L'occasion de ce parcours est une balade destinée aux "nouveaux du 11e", avec pour terme la librairie Imagigraphe, 84 rue Oberkampf.
On part de la statue d'un forgeron qui, sans sa masse, évoque le penseur de Rodin. On est dans l’ex rue d’Angoulême, du nom du grand prieur du Temple, on y reviendra. Le cercle internationaliste ‘Les Sans Patrie’, fondé en 1880, a tenu ses réunions hebdomadaires du samedi, salle Thomas, dans cette rue. Les Causeries populaires de Libertad y ont eu une annexe en 1903, à l’angle de la rue Morand, aujourd’hui mosquée Omar dont les fidèles, lors de la grande prière du vendredi, débordent largement sur la chaussée adjacente.
On part de la statue d'un forgeron qui, sans sa masse, évoque le penseur de Rodin. On est dans l’ex rue d’Angoulême, du nom du grand prieur du Temple, on y reviendra. Le cercle internationaliste ‘Les Sans Patrie’, fondé en 1880, a tenu ses réunions hebdomadaires du samedi, salle Thomas, dans cette rue. Les Causeries populaires de Libertad y ont eu une annexe en 1903, à l’angle de la rue Morand, aujourd’hui mosquée Omar dont les fidèles, lors de la grande prière du vendredi, débordent largement sur la chaussée adjacente.
On
remonte vers le n° 98 de la rue désormais Jean-Pierre Timbaud, de 1887 : 5
bâtiments d’habitation en belle brique de Bourgogne, 4 cours où percent comme
des taupinières les verrières d’un atelier qui occupait tout le sous-sol de la
parcelle et, pour son premier tronçon, réaménagé en appartement.
- 94
rue Jean-Pierre Timbaud. Ex manufacture d'instruments de musique de 1881 à
1936 : la lyre du portail (1882) est le seul élément explicite qui en
rappelle l'histoire. « Couesnon
& Cie » fabriquait dans la grande halle métallique des cuivres très
réputés dans l’univers de la fanfare et du jazz. Le Hall de l'hôtel industriel
(en haut du perron, sur la cour) était son magasin, vitrine internationale de
ses instruments qui étaient testés dans la salle de l'Harmonie. Au début de la
3e République, six cents ouvriers y fabriquaient des instruments à vent dans
« la manufacture la plus importante du monde ». L'usine, achetée par l'Union Fraternelle des Métallurgistes, devint
propriété de la CGT métaux en 1936. A cette époque, c’est Rol-Tanguy, métallo de Talbot Paris puis de Renault, militant de la
première cellule d’entreprise créée dans l’usine au début 1924, qui est le
secrétaire du syndicat des métallos de la région parisienne. A partir des
années 1930, c’est toujours le syndicat des métaux qui est le premier du
cortège syndical au Mur des Fédérés, et à la tête des métallos, on trouve Jean-Pierre Timbaud, ouvrier dans une
fonderie d’art, trapu, « image d’Epinal avec ses couleurs chantantes et
crues », comme le décrit Philippe Robrieux. C’est dans le Grenelle des
usines Citroën qu’il a mené la campagne électorale du Parti communiste, en
1932, contre Marceau Pivert. C'est sous ce fer forgé des métallos que sont
accueillis les volontaires des Brigades
internationales à leur retour en 1938, que se tissent des réseaux de
résistance. A la Libération, de solides barricades s’élèvent là comme avenue
Parmentier, faubourg du Temple. Le 24 août, les Allemands essayent de les
forcer en direction de la République ; ils sont repoussés à l’aide de
grenades incendiaires et d’un canon de 77 pris à l’ennemi. La rue pourra alors
honorer Jean-Pierre Timbaud, fusillé depuis déjà trois ans, depuis l’été
1941, à Chateaubriand. C'est dans la Maison
des métallos que fut rendu le dernier hommage à Dulcie September, amie de Nelson Mandela, assassinée à Paris. La
Maison a été rachetée par la ville de Paris, et confiée à la mairie du
11e pour devenir un lieu polyvalent. L’Union
des métallurgistes y a conservé un espace pour installer son Institut d’Histoire Sociale.
- passage de la Fonderie (fin 2nd
Empire), rénové en 1990, plus aucune activité industrielle n’y existe :
les seringues et pulvérisateurs Julien pas plus que la grande imprimerie. Au
fond, là où le passage rejoint en angle la rue Saint-Maur, au n°119 de
celle-ci, on trouvait en 1906 la coopérative de production des tailleurs de glace. A cette date,
l’arrondissement en comptait 17, sur un total parisien de 51 adhérentes à la
Chambre consultative du 98 bd Sébastopol, c’est-à-dire un tiers.
- n° 70, rue J-P Timbaud :
Cour des Fabriques, début 2nd Empire. Plus d’activité
industrielle.
- n° 64 : 2nde
moitié du 19e siècle, surélevé en 1943 ; longtemps consacré à
la confection, le r-d-c en est occupé par l’Alimentation
générale, restau musical et dansant.
- 10, Cité d’Angoulême, ancienne manufacture des frères Dutertre, 1853, peintres-décorateurs sur
porcelaine, dont la façade monumentale était autrefois visible de la rue principale.
Auj. atelier de Jean Nouvel
- Cavaignac
attaque sur cette pointe, le 23 juin
1848, des barricades qui, avec
celles de la rue des Trois Bornes,
sont défendues par les Montagnards de Belleville, ravitaillés par la rue des
Trois-Couronnes, et qui mettront deux généraux et 300 soldats hors de combat.
Les bronziers Abel Davaud, 19 ans, qui jouera plus tard dans le mouvement
coopératif un rôle de premier plan, ou Henri Tolain, se sont battus sur
ces barricades comme, dans celles du quartier Popincourt, les bronziers des
Filles-du-Calvaire, des ouvriers en articles de Paris, des ciseleurs, des
mouleurs, des cambreurs, des cordonniers, des chapeliers, des tailleurs.
En
1833/34 déjà, lors du Procès « des 27 » ou « de la SDH et des élèves
de l’école Polytechnique » (Raspail est dans les accusés) de nombreux
inculpés sont des habitants de la rue des Trois Bornes et de celle des Trois
Couronnes.
