanches, les toits d'ardoises,
les quais de granit éblouissaient. Une rumeur confuse montait du loin dans
l'atmosphère tiède ; et tout semblait engourdi par le désœuvrement du dimanche
et la tristesse des jours d'été.
Deux hommes parurent.
L'un venait de la Bastille, l'autre du
Jardin des Plantes. Le plus grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en
arrière, le gilet déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le
corps disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une
casquette à visière pointue.
Quand ils furent arrivés au milieu du
boulevard, ils s'assirent à la même minute, sur le même banc.
Pour s'essuyer le front, ils retirèrent
leurs coiffures, que chacun posa près de soi ; et le petit homme aperçut écrit
dans le chapeau de son voisin : Bouvard
; pendant que celui-ci distinguait aisément dans la casquette du particulier en
redingote le mot : Pécuchet.
-- "Tiens !" dit-il "nous
avons eu la même idée, celle d'inscrire notre nom dans nos couvre-chefs."
-- "Mon Dieu, oui ! on pourrait
prendre le mien à mon bureau !"
-- "C'est comme moi, je suis
employé."
Alors ils se considérèrent.
L'aspect aimable de Bouvard charma de
suite Pécuchet. (…)
Et leurs yeux erraient sur des tas de
pierres à bâtir, sur l'eau hideuse où une botte de paille flottait, sur la
cheminée d'une usine se dressant à l'horizon ; des miasmes d'égout
s'exhalaient. Ils se tournèrent de l'autre côté. Alors, ils eurent devant eux
les murs du Grenier d'abondance. »
Qui, depuis 1807, s’étendait du bd
Morland à la rue Bassompierre. Détruit par la Commune.
A l’époque de Bouvard et Pécuchet va s’y
installer la foire à la ferraille et aux
jambons qui s’y tiendra jusqu’en 1869.
- Ensuite tout le quadrilatère compris entre
les rues Mornay et Bassompierre va être occupé par le dépôt et les ateliers de
la Compagnie générale des Omnibus,
construits entre 1877 et 1912.
Le Petit
Arsenal, qui datait de François Ier,
avait occupé l'emplacement qui va du 21 bd Bourdon à la place de la Bastille.
- Magasin
de gros des coopératives de France, et Banque
des coopératives de France, 29 boulevard Bourdon. La centrale d’achat et la
banque, toutes deux socialistes SFIO, ont eu leur siège ici, après le 208 rue
Saint-Maur. La banque a fait faillite en 1934.
- n°31 : sous-station
électrique Bastille, de Paul Friesé,
1911. Probablement la plus remarquable des sous-stations réalisées par
l’architecte, qui s’inspire ici du néo-roman allemand et de l’architecture
islamique d’Asie centrale.
- Avant de tourner dans la rue de la
Cerisaie, on évoquera le Bal
Bourdon, 41 boulevard Bourdon (pointe avec le bd Henri IV). Un bal
populaire, le long du port de l’Arsenal, que fréquentent les “fils de Dieu”,
l’une des catégories d’ouvriers de la nomenclature de Denis Poulot comme ils le font de ceux de la Bastille. Hillairet lui attribue “une clientèle
d’ouvriers et d’ouvrières juifs”.
Cette extrémité de la rue de la Cerisaie,
du côté du boulevard Bourdon, a été percée après le premier Empire, sur
l'emplacement du Petit Arsenal.
Gabrielle (à dr.) et l'une de ses soeurs. (C) RMN (Musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda |
- N° 10. Emplacement de l'hôtel de Sebastiano Zamet, ami d'Henri IV, cordonnier attiré à Paris dans le mouvement
qui se fait durant des années après le mariage de Catherine de Médicis avec
Henri II (devenue belle-mère d’Henri IV), qui a quitté l’alène au
profit de la banque où il a fait fortune. C'est ici que la belle Gabrielle d’Estrées, en soupant, fut
prise d'un mal subit et mortel, en 1599, à 26 ans. Le roi s’apprêtait à
l’épouser. Puis l’hôtel devint celui du connétable de Lesdiguières (1614). Le
maréchal de Villeroi en hérita après la mort de la duchesse de Lesdiguières et
y reçut Pierre le Grand en 1717.
