Le réseau
routier tracé à travers le bois de Vincennes, son éclairage électrique, sont
des vestiges de l’Exposition coloniale de Paris de 1931. En dépit des tracts du
Secours rouge international, en dépit de ceux que distribuent les
surréalistes : « Ne visitez pas l’Exposition coloniale » :
- « La
présence sur l’estrade inaugurale de l’Exposition Coloniale du Président de la
République, de l’Empereur d’Annam, du Cardinal Archevêque de Paris et de
plusieurs gouverneurs et soudards, en face du pavillon des missionnaires, de
ceux de Citroën et Renault, exprime clairement la complicité de la
bourgeoisie tout entière dans la naissance du concept nouveau et
particulièrement intolérable : la « Grande France ». C’est pour implanter ce
concept-escroquerie que l’on a bâti les pavillons de l’Exposition de Vincennes.
Il s’agit de donner aux citoyens de la métropole la conscience de propriétaires
qu’il leur faudra pour entendre sans broncher l’écho des fusillades lointaines.
Il s’agit d’annexer au fin paysage de France, déjà très relevé avant-guerre par
une chanson sur la cabane-bambou, une perspective de minarets et de pagodes. A
propos, on a pas oublié la belle affiche de recrutement de l’armée coloniale :
une vie facile, des négresses à gros nénés, le sous- officier très élégant dans
son complet de toile se promène en pousse-pousse, traîné par l’homme du pays –
l’aventure, l’avancement.
Rien n’est
d’ailleurs épargné pour la publicité : un souverain indigène en personne
viendra battre la grosse caisse à la porte de ces palais en carton pâte. La
foire est internationale, et voilà comment le fait colonial, fait européen
comme disait le discours d’ouverture, devient fait acquis. N’en déplaise au
scandaleux Parti Socialiste et à la jésuitique Ligue des Droits de l’Homme, il serait
un peu fort que nous distinguions entre la bonne et la mauvaise façon de
coloniser. » André Breton, Paul Éluard, Benjamin Péret, Georges Sadoul,
Pierre Unik, André Thirion, René Crevel, Aragon, René Char, Maxime Alexandre,
Yves Tanguy, Georges Malkine. -
Malgré l’action de la CGTU et d’une Ligue
contre l’oppression coloniale que préside Albert Einstein, plus de cinq cent
mille visiteurs, en six mois, vont visiter cette exposition que le ministre des
Colonies, Paul Reynaud, a inaugurée en affirmant que « l’idée coloniale
doit désormais faire partie intégrante de l’idée de citoyen ».
« La
vérité sur les colonies », la contre-expo organisée par la CGTU et
Einstein dans l’ancien pavillon soviétique de l’exposition des Arts Déco de
1925, n’en accueillera, du 19 septembre au 2 décembre, que quatre mille
cinq cents. S’en est-on consolé en se disant que les gens allaient à Vincennes
surtout pour le Parc zoologique, qui vit affluer cinquante mille visiteurs dès
le premier dimanche ? Un zoo strictement colonial, lui aussi, réservé à la
faune de nos territoires africains, donc sans tigres, ces félins-là appartenant
à la couronne britannique.
L’immense
rocher artificiel de près de soixante-dix mètres de haut nous vient de l’Expo
de 1931, comme le Temple bouddhique installé dans les anciens pavillons du Togo et du Cameroun (au 40, route circulaire du lac Daumesnil), comme, bien sûr, ce bâtiment, construit à partir de 1928 par les architectes Léon
Jaussely et Albert Laprade, assistés de Léon Bazin, et inauguré en mai 1931
pour l'Expo. Seul pavillon construit en matériaux durables (moellons et béton
armé), il était destiné à devenir le "Palais permanent des
Colonies" ; il sera le musée de la France d’outre-mer en 1935,
le musée des Arts d’Afrique et d’Océanie à compter de 1960, où demeure le « salon
de Lyautey », commissaire général de l’Exposition, enfin Cité nationale de l’histoire de l’Immigration. La façade
est ornée d'un immense bas-relief en pierre, signé d'Alfred Janniot, évoquant
les richesses des colonies françaises d'Afrique, d'Asie et d'Océanie. Des
éléments de la décoration du palais sont dus aux peintres Pierre Ducos de la
Haille, André-Hubert Lemaître, Hivannah Lemaître et Louis Bouquet ; aux
ferronniers d'art Edgar Brandt, Raymond Subes et Jean Prouvé (grille d'entrée
en fer forgé) . Les ensembles mobiliers sont dus à Eugène Printz et à Emile-Jacques
Ruhlmann. Au sous-sol, l'aquarium tropical est un témoin de la présentation
d'origine.