On
poursuit jusqu’au bd Richard Lenoir. A gauche, le domicile de Jules Maigret : le n° 132, est donné pour la 1ère fois dans Maigret et son mort, 1948 : le commissaire l'y fait figurer dans une
petite annonce d’appel à témoins. Il n’en bougera plus : « ce n'étaient pas tellement les déménagements qui l'effrayaient,
mais le fait de changer d'horizon. L'idée […] de ne plus faire le même chemin,
chaque matin, le plus souvent à pied… » N’en bougera plus... sauf l'incertitude
concernant l’étage : 3ème ou 4ème selon les romans. A droite :
- 140, bd Richard Lenoir / 16, rue
Rampon / 83, rue de la Folie-Méricourt, PLU : Immeuble construit probablement en 1826 en même temps que l'ouverture du canal et attesté en 1841. Il a
abrité, à partir de 1867, l'ancienne maison de grossiste Bouly
(décors, revêtements de salles de bains et cuisines, articles sanitaires,
carrelages etc.) dont la publicité sous la forme d'un panneau de céramique aux
couleurs vives est apparente au niveau de l'entresol, sur la partie droite. Le
bâtiment est constitué d'un grand corps de logis, double en profondeur et
comportant huit niveaux : caves voûtées, rez-de-chaussée et étage en entresol,
quatre étages carrés et un cinquième étage sous combles. La façade principale
est traitée en arcades pleines jusqu'au premier étage, englobant les fenêtres
de l'étage en entresol. La porte principale sous l'arche centrale est flanquée
de deux niches rectangulaires ornées de statuettes dans le goût antique.
Solidement bâties en pierre et moellon, les trois façades conservent encore les
garde-corps d'époque aux dessins différenciés par étage.
-
C’est de cette rue Rampon jusqu’à la Bastille que le Second Empire fait couvrir
le canal Saint-Martin pour que sa cavalerie puisse y charger à l’aise, dès
1859.
On revient jusqu’à la rue J-P
Timbaud par la rue de la Folie-Méricourt :
Sous
Louis XIII, au nord du chemin de Ménilmontant (actuelle rue Oberkampf, elle
prit le nom du manufacturier en 1864), existe déjà la folie de Moricaut ou
Moricourt, on ne sait trop, dont le nom se fixera en Méricourt.
On
prend la rue de la Pierre Levée à gauche :
- 4 rue Pierre-Levée, ISMH, manufacture de Loebnitz, bâtiment
peut-être de 1868, ou de 1880-84, par Paul Sédille, l’architecte du Printemps,
sur lequel ont été posées les fresques réalisées pour le pavillon des
Beaux-arts de l’Expo universelle de 1878.
- 12, rue Pierre-Levée, PLU :
boutiques au r-d-c, ateliers et logements en étage, de 1907.
- 15, rue Pierre Levée : ateliers
métallurgiques Kurz.
- 16, rue Pierre Levée : atelier
sur cour.
- n° 20, Pierre Levée : frise de fleurs en céramique sur ancienne
manufacture de porcelaine ; escalier en coin dans la cour.
- n°
23 rue Pierre-Levée : adresse d’une coopérative de production en
1906 : les Plombiers-couvreurs de la Seine.
- à
l’angle de la rue Pierre-Levée et de cette rue (ouverte en 1750) qui avait été
celle de la Fontaine nationale en 1792, et de la Fontaine au Tyran à la révolution
de Février 1848, une barricade
opposa le 23 juin 1848 une résistance farouche ;
- 17, Fontaine au Roi : dernière barricade présumée de la Commune (plaque). Le 28
mai, à 13h, y tenaient encore Jean-Baptiste
Clément, Théophile Ferré,
délégué à la Sûreté générale et son frère Hippolyte, Varlin, un garibaldien... « Au moment où vont partir leurs
derniers coups, une jeune fille venant de la barricade de la rue Saint-Maur
arrive, leur offrant ses services. Ils voulaient l’éloigner de cet endroit de
mort, elle resta malgré eux. A l’ambulancière de la dernière barricade et de la
dernière heure, Jean-Baptiste Clément dédia longtemps après la chanson des
Cerises », écrira Louise Michel.
C’est donc, sinon la dernière, en tout cas la barricade du Temps des cerises.
- L’octroi
n’avait pas disparu avec les fortifications des grands boulevards, en 1660, l’octroi à roulettes, fait de barrières
et de guérites mobiles, l’avait remplacé et sa ceinture souple s’ouvrait d’un
cran à mesure que Paris grossissait. En 1724,
il était installé à l’angle de la rue de la Folie-Méricourt (attestée en
chemin depuis le 17e siècle). A l’Est de cette barrière, dans le
triangle que délimitent la rue du Faubourg-du-Temple et celle de la
Fontaine-au-Roi avec la rue Saint-Maur, (l’une des rares tangentes de la
capitale, joignant l’abbaye de Saint-Denis à celle de Saint-Maur-des-Fossés),
est né un village de guinguettes au milieu des « courtils », ces
jardins du dimanche éloignés du logis citadin : la Courtille.
Parmi
ces guinguettes, le Tambour Royal de
Ramponneau (à l’angle de la rue de
l’Orillon, alors chemin de terre, et de la rue Saint-Maur), qui en 1786, à la reconstruction
d’une enceinte en dur, purement fiscale cette fois, le « mur des Fermiers
généraux », sera devenu si glorieux qu’une barrière sera ouverte à son nom
sur le boulevard de Belleville, au départ de la rue aujourd’hui Ramponeau. Les
guinguettes, avec l’arrivée de l’octroi, étaient passées plus en amont sur la
pente de Belleville.
On
arrive sur la rue du fbg du Temple où, à l’angle du quai de Jemmapes, s’élevait
dès 1815, Les Vendanges de Bourgogne.
De ses balcons, c’est au champagne qu’on asperge la descente de la Courtille
plutôt qu’à la farine et aux œufs.
La descente de la Courtille.
« Sous l’austère Restauration, la mode vint, on ne sait comment, d’aller
achever les orgies du mardi gras à la Courtille : la nuit s’y passait à
boire, et au matin du mercredi des Cendres, c’était, pour les bourgeois
vertueux, un divertissement incomparable que d’assister à “la descente de la
Courtille”. » Paris Atlas.
« La
nuit du mardi gras donc, une fois minuit passé, les danseurs de l’Opéra, des
Variétés, etc., montaient s’encanailler avec les débardeurs et les mamelucks de
la barrière de Belleville, on buvait, on sautait, on faisait tapage tous
ensemble, c’était l’égalité dans l’orgie ; puis, dès six heures du matin,
fiacres, cabriolets, chars-à-bancs, tous les véhicules enfin étaient envahis
par cette foule en délire, et toujours hurlant, toujours vociférant, elle
commençait un défilé qui, jusqu’au boulevard, avait lieu au petit pas, mais à
dix heures du matin tout devait être rentré dans l’ordre. » Comme le
carrosse de Cendrillon, la Courtille des plaisirs, à dix heures tapantes,
redevient le Paris du travail.
Cette
mode se maintiendra jusqu’en 1848. Une lettre de Victor Hugo à Juliette Drouet est datée « Mardi gras - 20
février 1849 » mais évoque celui de 1838 : « Je n'oublierai
jamais cette matinée où je sortis de chez toi, le cœur ébloui. Le jour
naissait, il pleuvait à verse, les Masques déguenillés et souillés de boue
descendaient de la Courtille avec de grands cris et inondaient le Boulevard du
Temple. Ils étaient ivres et moi aussi; eux de vin, moi d'amour. »
Les
bals Chicard, qui se tiennent aux Vendanges
de Bourgogne sous la monarchie de Juillet, du nom de leur promoteur,
négociant en cuir du faubourg Saint-Antoine, sont à dix francs la carte, sur
invitation. Néanmoins, les costumes chicards de carnaval continuent d’imiter
ceux du peuple, avec comme types Balochard,
« l’ouvrier tapageur et spirituel », Pétrin, le boulanger, etc. Milord
l’Arsouille, patronyme hybride, symbole du riche encanaillé, qui conduira
les descentes de la Courtille jusqu’à la dernière et sa ruine.
