Les bolchéviks au brin d'herbe entre les dents et la révolution en architecture


L’occasion de ce parcours est une balade faite pour la librairie L’œil au vert, 59, rue de l’Amiral Mouchez, 13ème arrondissement. (Pour des photos, voir celles d'une balade précédente qui la recoupait partiellement.)

3, rue de la Cité-Universitaire, PLU : Immeuble d'ateliers réalisé par l'architecte Michel Roux-Spitz en 1930-1931 pour le compte du fabriquant de lampe Perzel, exposant du Salon des Artistes Décorateurs, qui en occupait le rez-de-chaussée. Chaque appartement comprenait en partie basse la cuisine, une chambre et l'atelier sur deux niveaux et, à l'étage une chambre, une salle de bains et la galerie haute. La construction est en béton armé avec remplissage de briques et la façade principale est habillée d'un enduit de pierre reconstituée qui lui confère une très grande qualité de finition. La façade qui compte quatre travées se présente comme un damier composé de quatre grandes baies par étage soulignées par des balcons de forme trapézoïdale rappelant la forme adoptée par Roux-Spitz pour les bow-windows de ses immeubles d'habitation. Exact contemporain des réalisations de Roux-Spitz boulevard Montparnasse, quai d'Orsay, rue Octave Feuillet, il s'inscrit dans la période la plus féconde de l'architecte, celle de la "série blanche".

11, rue Roli, Kamenev, futur président du soviet de Moscou, et Lounatcharski, qui sera commissaire du peuple à l’Instruction publique, habitent dans les années 1910 l’un au deuxième, l’autre au troisième étage de l’immeuble.

Cité Internationale Universitaire de Paris due à André Honorat, ministre de l’éducation nationale du gouvernement Millerand ; Emile Deutsch de la Meurthe, pétrolier, patron de la Société Jupiter, ancêtre de la Shell, qui en apporte le financement ; et Paul Appel, le recteur. Convention entre la ville et l’Etat. Sur 44 hectares, une véritable « collection d’architecture en plein air » remplace les bastions 81-82 et 83 de l’enceinte de Thiers ; Lucien Bechmann, architecte du métro Nord-Sud, fils du DG de la Cie, conçoit la Fondation Deutsch de la Meurthe, et le plan d’ensemble dans lequel viendront s’implanter les pavillons des diverses nations donatrices. La Fondation Deutsch de la Meurthe constitue donc le noyau initial de la Cité U, dès juillet 1925 ; Bourguiba et Sartre font partie des 15 premiers résidents ; Senghor y logera de septembre 31 à 34, pendant qu’Henry Miller est Villa Seurat ; il se souvient que sa chambre ne donnait pas sur le bd Jourdan. La Cité s’agrandit à diverses reprises de nouveaux terrains pris sur la Zone, qui permettent, en 1934, l’aménagement de son parc. En 1959, la construction du périphérique amputera celui-ci d’une partie de sa surface.
C’est là, et non pas à Normale Sup’, qu’en 1929, Simone de Beauvoir rencontre Sartre pour la 1ère fois. « J’étais un peu effarouchée quand j’entrai dans la chambre de Sartre ; il y avait un grand désordre de livres et de papiers, des mégots dans tous les coins, une énorme fumée. Sartre m’accueillit mondainement ; il fumait la pipe. Silencieux, une cigarette collée au coin de son sourire oblique, Nizan m’épiait à travers ses épaisses lunettes, avec un air d’en penser long. Toute la journée, pétrifiée de timidité, je commentai le discours métaphysique », écrit-elle dans les Mémoires d’une jeune fille rangée.
« Je revins chaque jour, et bientôt je me dégelai. (…) Nous travaillions surtout le matin. L’après-midi, après avoir déjeuné au restaurant de la Cité, ou « chez Chabin », à côté du parc Montsouris, nous prenions de longues récréations. Souvent la femme de Nizan, une belle brune exubérante, se joignait à nous. Il y avait la foire, porte d’Orléans. On jouait au billard japonais, au football miniature, on tirait à la carabine, je gagnai à la loterie une grosse potiche rose. »