La statue dorée d’Athéna ou, plus exactement, de La France apportant la paix et la prospérité
aux colonies, de Léon-Ernest Drivier, un élève de Rodin, fait partie du même
lot.
On retourne vers le centre de
Paris par l’avenue Daumesnil, ouverte d’ici à la place Félix Éboué en 1862, sur
l’ancien chemin des Passe-Putains autrement dit celui de Saint-Maur dont, à la
porte de Picpus, une branche nord remontait sur Saint-Mandé. On met ici nos
pieds dans les pas de Fouquet, des Trois Mousquetaires et de leur
quatrième, d’Artagnan ; de Molière, de La Fontaine, poète officiel du
surintendant des finances, pensionné pour lui livrer une brassée de poèmes à
chaque changement de saison, et de tant d’autres qui le foulèrent de 1654 à
1661.
Fouquet, « l’écureuil », comme il s’est voulu
(il a choisi l’animal comme emblème avec cette devise Quo non ascendet : Où ne montera-t-il pas ?), n’était pas
sans rapport avec le fait colonial : en 1658, il avait acheté Belle-Île,
en avait restauré les murailles, y avait fait bâtir un port, des magasins et
des entrepôts, pour en faire la base d’une dizaine de navires destinés au
« commerce de Cadix » et des Indes. Fouquet était ainsi l’un des
premiers armateurs du royaume.
Depuis 1654, il était le propriétaire, à Saint-Mandé, de
l’ancienne demeure de Cateau la Borgnesse, femme de chambre d'Anne d'Autriche, qui
avait déniaisé le jeune Louis XIV (et dont il nous reste l’hôtel du 68, rue
François-Miron). Il en avait fait une préfiguration de la magnificence à venir
à Vaux-le-Vicomte.
Le vicomte de
Bragelonne, de Dumas père, nous rend visibles ces passants d’il y a trois siècles
et demi, dont un Molière qui, chez le tailleur Percerin où il a rendez-vous avec Aramis, a été pris par Porthos, désormais baron du Vallon, pour l'un des garçons de la maison. Il trouvera dans les manières de Porthos la matière de son bourgeois-gentilhomme :
« Aramis alla droit à
Porthos, lui présenta sa main fine et blanche, qui alla s’engloutir dans la
main gigantesque de son vieil ami, opération qu’Aramis ne risquait jamais sans
une espèce d’inquiétude. Mais, la pression amicale s’étant accomplie sans trop
de souffrance, l’évêque de Vannes se retourna du côté de Molière.
– Eh bien, Monsieur, lui dit-il,
viendrez-vous avec moi à Saint-Mandé ?
– J’irai partout où vous voudrez,
Monseigneur, répondit Molière.
– À Saint-Mandé ! s’écria
Porthos, surpris de voir ainsi le fier évêque de Vannes en familiarité avec un
garçon tailleur. Quoi ! Aramis, vous emmenez Monsieur à Saint-Mandé ?
– Oui, dit Aramis en souriant, le
temps presse.
– Et puis, mon cher Porthos,
continua d’Artagnan, M. Molière n’est pas tout à fait ce qu’il paraît être.
– Comment ? demanda Porthos.
– Oui, Monsieur est un des
premiers commis de maître Percerin, il est attendu à Saint-Mandé pour essayer
aux épicuriens les habits de fête qui ont été commandés par M. Fouquet.
– C’est justement cela, dit
Molière. Oui, Monsieur.
– Venez donc, mon cher monsieur
Molière, dit Aramis, si toutefois vous avez fini avec M. du Vallon.
– Nous avons fini, répliqua
Porthos.