A
compter de 1891, c’est le Funi qui dévale la Courtille, de
l’église de Belleville à la République. Ce
qui n’empêche pas que la transhumance ouvrière se fasse essentiellement à
pied : le Paris-Atlas de 1900
peut encore écrire : « Au débouché de la rue du Temple rien de plus
pittoresque à voir, entre 6 et 7 h du soir, que le spectacle de la marée
humaine qui monte du cœur de Paris pour rentrer au faubourg ».
On
aperçoit, à droite :
- 37, Fbg du Temple, dès 1876, le Boléro Star, devenu Bijou
Concert, puis Bijou Théâtre, etc. En
1924, le théâtre et son architecture "fin de siècle" sont
détruits pour faire place au Grand
Cinéma du Palais des Glaces, sa façade,
recouverte de miroirs, lui valant son nouveau nom. En 1960, la salle est
transformée en salle de music-hall et de concerts. De grands noms s'y
produisent dont Nina Simone, Marcel Dadi, Touré Kunda ; 1977 est l'année punk avec, au festival du Palais des Glaces, les Clash, les Damned, Jam, Generation
X…
on
descend jusqu’à la grisette :
- Entre le lotissement des marais du
Temple, dont la rue du Grand Prieuré formait la limite Est, et la rue de la
Folie-Méricourt, il n’y avait pas de constructions quand… la suite est dans Balzac, César Birotteau :
« Du Tillet, instruit des intentions du gouvernement concernant un canal
qui devait joindre Saint-Denis à la haute Seine, en passant par le faubourg du
Temple, acheta les terrains de Birotteau pour la somme de soixante-dix mille
francs. (…) Au commencement de l’année
1822, le canal Saint-Martin fut décidé. Les terrains situés dans le
faubourg du Temple arrivèrent à des prix fous. Le projet coupa précisément en
deux la propriété de du Tillet, autrefois celle de César Birotteau. La
compagnie à qui fut concédé le canal accéda à un prix exorbitant si le banquier
pouvait livrer son terrain dans un temps donné. »
Le canal
est inauguré le 4/11/1825, jour de la fête de Charles X, dont le quai prend le nom ; il est livré au commerce un an plus tard, et devient quai de Jemmapes (victoire de
1792 sur les Autrichiens) en 1830.
Le
canal a fait du faubourg du Temple le faubourg industriel du 19e
siècle. La première pierre de l’Entrepôt (qui occupait tout l’espace compris
entre la rue des Douanes (auj. Léon Jouhaux), la rue de Marseille et la rue
aujourd’hui Yves Toudic) était posée le 29 juillet 1833. Mais le même canal,
qui les a pour ainsi dire fait naître, fournit aussi aux ouvriers insurgés
« une ligne de défense formidable » : en juin 1848, « il
fallut du canon pour emporter les barricades élevées sur les deux rives à
l’entrée du faubourg du Temple » ; les troupes de Lamoricière n’y
parvinrent qu’au bout de cinq jours, le 26 juin, se rappelle
La Bédollière. Napoléon III en tirera les conséquences : caserne du
prince Eugène et couverture du canal.
- « grisette 1830 » de Joseph
Jean Emmanuel Cormier, dit Joé Descomps (1869-1950), plutôt spécialisé dans les
petits bronzes décoratifs, spécialement des nus féminins. Placée là en 1911
seulement, mais pas de façon totalement arbitraire puisque les Vendanges de Bourgogne, en face, ont
été l’un des creusets de la Révolution de 1830, lors d’un banquet qui regroupa sous la Restauration
le général Lafayette, commandant des gardes nationales en 1789, Godefroy Cavaignac, fils d’un Conventionnel (ne pas le confondre
avec son frère Eugène Cavaignac, le sabreur de juin 1848), en gros des
républicains partisans du suffrage universel, et d’autres, comme Odilon Barrot,
prônant une monarchie constitutionnelle.
On
va vite déchanter et, la Garde Nationale ayant été dissoute le 31 décembre 1831
par Louis Philippe, et Lafayette renvoyé, « La Société des Amis du
Peuple » brave la décision royale en organisant aussitôt un banquet en
leur honneur à ces mêmes Vendanges de Bourgogne. Durant le dîner, Évariste Galois, qui vient tout juste
d’avoir 20 ans y lève son verre à la santé de Louis-Philippe alors qu'il a
gardé son couteau dans l'autre main. D’autres, qui y ont vu un symbole,
l’imitent en brandissant le couteau ; aussitôt, c’est la débandade
générale, par les portes et par les fenêtres du jardin, de peur des suites
policières.
Le
lendemain, Évariste Galois est arrêté chez sa mère, au prétexte d'incitation à
l'assassinat du roi. Il est emprisonné à Sainte-Pélagie, d’où il écrit à son
ami Chevalier :
« ..Je
suis sous les verrous ! ! !?..Tu as entendu parler des Vendanges
de Bourgogne. C'est moi qui ai fait ce geste?? mais ne me fais pas la morale,
car les brumes de l'alcool m'avaient ôté la raison. »
- 18-20 rue du Fbg du Temple,
PLU : Ensemble composé d'un bâtiment principal en retrait de six étages
sur rue et d'une série d'ateliers de part et d'autre d'une verrière. Il est
construit vers 1909 par Henri-Paul Nenot,
architecte de la nouvelle Sorbonne, pour le compte de la compagnie d'assurances
"La Nationale" pour y abriter une société de "démonstration de la mécanique moderne".
La façade du bâtiment principal est composée de neuf travées enserrées aux
trois premiers étages par des piliers en pierre et couvert par un arc surbaissé
en brique. Les grandes baies vitrées reposent sur des allèges décorées d'un
panneau de céramique vernissée. Le retrait du quatrième étage forme un balcon.
Logements au-dessus des ateliers et entrepôts. Le passage conduisant aux
ateliers est ouvert dans l'axe médian. Deux atlantes sculptés signalent son
entrée. Les ateliers sont disposés régulièrement sur deux niveaux de part et
d'autre d'une cour profonde couverte par une verrière en bâtière. Le pont roulant de l’entreprise de
machines-outils des Grands Travaux
parisiens. De 1950 à 1980, activité textile : Cacharel y a eu son show
room et son siège social. Philippe Starck y a installé ses bureaux en 2001.