La Fondation Suisse, inaugurée le 7 juillet 1933, est l’une des premières habitations collectives conçue par Le Corbusier et Pierre Jeanneret. La Fondation Suisse a permis à Le Corbusier d’expérimenter certains de ses principes d’architecture et d’urbanisme. Le bâtiment est ainsi composé de trois blocs distincts qui correspondent à différentes fonctions (logements, espaces collectifs, circulation) : une barre de quatre niveaux reposant sur six grands pilotis abrite les chambres ; une aile courbe d’un seul niveau contient les espaces collectifs ; un module plus petit et étroit, de quatre niveaux, accolé au bloc principal, est destiné à la circulation verticale (escalier, ascenseur). Les matériaux varient selon l’orientation et la fonction des façades (verre du côté des chambres, béton du côté des couloirs). La perception visuelle du bâtiment est donc très différente selon l’angle sous lequel on l’aborde. Le salon dit “ salon courbe ” comporte une fresque peinte par Le Corbusier en 1948 en remplacement d’un mural photographique de 1933. Le mobilier signé Le Corbusier (fauteuil et banquettes avec panneaux émaillés) est visible dans les espaces collectifs et sur les paliers. Le mobilier signé Charlotte Perriand est conservé dans trois chambres témoins.

La Maison du Brésil, inaugurée le 24 juin 1959. Le Corbusier et le Brésilien Lucio Costa (1903-1990, associé au Corbu à compter de 1927, proche du PC pendant les années 1930). La composition architecturale rappelle celle de la Fondation Suisse, conçue par Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Une barre de logements posée sur douze pilotis se développe sur cinq niveaux. En rez-de-chaussée, dégagés par les pilotis, les espaces de vie collective et le logement du directeur s’organisent dans des volumes librement composés, couverts de toits jardins. Les balcons et les murs de séparation des loggias sont peints de couleurs vives, privilégiant le jaune, le bleu et le vert, qui évoquent les couleurs du drapeau brésilien.

En 1869, sous les yeux de Napoléon III venu l’inaugurer, le lac du parc Montsouris se vide comme un lavabo mal bouché dans les carrières. L’entrepreneur, à l’instar de Vatel, s’en suicide. Ces carrières marquaient historiquement le paysage loin au sud : quand on arrivait à Paris par le chemin de Turin, qu’on appellera plus tard la route de Fontainebleau, puis avenue d'Italie; quand on gagnait la capitale par la route d’Orléans, qui prend au faubourg le nom de rue de la Tombe-Issoire, on progressait entre des chevalements de puits de mines, dont les grandes roues remontaient de lourdes pierres à bâtir : la plaine de Montrouge était riche en cliquart. Grâce à quoi le PC de Rol-Tanguy et des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) se dissimulera, pendant la semaine de l’insurrection, près de la galerie conduisant à l’ossuaire ; sous l’hôpital Sainte-Anne, la plus grande des salles de carrière aura été transformée, durant la guerre, en salle de chirurgie.
Avant la guerre mondiale précédente, les enfants des exilés révolutionnaires russes, sauf des Lénine, qui n'en ont pas et le regrettent si fort qu’ils ont proposé aux Zinoviev, durant le séjour polonais, d'adopter l’un des leurs, connaissent par cœur la mire de Napoléon, le palais du bey de Tunis, reproduit pour l’Exposition universelle de 1867, dans lequel est installée la météorologie de la marine, tous les attraits du parc Montsouris. Les pères, eux, ne voient rien, si l’on en croit cette anecdote de Lénine croisant un Lounatcharski qui pousse du ventre, parce que ses mains sont occupées à tenir sa lecture, un landau dans lequel le bambin est presque enseveli sous des journaux, des brochures et des livres.