– Et vous êtes satisfait ?
demanda d’Artagnan.
– Complètement satisfait,
répondit Porthos. (…)
L’évêque de Vannes, fort marri
d’avoir rencontré d’Artagnan chez maître Percerin, revint d’assez mauvaise
humeur à Saint-Mandé.
Molière, au contraire, tout
enchanté d’avoir trouvé un si bon croquis à faire, et de savoir où retrouver
l’original, quand du croquis il voudrait faire un tableau, Molière y rentra de
la plus joyeuse humeur.
Tout le premier étage, du côté
gauche, était occupé par les épicuriens les plus célèbres dans Paris et les
plus familiers dans la maison, employés chacun dans son compartiment, comme des
abeilles dans leurs alvéoles, à produire un miel destiné au gâteau royal que M.
Fouquet comptait servir à Sa Majesté Louis XIV pendant la fête de Vaux.
Pélisson, la tête dans sa main,
creusait les fondations du prologue des Fâcheux, comédie en trois actes, que
devait faire représenter Poquelin de Molière, comme disait d’Artagnan, et
Coquelin de Volière, comme disait Porthos.
Loret, dans toute la naïveté de
son état de gazetier – les gazetiers de tout temps ont été naïfs – Loret
composait le récit des fêtes de Vaux avant que ces fêtes eussent eu lieu.
La Fontaine vaguait au milieu des
uns et des autres, ombre égarée, distraite, gênante, insupportable, qui
bourdonnait et susurrait à l’épaule de chacun mille inepties poétiques. Il gêna
tant de fois Pélisson, que celui-ci, relevant la tête avec humeur :
– Au moins, La Fontaine, dit-il,
cueillez-moi une rime, puisque vous dites que vous vous promenez dans les
jardins du Parnasse.
– Quelle rime voulez-vous ?
demanda le fablier, comme l’appelait madame de Sévigné.
– Je veux une rime à lumière.
– Ornière, répondit La Fontaine.
– Eh ! mon cher ami,
impossible de parler d’ornières quand on vante les délices de Vaux, dit Loret.
– D’ailleurs, cela ne rime pas,
répondit Pélisson.
– Comment ! cela ne rime
pas ? s’écria La Fontaine surpris.
– Oui, vous avez une détestable
habitude, mon cher ; habitude qui vous empêchera toujours d’être un poëte
de premier ordre. Vous rimez lâchement !
– Oh ! oh ! vous
trouvez, Pélisson ?
– Eh ! oui, mon cher, je
trouve. Rappelez-vous qu’une rime n’est jamais bonne tant qu’il s’en peut
trouver une meilleure.
– Alors, je n’écrirai plus jamais
qu’en prose, dit La Fontaine, qui avait pris au sérieux le reproche de
Pélisson. Ah ! je m’en étais souvent douté, que je n’étais qu’un maraud de
poëte ! Oui, c’est la vérité pure.
– Ne dites pas cela, mon
cher ; vous devenez trop exclusif, et vous avez du bon dans vos fables.
– Et pour commencer, continua La
Fontaine poursuivant son idée, je vais brûler une centaine de vers que je
venais de faire.
– Où sont-ils, vos vers ?
– Dans ma tête.
– Eh bien, s’ils sont dans votre
tête, vous ne pouvez pas les brûler ?
– C’est vrai, dit La Fontaine. Si
je ne les brûle pas, cependant...
– Eh bien, qu’arrivera-t-il si
vous ne les brûlez pas ?
– Il arrivera qu’ils me resteront
dans l’esprit, et que je ne les oublierai jamais.
– Diable ! fit Loret, voilà
qui est dangereux ; on en devient fou !
– Diable, diable, diable !
comment faire ? répéta La Fontaine.
– J’ai trouvé un moyen, moi, dit
Molière, qui venait d’entrer sur les derniers mots.
– Lequel ?
– Écrivez-les d’abord, et
brûlez-les ensuite.
