Le Front Populaire des poings, des planches, des crampons et du piano à bretelles


L’occasion de cette balade est une célébration de l’anniversaire du Front Populaire à la demande d’une assoce du 11e arrondissement.

Entre la rue de la Roquette et le bd Richard-Lenoir,  3 cafés rythment l’enfance de Francis Lemarque : Le Clairon, le Tambour, au milieu des deux autres, et le Départ. Chacun a son orchestre de 3 musiciens, dont un chanteur, avec le porte-voix qui est alors le moyen usuel d’amplification. On part de là, pour gagner le début de la rue du Fbg St-Antoine.

L’après-midi du14 juillet 1935, arrive à la Bastille le défilé de 500 000 personnes, parti du vélodrome Buffalo. Là-bas, Victor Basch, président de la Ligue des Droits de l'Homme avait ouvert la rencontre à laquelle participait l'ensemble des organisations de gauche : les dirigeants communistes, socialistes et radicaux ; les représentants des 2 CGT (qui ne se réuniront qu’en mars 1936) ; la fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) récemment réunifiée ; le comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Une banderole rappelle dans le cortège de l’après-midi ce qu’on s’est juré le matin : « Nous faisons le serment solennel de rester unis pour désarmer et dissoudre les ligues factieuses, pour défendre et développer les libertés démocratiques et pour assurer la paix humaine. »
Perchés sur un taxi, Daladier, Thorez et Pierre Cot lèvent le poing en chœur, des manifestants crient « Daladier au pouvoir ! » Dans le cortège du 14e arrondissement, sont présents les membres de l’Etoile Nord-Africaine de Messali Hadj. Ce dernier a été condamné à six mois de prison le 24 janvier pour « infraction à la loi sur les associations ».

En revanche, la « Montée au Mur » des Fédérés du 24 mai 1936, organisée conjointement par toutes les composantes du Front populaire, qui rassemble près de 600 000 participants, ce défilé qui mettra  neuf heures à s’écouler part de la place de la Nation.