(Inscription.) En 1776 la maison fut occupée par le conseiller d'État Drouin de
Vandeuil. En 1826 c'était une pension où Ledru-Rollin
et Sainte-Beuve firent leurs études.
L'hôtel de Lesdiguières possédait de très grands jardins.
- en face, N° 11. Maison du 18ème
siècle avec médaillon sur la façade et dans la cour.
- La rue est tracée sur l'ancienne
impasse Lesdiguières démolie en 1792, par laquelle le peuple s'introduisit dans
les jardins particuliers de Launay
lors de la prise de la Bastille.
- Rue de l'Arsenal (1829). Tracée sur
l’ancienne avenue de l’Arsenal qui allait du
Grand Arsenal au Petit Arsenal,
puis elle fit partie de la rue de l’Orme (la partie supérieure de la rue de
l’Orme est devenue rue Jacques-Coeur). A l’endroit où la rue de l'Arsenal
rencontre la rue de la Cerisaie se trouvait la cour sud du Petit Arsenal, qui
était devenue un passage. Sous le second Empire l'administration des Poudres était située du côté impair, au coin
de la rue de la Cerisaie.
On longe l’arrière de La caserne des
Célestins qui occupe l’emplacement d'une partie de l'ancien couvent des Célestins fondé en 1365
sous Charles V. L'ordre fut supprimé en 1778. L'ancien couvent fut occupé, en
1784, par un hospice médico-électrique, puis en 1785 par l'institution de l'abbé de l'Épée pour les sourds-muets.
La Révolution en transforma une partie en magasin de bois de charronnage, et les
restes se convertirent ultérieurement en un quartier de cavalerie.
L'emplacement du célèbre cloître des Célestins est traversé par le bd Henri IV.
La caserne a été construite en 1892 par l'architecte Jacques Hermant, la cour des manœuvres, d’1ha est sur les anciens
jardins du couvent.
- rue de Sully créée en 1807 sur
l'emplacement des cours du Grand Arsenal. L'ancien Arsenal, construit sous
Henri II, sur l'ancien Champ-au-Plâtre, où François Ier avait déjà fait fondre
des canons, occupait un vaste emplacement qui s'étendait entre la Seine et la
Bastille, à laquelle l'Arsenal communiquait. Cet Arsenal consistait en
constructions diverses, et plusieurs moulins à poudre. Après l'explosion de
1572, Henri IV y réédifia un nouvel arsenal, sous le nom de Granges d'Artillerie. Louis XIII et
Louis XIV contribuèrent à l'embellir. Sous Louis XIV la fonte des canons fut
remplacée par la fonte des statues destinées au parc de Versailles et autres
résidences royales. Le Régent reconstruisit une partie des bâtiments sur les
dessins de Boffrand, et en 1788
Louis XVI supprima l'Arsenal et on ouvrit sur son emplacement plusieurs rues.
Un bâtiment a survécu, c'est celui qui sert de Bibliothèque dite de
l'Arsenal qui s’ouvrait en 1910, moment où Rochegude nous livre ses promenades,
au 3, de la rue de Sully. Le bâtiment primitif, achevé sous Henri IV, fut remanié
par Boffrand en 1718, et sous le second Empire la façade a été complètement
refaite. Les appartements en bordure du boulevard Morland ont été construits
pour le duc et la duchesse du Maine après la cassation du testament de Louis
XIV. Sully logeait à l'Arsenal. La Chambre ardente s'y réunit pour juger Fouquet et Mme de Brinvilliers.
Vus depuis l'ouest, de dr. à g.: l'île Louviers, l'Arsenal, l'église du couvent des Célestins, l'hôtel de Fieubet. P-A Demachy. Gallica |
En face, rue du Petit Musc (chemin de la
Bastille à l’Arsenal : le bd Henri IV n’existe pas encore) ce qui est en
1664 (époque du procès de Fouquet), et depuis le début du siècle, l’hôtel d’Herbault.