– Comme c’est simple ! Eh
bien, je n’eusse jamais inventé cela. Qu’il a d’esprit, ce diable de
Molière ! dit La Fontaine… »
- 275 av Daumesnil, restaurant
de la porte Dorée où, le 30 mai 1896, après les municipales, un banquet
socialiste réunit toutes les tendances à l’exception des allémanistes : Combes,
Camélinat, Reclus, Guesde, Brousse, Vaillant, Jaurès, Sembat, Millerand,
Viviani…Alexandre Millerand y définit un passage par étapes au socialisme, et
il prend l’exemple des raffineries de sucre (Say, dans le 13e voisin,
compte 2 000 ouvriers) comme celui d’une industrie suffisamment concentrée et
« mûre dès à présent pour l’appropriation sociale ».
Au dessert, Jean Jaurès demande à
Clovis Hugues, fils d’un meunier provençal, député socialiste de Marseille de
1881 à 1885, de Paris depuis 1893, un poème. Clovis Hugues dit alors ce Droit
au Bonheur, écrit dans la prison de Tours en novembre 1872, qui
inaugure ici sa présence obligée à tout banquet socialiste :
« Quand on leur dit : - J’ai sans relâche,
Dès l’appel du coq matinal,
Largement accompli ma tâche
Dans le grand œuvre social;
Mais, voilà que ma tête blanche
Se refroidit et qu’elle penche
Comme un fruit qu’a mûri l’été! -
Ils vous répondent : - Prends courage!
Ton bras se refuse à l’ouvrage;
Nous te ferons la charité! –
Dès l’appel du coq matinal,
Largement accompli ma tâche
Dans le grand œuvre social;
Mais, voilà que ma tête blanche
Se refroidit et qu’elle penche
Comme un fruit qu’a mûri l’été! -
Ils vous répondent : - Prends courage!
Ton bras se refuse à l’ouvrage;
Nous te ferons la charité! –
(…)
Qui donc a lu dans les étoiles
Que, sans jamais se reposer,
Le vent doit déchirer nos voiles
Et sur les écueils nous
briser ?
Qu’il faut la tempête à notre
onde ?
Qu’il est des êtres dans le monde
Marqués au front pour le malheur,
Et qu’au moment où sur la terre,
On boit le bonheur à plein verre,
Nous n’avons pas droit au
bonheur ?
(…)
Au soleil chacun a sa
place ;
Le manteau d’un heureux qui passe
Offense notre nudité ;
La terre est la commune
mère ;
Et faire l’aumône à son frère,
C’est nier la fraternité !
(…)
A quoi bon pour la République
Tomber comme un héros antique
Dans le roulement des tambours,
Si la charité s’éternise,
S’il n’est plus de terre promise,
Et s’il est des pauvres toujours
?
(…)
Nous voulons aimer, chanter, vivre,
Vider les coupes de l’espoir,
Apprendre à lire dans le livre
De la Science et du Devoir ;
Et nous voulons, si nos épouses
Ont rêvé de rendre jalouses
Les étoiles du firmament,
Que, dans le reflet des dentelles,
S’illuminent aussi pour elles
Des couronnes de diamants !»
Vider les coupes de l’espoir,
Apprendre à lire dans le livre
De la Science et du Devoir ;
Et nous voulons, si nos épouses
Ont rêvé de rendre jalouses
Les étoiles du firmament,
Que, dans le reflet des dentelles,
S’illuminent aussi pour elles
Des couronnes de diamants !»