Retour à la Bastille le 14 juillet 1936. Eric Hobsbawm, 19 ans tout ronds, jeune boursier à Cambridge, qui fait aussi partie du triangle de direction des étudiants communistes, est sur place, longtemps perché sur la camionnette du service cinéma de la SFIO : « Tout le Paris populaire était dans la rue. Il défilait, déambulait, piétinait, serpentait - ou alors il regardait passer les manifestants et les acclamait, comme des familles félicitant les nouveaux mariés après la cérémonie. Les drapeaux rouges et tricolores, les dirigeants politiques et syndicaux, les bataillons d'ouvriers de Renault et d'employées du Printemps et des Galeries Lafayette (tous et toutes grévistes victorieux), les Bretons émancipés [pdt: Marcel Cachin] marchant sous leurs bannières, les drapeaux verts de l'étoile nord-africaine passaient devant la foule massée sur les trottoirs et les spectateurs agglutinés aux fenêtres, sous les applaudissements enthousiastes des tenanciers de café, de leurs serveurs et de leurs clients, et les bravos non moins chaleureux du personnel des bordels. Ce fut un des rares jours de ma vie où mon esprit fut totalement jugulé. J’étais ce que je ressentais et vivais. Cette nuit-là, du haut de la butte Montmartre, nous avons regardé les feux d'artifice à travers la ville; et après je suis lentement rentré à pied, comme si je flottais sur un nuage, m'arrêtant pour boire et danser dans d'innombrables bals de quartier. Je suis arrivé chez moi à l'aube. » Franc-tireur. Autobiographie, Ramsay.
Ce 14 juillet 1936, plusieurs centaines de milliers d’ouvriers parisiens célèbrent leur victoire. Outre les 905 drapeaux que dénombre la police, dont 61,5% de drapeaux rouges, les portraits de dirigeants sont nombreux à être brandis. Les peintres du PC font défiler des reproductions géantes de toiles réalistes du passé : « Le musée, nous le portions dans la rue, et c’est nous qui, en reproduisant à des proportions colossales la Rue Transnonain ou le Tres de Mayo [de Goya, les deux sur 10 m de long], avons rendu au peuple la connaissance de ses images les plus hautes. » On montre non seulement les œuvres des peintres mais les portraits de leurs auteurs, ceux d’écrivains et de poètes, ceux de figures révolutionnaires : Fouquet, Callot, Courbet, Ronsard, Diderot, Hugo, Barbusse, Anatole France, Marat, Jaurès. « Je portais Jacques Callot, peint en camaïeu par Gruber et lui un Daumier [le mémorialiste de la Rue Transnonain] de ma main », racontera plus tard B. Taslitzky.
Signac avait donné des œuvres aux publications anarchistes du début du siècle, au supplément littéraire de l’hebdomadaire Temps nouveaux, par exemple, supplément culturel qui était aussi épais que le journal ; ces œuvres étaient souvent reprises en cartes postales vendues au profit de ces publications. Dans les défilés du 24 mai 1936 comme du 14 juillet, son portrait est brandi par les manifestants au milieu des grandes figures progressistes : Diderot, Voltaire, Zola, Vallès.
Le 14 juillet 1936, le défilé parisien compte pas moins de 5 000 maghrébins qui manifestent derrière ces mots d'ordre : « Libérez l'Afrique du Nord, Libérez la Syrie, Libérez le monde arabe ! ».
Marcel Cachin dans l’Humanité en rend compte ainsi : « À Paris, nous étions plus d’un million ! Le défilé populaire du 14 juillet 1936 a dépassé en ampleur, en puissance, en solennité toutes les démonstrations du passé. Jamais on n’avait groupé une foule aussi dense, aussi disciplinée, pareillement enthousiaste et d’un tel dynamisme. Toute tentative de briser une telle force se heurterait à une résistance redoutable ! (…) Le défilé d’innombrables délégations d’usines et des syndiqués de la CGT unifiée fut particulièrement imposant. Il évoquait devant tous le fait neuf et grandiose de 1936, le fait que la CGT française compte désormais 4 millions d’hommes et de femmes [contre 750 000 avant la réunification du début de l’année]. (…) Au passage des officiers de réserve en uniforme qui suivaient les anciens combattants couverts de leurs médailles, ce fut un frémissement d’intense émotion. Drapeaux rouges et drapeaux tricolores mêlés attestaient que la réconciliation est définitive entre tous les véritables défenseurs du peuple de ce pays contre les factieux, les réacteurs, les exploiteurs et les traîtres. »
Les manifestations et les grands défilés publics, officiellement reconnus comme licites depuis un décret de 1935, n’ont plus le caractère de violence réelle ou de mise en scène de « journée révolutionnaire » ; ils ont acquis un caractère collectif de démonstration du pouvoir des masses et de leur unanimisme affiché. Ils ont parfois un caractère de fête populaire et de réjouissance collective comme le 14 juillet 1936. D’une certaine manière, ils prennent le relais des cérémonies publiques traditionnelles (voyages présidentiels, défilés militaires, inaugurations des monuments aux morts). Danièle Tartakovski.

On poursuit jusqu’au parvis de l’Opéra qui a remplacé la gare de la Bastille :
Le Front populaire, et l’arrêt de l’exploitation commerciale des bateaux-mouches qui l’a précédé de peu, marquent un complet revirement de la géographie des guinguettes entre l’aval et l’amont de la Seine parisienne, et même entre la Seine et la Marne. Certes, le chemin de fer de Vincennes et de la Varenne-Saint-Maur part de la place de la Bastille depuis le 22 septembre 1859 ; depuis1875, il poursuit jusqu’à Brie-Comte-Robert. Un train à impériale de vingt-quatre voitures, toujours bondé, mène à Nogent, Eldorado du dimanche, comme Carné titra son documentaire de 1929, où les filles sont belles sous les tonnelles quand on y boit le petit vin blanc.
Au temps du Front Populaire, « Quand on s’promène au bord de l’eau », comme le font Jean Gabin et ses poteaux dans La Belle Équipe, c’est à Nogent, où l’on arrive par le chemin de fer partant de la gare de la Bastille. En 1961, Jean Renoir, interrogé sur le Crime de Monsieur Lange, conçu à Meudon avec Jean Castanier, en parle : "Tous les dimanches, dans les bois de Meudon, les gens sortaient pour oublier leur semaine de travail, les ateliers irrespirables, l'ennui du travail à la chaîne. A Meudon, sous les bosquets et malgré les papiers gras, ils oubliaient leur fardeaux et devenaient princesses, rois ou milliardaires." (Jean Renoir, Le passé vivant, Editions de l'étoile/Cahiers du cinéma, 1989). Renoir disait déjà sur le moment : "Tout le cadre classique de la banlieue parisienne, autrefois le plus beau paysage du monde, aujourd'hui [1936] saccagé, souillé, déshonoré par la cupidité et la bêtise des industriels et des propriétaires de terrains." (Jean Renoir, Ecrits 1926-1971, Belfond, 1974)
En 1952 encore, on ira à Joinville-le-Pont, pon ! pon ! guincher chez Gégène, avec Roger Pierre. C’est le même train partant de la gare de la Bastille, qui, de 1945 à 1956, conduit à la « Fête de L’Huma », qui se tient alors au bois de Vincennes.