Après 3 ans d’instruction, le procès de Fouquet s’est ouvert à l’Arsenal le 14 novembre 1664 ; il
durera jusqu’au 20 décembre. Fouquet est détenu à la Bastille où d’Artagnan est son geôlier. A son
arrestation, effectuée par le même d’Artagnan, on a retrouvé dans ses cassettes
des lettres de Mme de Sévigné, en
mauvaise place, mêlées à celles de maîtresses et d’espionnes. En fait, elle
aima Fouquet mais sut l’obliger à n’être qu’un ami. Elle n’en suit pas moins
son procès avec beaucoup d’anxiété.
Lettre de Mme
de Sévigné à M. de Pomponne du
jeudi 27 novembre 1664 :
« Imaginez-vous que des dames m’ont
proposé d’aller dans une maison qui regarde droit dans l’Arsenal, pour voir
revenir notre pauvre ami. J’étais masquée, je l’ai vu venir d’assez loin. M.
d’Artagnan était auprès de lui ; cinquante mousquetaires, à trente ou
quarante pas derrière. Il paraissait assez rêveur. Pour moi, quand je l’ai aperçu,
les jambes m’ont tremblé, et le cœur m’a battu si fort que je n’en pouvais
plus. En s’approchant de nous pour entrer dans son trou, M. d’Artagnan l’a
poussé, et lui a fait remarquer que nous étions là. Il nous a donc saluées, et
a pris cette mine riante que vous lui connaissez. Je ne crois pas qu’il m’ait
reconnue ; mais je vous avoue que j’ai été étrangement saisie quand je
l’ai vu entrer dans cette petite porte. Si vous saviez combien on est
malheureux quand on a le cœur fait comme je l’ai, je suis assurée que vous
auriez pitié de moi… » Bouleversée, elle s’en retourne rue Sainte-Avoye
(auj. du Temple), où elle est venue loger, veuve à 25 ans, à la fin de sa
période de deuil.
- L’hôtel d’Herbault est acquis en 1676
par Gaspard de Fieubet, chambellan
de la reine Marie-Thérèse depuis 1671. A sa demande, Jules-Hardouin Mansart refit peut-être complètement la demeure, à
l’exception de l’angle quai des Célestins rue du Petit Musc, ou la remania
seulement, mais tout de même durant cinq ans. Une petite chapelle existait à
l’angle de la rue du Petit Musc et du Quai. L’échauguette actuelle, sur la rue
du Petit Musc fût l’oratoire de Madame
de Fieubet. Après bien
des vicissitudes, l’hôtel est acheté en 1857 par M. de La Valette, publiciste, qui le fait restaurer, épargnant les
façades sur la cour arrière et les modifiant sur la cour avant (cour d’honneur)
et dans la rue du Petit Musc pour obtenir l’ornementation actuelle. Par un
canal souterrain, l'hôtel aurait même été mis en communication directe avec la
Seine que les convives empruntaient en gondoles pour rejoindre directement la
salle à manger. Un petit dôme fut ajouté au centre et le fameux clocheton édifié à droite. En 1877 les Oratoriens y établirent
l'école Massillon, et déshonorèrent les ailes de ce vieux logis pour
l'agrandissement de leur école.
- Le Pavillon
de l’Arsenal a été construit d'après les plans de l'architecte Clément en 1878-1879
à la demande d'un particulier. Laurent-Louis
Borniche (1801-1883), ancien marchand de bois installé sur l'île Louviers,
grand amateur de peinture, fit construire ce qu'il voulait être un «musée
populaire», pour présenter sa collection, de près de 2 000 toiles. À sa
mort, en 1883, sa fille vendit les tableaux et loua le bâtiment à la société de
pâtes alimentaires Rivoire et Carret.