Lénine a rencontré à Paris son « roman d’amour » en la personne d'Inessa Stephan-Wild, devenue Armand par mariage, née à Paris en 1874 d'une mère anglaise et d'un père français. Dès 1910, elle sera sa plus proche collaboratrice. La liaison était connue de Nadejda Kroupskaïa, qui proposa de céder la place avant de se lier d'amitié avec Inessa. Lénine fermera le roman en 1913. Inessa Armand participera aux conférences du mouvement de Zimmerwald et à la Conférence internationale des femmes de Berne en 1915, à la réalisation desquelles elle contribuera de manière essentielle. En avril 1917, elle gagnera la Russie avec Lénine.
« « … Une passion et une liaison éphémère sont plus poétiques et plus pures » que les « baisers sans amour » de conjoints piteux et pitoyables. C’est ce que vous écrivez… L’opposition est-elle logique ? Les baisers sans amour de conjoints piteux sont malpropres. D’accord ! Il faut leur opposer quoi ? On pourrait croire des baisers avec amour. Mais vous opposez une « passion » (pourquoi pas l’amour ?) éphémère (pourquoi éphémère ?)… » Lénine, Œuvres Complètes, t. 35, p. 180. Ed. de Moscou
Dans le film de Serguei Youtkhevitch, Lénine à Paris, 1981, c’est Claude Jade qui était Inès (Inessa).

1, impasse Nansouty/36, bd Jourdan, PLU : Villa probablement restructurée vers 1930-1940 dans le goût moderne des années trente par le décorateur Emile Medvès à partir d'une première maison construite en 1883 : surélévation d'un étage, construction d'un avant-corps circulaire en saillie du côté de l'entrée, revêtement uniforme des façades et sans doute réaménagement complet des intérieurs. L'utilisation de la parcelle a fait l'objet d'un soin particulier. La maison, le jardin et le mur avec portillon donnant sur le boulevard Jourdan forment un ensemble architectural cohérent. Les arrondis de la façade sont rappelés par les éléments décoratifs sur le sol du jardin (agrémenté d'un petit portique à l'antique).

17, rue Emile Deutsch de la Meurthe, PLU : Constructions destinées au fonctionnement du parc Montsouris, commencé pour la 2e Expo Universelle de 1867 et achevé pour la 3e en 1878. Attribution des édifices à l'architecte Gabriel Davioud (1823-1881, auquel on doit les monuments des places de Châtelet et de la République; le temple de la Sibylle aux Buttes-Chaumont; les grilles du parc Monceau). Les cinq pavillons, élevés sur un à deux niveaux, développent une architecture très caractéristique du style pittoresque en vogue sous le Second Empire.

8, rue du Parc de Montsouris, PLU : Hôtel particulier de Michel Morphy, feuilletoniste du Petit Journal, édifié au début du XXème siècle dans le goût rococo et orné de motifs de faïences colorées.

11-13, rue du Parc de Montsouris, PLU : Villa édifiée dans le goût régionaliste de la fin du XIXème siècle utilisant la meulière, la brique et le bois. La ferme en bois de la charpente est laissée apparente sous une lucarne dans le goût des constructions balnéaires de la côte normande. La typologie de cette maison se justifie également par le caractère paysager du parc Montsouris édifié à proximité sous le Second Empire.

14, rue Nansouty/2, rue Georges Braque. André Lurçat, avec l’appui de son frère, le peintre Jean Lurçat, alors très pénétré de l’influence cubiste, construit en 1926-27, pour le jeune (28 ans) peintre  zurichois Walter Guggenbühl cette villa, presque une sculpture cubique, dépouillée et sans effet ornemental. Comme le dit l'architecte moderniste, "l'espace intérieur engendre des volumes qui se situent extérieurement d'une manière purement logique et utilitaire, et d'où l'architecte peut pourtant tirer un résultat plastique". Au début la maison était pourvue de fenêtres disposées irrégulièrement sur la façade, pour déterminer un jeu de verticales et d'horizontales, un jeu de surfaces nues et d'ouvertures. La maison a perdu un peu son caractère sculptural à cause de la création de nouvelles fenêtres.