Au bout de la rue du Fbg du
Temple, le Second Empire a donc installé, pour verrouiller ces nouveaux
faubourgs dangereux qui remplacent celui de Saint-Antoine, que tenaient la
Bastille et l’arcade Saint-Jean, la vaste caserne du Prince-Eugène, en 1854-59,
pour 3 200 hommes, et le boulevard où pourront rouler les canons du
Prince-Eugène (auj. Voltaire), à partir de 1857, inauguré en 1862.
A
l’autre coin, commençait le « boulevard du crime » (le bd du Temple, qui partait d’ici, la place
n’ayant pas les dimensions actuelles), où les spectacles commençaient à 6 heures
et comptaient 12 à 15 actes. Le Théâtre
Historique d’Alexandre Dumas s’y ouvre le 20 février 1847, au coin
de la rue du Faubourg-du-Temple, avec la Reine Margot, pour laquelle les spectateurs auront fait
deux jours et deux nuits de queue. Mais son spectacle le plus emblématique
reste le Chevalier de Maison-Rouge. Mélingue tient le rôle titre
de cette adaptation de l’Histoire des
Girondins de Lamartine, qui
avait déjà été un gros succès de librairie, et qui fournira son hymne à la révolution de 1848 :
Mourir pour la Patrie, (bis)
C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie ! (bis)
-
place de la République. Le 10 février 1935, PC et PS y commémorent en commun,
nombreux, les victimes de 1934, les morts du 9 février. Les fleurs déposées sur
le socle de la statue sont ensuite transportées à la Grange-aux-Belles pour y
être exposées puis finalement emportées le lendemain au Père Lachaise. Il y
faudra 14 taxis en 1935, et 26 en 1936.
Le
14 juillet 1936, plusieurs centaines de milliers d’ouvriers parisiens célèbrent
leur victoire. Outre les 905 drapeaux que dénombre la police, dont 61,5% de
drapeaux rouges, les portraits de dirigeants sont nombreux à être brandis. Les
peintres du PC font défiler des reproductions géantes de toiles réalistes du
passé : « Le musée, nous le portions dans la rue, et c’est nous qui,
en reproduisant à des proportions colossales la Rue Transnonain ou le Tres de Mayo [sur 10 m de long], avons rendu au peuple
la connaissance de ses images les plus hautes. » On a reproduit non
seulement les œuvres des peintres mais encore les portraits de leurs auteurs,
ceux d’écrivains et de poètes, ceux de
figures révolutionnaires : Fouquet, Callot, Courbet, Ronsard, Diderot,
Hugo, Barbusse, Anatole France, Marat, Jaurès. « Je portais Jacques
Callot, peint en camaïeu par Gruber et lui un Daumier de ma main »,
racontera plus tard Boris Taslitzky.
Dans
ce défilé sont aussi présents les ouvriers algériens de l’Etoile Nord-Africaine, dont le drapeau vert et blanc frappé d’un
croissant rouge est apparu pour la première fois au grand jour exactement un an
plus tôt, dans le défilé du 14 juillet 1935. Le Parti du Peuple Algérien naîtra
l’année suivante, en mars 1937, à Nanterre.
Le 4
septembre 1936, ce ne sont plus les masses du Front Populaire mais seulement
« l’avant-garde », « les ouvriers des grandes usines »,
comme l’explique Thorez au comité central, qui ont défilé devant une gerbe
déposée au pied de la statue de la République pour glorifier les héroïques
défenseurs des libertés espagnoles, en criant « des fusils, des canons
pour l’Espagne ».
- cirque
Myers, place de la République, PLU : immeuble des Magasins Réunis, construit en 1866 par l'architecte
Gabriel Davioud réalisé en symétrie de la caserne Vérines, aujourd'hui hôtel
Holyday Inn ; dans l'immense cour carrée, le cirque Myers.
Le
21 janvier 1878, une brochette de progressistes prépare le centenaire de Voltaire au Tivoli Vauxhall (12,14,16 rue de la Douane
(auj. Léon Jouhaux), place du Château-d’Eau). Parmi eux, le député
quarante-huitard Schoelcher, qui a
fait voter l’abolition de l’esclavage, l’industriel Scheurer-Kestner qui jouera un rôle important dans la défense de
Dreyfus, l’industriel Émile Meunier,
qui a été des 50 (contre 392) à voter l’amnistie des Communards en 1876, et
propriétaire du Bien Public où l’Assommoir
parut en feuilleton. Il renommera d’ailleurs son journal en Voltaire.
Quand
arrive la cérémonie prévue du centenaire, le 30 mai 1878, toute
manifestation extérieure a été interdite. C’est donc au cirque Myers que les
présidents des Conseils municipal et général, une vingtaine de conseillers et
de députés, et 5 à 6 000 personnes se réunissent autour de la statue de
Voltaire posée sur un char qui restera immobile, et lancent des appels en
faveur des détenus politiques.
Entre
les actuels avenue de la République et boulevard Voltaire, toujours sur le
Boulevard du Crime, aux Folies-Dramatiques
triomphe Frédérick Lemaître,
« le comédien du peuple, l’ami du peuple, adopté et créé par le
peuple ». Face aux « comédiens ordinaires du roi des Français »,
écrit Jules Janin en 1835, c’est le « comédien des faubourgs, comédien de
toutes les passions aux joues rubicondes, aux bras nerveux, aux reins solides,
qui vont le voir, l’admirer et l’applaudir ! » La Vie et la Résurrection de
Robert Macaire, poursuit Janin, est son Mariage de Figaro : « Figaro, Macaire, deux hommes qui
ont existé, deux hommes révoltés contre la société chacun à sa manière, l’un
avec son esprit, l’autre avec son poignard ; deux escrocs tous les deux, l’un
dans le salon, l’autre sur le grand chemin ; deux hommes d’esprit et qui font
rire tous les deux ». Chez Marx, Louis Philippe deviendra « Robert
Macaire sur le trône »
Aux
environs du n° 52 bd du Temple : les
Funambules sont le croissant de lune où s’assied Pierrot, alias Gaspard
Debureau, et pour la première d’une pantomime de Champfleury, Pierrot, valet de la mort, « il y
avait épars dans les loges, aux galeries, dans l’orchestre, selon L’Écho du 27 septembre 1846, Théophile
Gautier, Gérard de Nerval, Théodore de Banville, Henri Murger,
Baudelaire-Dufays, Privat d’Anglemont, Pierre Dupont... ».
-
42, bd du Temple, PLU : immeuble Louis-Philippe très
caractéristique : balcon filant et garde-corps en fonte comme les vantaux
de la porte ; surélévation ultérieure.
Flaubert, de 1856 à 1869, y a son
domicile, au 3e étage, au-dessus de l’appartement de sa mère : « une
antichambre, 2 pièces à feu ayant chacune une fenêtre sur le boulevard ;
une salle à manger, une autre pièce à feu, une cuisine sur la cour, WC à côté
de la cuisine, sortie de service » Il en est au chapitre 8 de la
troisième partie de Mme Bovary.
