Paris 13ème: de Wroblewski à la Nueve

L'occasion de ce parcours a été une balade pour la librairie Jonas, 14-16 rue de la Maison Blanche.


- siège du Mouvement Populaire des Familles, 25 rue du Moulinet. Ce mouvement, très important dans les années d’après la Libération, va passer de l’Action catholique au mouvement ouvrier en se déconfessionnalisant. Une scission regroupera une partie de ses militants dans un Mouvement de libération du peuple, qui comptera encore 4 000 membres à la fondation du PSU, dont il sera partie prenante. Pendant les grèves de février-mars 1950, très proche des dominicains de la mission Saint-Paul, le MLP se retrouvera dans un Comité de soutien aux familles des grévistes, aux côtés du PC, de la CGT et de la CFTC. Il y a eu, de part et d'autre, 2 coopératives de production : au 11, celle des Puisatiers-Cimentiers, au 38, celle des ouvriers piqueurs de grès de Paris et du dpt de la Seine, créée en 1886. Aujourd’hui local parisien des Alternatifs.

- mission ouvrière Saint-Paul, 48 av d’Italie. La mission ouvrière dominicaine loue ici, à partir de septembre 1946, une petite maison composée, au rez-de-chaussée, d’une cuisine, d’une salle à manger et de deux pièces qui font, pour celle donnant sur la rue, salle de réunion, et pour celle de la cour, chapelle. Dans la chapelle, le jésuite Henri Perrin, proche des ajistes comme l’on dit des assidus des Auberges de Jeunesse, vient chaque semaine célébrer une « messe des campeurs », suivie par ses amis avec beaucoup de ferveur. Dans la salle de réunion, des syndicalistes de la CFTC, de la CGT et de FO se réunissent toutes les cinq à six semaines. A l’étage, quelques chambres, où loge le père Joseph Robert, qui suit une formation d’ajusteur puis travaillera d’abord dans une fonderie du 11e ensuite, vers 1950, à la Snecma. La revue Economie et Humanisme y ayant installé une antenne, le père Lebret réside également ici quelques jours par mois. C’est à la mission ouvrière Saint-Paul que, suite à l’Appel de Stockholm du 19 mars 1950, s’élabore le manifeste « Des chrétiens contre la bombe atomique », dans lequel quarante-six personnalités déclarent approuver ledit Appel.
Expulsés par leur propriétaire, les dominicains essaimeront vers Vitry et Chaville.

- dominicains d’Arcueil, 38 av d’Italie, Le 17 mai 1871, un incendie éclate dans le château où siège l’état-major du 101e bataillon, proche de l’école des dominicains Albert-le-Grand d’Arcueil. Une douzaine de moines et leur prieur, le père Chaptier, accusés d’avoir mis le feu, sont arrêtés le 19, par ordre de Wroblewski. Conduits le jour même au fort de Bicêtre, ils sont enfermés dans les casemates, d’où ils ne sortent que le jeudi 25 mai, avec les fédérés qui évacuent le fort pour rentrer dans le 13e arrondissement. Conduits tout d’abord à la mairie, ils sont transférés à la prison du secteur, 38 avenue d’Italie, où ils seront fusillés par la foule, à quatre heures. La justice des Versaillais en rendra responsable Serizier, chef du 101e bataillon, ouvrier corroyeur, qui protestera toujours de son innocence : « je ne suis frappé que comme l’homme du peuple assez intelligent et assez courageux pour lutter contre tout ce qui opprime le travailleur. » Maxime Vuillaume, dans ses Cahiers Rouges, fait porter les soupçons sur Émile Moreau, chef d’état-major de Wroblewski, qui ayant réussi à gagner la Suisse malgré une balle qui lui avait traversé les testicules sur la Butte-aux-Cailles, s’y vantait d’avoir fait fusiller les dominicains d’Arcueil ; et davantage encore sur « la foule » ayant agi sans ordres.

- usine à gaz de la Compagnie parisienne d’Eclairage, près de la barrière de Fontainebleau. La compagnie, l’une des six d’avant la fusion de 1855, a son usine à gaz d’Ivry à l’emplacement actuel de la cité scolaire Monet, du square de Choisy, et de la fondation George Eastman ; elle emploie 510 à 670 ouvriers selon les saisons.