6, rue Georges Braque, PLU : Résidence-atelier du peintre Georges Braque édifiée par Auguste et Gustave Perret en 1927-1930. Elle poursuit le parti adopté par Perret dans la résidence-atelier Chana-Orloff (1926-1929) ou de Mela Muter (1927-1928) : constructif avec l'ossature en poteaux-poutres en béton armé et stylistique avec l'affirmation du système constructif en façade. Pour les résidences-ateliers il opte pour un remplissage de brique, alors que pour les grands hôtels particuliers il optera pour les pans de béton ou les panneaux de pierre reconstituée. L'identification de la travée noble est manifeste, tout autant que la séparation entre habitation et atelier, ce dernier apparaît presque comme la surélévation d'un ancien hôtel, couverte d'un toit-terrasse que l'on aurait marqué par une épaisse corniche.
Le plan de l'intérieur est traditionnel bien que toujours fonctionnel. La seule recherche spatiale interne, tout à fait modeste, tient au traitement de la courbe d'escalier.
Braque, était celui par qui le cubisme était arrivé. « M. Braque est un jeune homme fort audacieux, écrivait alors Louis Vauxcelles. Il méprise la forme, réduit tout, sites et figures et maisons à des schémas géométriques, à des cubes. » Mais Georges Braque, quand il arrive au 6 de la rue qui prendra son nom, n’est plus un jeune homme, il a maintenant 45 ans.

9, rue Braque, PLU : Maison-atelier du peintre chinois M. Oui, réalisée en 1927 par l'architecte Raymond Fischer (auteur de l'un des 3 immeubles mitoyens de la rue Denfert-Rochereau à Boulogne, les 2 autres étant de Mallet-Stevens d'un côté, et la maison Cook du Corbusier de l'autre. A failli faire dans la  même ville une maison pour Chagall qui aurait voulu la payer en tableaux. Auteur des stèles de Jules Guesde et du couple Lafargue.) Edifice très caractéristique de la modernité architecturale et du constructivisme influencé par les Arts Plastiques. Jeu de volumes exploitant les possibilités offertes par le béton. Le rez-de-chaussée est réservé au garage et l'accès se fait par un escalier extérieur en porte-à-faux menant au premier étage.

10, rue Nansouty/2 square Montsouris, PLU : Maison Gault construite par les frères Perret en 1923. La maison Gault fut le prétexte d'une polémique entre Perret et le Corbusier. Le collectionneur Pierre Gault avait d'abord proposé à Le Corbusier d'étudier le projet d'une maison pour lui-même avant de se tourner vers Perret. Largement publiée, cette maison est atypique dans l'œuvre de Perret, par son esthétique d'enduit lisse comme par le système constructif original employé (murs porteurs raidis par des câbles). Le traitement spatial du séjour, sous la forme d'un hexagone dominé par une galerie circulaire, constitue un troisième élément exceptionnel chez Perret. Première villa des Perret dans l'immédiat après-guerre, cette réalisation appartient avec la villa Cassandre à Versailles et le projet de maison en série à un ensemble marqué par une certaine convergence de vues avec le Mouvement moderne.

51, square Montsouris/53, av. Reille : maison-atelier que Le Corbusier construit en 1923 pour son ami Amédée Ozenfant. Les deux hommes ont rédigé ensemble un manifeste, Après le cubisme, destiné à lutter contre le danger décoratif qui guette le mouvement. Ils développent leurs idées communes dans une revue, L’Esprit nouveau : « L’esprit constructif est aussi nécessaire pour créer un tableau ou un poème que pour bâtir un pont ». L'atelier était éclairé à l'origine par un toit d'usine en "dents de scie". Depuis, les "dents de scie" ont été transformées en toit terrasse, mais le reste n'a pas changé. Rappelons les 5 principes du Corbu: toit-terrasse; pilotis qui libèrent l'espace au sol; fenêtres en bandeau; façade rideau, sans poutres ni piliers extérieurs; plateaux libres.

55-57, av. Reille, PLU : Maisons d'artistes de trois étages sur rez-de-chaussée, réalisées par l'architecte Jules Dechelette en 1925 en béton, aux façades dominées par les baies vitrées et structurées par d'importants bow-windows, formant de nets décrochements. Construction illustrant les principes architecturaux du Mouvement Moderne.