Dès
le lendemain de la parution de leur Charles Demailly, - on est au début
de 1860 – voilà les frères Goncourt
« boulevard du Temple, dans le cabinet de travail de Flaubert, dont la
fenêtre donne sur le boulevard et dont le milieu de cheminée est une idole
indienne dorée. Sur sa table, des pages de son roman qui ne sont presque que
ratures. De grands, de chauds et de sincères compliments sur notre livre, qui
nous font du bien au cœur ; une amitié dont nous sommes fiers... »
Flaubert
reçoit le dimanche, sur son grand divan de cuir surmonté d’un moulage de la
Psyché de Naples, la pittoresque actrice Suzanne Lagier, et Sari, son amant, directeur
du théâtre des Délass’Com’. George
Sand aussi.
En face, le Jardin
turc, si compassé - Jouy, dans les années 1810 : « Ici, tout était
calme, sang-froid, gravité; c’était l’assemblée des oisifs du Marais : les
uns, assis en cercle, discutaient un exemple de longévité, sur la foi de la
gazette de Presbourg, et le plus grand nombre, regardant jouer au billard,
attendait l’occasion de donner son avis sur un carambolage équivoque ». Un
guide de 1830 assure encore que « les dames du Marais y viennent pour se
distraire du silence et de l’ennui qui règnent dans leur quartier désert » -, a
été repris par Bonvalet sous la
monarchie de Juillet.
Flaubert, dans
une lettre aux Goncourt du 20 mai 1868, leur explique pourquoi ils ne l’ont pas
vu au bal des Tuileries, c’est-à-dire de l’Empereur :
« Rentré
chez moi, dimanche, à onze heures et demie, je me couche, en me promettant de
dormir profondément, et je souffle ma bougie. Trois minutes après, éclats de
trombone et battements de tambour ! C’était une noce chez Bonvalet. Les
fenêtres dudit gargotier étant complètement ouvertes (vu la chaleur de la
nuit), je n’ai pas perdu un quadrille ni un cri ! L’orchestre (comme j’ai
l’honneur de vous le répéter) était enjolivé par deux tambours !
À six heures du matin, re-maçons. À sept heures, je déménage pour aller loger au Grand-Hôtel.
Là, trois quarts d’heure de promenade avant de trouver une chambre.
À peine y étais-je (dans la chambre) qu’on se met à clouer une caisse dans l’appartement contigu. Re-promenade dans le même hôtel pour y découvrir un gîte. Bref, à neuf heures, j’en sors et vais à l’hôtel du Helder, où je trouve un abject cabinet, noir comme un tombeau. Mais le calme du sépulcre n’y régnait pas : cris de MM. les voyageurs, roulement des voitures dans la rue, trimbalage de seaux en fer-blanc dans la cour.
De 1 heure à 3 heures, je fais mes paquets et quitte le boulevard du Temple.
De 4 à 6 heures, avoir tâché de dormir chez Du Camp, rue du Rocher. Mais j’avais compté sans d’autres maçons qui édifient un mur contre son jardin.
À 6 heures je me transporte dans un bain, rue Saint-Lazare. Là, jeux d’enfants dans la cour et piano.
À 8 heures, je reviens rue du Helder, où mon domestique avait étalé sur mon lit tout ce qu’il me fallait pour aller, le soir, au bal des Tuileries. Mais je n’avais pas dîné et, pensant que la faim peut-être m’affaiblissait les nerfs, je vais au Café de l’Opéra.
À peine y étais-je entré qu’un monsieur dégueule à côté de moi.
À 9 h, je retourne à l’Hôtel du Helder. L’idée de m’habiller m’épuise comme une saignée aux quatre membres. Je renâcle et je me décide à regagner les champs au plus vite. Mon serviteur fait ma cantine.
Ce n’est pas tout. Dernier épisode : ma cantine déroule de l’impériale du fiacre par terre et me tombe sur l’épaule. J’en porte encore les marques. Voilà.
À vous. »
Le 19 juillet 1869, le portier
du 42 boulevard du Temple réveillera Flaubert, à l’aube, pour lui remettre une
dépêche lui annonçant la mort de Bouilhet, à quarante-sept ans.
Auparavant,
le 2 décembre 1851, une poignée de réfractaires au coup d’État, Charamaule, Baudin, Edgar Quinet...,
s’était réunie 70, rue Blanche. Victor Hugo en était parti, pour accompagner le
colonel Forestier qui se faisait fort de rallier la 6e légion de la
garde nationale dont il avait été destitué par le prince président. Les
renseignements glanés en chemin ne sont pas encourageants ; Forestier
préfère maintenant s’arranger à l’amiable que de se faire réinvestir du
commandement par Hugo devant la troupe. On se retrouvera chez Bonvalet, 29 bd du Temple, où rendez-vous a déjà
été fixé avec Michel de Bourges et
d’autres représentants. Quelques heures se passent en aller et venues, en
vaines tentatives. « Tout à coup, quelqu’un me poussa le bras, raconte
Hugo. C’était Léopold Duras, du National. - N’allez pas plus loin, me
dit-il tout bas. Le restaurant Bonvalet est investi. »
Vingt ans plus tard, à l’orée
de la Commune, le restaurateur Bonvalet, élu de Paris, s’efforcera avec le
poseur de papiers peints Héligon, membre
de l’Internationale, et Tolain, élus
eux aussi, de trouver un terrain d’entente entre l’Assemblée, qui siège
maintenant à Versailles, et le Comité Central de la Garde Nationale. Les
pourparlers ont lieu, bien sûr, au restaurant. Versailles refuse, rappelle ses
élus et le métallo Assi, président
du Comité Central se retrouve maître de Paris le 18 mars 1871.
Vers
le n°36 du bd du Temple, s’élevait de 1787 à 1847 le cabinet des Figures de Cire. Au premier frémissement
de la Révolution de 1789, c’est au milieu des théâtres que le peuple
s’assemble, pour prendre à l’établissement des figures de cire de l’Allemand
Curtius les bustes de Necker, le ministre disgracié, et du duc d’Orléans, qu’il
va porter en triomphe jusqu’aux Tuileries.
On applaudit sur le boulevard, à partir de 1760, les « grands
sauteurs et danseurs de corde » de la future Gaîté, et « les petits enfants » de l’Ambigu-Comique, troupes que
la du Barry fera venir, l’une et l’autre, devant le roi pour le distraire de
son humeur maussade ; les écuyers du Cirque-Olympique,
les prestidigitateurs des Délassements-Comiques,
familièrement abrégé en Délass’Com’. Ces
théâtres sont entremêlés de cafés.
A la
Révolution, la liberté des théâtres a permis à quelques-unes de ces salles de
se consacrer à l’art dramatique, avec bientôt un répertoire très spécifique. Le
Moine, de Lewis, est adapté
par Pixérécourt dès l’année suivant sa parution en Angleterre et connaît
quatre-vingts représentations à la Gaîté, en 1797, alors que le roman attendra
1840 pour être traduit. Les Pénitents noirs, d’Ann Radcliffe, qui eux bénéficieront
d’une traduction plus rapide, y ont été aussitôt joués. C’est boulevard du
Temple que la première génération romantique se met à l’école du fantastique
anglo-saxon.