Institut dentaire et de stomatologie réalisé en 1937 par l'architecte Edouard Creval et le sculpteur Charles Sarrabezolles pour la fondation George Eastman. Cet édifice de briques rouges témoigne de l'influence du style hollandais sur l'architecture parisienne des années trente. La façade sur rue est structurée par une alternance de lignes de baies à l'entourage de cuivre vert-de-gris et de bandeaux de briques. La façade sur le jardin public, composée d'un pavillon central et de deux ailes en retour est monumentalisée par un large perron et les baies à double hauteur du hall traversant. Apposés sur cette façade, deux médaillons de large dimension rappellent la vocation philanthropique de l'établissement. L'Institut George Eastman fait partie intégrante de l'ordonnance du parc de Choisy -aménagé parallèlement par l'architecte Roger Lardat- et témoigne du soin accordé dans l'entre-deux-guerres aux constructions à vocation philanthropique et des innovations qui émergent de ces programmes.

- Alcazar, 190 av de Choisy. On lit dans un journal de 1882: "La jeunesse anarchiste a tenu un meeting, salle de l'Alcazar, 190, avenue de Choisy. L'ordre du jour portait : les troubles de Montceau-les-Mines. Le citoyen Émile Gauthier, correcteur au journal la France, s'est livré à une charge à fond contre le capital, et la citoyenne Louise Michel a fait appel à la révolte armée, qui doit nous débarrasser de ces "bandits" du gouvernement actuel. "Que le tocsin sonne et que le canon gronde et nous triompherons," a terminé l'orateur.
Au cours d’un bref séjour de vacances à Paris, alors qu’il réside à Londres, Lénine y donne une conférence, le 22 juin 1902, au cours de laquelle Rappoport le voit pour la première fois, et l’entend parler avec stupeur « d’insurrection armée » comme moyen indispensable pour régler les problèmes russes.
Trotski, à la fin de l’automne 1902, à l’invitation du groupe parisien de l’Iskra, y parle « Du Matérialisme historique et de la façon dont il est compris par les socialistes révolutionnaires ». Lénine y sera de nouveau le 13 juin 1912, pour un bilan de la grève des 500 ouvriers des mines d’or de la Léna, en avril, qui ont été massacrés par la troupe et comptent parmi eux 107 morts et 80 blessés.
L’Alcazar deviendra le cinéma Moderne dans les années 1930.

- Les Equitables de Paris, 211 bd de la Gare (auj. bd Vincent-Auriol). Dès les années 1870, le quartier possédait ici l’une des premières coopératives, qui n’étaient alors que cinquante et une pour la production et pas plus de sept pour la consommation, la première de celles-ci n’étant apparue qu’en 1864.

- café-restaurant chrétien-ouvrier, 151 bd de la Gare. Le prêtre-ouvrier Henri Perrin a racheté ce bal musette qu’il transforme en café restaurant. Pendant les grèves de février-mars, des soirées-débat y confrontent des responsables politiques et des ministres chrétiens du MRP, « avec le maximum à la fois de brutalité et de fraternité ». Le 15 mai 1950, s’y tient une réunion autour de la paix au Vietnam, après que les chrétiens du 13e eurent déjà participé à un rassemblement consacré au même thème en février, à Issy-les-Moulineaux. Le 19 septembre, quarante-six chrétiens y adoptent une résolution, qu’ils soumettent à des non-chrétiens, avec lesquels ils s’accordent le 28 sur un appel à la population du 13: « Mourir ensemble ? Non, vivre ensemble ! » Il en sortira un rassemblement parisien de 400 personnes, avec Claude Bourdet puis, en novembre, un second qui réunira Yves Farge, l’abbé Pierre, Charles Tillon, Pierre Cot...

- le Bouillon Louis, 142 bd de la Gare. C’est là que se réunissent les Amis de l’URSS dans les années 1930.