2, place Jules Hénaffe, PLU : Pavillons des réservoirs de la Vanne (1871-1874) construits en 1900 par l'ingénieur Baratte et par l'entreprise des ingénieurs Bardoux et Blavette. Les trois kiosques vitrés protègent des contaminations atmosphériques les doubles siphons (bâche) ou aboutissent les eaux du Loing et du Lunain. Le soubassement de ces pavillons est en pierres non appareillées dont le plus haut est bordé d'un chaînage de pierre taillée à arcades de briques multicolores. Il soutient un élégant bâtiment vitré à charpente en fer laminé décoré d'un bandeau de carreaux en céramique. La toiture est ornée d'antéfixes de bronze à têtes de lion.

9, rue Paul Fort, PLU : Maison-atelier en béton de l'entre-deux guerres, présentant une façade composée de trois étages sur rez-de-chaussée dominée par d'importantes baies vitrées horizontales et d'étroites ouvertures verticales. Corniche saillante au-dessus du second étage, balcon en béton plein. Cette maison illustre les principes architecturaux mis en vogue à la fin des années vingt : un volume simple, fait de plans parallèles et de décrochements nets, découpé régulièrement par d’importantes baies vitrées en longueur, et des fenêtres très étroites en hauteur. Les huisseries des fenêtres "à guillotine", lignes métalliques noires, se détachent sur la façade blanche. La qualité plastique de la façade tient entièrement dans le jeu des volumes et l'harmonie des vides et des pleins; elle en fait une construction très représentative des principes architecturaux du Mouvement moderne.

Lénine arrive à Paris, 24 rue Beaunier, au début du mois de décembre 1908 ; il y habitera jusqu’en juillet 1909 avec sa sœur Marie, la Kroupskaïa et la mère de celle-ci (La mère de Nadejda resta au foyer jusqu'à sa mort en 1915), dans quatre chambres avec des glaces au-dessus des cheminées, une cuisine, un débarras, l’eau et le gaz pour 840 francs, plus 60 francs d’impôts, plus 60 francs à la concierge chaque année. Quand Lénine et lui y font la vaisselle, Martov se prend à rêver de l’invention d’une vaisselle jetable. (Ils font donc la vaisselle alors qu’il y a deux femmes au foyer.)
[Lénine a apporté de Genève avec lui les plombs en caractères cyrilliques nécessaires au tirage du Social-démocrate, quotidien, en russe, et du Prolétaire, qui s’imprimeront 8, rue Antoine-Chantin puis 110, avenue d’Orléans, dans un petit pavillon situé au fond d’une cour arborée qui ressemble à un jardin. L’imprimerie est au rez-de-chaussée, le Comité Central a des pièces au premier.]

angle de la rue Marie-Rose et de la rue du Père-Corentin : couvent franciscain construit en 1934-36 par les architectes J. Hulot et Gélis. Les bâtiments entourent une grande cour-jardin, carrée. Le couvent comprend deux parties distinctes : l'une ouverte au public, avec la chapelle, les parloirs et les salles de conférences, l'autre formant couvent proprement dit. Les architectes ont dû se conformer à l'exigence de simplicité qui sied à un couvent franciscain ; ils ont cependant réussi à donner à l'ensemble une belle ordonnance, notamment avec les grandes fenêtres de la chapelle donnant sur la rue Marie-Rose. Située au premier étage, on y accède par un escalier monumental à volée dédoublée. Longue de 40 mètres, elle est construite comme les autres bâtiments en brique rose de Bourgogne et à la pierre rouge de Préty. La nef est divisée par une série de sept arcatures de brique en arc brisé qui soutiennent un plafond plat. Le chœur est éclairé par des verrières de Pierre Villette sur des cartons d'André Pierre célébrant les trois ordres créés par Saint-François.