Cinq jours
plus tôt s’est clos à Reims un Congrès démocratique chrétien qui ouvre pour la
première fois la perspective politique et électorale, et pour cela sa
transformation en parti, au mouvement ouvrier chrétien. Le pape Léon XIII y a
envoyé ce message : « Vers la fin de la présente année, le jour même
de la nativité de notre Seigneur, la France catholique se prépare à célébrer,
dans la joie et l’espérance, l’anniversaire d’un grand évènement. Quatorze
siècles, en effet, se sont écoulés depuis que le roi des Francs, Clovis, cédant
aux inspirations de la Divine Providence, abjura le vain culte des faux dieux,
embrassa la foi chrétienne, et fut purifié et régénéré dans l’eau sainte du
baptême. Grande et solennelle fut cette cérémonie, accomplie dans l’Église métropolitaine
de Reims, alors qu’imitant le Roi des Francs, ses deux sœurs et trois mille
guerriers reçurent la même grâce des mains du saint pontife Rémi […]. C’est
dans ce baptême mémorable de Clovis que la France a été elle-même comme
baptisée ; c’est de là que date le commencement de sa grandeur et de sa
gloire à travers les siècles. C’est donc à bon droit que, sous la vive et
puissante impulsion de notre cher fils, Benoît-Marie Langénieux, archevêque de
Reims, des solennités extraordinaires se préparent pour célébrer la mémoire
d’un si heureux évènement […]. Pour nous, qui désirons, autant qu’il est en
notre pouvoir, rehausser l’éclat de ces solennités et en augmenter les fruits
pour les âmes, il nous plaît dans le Seigneur d’ouvrir extraordinairement le
trésor des sacrées indulgences. C’est pourquoi, par la miséricorde du Dieu
tout-puissant, appuyé sur l’autorité des bienheureux princes des apôtres, nous
accordons en forme de jubilé, une indulgence plénière et la rémission de leurs
péchés à tous les fidèles de France ».
Clovis Hugues propose la riposte des Lumières contre l’éteignoir :
des feux de joie dans lesquels on brûlera des éteignoirs symboliques, cônes de
carton au bout d’une baguette, en réclamant à nouveau la séparation de l’Église
et de l’État. Une procession partie du canal Saint-Martin fera ainsi la fête
toute la nuit aux Buttes Chaumont au son de la Carmagnole.
Le plan originel: 2 escaliers accolés, R+2 |
- 199, av Daumesnil, PLU : Pavillon réalisé par
l'architecte Joseph Bourdeix en 1879 (daté et signé), en pierre et brique,
adossé en limite parcellaire, avec un petit jardin en façade. Librement inspiré
du style Louis XIII et de l'architecture baroque, il présente de nombreux
éléments décoratifs, ferronnerie, modénatures d'angle et de fenêtres ainsi
qu'une tourelle centrale datant de la fin du XIXe siècle. C'est une des
premières maisons édifiées autour de la place Félix Eboué. Malheureusement,
elle est en partie occultée par un petit bâtiment de qualité médiocre,
récemment construit, qui est placé devant elle.
- place Félix Eboué, barrière de Reuilly du mur des
Fermiers généraux. La fontaine de Davioud, érigée place de la République en
1874, est arrivée là en 1882. Au n°6 de la place (angle rue Claude Decaen)
PLU : Immeuble de rapport bourgeois en pierre de taille, construit en 1904
par l'architecte Achille Champy assisté du sculpteur Depois de Folleville.
Richement décoré, il mêle références au style historique et influence de l'Art
Nouveau, notamment dans le travail de ferronnerie et des motifs sculptés.
Station de métro Félix Eboué : Accès à la station du métro, dessiné en
1900 par l'architecte Hector Guimard pour la Compagnie générale du
Métropolitain de Paris. La station est située sur la ligne 6 du métro,
inaugurée en 1909. L'arrêté de protection porte sur l'ensemble des réalisations
subsistantes de Guimard pour le métro.
- 186 Daumesnil, inscrite MH : Eglise construite de 1928 à 1935 par l'architecte Paul
Tournon. Le plan de l'édifice s'inspire de celui de Sainte-Sophie à Istanbul.
Il est réalisé en béton armé sur les plans de l'entreprise de François
Hennebique, avec un revêtement de briques rouges de Bourgogne. Coupole à 33 mètres
de hauteur, et de 22 mètres de diamètre. Vaste crypte. Le programme décoratif
retrace l'histoire de l'église militante puis triomphante, du 2e au 20e siècle,
et fait appel aux Ateliers d'Art Sacré, composés des artistes suivants :
Maurice Denis, Georges Desvallières, Nicolas Untersteller et Elizabeth Branly
pour la peinture murale et la fresque ; Carlo Sarrabezolles pour la sculpture ;
Louis Barillet, Paul Louzier et Jean Herbert-Stevens pour les vitraux ; Raymond
Subes pour la ferronnerie ; Marcel Imbs pour la mosaïque et les cartons des
vitraux de la crypte.