Il devint par la suite comptoir de vente d'alcool, restaurant… Devenue propriétaire
du lieu en 1922, la Samaritaine y
installa en 1931 ses ateliers de confection, puis la Ville s'en porta acquéreur
en 1954 et y conserva des archives.
L’exposition de 1961 « Demain… Paris », qui s’était
tenue au Grand-Palais, avait fait de l’horizon 2 000 un leitmotiv :
la grande maquette de la capitale
réalisée pour l’occasion se trouve à l’heure actuelle au Pavillon de l’Arsenal.
- bd Morland. Il occupe l'emplacement de
l'ancien Mail, établi du temps
d'Henri IV, qui longeait le Grand Arsenal. En 1770 le Mail devint quai du Mail,
et, rappelons-le, longeait le petit bras de la Seine qui séparait la terre
ferme de l'île Louviers. En 1806 le
quai du Mail devint quai du Colonel-Morland, en l'honneur du colonel (gal à
titre posthume) tué à Austerlitz en 1805. Lorsque l'île Louviers fut réunie à la rive droite en 1843, l'ancien quai devint boulevard
Morland (1844).
- caserne Schomberg de 1861, abrite alors
450 hommes de la Garde Républicaine ; école de gendarmerie en 1901. Le
samedi 26 août 1944, elle est frappée par le dernier bombardement de la
Luftwaffe, qui y fait 15 morts et détruit une partie des bâtiments. Ce qu’il en
reste sera converti en résidentiel par Yves
Lion en 1996-99.
- 5 bd Morland, 1880, bel immeuble d’Auguste Léon Gennerat, où il a son domicile
et son cabinet d’architecte (monogramme LG au-dessus de la fenêtre).
- Coin du 1 boulevard Bourdon, et bd Morland : immeuble en rotonde des années 1870.
- Le bureau d'octroi qui se trouve près
du pont Morland occupe l'emplacement du jardin de la curieuse maison éclusière
du bassin de l'Arsenal que les travaux du Métropolitain ont fait disparaître en
1906.
- quai de la Rapée : Louis XV y eut
une maison de plaisance ; l’un des hauts lieux galants de la Régence.
- Rue Crémieux. Ouverte en 1865 par la
compagnie générale immobilière de Moïse
Polydore Millaud, patron du Petit
Journal, lancé le 1er février 1863, du Soleil plus tard et de
quelques publications dérivées, après qu’il a possédé une banque et un bazar.
La rue a gardé son nom jusqu'à la fin du siècle, avant de prendre celui du
membre du gouvernement provisoire de 1848. 35 pavillons de 3 niveaux comportant
chacun 2 pièces à feu, avec cuisine en sous-sol sur le mode anglais.
Le Théâtre des Folies de Lyon (enseigne Concert), et les niches encore garnies de statues du n°12 (hôtel de France). Gallica |
En face de la rue Crémieux, le 12, rue de
Lyon (UGC) était encore, dans les niches aujourd’hui vides, orné de statues
quand le marquis de Rochegude publia
ses Promenades
en 1910. A la gauche du bâtiment, (auj. Roche et Bobois), s’élevait le Grand Théâtre Parisien que Polydore
Millaud y avait ouvert le 1er avril 1865, avec la Duchesse de Valbreuse,
pour le public populaire du faubourg. Dans le décor, le cachot s’ouvrait malencontreusement
de l’intérieur, ce qui allait susciter un abondant courrier au journal !
Aux parquet, stalles, 1er et 2e amphithéâtre,
avant-scènes et tribunes s’ajoutaient des places dites confortables, et d’autres dites grands
confortables. On y jouait le drame, la comédie, le vaudeville et même
l’opéra (Jeanne d’arc). Les représentations étaient sans cesse troublées
par le bruit des trains du chemin de fer de Vincennes, la scène étant toute
proche du viaduc, ce qui était assez gênant pour les acteurs. Mais le public
était généralement enthousiaste et on l’a vu faisant bisser le monologue de Hamlet.
La salle devint ensuite un caf'conc’ dit Théâtre
des Folies de Lyon, encore visible sur des photos de l’inondation de 1910.