- siège de la FSGT, 2 rue Biscornet. Les « majos » du Congrès de Tours ayant gardé dans le domaine du sport le sigle FST, les sportifs ouvriers minoritaires se sont rebaptisés, en 1926 : Union des sociétés sportives gymniques du travail (USSGT), et leur bulletin Sports et Loisir.
Douze mois plus tard, pourtant, l’élan du Front populaire réconcilie les sportifs communistes et socialistes (voir sur ce blog : La folie en tête: des Belles de la Grange à Binet Alfred); de la fusion naît la FSGT, et un journal unique Sport, le « journal des sportifs ouvriers ». L’hebdomadaire s’en prend particulièrement aux sports professionnels, que seuls sont alors la boxe et le cyclisme, et à l’exploitation des athlètes : le Tour de France, suivi avec passion « dans les masses », n’est jamais désigné autrement que dans sa vérité de « Tour de Souffrance » ; le champion El Ouafi, ancien ouvrier de Renault, vainqueur du marathon aux Jeux Olympiques d’Amsterdam de 1928, est montré sur son lit d’hôpital en mai 1934, abandonné de toutes les instances officielles aussi bien que commerciales du sport national. En octobre 1934, le Red Star de Saint-Ouen rencontrant Mulhouse au soir de l’assassinat de Louis Barthou et du roi de Yougoslavie, les organisateurs demandent une minute de silence, à laquelle répondent des sifflets nourris, ce que Sport commente d’un : « Ils y regarderont sans doute à deux fois, à l’avenir, avant de tenter d’entraîner dans leurs pantomimes nationalistes les prolos de Saint-Ouen ! »
Le sport ouvrier est alors un phénomène parisien : au moment de la fusion, la FST annonçait 115 clubs et 9 000 membres en région parisienne contre 80 clubs et 5 000 membres pour toute la province. Mais « parisien » s’entend quand même plutôt « banlieusard » dans la mesure où Paris ne comptait que neuf terrains de foot en 1929 par exemple, alors que la banlieue en possédait quatre-vingt-neuf.
Du Front populaire, on retient comme l’un de ses traits principaux la création du sous-secrétariat aux Sport et aux Loisirs de Léo Lagrange. La présidence de la FSGT sera exercée conjointement par le communiste Georges Marrane, qui a pratiqué la boxe et le foot, qui restera son président d’honneur après la guerre, et par Antonin Poggioli, maire socialiste du Bourget.
Après la Libération, Jeune Combattant, l’organe des Forces unies de la jeunesse patriotique, se verra presque naturellement transformé en hebdomadaire sportif : Miroir-Sprint.