La parade, devant les salles,
appelle les spectateurs à entrer ; elle a ses célébrités dont Bobêche, veste rouge, perruque de
filasse, bicorne gris au-dessus duquel un papillon vibre au bout d’une tige de
fil de fer. C’est sur le chemin de Charles
Nodier, qui habite 63 boulevard Beaumarchais en 1824, et en est si
fasciné que ses perpétuels retards au ministère de l’Instruction publique lui
valent une remontrance. Il avoue ses interminables stations devant les
tréteaux. « Monsieur, lui répond le ministre, vous voulez m’en imposer, je
ne vous y ai jamais vu. »
- 18, bd du Temple, PLU :
Immeuble Louis-Philippe présentant une façade composée de dix travées et de
quatre étages carrés sur rez-de-chaussée et entresol. Grande porte cochère en
plein cintre à imposte ajourée d'une grille en fonte englobant le niveau
d'entresol. Vantaux en bois conservés. Au-dessus de la porte, balcon soutenu
par des consoles desservant trois travées au premier étage. Balcon filant
devant les lucarnes. Corniche à modillons.
- Les
rues d’Angoulême (fils du comte d’Artois, donc neveu de Louis XVI, dernier
grand prieur du Temple (auj J.-P. Timbaud), de la Tour (auj. Rampon, où l’on
est passé précédemment), de Crussol, que l’on va croiser ensuite et qui porte
le nom du chevalier de Crussol (1743-1815), bailli du Temple, forment avec les
rues perpendiculaires de Malte et du Grand-Prieuré le maillage du lotissement de
la « Ville-Neuve d’Angoulême » que ledit Alexandre Charles Emmanuel
de Crussol a fait ouvrir dans les marais du Temple, dans les années 1780, pour
en améliorer les revenus. La rue Amelot portait le nom de Fossés du Temple.
-
cirque d’hiver, 110 rue Amelot, dû à Hittorf, en 1852, comme le cirque
d’été mais 10 ans après le premier. Le 27 avril 1902, une assemblée générale
des sociétaires de la Bellevilloise
y entend « les politiques » du Cercle des coopérateurs, Louis Héliès (1872-1932), ouvrier
mécanicien, député PS de 1924 à 1932, directeur du Magasin de gros des
coopératives, Prost, facteur des
Postes et Joseph Lauche, mécanicien,
socialiste dissident, député du 11e, dénoncer les
« pots-de-viniers » qui sont en train de couler la coopérative. Les
gérants indélicats sont reconduits de force à la porte et quelque peu bousculés
sur le terre-plein devant le cirque.
Le
1er mai 1931, manifestation interdite comme les précédentes, le PC et la CGT
ont appelé les grévistes à se rassembler ici. Un millier d’interpellations, à
ses abords, les en empêcheront.
L’année
suivante s’y tient le Congrès national
ouvrier et paysan contre la guerre, appelé par Henri Barbusse et Romain
Rolland, en prélude au congrès international d’Amsterdam, les 2 et 3
juillet 1932 avec comme invités Gaston Bergery et Jacques Doriot mais aucun
délégué de la Ligue communiste, qui s’en fait sortir manu militari. On ne fait
pas la paix avec tout le monde.
- 21, rue Oberkampf / 1, rue de
Malte, PLU : Maison d'angle d'origine du XVIIIe siècle transformée élevée
d'un étage carré sur rez-de-chaussée. Pan coupé à l'angle. Toiture à la
Mansart. Lucarnes.
- en face, 18, rue Oberkampf,
PLU : Immeuble d'habitation d'aspect fin XVIIIe-début XIXe non altéré.
Cheminée d’usine dans la cour.
-
domicile de Gérard Lorne, 22 rue
Oberkampf. Dans l’appartement de ce militant de la Voie communiste, qui a failli être le lieu d’une réunion
inter-willayas à l’été 1959, la police saisit le 30 septembre quarante-quatre
millions d’anciens francs appartenant au F.L.N.
- Baille-Lemaire, fabrique de jumelles, 26
rue Oberkampf. Baille, qui a créé sa fabrique dès 1847, s’est associé à son
gendre, Lemaire, en 1871. Dès 1869, un système de primes a été inauguré pour
les ouvriers présents dans l’entreprise depuis plus de 6 mois, et qui n’ont pas
perdu plus de 3 heures dans la semaine. Elle est égale à 5% du gain de la
semaine, à quoi s’ajoutent 5% versés à la caisse de retraite. A compter de
1885, une participation aux bénéfices
est instaurée qui, après 1892, se fera selon ces modalités: 1/3 des bénéfices
vont au capital, 1/3 à l’amortissement, 1/3 aux employés et ouvriers qui
comptent plus de 5 ans d’ancienneté. Ce tiers des bénéfices, réparti au prorata
des salaires, est versé pour les 2/3 en espèces et pour 1/3 à la caisse de
retraites. L’entreprise compte un pensionnat des apprentis, une caisse de
secours, une harmonie des ateliers, une union d’épargne.
[Une
centaine de maisons connues pratiquent la participation en France autour de
1900. Une société pour l’étude pratique de la participation du personnel dans
les bénéfices a été fondée en 1879, par Charles
Robert, directeur de l’Union (incendie), Alban Chaix, de l’imprimerie qui porte son nom, Alfred de Courcy, administrateur de la
Compagnie d’Assurances Générales, et Edouard
Goffinon, chef d’une entreprise d’hydraulique et d’électricité ; cette
société organisera deux congrès internationaux sur le sujet, en 1889 et en
1900 ; elle publie un bulletin. Le groupe d'économie sociale, lors de
l'Exposition universelle internationale de 1889, y consacrera une section. La
participation a commencé chez Leclaire, peintre en bâtiment, 11 rue
Saint-Georges, en 1842 (l’homme est né en 1801)]
- Le
Bataclan, construit en 1864 par l’architecte Charles Duval
(également celui du Grand-Café Parisien qui succéda au Vauxhall que rappelle la
Cité du Vauxhall donnant dans le bd de Magenta), tire son nom d’une
« chinoiserie musicale » d’Offenbach
et Halévy dont les personnages
s’appellent Fé-Ni-Han pour le
souverain, et Ko-Ko-Ri-Ko pour un
chinois dont on apprend qu’il est un Parisien né rue Mouffetard enlevé par des
chinois ; énorme succès en 1856, d’où une architecture de simili pagode.