- 10, rue de la Brèche aux Loups – 67, rue des Meuniers,
PLU : Immeuble de rapport construit par l'architecte Louis Bonnier en
1912-1913 (bien que signé de son fils Jacques Bonnier qui lui servit
d'assistant sur ce chantier à sa sortie des Beaux-Arts). Le commanditaire est
un cousin ami des Bonnier, Jules Cuisinier. Cette "maison à petits
loyers" est composée de logements d'une ou deux pièces et cabinet. La
façade est très subtilement dessinée avec des avancées en pointe pour les
fenêtres des pièces de service, qui forme une série verticale couronnée au
sixième étage par une succession d'arrondis sur pans coupés d'un très beau
mouvement en forme de vague. Les balcons sont soutenus par des fers et des
voûtains de brique qui reprennent, perpendiculairement à la façade, le
mouvement d'ondulation du couronnement. Le calepinage des briques, leur
couleur, illustrent le parti constructif. La porte d'entrée est un exemple rare
d'utilisation de tôle noire et de dalles de verre. Elle est surmontée par une
corniche qu'agrémente une frise de mosaïque polychrome.
Rue de Charenton, on met
maintenant nos pas dans ceux des réformés. L’édit de Nantes de 1598 a repoussé
l’exercice de leur culte à cinq lieues, Henri IV leur accorde néanmoins
Charenton, qui n’est qu’à deux lieues. Dès 1607, un temple y est construit par
Jacques II Androuet du Cerceau, l’architecte, avec Louis Métezeau, du
nouveau Louvre du roi. Il est flanqué d’un cimetière, et passent aussi sur
cette route les morts que l’on porte en terre comme y oblige le même
édit : de nuit, sans cortège et sous la surveillance d’un archer du guet.
Il suffit pourtant que le duc de Mayenne, frère du duc de
Guise et son successeur à la tête de la Ligue, ait été tué au siège de
Montauban, pour que des huguenots revenant de Charenton soient attaqués au
faubourg Saint-Antoine, le 26 septembre 1621. Le lendemain, leurs agresseurs
partent en nombre vers leur temple pour y mettre le feu. Le temple est
reconstruit, agrandi, par Salomon de Brosse. Les voyageurs hollandais De
Villers qui, le 28 janvier 1657, vont y entendre prêcher Jean d’Aillé, y
trouvent « autant de monde qu’à notre Cloosterkerck à La Haye. La plupart
des gens de condition de notre religion, venant à Paris ou pour affaires ou
pour faire leur Cour, en augmente le nombre ». Ce flot ne tarira pas avant
qu’en 1685 l’édit de Nantes soit révoqué, et le temple aussitôt détruit pierre
à pierre.
- 256, rue de Charenton, PLU : Deux anciennes maisons
de faubourg, implantées sur une petite parcelle triangulaire, ayant conservé en
bonne partie leur façade en plâtre avec moulure en refends horizontaux au
premier étage.
- 223 – 225, rue de Charenton, PLU : Ensemble
d'habitation remarquable et unique dans le 12e arrondissement pour sa cour
pavée entourée par une série de six bâtiments identiques adossés aux limites de
la parcelle, datant du milieu du XIXe siècle. Chaque bâtiment comporte un
escalier double avec perron, un socle en maçonnerie et une façade en plâtre
(quatre niveaux), rehaussée de fines modénatures à tous les étages et de
persiennes à chaque fenêtre.
- 213 - 215 rue de Charenton / bd de Reuilly, PLU :
Immeuble de rapport à usage mixte édifié vers 1900 à l'angle du boulevard de
Reuilly et de la rue de Charenton. Façade en pierre de taille richement ornée
(bow-windows, chaînes de refends, consoles des appuis de fenêtres).
Rez-de-chaussée et entresol réservé à l'activité commerciale. Angle à pan coupé
surmonté d'une coupole à couverture d'ardoise et d'une lanterne.