Les Lénine arrivent 4 rue Marie-Rose en juillet 1909, dans un appartement plus petit que celui de la rue Beaunier, (Marie, la sœur de Vladimir Ilitch étant rentrée en Russie), mais plus moderne, avec électricité et chauffage central, où ils resteront jusqu’en juin 1912.
[Zinoviev habite rue Leneveux. En face, un hôtel où un indicateur a pris ses quartiers.]
Deux chambres et une cuisine composent l’appartement de la rue Marie-Rose : « au bord du divan, un jeu d’échecs. Le divan est noyé sous les livres, partout des livres. Sur des étagères, sur une planche, sur le parquet », selon Aline, Lénine à Paris. Souvenirs inédits. Là, Lénine écrit ses articles pour l’Etoile de Saint-Pétersbourg, le soir, à partir de 7h, les met sous enveloppe à 8h30 ou 9h et file prendre le métro à Alésia pour la gare du Nord, sachant que le trajet prend 22 minutes et qu’il veut y être 10 minutes avant le départ du train de sorte d’avoir le temps de remettre son pli directement au wagon postal. Sinon, il se déplace le plus souvent à bicyclette ; il se la fait voler près de la Bibliothèque Nationale, malgré les 10 centimes laissés chaque fois à la concierge de l’immeuble dans le couloir duquel il la range ; il se la fait écraser par un vicomte en auto, au début de 1910, engage des poursuites contre le ci-devant et est heureusement indemnisé. Pendant la campagne des législatives, cette année-là, il va entendre Jean Jaurès, Edouard Vaillant dans leurs meetings électoraux.
Les dimanches, c’est à bicyclette que la Kroupskaïa et lui vont prendre un bol d’air : à Fontainebleau, au bois de Meudon, et c’est par le même moyen qu’il rejoint les écoles de formation de banlieue, comme celle qui s’ouvre à Longjumeau au printemps de 1911, que fréquentent également Kamenev et Zinoviev ; Inès Armand y supervise les travaux pratiques et y fait la popote. En 1911, toujours à vélo, avec Rappoport, le fils de ce dernier, et la Kroupskaïa, ils vont voir les Lafargue à Draveil. Paul Lafargue avait participé à la rédaction du programme du POF (Parti Ouvrier Français), à Londres, en mai 1880, avec Marx et Engels ; il était devenu l’un des dirigeants du parti dès son retour en France en avril 1882.

101bis, Tombe-Issoire/1ter, villa Seurat, PLU : Atelier Zielinski construit par l'architecte Jean-Charles Moreux dans les années 1920 à l'angle de la Villa Seurat. Maison en béton présentant une façade composée de deux étages sur rez-de-chaussée et surmontée d'un toit terrasse. La particularité de cet atelier réside dans le traitement de l'angle, où le pan coupé du rez-de-chaussée et du premier étage est en rupture avec la baie courbe et en porte-à-faux du second étage. L'architecture moderniste de cet atelier est dans la continuité des réalisations de Lurçat et Perret villa Seurat inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH).