En 1892, Paulus y tiendra la
vedette; puis spectacle de Buffalo Bill ;
on y verra Maurice Chevalier en
1910. La forme en pagode durera jusqu’en 1950.
- 48, rue Saint-Sébastien,
PLU : Maison datant du milieu du XVIIIe siècle donnant à l'arrière sur un
jardin. Façade composée de huit travées et de deux étages carrés sur
rez-de-chaussée. Toiture comprenant quatre lucarnes en bâtière. Escalier du
XVIIIe siècle à garde-corps à barreaux carrés et vide central. Elle figure sur
le plan de la censive de l'Archevêché.
- 56, rue Saint-Sébastien,
PLU : Grande maison à loyer fin XVIIIe caractéristique du premier
lotissement de la "Ville-Neuve d'Angoulème" par le marquis de
Crussol.
- Au sud du chemin de Ménilmontant qui est l’actuelle rue
Oberkampf, la rue s’appelait Popincourt parce qu’autour du manoir de Jean de
Popincourt, président du parlement de Paris de 1403 à 1413, s’était constitué
sous Charles VI, le hameau éponyme. Popincourt ne fait guère parler de lui
au siècle suivant que dans la mesure où les huguenots s’y réunissent, ce qui ne
leur est possible qu’en dehors de Paris. Il semble établi qu’en décembre 1560 un nommé Lestang prêche la
Réforme à Popincourt devant six mille personnes en dépit d’une pluie
battante et, le 26 février de l’année suivante, devant vingt-cinq mille, tous
chiffres sans commune mesure avec la population du hameau.
Deux
jours après « le vacarme de Saint-Médard », ainsi que l’on nomme les
exactions dont les protestants ont été victimes le 27 décembre 1561 au bas de
la rue Mouffetard, le connétable de
Montmorency les réitère à Popincourt en venant avec sa troupe y mettre à sac le
second des deux temples autorisés dans les faubourgs. Restauré après qu’un édit
a réaffirmé la légitimité de l’exercice du culte réformé à l’extérieur de la
ville, il est pourtant la cible d’une nouvelle expédition punitive de
Montmorency, qui fait cette fois un si grand bûcher des débris du saccage que
le feu s’en communique au temple qu’il réduit en cendres.
Sous
Louis XIII, alors que le hameau est devenu faubourg, rattaché à celui de
Saint-Antoine, s’établissent à Popincourt les annonciades du Saint-Esprit,
autour de leur chapelle qui deviendra l’église
Saint-Ambroise (le couvent, lui, périclite et les annonciades le vendent en
1781) et, à l’ouest de la folie de Régnault où se sont installés les jésuites,
les hospitalières de la Charité-Notre-Dame que l’on dira bientôt de la
Roquette.
Popincourt
est ce que le voit Paris-Atlas le
boulevard franchi : « Nous voici définitivement entrés dans le Paris
du travail, la ruche ouvrière des laborieuses abeilles (pourquoi faut-il qu’il
s’y mêle tant de nuisibles guêpes !) »
Le 6
janvier 1902 sera découvert, rue des Haies, un véritable arsenal, nécessaire à
régler le différend qui opposait la
bande des Popincourt, commandée par Leca,
à celle des Orteaux, dirigée par Manda (de son vrai nom Joseph Pleigneur), à
propos de Casque d’or. C’est pour en
qualifier les membres que le journaliste Arthur Dupin lança le mot d’apaches.
- Le
Livre commode des adresses de Paris pour 1692, d’Abraham du Pradel,
« philosophe et mathématicien », recommande les « baignoires et
étuves vaporeuses de nouvelle invention qui se tiennent en jardin médicinal de
Pincourt [ainsi que l’on désigne le plus communément Popincourt], entre la
porte Saint-Louis et la porte Saint-Antoine ». Il s’émerveille de la
pension pour les malades, « au milieu de cette grande et belle rue, [à
l’actuel n° 20 de la rue de la Folie-Méricourt] à l’opposite du cours
planté sur le rempart, dont elle n’est séparée que par de vastes marais bien
cultivés, ce qui forme le plus bel aspect du monde. Outre la face et les deux
ailes du principal corps de logis, il y a encore au bout d’un grand jardin
au-dessus d’une haute terrasse en parterre, un pavillon de Belvédère, d’où l’on
découvre de tous côtés des vignobles, des plaines, des collines, des jardins et
des maisons de plaisance ». Il vante enfin la bibliothèque « qui est
ouverte seulement les dimanches après vêpres, en faveur des médecins, des
chirurgiens et des apothicaires artistes, qui confèrent en même temps sur les
nouvelles découvertes qui se font dans les sciences naturelles et dans les arts
qui en dépendent ».
Il
se trouve qu’Abraham du Pradel est le pseudonyme de Nicolas de Blégny,
propriétaire de la pension, de la bibliothèque et du jardin médicinal, qui ne
saurait être mieux servi que par lui-même.
Au
n° 22, la voie privée a été rebaptisée villa Nicolas de Blégny en 1997.
Au
18ème siècle, le duc de Fronsac, fils du maréchal de Richelieu, a
fait sa « petite maison » dans l’ancienne propriété de Blégny, dotée
naturellement d’un théâtre, qu’on a connu comme la « Comédie bourgeoise de
Popincourt ».
- 38,
Folie-Méricourt, on aperçoit un jardin au-delà de la grille, qui nous évoque un
peu le Popincourt de Nicolas de Blégny.
- 112, bd Richard Lenoir,
PLU : Immeuble d'angle élevé en 1889 par l'architecte Emile Pouget
présentant une remarquable composition néo-Louis XVI des façades
caractéristique de l'architecture commerciale de la seconde moitié du XIXe
siècle.
- 14, rue Ternaux /1-9, rue du
Marché Popincourt. PLU : Ensemble de la fondation Rothschild, 1904, Nénot,
architecte-conseil, Rey et Provensal, chargés des dessins et études ; 74
logements, du studio au 3 pièces ; peu de services communs. Son architecte
Augustin Rey promoteur du concept de « cour ouverte » élève, entre
les rues Bargue et Mathurin-Régnier, dans le 15e, un ensemble qui
est l’une des premières applications parisiennes des redans séparés par des
squares. A l’intérieur, les murs des cages d'escalier sont recouverts, jusqu'à
mi-hauteur, de carreaux de céramique blanche émaillée carreaux-métro, de Gentil
et Bourdet.
-
l’avenue de la République, ouverte en 1892, remplace alors la rue de la
Roquette comme voie de la montée au Père-Lachaise.
- 90, av Parmentier, PLU :
Immeuble de logement construit en 1909 par l'architecte Xavier Schoellkopf.
L'immeuble exploite pleinement sa situation en angle sur un carrefour et offre
une interprétation assagie du style Art Nouveau.
- Piat et ses fils, 85 et 87 rue
Saint-Maur (immeuble neuf aujourd’hui), métallurgie (usines à Soissons et
Roubaix également). Depuis 1881, 10% des bénéfices sont attribués à la
participation, réservée aux ouvriers présents depuis plus de 5 ans ; la
répartition est proportionnelle aux salaires, versée pour moitié en espèces et
pour moitié à la Caisse nationale des retraites, au nom du titulaire, à capital
réservé.