Par la rue Dugommier, on arrive face à la gare de Reuilly
(185, av Daumesnil) du chemin de fer de Vincennes et de la Varenne-Saint-Maur
appartenant à la compagnie de l’Est. Le viaduc a été livré à l’exploitation le
22 septembre 1859, avec pour 1ère station Bel Air, alors hors les
murs ; la gare de Reuilly ouverte le 31 mars 1877 et avancée au bord de
l’avenue en 1899. Un train à impériale part de la Bastille pour « Nogent
Eldorado du dimanche », comme l’exprimait Marcel Carné dans son documentaire de
1929, où les filles sont belles sous les tonnelles quand on y boit le petit vin
blanc. En 1952 encore, on ira à Joinville-le-pont, pon, pon, guincher chez
Gégène avec Roger Pierre. La ligne est aussi l’un des moyens d’accéder à la
Fête de l’Huma qui, de 1945 à 1956, se tient au bois de Vincennes. La gare de
Reuilly est restée en service jusqu’en 1985 pour l’activité marchandises qui se
faisait par la petite ceinture. C’est à présent la maison des associations. (On
redescend sur la rue de Charenton par la rue Dubruneaut)
- 199-201, rue de Charenton, PLU : Immeuble de
rapport construit en 1911 par l'architecte Raoul Brandon et le sculpteur Alexandre
Morlon. Il compte six étages et est composé de trois corps de bâtiment. L'immeuble
remporta le prix du concours des façades de la Ville de Paris. Le jury estima
que "la façade attirait les regards par la recherche des motifs variés et
aussi par la finesse et la belle venue de sa décoration sculpturale". La
façade est animée par deux bow-windows latéraux, que supportent quatre atlantes
engainés. Ces sculptures représentent, sous une forme allégorique, des
travailleurs, reconnaissables à leurs outils : un mineur, un paysan, un artisan
et un marin. Deux pignons couronnant les bow-windows affirment les lignes verticales.
Le rythme horizontal est marqué par deux balcons au deuxième et au cinquième étage, ainsi que par des loggias
au cinquième. Des guirlandes de fleurs et de raisins s'épanouissent autour des
balcons. Les ferronneries, réalisées par Edgar Brandt, sont inspirées par des
motifs végétaux, en particulier celles de la porte d'entrée, ornées de pommes
et d'aiguilles de pin.
- en face, au n°228, un portail rappelle « J. C. Laiterie de la Brie », JC comme Jonot et Cayron, association, depuis le 1er avril 1887, d’Albert Jonot et de son beau-frère, Auguste Cayron, laitiers des environs de Melun dont la société s’installe au 228, rue de Charenton en 1894. A. Cayron est alors le directeur de ce dépôt-ci tandis qu’A. Jonot s’occupe de celui situé 11, rue du Département dans le 19ème. La Laiterie de la Brie s’intégrera plus tard à la Laiterie des Fermiers Réunis, qui deviendra SAFR (Société Anonyme des Fermiers Réunis).
- en face, au n°228, un portail rappelle « J. C. Laiterie de la Brie », JC comme Jonot et Cayron, association, depuis le 1er avril 1887, d’Albert Jonot et de son beau-frère, Auguste Cayron, laitiers des environs de Melun dont la société s’installe au 228, rue de Charenton en 1894. A. Cayron est alors le directeur de ce dépôt-ci tandis qu’A. Jonot s’occupe de celui situé 11, rue du Département dans le 19ème. La Laiterie de la Brie s’intégrera plus tard à la Laiterie des Fermiers Réunis, qui deviendra SAFR (Société Anonyme des Fermiers Réunis).
- 191, rue de Charenton, rue Bignon, PLU/ Groupe scolaire
Bignon construit en 1873-1875 par l'architecte de la Ville de Paris Julien Hénard,
également architecte de la Mairie du 12e arrondissement (1874-1877) située face
au groupe scolaire. Façades à chaînage en pierre et remplissage en brique. Les
étages sont séparés par des bandeaux dont celui séparant le premier du deuxième
étage est orné d'une frise florale. Le second étage présente les baies les plus
larges manifestement destinées à l'éclairage optimal des classes. Une tourelle
d'angle en saillie et surplomb marque l'angle des rues Bignon et de Charenton.
Corniche à modillons. L'établissement est représentatif par son aspect général
du mouvement rationaliste dont sont empreints les édifices scolaires de la troisième
République mais aussi dans ses détails de la persistance d'un goût décoratif et
du pittoresque en vogue sous le Second-Empire.