15. Sur une voie créée en 1926, lotie par Schreibmann et baptisée Villa Seurat, un ensemble de villas d'artistes et d'hôtels particuliers est construit de 1924 à 1926. L'architecte André Lurçat est l'auteur de huit maisons : au n° 1 pour l'écrivain Frank Townshend, au n° 3 pour les peintres Édouard Georg et Marcel Gromaire, au n° 3 pour le peintre Jean Lurçat (frère de l'architecte), au n° 5 pour le peintre Pierre Bertrand, au n° 8 pour Melle Quillé, au n° 9 pour Mme veuve Bertrand, au n° 9 pour le sculpteur Arnold Huggler et, enfin, l'hôtel particulier au 101 rue de la Tombe-Issoire.
Dans le même lotissement, au n° 7 bis, les architectes Auguste et Gustave Perret signent en 1926 la maison-atelier du sculpteur russe Chana Orloff. Ces immeubles, destinés à des artistes «arrivés», ont été protégés ISMH en 1975 lors d'une campagne nationale sur l'architecture des 19e et 20e siècles.
Henry Miller, débarque en 1931 de Brooklyn avec son rire de « marsouin céleste ». Alfred Perlès, à l’automne, l’a fait embaucher comme correcteur au New York Herald Tribune, dans lequel il signe du nom de son ami (seuls les journalistes titulaires peuvent y écrire) : « La rue de Lourmel dans le brouillard. »
« Il y avait (aussi) ce type Louis Atlas, un homme d'affaires New-yorkais s'occupant de fourrures, qui m'avait engagé comme "nègre" pour une série d'articles sur les Juifs célèbres de Paris. Il me payait vingt-cinq francs l'article qui paraissait sous son nom dans des magazines juifs New-yorkais. J'écrivis quelque chose sur Fred Kann et quatre ou cinq autres, dont Soutine ». « Lowenfels m'avait parlé de Michael Fraenkel, un juif américain qui avait réussi à Paris en créant les Editions Carrefour. C'était donc un bon sujet pour mes biographies à vingt-cinq francs. » [Walter Lowenfels, un communiste américain, et Fraenkel avaient fondé Carrefour Press, un mouvement prônant le total anonymat de l’art. Miller y écrira ses premiers textes, publiés sans nom d’auteur.]
« J'allai le voir. Il habitait au numéro 18 de la Villa Seurat, près du métro Alésia. Une petite impasse avec de jolies maisons construites après la guerre. Là, habitaient Dali, Antonin Artaud et Foujita. Derain venait juste de déménager. Je passai la nuit chez ce gentil fol qui ne pensait qu'à la mort. Quelqu'un pour me plaire! C'était ma première entrevue avec la Villa Seurat et comme vous savez, j'ai repris plus tard l'appartement qu'Artaud venait de quitter et j'y ai vécu jusqu'à aujourd'hui » (avril 1939), au n° 18.
Le 1er séjour de Miller Villa Seurat, à l’été 1931, où il est l’invité de Michael Fraenkel, dormant sur le parquet du salon, à donc lieu dans l’appartement du r-d-c gauche. Miller et Fraenkel discutent interminablement du sujet favori de ce dernier : la mort ou, plus exactement, la mort spirituelle de l’homme moderne. Ces discussions philosophiques sont l’élément déclencheur qui fait entamer à Miller ce qui deviendra Tropique du Cancer. Fraenkel pousse Miller à abandonner le manuscrit sur lequel il a commencé à travailler pour écrire plutôt comme il parle. Comme Miller le confie à son ami Emil Schnellock, “le processus d’abandon de mon moi a commencé Villa Seurat.” Il adapte la thématique funèbre de Fraenkel pour la placer dans Tropique du cancer. “Je suis Villa Seurat, l’invité de Michael Fraenkel. Il n’y a pas un grain de poussière et pas une chaise qui ne soit à sa place. Nous sommes totalement seuls ici, et nous sommes morts.” Villa Seurat sera ultérieurement changé en “Villa Borghese” et Fraenkel deviendra “Boris”.
Le jour même de la publication de Tropique du Cancer, le 1er septembre 1934, Miller emménage dans le studio du dernier étage du 18, Villa Seurat. Il y restera jusqu’au 22 mai 1939. Le loyer en est d’abord payé par Anaïs Nin, qui partage brièvement l’appartement. Il raconte à Schnellock, “c’est un endroit merveilleux –avec une terrasse, une salle de bains, le chauffage central, de l’espace, etc. et on m’a rabaissé le prix à 700 francs par mois, tout compris. » A Fraenkel il écrit: “Je chante et je veux que les voisins m’entendent. J’emménage ici, chers voisins. Je m’installe Villa Seurat. Je suis le dernier vivant. On dit que les temps sont lourds. Sans doute le sont-ils. Mais ils sont légers pour moi. Je déménage avec le temps qui change. Avec le soleil et la lumière. Avec les oiseaux. Avec les fleurs des champs.”
« La porte du sanctuaire était punaisée de notes et d’avis importants: “Si vous devez frapper, faites-le après 11h du matin”—”suis absent pour la journée, et peut être pour une quinzaine”—“La maison ne fait pas de crédit” —”Je n’aime pas qu’on m’emmerde quand je travaille.” Et ainsi de suite. » Alfred Perlès, Mon ami Henry Miller.
Soutine fait des séjours villa Seurat entre 1937 et 1941 avec Melle Garde (Gerda Roth), qui a fui l’Allemagne nazie et qu’il a rencontrée au Dôme. « J'avais perdu Soutine de vue [depuis 1931]. Je finissais le Tropique. Je lui avais demandé si cela l'intéressait de faire un dessin pour la couverture du livre, mais il avait refusé et je ne l'ai revu qu'en 1938, quand il a emménagé à la Villa Seurat. » C'est finalement à Mary Reynolds, la femme de Marcel Duchamps, que l’on doit la couverture du Tropique.
Miller : « J'ai plusieurs fois invité Soutine à me venir voir dans mon appartement, mais il est très timide et il dit oui, mais il ne vient pas. Il est tout le temps chez une voisine, Chana Orloff, la sculpteuse russe. Chana qui est une très bonne amie de moi me raconte qu'au contraire de ce qu'on pense, Soutine est très rigolo quelquefois. - Il m'a montré, elle me dit, comment quand il était trop pauvre pour acheter une chemise, il sortait après avoir enfilé un caleçon, avec les jambes pour servir de manches, et par dessus cela une cravate autour du cou! » Lettre à Jean Giono du 24 mai 1939 ; in Francis Segond & Jean-Pierre Weil, Chaim Soutine, éditions Faustroll.