Une
société de secours mutuels, fondée en 1850, donne droit, outre les soins
médicaux et pharmaceutiques, à une retraite annuelle de 200 Frs, complétée à
360 Frs par la maison. Une caisse de prévoyance vient en aide aux sociétaires
qui ont épuisé leurs 9 mois de secours accordés par la société de secours
mutuels. L’établissement parisien compte une harmonie et une bibliothèque.
Pour
ce qui est de la participation, trois entreprises du 11ème la
pratiquent en 1906, sur une cinquantaine de sociétés parisiennes recensées par
la société citée plus haut, dont un gros tiers sont des compagnies d’assurances.
- Au
83, le bâtiment où se trouve le garage Jemmapes ne manque pas d’allure.
Le
81, était l’adresse, en 1906, de la coopérative de production des facteurs en
instruments de musique.
- 79, av de la République,
PLU : Ecole Supérieure de Commerce
de Paris construite en 1898 par les architectes Joanny Bernard et Emile
Robert. Elle présente sur rue une façade en pierre de taille composée d'un arrière-corps
central d'un niveau sur rez-de-chaussée et de deux ailes massives en retour. Elle présente surtout, au haut de son aile droite, dans l'axe de la rue Servan, en guise de Liberté, Egalité, Fraternité, trop banales, cette magnifique devise : "Colonies", "Exportation" ! La
dimension des baies permet un éclairage optimal des salles de cours.
Architecture caractéristique de la monumentalité et du rationalisme affichés
par les équipements d'enseignement sous la Troisième République.
- 52, rue Servan, PLU :
Immeuble d'activité vers 1900 présentant une façade traitée dans le goût
pittoresque en meulière, rythmée par de grandes baies d'atelier, et composée
d'un étage sur rez-de-chaussée. Toiture en bâtière.
- 44, rue Servan, PLU :
Immeuble de rapport du début du XXe siècle présentant un décor troubadour.
Façade de quatre travées et cinq étages carrés sur rez-de-chaussée animée par
deux bow-windows. Porte surmontée d'un décor sculpté néo-médiéval.
- 42, rue Servan, PLU :
Pavillon et magasin construit en 1885 par l'architecte Etienne-François Billot,
disciple de Train aux Beaux-Arts. Façade présentant un jeu de brique décoratif.
A gauche de la façade, porte cochère ornée d'une clef saillante. Au milieu de
la façade, porte en pierre encadrée par deux pilastres cannelés soutenant un
fronton en arc de cercle.
- Hôpital des métallurgistes, polyclinique des bleuets, 9 rue des Bleuets.
Ouverte en novembre 1938 par la CGT métaux ; 1 maternité ouverte en 1947;
1 antenne chirurgicale, 1 cabinet dentaire. En 1952, le docteur Lamaze y ramène
d’URSS « l’accouchement sans douleur », qu’il a découvert à plus de
60 ans, et la clinique restera en pointe dans ce domaine. En 1956, on obtient
le remboursement par la Sécurité Sociale de 6 séances de préparation à
l’accouchement. (Le nouveau site des Bluets, au 4/6 rue Lasson dans le 12ème,
reste un établissement de Santé Privé et d’Intérêt collectif du secteur non-lucratif,
géré par l’Association Loi de 1901 Ambroise Croizat.)
- arrière
de Sup de Co municipale, 1898 ;
sur Jean-Aicard, bâtiment moderne et transition ; arrière sur impasse
Gaudelet, en brique d’allure industrielle.
- l’Union ouvrière du 11e, 19-21 rue
Moret (la rue est ouverte en 1853). Créée en 1871, cette coopérative de
consommation, la plus importante de l’arrondissement après la fin de la
Moissonneuse, compte 1 200 sociétaires dans les années 1900.
- Bariquand, 127 rue Oberkampf. Sont
aussi au 97 Oberkampf quand, en
1901, ils font construire 13 impasse
Gaudelet. C’est la plus importante firme de machines-outils française. Elle
est déjà Bariquand et Mare quand les frères Wilbur et Orville Wright (qui ont
effectué leur 1er vol en 1903, et qui sont conseillés par l’ingénieur Chanute,
un Français naturalisé américain, qui mourra à Chicago) y font leur première
visite le 6 novembre 1907. Le moteur qui en sortit est au musée de l’air. Au
Cnam, on conserve le mètre étalon que l’entreprise manufactura en 1931. En
Corée, au Japon, on dit une « parikkang » (nom de marque devenu nom
commun, et avec l’accent) pour une machine à coudre, Bariquand y ayant
longtemps dominé le marché. L’entreprise faisait aussi des tondeuses mécaniques
à cheveux.
- 5
cité Griset et 123 rue Oberkampf, la
Fonderie de cuivre d’Antoine-Alexandre Griset. De ses 1 870 m2 de
fonderie et de laminoirs, installés là dès 1825, il ne reste que Griset Métaux
gravé au linteau du porche, et le nom du manufacturier donné à la cité.
Au
fond de ladite cité Griset, on jouxte l’impasse de la Baleine, où est inaugurée
le 2 mai 1937, comme annexe de la maison
des métallos, l’école de rééducation et de formation professionnelle pour
les chômeurs (70 étaux, 20 machines). Ils continuent à toucher leur indemnité
de chômage mais sont dispensés de pointage. En 1,5 ans, 400 élèves sont
rééduqué et placés. Cette expérience contribuera à la création de l’AFPA,
l’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes.
- 96
et 98, Oberkampf (coin Cité de l’Industrie), PLU ; caractéristiques de
l’ancien faubourg du 19ème siècle : au 98, porte cochère
englobant les 2 premiers niveaux et desservant à l’arrière une ancienne cour
d’activité.
- en face, n° 109, Café Charbon, PLU : ancien
commerce de "Vins Charbons Liqueurs", typique des bistrots auvergnats
qui fleurissaient dans l'arrondissement à cette époque.
-101-103 de l’autre côté de la
rue Saint-Maur, PLU, Maisons caractéristiques de l'ancien faubourg au XIXe
siècle. Au n°101, façade sur rue composée de trois travées et de quatre étages
carrés sur rez-de-chaussée, surmontée d'un fronton triangulaire. Au n°103,
façade sur rue composée de deux étages carrés sur rez-de-chaussée. Plusieurs
lucarnes en bâtière.
Une coopérative de production, celle
des Coiffeurs de France, était 102,
rue Saint-Maur (à l’angle de la rue Oberkampf) en 1906.
A
propos du Café Charbon, les Auvergnats de Paris, d’abord peigneurs de chanvre,
ont été suivis par les mariniers qui descendaient l'Allier et le canal de
Briare pour vendre sur les quais de la Seine le charbon de Brassac, qu'ils avaient
transporté dans leurs bateaux « jetables » débités en planches à l’arrivée.
Bougnat est l’abréviation de charbonnier.