On remonte par la rue Lacuée et la rue Moreau jusqu’au passage du chantier. On profite d’une des cours nombreuses ici pour évoquer le Crime de M. Lange, de Renoir, tourné en octobre et novembre 1935 aux studios de Billancourt, sorti en salles le 24 janvier 1936, l’un des quelques films emblématiques du Front populaire, qui se passe tout entier dans « la cour d’un immeuble populaire parisien » du Marais (4e). Son héros, collectif, est une « imprimerie communiste » : les ouvriers y ont repris en coopérative l’atelier abandonné par leur patron escroc et, sous cette forme, l’entreprise prospère en éditant des romans populaires, dont Lange est l’auteur.
L’idée géniale de Renoir se trouve d’abord dans le décor : une cour parisienne avec une blanchisserie et une imprimerie, ainsi que des appartements. Bref tous les décors du film (ou presque) sont réunis en un seul endroit. « La caméra allait chercher les acteurs, les suivait, montait, descendait et ceci avec d'autant plus de difficultés que les décors étaient extrêmement étroits. C'était des décors naturels, construits autour d'une cour. D'ailleurs, le fait qu'on ait tourné dans une cour, explique aussi la mauvaise qualité du son…mais je préfère un mauvais son à un doublage. »
Tous les acteurs du « théâtre ouvrier » de l’époque y participent : Maurice Baquet est Charles, le fils du concierge ; Jacques B. Brunius est M. Baigneur ; Sylvain Itkine, un cousin de Batala ; Marcel Duhamel est Louis, agent de maîtrise ; Germaine Duhamel une blanchisseuse ; Sylvia Bataille est Edith ; Guy Decomble un ouvrier ; Paul Grimault un typo ; Janine Loris une blanchisseuse, tandis que Fabien Loris y joue également un petit rôle, comme Max Morise. Francis Lemarque y sera « la silhouette d’un voyageur sur un quai de gare ».

Dans la rue de Lappe, on évoque assez naturellement l’accordéon, un instrument associé au Front Populaire et aux bals qui se donnent dans les usines occupées. En 2005, l’un des documents offerts à la réflexion des candidats au Diplôme national du Brevet (DNB), Série technologique, sous l’intitulé « Les avancées sociales du front populaire », était une photographie de la grève aux usines Delahaye (en mai – juin 1936), qui montrait, sur un groupe d'une trentaine d'ouvriers posant autour d’un châssis, pas moins de 2 accordéonistes, dont un sur l’instrument duquel se lit la marque Fratelli Crosio. Ce fabricant parisien, ayant créé son atelier en 1912 rue des Orteaux, s’était installé dès1916 avec son magasin de vente au 29, rue de Reuilly (au Mo Reuilly-Diderot), avant d’aller en 1948 rue René Boulanger, à la République. En 1994, Jean-Pierre Crosio, inaugurait un salon d’exposition, 17-19 rue Faidherbe, qui devait fermer à la fin de 2008.
Grèves d'occupation, filmé en 1936, monté et commenté a posteriori, l’un des films les plus diffusés dans les circuits militants du Front populaire, insiste sur la culture et le folklore ouvriers, souvent proches du carnaval : repas et bals, mise à feu du mannequin des 48 heures, dénonciation publique des jaunes, enterrement parodique du capital, cortèges accompagnant des rosières et un couple de grévistes se mariant. Des jeunes grimés en “ bolchevik au couteau entre les dents ”...
Une photo prise sur les chantiers de Saint-Nazaire, montre des ouvriers, tous des hommes, dansant en couples entre eux au son là encore d’un accordéon.