- Mairie du 12e arrondissement construite en 1874-1877 par
l'architecte Antoine-Julien Hénard. Elle s'inscrit dans une série de commandes
qui aboutirent, dans un intervalle de quatre ans, à la réalisation des trois
mairies des 15e, 19e et 12e arrondissements, avec une réelle recherche
d'originalité. Hénard s'inspire ici des styles Renaissance, Louis XIII, Louis XIV
et agrémente l'édifice de bossages, de lucarnes et d'un campanile. La mairie,
précédée d'un jardin, est bâtie sur un plan trapézoïdal, comme la mairie
haussmannienne du XIe arrondissement. Elle se compose d'un pavillon central en
saillie, comprenant un porche ouvert, accessible aux voitures. Le pavillon est
rythmé au rez-de-chaussée par trois arcades encadrées de colonnes doriques
baguées et cannelées. Un campanile octogonal très ouvragé, haut de 36 mètres et
comportant deux étages, domine l'édifice. La façade, percée de fenêtres à
meneaux croisées, est animée par une alternance de pierre blanche et de brique,
qui pastiche librement le style Louis XIII. Les briques émaillées de couleurs
bleu, rouge et rose forment des dessins géométriques et contribuent à
l'élégance de la façade. Les combles à la Mansart sont revêtus d'ardoise.
-124 av Daumesnil, ensemble de
183 logements, de 1908, par l'architecte Auguste Labussière. La philanthropique
société civile « Groupe des maisons ouvrières », fondée en 1899, a
été rachetée en sous-main par Mme Lebaudy qui y a vu l’occasion d’expier les
péchés de son mari, responsable de la faillite de la banque de l’Union générale
à laquelle nombre de familles catholiques avaient confié leur épargne. Puis,
sur le modèle de la Fondation Rothschild, Mme Lebaudy avait demandé une
reconnaissance d’utilité publique qui lui était accordée en 1906. Les
appartements, construits autour d'une cour intérieure, sont de deux types :
pour des employés, sur l'avenue Daumesnil, ils sont dotés d’une cuisine
séparée ; pour des ouvriers, sur la rue du Congo, ils sont dépourvus de
cuisine au profit d’une salle commune. D’autres services communs sont présent
dans l’ensemble : bains, lavoir, bibliothèque avec salle de lecture, fumoir et
service de boissons. Mais sa fréquentation est si faible qu'elle est
transformée deux ans plus tard en dépôt mortuaire. En 1925, « Un
locataire, avec l’appui de la Fédération communiste des locataires, a essayé de
créer un soviet de maison. Il fut question de créer un « Fort
Daumesnil ». » Rapport cité par Marie-Jeanne Dumont : Le Logement social à Paris 1850-1930: les
habitations à bon marché.
Par la rue de Charenton puis la rue Montgallet, on
rejoint le 17, cour d’Alsace Lorraine, PLU : Villa sur jardin dans le goût
historique et éclectique du XIXe siècle
composée d'un étage sur rez-de-chaussée. Isolée par rapport à la trame urbaine,
elle est accessible depuis la cour d'Alsace Lorraine, ancienne cour artisanale.
Le céramiste Camille Le Tallec, qui avait repris en
1928 l’atelier fondé par ses parents en 1905 dans le 20ème, l’a
transféré en 1978, avec l’aide de la ville, dans des locaux annexes de l’École
Boulle, au 67, rue de Reuilly dans la cour d'Alsace-Lorraine.. Ces
locaux mieux adaptés, l'utilisation de nouveaux fours électriques, l’ont
orienté vers de nouveaux décors contemporains. En contrepartie de l’aide
municipale, Camille Le Tallec a donné des cours de dessins et de peinture sur
porcelaine à l'Association pour le développement de l'animation culturelle
(ADAC), dans cette même cour. En 1990, son atelier a été racheté par le
joaillier américain Tiffany & Co, avec lequel il collaborait depuis bientôt
30 ans, qui après sa mort s’est installé, en 1995, au 93/95 du Viaduc des Arts.