La mise en pains dans l'Illustration de 1905
- raffinerie Say, 123 bd de la Gare, ouverte en 1832 par Louis Say, elle compte 80 ouvriers en 1850, qui seront 200 dix ans plus tard et 500 en 1864, date à laquelle l’entreprise absorbe la raffinerie Régis Bonnet. En 1872, 965 ouvriers travaillent à la raffinerie Constant Say, quasi exclusivement des hommes : la raffinerie se bornait à raffiner le sucre, qu'elle détaillait en pains. Elle occupait tout l'espace entre les rues Dunois et Jeanne d'Arc :
Mais à partir de 1877, l'entreprise entra dans un cycle de transformations techniques et de grands travaux intérieurs, avec notamment la mise en place, en 1881, d'une « fabrication de sucre en tablettes destinées au sciage en morceaux réguliers rangés en caisse et au coupage en cubes », comme la décrit le Journal des fabricants de sucre. En 1890, la production est de 20 000 pains de sucre par jour. C'est de l'installation de cette casserie, engendrée par le nouveau mode de consommation du sucre - le morceau - que date le travail des femmes chez Say, devenu bientôt massif: en juin 1908, l'inspection du travail, à la suite d’une explosion dans la bluterie qui venait de tuer trois ouvrières et d'en blesser 52, comptait 2 084 personnes employées dans l'établissement dont 1 131 jeunes filles et femmes, soit 54,3 % du personnel.
Le sciage dans l'Illustration de 1905
Avec l'achèvement des bâtiments de la casserie, en 1895, l'usine elle-même était devenue ce « monstre qui écrase toutes les petites maisons du boulevard de la Gare », comme l’écrit Christiane Peyre, une militante chrétienne, qui raconta dans Une société anonyme son « établissement » de quelques mois chez Say, en 1950. Jeanne, qui y fut ouvrière de 1904 à 1936, interviewée par Alain Faure quarante ans plus tard, rapporte que son père disait : ‘Une usine comme ça, elle sera jamais morte’. Elle ferma pourtant ses portes en juillet 1968. Travaillaient dans la casserie avec les femmes, les « rouleurs » chargés du service des chariots - traditionnellement, des Algériens avec le dos tout brûlé, dit Jeanne - ainsi que les hommes chargés de la chaîne roulante qui évacuait les cartons pesés et ficelés. En 1914, une enquête officielle parlait déjà de nombreux Kabyles employés dans les raffineries parisiennes : pas moins, d'après elle, de 25 % du personnel de l'usine Say. En 1926, des 25 à 30 000 Arméniens de la région parisienne, qui habitent rue Mouffetard, porte d’Italie, porte de Choisy, au Kremlin-Bicêtre, à Alfortville, beaucoup travaillent chez Say, chez Panhard. L’usine, l’une des plus grosses usines de la capitale, est occupée par les FTP de Fabien le 21 août 1944, comme la chocolaterie Elesca. Ferme en 1968.

- domicile d’Odette Jacquier, 144 rue Nationale. C’est ici qu’on se réunit autour du père jésuite Puységur, puis de Jo Lorgeril, qui lui succède en septembre 1949. Celui-ci, prêtre-ouvrier travaillant chez Chauvin, à Ivry, puis chez Panhard, est très actif auprès des mal logés, et participera à plusieurs opérations de squattage. Pendant les dix jours de lock-out d’avril 1950 à la Snecma, trois prêtres-ouvriers du 13e, le dominicain Joseph Robert et les jésuites Henri Perrin et Jo Lorgeril, avaient signé un tract qui, au-delà de la solidarité immédiate, allait vers l’analyse politique, mettant en cause le patronat et le gouvernement.