Par la rue de la Roquette, on rejoint le square Francis Lemarque, au n°90 (angle de la rue Charles Dallery), inauguré le 24 oct. 2006. En 1934, Francis Lemarque (Nathan Korb) [voir aussi sur ce blog, De Verlaine au 4ème à Verlaine tout en bas] adhère au groupe Mars, composé d’une quinzaine de jeunes gens, dont l’animateur est O’Brady, un Hongrois, auquel succèdera Sylvain Itkine. « Au cimetière [du père Lachaise], nous, le Groupe Mars, nous étions juchés sur le toit d’un caveau de famille, toujours le même, que nous occupions tous les ans, raconte Francis Lemarque. Il était placé sur le parcours du cortège, qui défilait depuis le matin, jusque tard dans la soirée. Munis de porte-voix, nous enchaînions chœur parlé sur chœur parlé, avec de courtes pauses pour nous permettre de reprendre notre souffle... et du souffle, il fallait en avoir pour tenir la distance. » Puis Sylvain Itkine leur présentera Aragon devant la Maison de la culture de la rue de Navarin et, comme les frères Korb chantent aussi en duo, genre Gilles et Julien [A l’époque du Front populaire, et à l’Alhambra, 50, rue de Malte (aujourd’hui démoli), Gilles et Julien chantaient « La Belle France : il était question de bleuets et de coquelicots, on aurait dit du Déroulède », ironise Simone de Beauvoir dans La Force de l’âge, mais aussi La Chanson des 40 heures], Aragon les rebaptise « les frères Marc », et Nathan Korb en prendra plus tard son nom de scène de Francis Lemarque. Ils rencontrent le groupe Octobre dont Prévert est le pourvoyeur de textes.
Au Front Populaire, ce groupe Octobre donnera plusieurs représentations par jour dans les usines, les magasins, les bureaux en grève, de Citroën aux Galeries Lafayette, des entrepôts de transports publics aux centraux téléphoniques.
On retrouvera Frédéric O’Brady, 1er animateur du groupe Mars, dans Le Cercle vicieux, parodie des Mouches de Sartre, qu’a écrite Roger Pierre et qu’il interprète au Tabou avec Annabel, Jean-Marc Thibault, Boris Vian et d’autres, tous empêtrés dans des béquilles qui les rendent malhabiles à attraper lesdites mouches sans se cogner dans le mur.
Frédéric O’Brady sera encore le partenaire de Loleh Bellon dans la mise en scène de Louis Daquin pour Le colonel Foster plaidera coupable, une pièce de Roger Vailland entièrement produite par le PCF en tant qu’élément de sa campagne contre Ridgway la Peste, à l’Ambigu, la salle de deux mille places du 2 ter, bd Saint-Martin, démolie depuis. Une seule représentation aura lieu, le 15 mai 1952, que le Préfet de police ne laissera pas se renouveler.

- Fédération du Théâtre Ouvrier Français, 75 rue de la Roquette. La FTOF, dont le congrès constitutif a eu lieu le 25 janvier 1931, est arrivée à cette adresse avec sa revue, la Scène Ouvrière, à la fin de la même année. Les premiers groupes de théâtre ouvrier s’appelaient « la Phalange du 18e », « l’Amicale artistique des coopérateurs du 14e », « l’Aube artistique de Bobigny », etc. Cette dernière va être la première à changer son nom en celui de Blouses Bleues, et son animateur, Gaston Clamamus, devenu le trésorier de la FTOF, va tenter de généraliser ce label de « blouses bleues » à toutes les troupes du théâtre ouvrier, d’en faire leur costume de représentations, et le symbole d’une ligne politique à l’imitation des soviétiques.
La création de la FTOF, qui a mis à l’ordre du jour la transformation des troupes de théâtre amateur en groupes d’agit-prop, y a instauré le sectarisme : le n° 3 de la Scène Ouvrière, de mars 1931, a par exemple lancé l’anathème sur le groupe libertaire de La Muse Rouge. Mais la revue a d’abord pour rôle de fournir un répertoire : son n° 4 propose une saynète, « A bas le sport bourgeois », qui a pour épilogue : « Travailleurs, le sport bourgeois est pourri, le sport bourgeois c’est le militarisme. Adhérez à votre organisation sportive de classe, à la FST. Formez des comités de spartakiade pour envoyer des délégués à Berlin en juillet. » On y trouve encore un appel « Aux métallos ! », chœur parlé pour 12 à 20 personnes s’adressant à ceux de chez Citroën, Renault et Peugeot, qui scanderont : « Vive le front unique des travailleurs ! A bas les chefs traîtres réformistes ! A bas la guerre contre l’URSS ! Vive l’unité syndicale de classe CGTU ! » Dans ce même numéro, un portrait de M. Citroën, « qui perd 12 millions par nuit », deux ans avant les « actualités » que Prévert donnera sur le même thème. Enfin un autre chœur parlé, pour une douzaine de participants, proteste contre l’enlèvement du militant communiste N’Guyen van Tao par la police de Chiappe.