50, av René Coty/1, rue de l’Aude, PLU : Maison-atelier édifiée en 1929 par le peintre Jean-Julien Lemordant et Jean Launay, architecte. Maison singulière due à la configuration ingrate du terrain et la cécité de son concepteur. La façade sur l'avenue, en grande partie aveugle, se présente comme une coque blanche en équilibre sur le mur de soutènement. La construction en proue de navire sur un soubassement aveugle s'explique par la configuration du terrain : une parcelle triangulaire coincée entre le réservoir de la Vanne et dont l'épaisseur va diminuant, du fait des remparts obliques du réservoir hauts de 7 mètres. Vaisseau de béton blanc à la proue effilée, percée de fenêtres de cabines, surmonté de la passerelle de commandement matérialisée par la verrière de l'atelier.

7, avenue Reille, Rosa Luxemburg, fondatrice du parti social-démocrate de Pologne et de Lituanie, venue à Paris s’occuper de l’impression, impossible sur place, de l’organe du parti, La Cause ouvrière, a trouvé ce point de chute, le 18 mars 1895, dans une chambre meublée du troisième étage de la maison, indiquée par une compatriote qui en est locataire, Wanda Wojnarowska.

Place Coluche au bout de la rue

11, rue Gazan, Coluche y habite une douzaine d’années durant ; il avait ses habitudes dans un café qui est à la frontière du 13e et du 14e arrondissement, le café "L'Ariel". Par sa maison passeront Jean-Pierre Faye, Félix Guattari, Alain Jouffroy, le peintre Gérard Fromanger, Yves Lemoine du Syndicat de la Magistrature, Gérard Nicoud, Pierre Bénichou, l'un des rédacteurs en chef du Nouvel Observateur, et un groupe de jeunes peintres qui avaient un nom piqué à Chester Himes: Steaming Muslims (César Maurel, TristaM, Philippe Waty, Francky Boy (François Sévéhon), Dominique Gangoph et, un moment, Fabrice Langlade)... J-P Faye: "Une atmosphère étonnante de perpétuelle table ouverte, avec des tas de jeunes gens qui passaient par là (...) des victuailles abondantes, des pâtes extraordinaires; tout était posé sur la table et chacun se servait."

2 à 20, rue Gazan, PLU : Ancienne fabrique du parc transformée en restaurant dénommé le "Pavillon du parc". Architecte présumé Gabriel Davioud. Bâtiment élevé sur deux niveaux, façade en brique polychrome, frise en faïence à motif floral, toiture en saillie supportée par des consoles en bois. Extension récente à rez-de-chaussée.

21, rue Gazan, PLU : Immeuble d'ateliers-logements pour artistes, construit par l'architecte Jean-Pelée de Saint Maurice en 1930. La façade plane est résolument moderniste. Elle forme un damier composée de larges baies vitrées régulièrement disposées sur trois travées et trois étages carrés reposant sur un rez-de-chaussée ouvert par six portes identiques et symétriques. Seuls les deux étages d'attique apportent un peu d'animation grâce à deux balcons-baignoires en ciment dont l'un parcourt la totalité de la façade et ferme ainsi le damier formé des trois premiers étages.