- Cité Jeanne d’Arc, de la rue Jeanne d’Arc à la rue Nationale, 1 500 logements, 4 000 âmes en 1882, particulièrement insalubre. Une nouvelle cité, centrée sur l'actuelle rue du Dr Victor Hutinel, est construite en 1908 par la ville de Paris en grande partie pour accueillir le personnel de Say. La JOC va y créer garderie, dispensaire, à partir de 1928, (déjà auparavant, la Nouvelle Etoile des petits enfants de France y avait eu pour infirmière Denise future Servan-Schreiber et mère de JJSS, JLSS et de Christiane Collange), et Melle Elizabeth Panhard (décédée en 1952) va créer rue Xaintrailles un centre d’évangélisation.
Le 1er mai 1931, les « charges de flics à la cité Jeanne d’Arc » ont déjà été suffisamment spectaculaires pour figurer en bonne place dans le film consacré aux manifestations du 1er Mai qui est projeté en ouverture du 6e Congrès de la CGTU, le 8 novembre. Mais le 1er mai 1934, après la dispersion du rassemblement central organisé par la Confédération unitaire dans la clairière de Reuilly, des interpellations ont lieu, qui vont faire se dresser des barricades dans les HBM d’Alfortville, et cité Jeanne d’Arc. Monjauvis, le député de la circonscription figure parmi les arrêtés. Quand le cortège revient de Vincennes, la cité s’énerve ; aux interventions de la police, répondent, jetés du haut des bâtiments, des débris des étages supérieurs insalubres, alors en démolition, et du mobilier abandonné par les expulsés et les évacués. La police fait le siège de la cité toute la nuit, tirant « en l’air » à l’en croire, « dans les fenêtres » selon le PC, et quelques coups de feu de riposte lui reviennent. Au petit matin, elle arrête « au hasard », douze ouvriers, une ouvrière, un mutilé de guerre à 100% et deux jeunes gens de 17 ans, qui tous seront « soumis à la question », inculpés de tentative de meurtre et, de ce fait, « passibles de la peine de mort ».
La démolition de la cité Jeanne d'Arc en 1939

- domicile de Christine Wery, 118 rue Nationale. Elle appartient à l’Union des Chrétiens Progressistes (UCP) et sa pharmacie est déjà un lieu de rassemblement. Dans son logement, au-dessus, les jésuites rattachés à la paroisse Notre-Dame de la Gare, viennent dire la messe.

- habitation économique de la Société philanthropique de Paris (35 logements), 45 rue Jeanne d’Arc. Le 18 juin 1888, la première pierre en est posée par Georges Picot, un an et demi avant qu’avec Jules Siegfried, Emile Muller, les Dr du Mesnil, Marjolin et Rochard, il crée la Société Française des Habitations à Bon Marché. On trouve aussi, rue Jeanne d’Arc, un immeuble de 71 logements, construit fin 1899 pour un Groupe des Maisons ouvrières (qui deviendra Fondation Mme Lebaudy), par l’architecte Robersat, auquel on doit, dans l'arrondissement, des maisons de la rue Henri Pape. L’habitat social municipal, ce sera à partir de 1912.

- Eglise Notre-Dame de la Gare. Parmi les immigrés de province, pas mal d’Orléanais, ville terminus du chemin de fer. Dupanloup, évêque d’Orléans, lancera en faveur de la pucelle, une campagne relayée par le curé et le maire, d’où les noms donnés aux rues avoisinantes. Pendant la Commune, le curé Parguel (enterré dans son église en 1947, centenaire de la paroisse) n’est pas inquiété. A la Semaine Sanglante, des Communards s’y réfugient, qu’il défend : « N’entrez pas, tirez sur moi plutôt ».

- à gauche, à l'emplacement de l’Ecole Rouge était l'école de filles municipale des religieuses de St-Vincent de Paul, laïcisée ensuite tandis que les religieuses se déplaceraient rue Charcot.

- 10 et 12, rue Dunois (angle rue Charcot), 2 immeubles de La Sablière, filiale de la Soc. immobilière des chemins de fer, bailleur social de la SNCF, 5 209 logements à Paris, essent. dans les 18e, 17e, 12e, 13e (778), 10e et 15e arr. Tandis que l’Association fraternelle des employés et des ouvriers de la Cie du chem. de fer métropolitain, créée en 1865 par les ouvriers des ateliers d’Ivry de la Cie d’Orléans, seront à l’origine des 26 maisons dans le quartier des peupliers. En 1885, la soc. comptait déjà 40 000 cotisants. Elle s’appelle auj. mutuelle d’Ivry.

- 123, rue du Chevaleret, HBM de la Société des habitations économiques du quartier de la Gare, association de la Société philanthropique avec les Cies de chemin de fer d’Orléans et PLM, fondée en 1890. Cet habitat se développe après loi Siegfried du 30/11/1894. La société HBM Gare est administrée par le comte de Montalivet, [54 rue Pigalle], pair de France et membre de l'Institut, [Ils sont ministres de l’Intérieur de père en fils, Jean-Pierre sous Napoléon 1er , son fils Camille sous la monarchie de Juillet], et le magistrat Georges Picot, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences morales et politiques, rapporteur pour les Habitations ouvrières (56 pp.) du groupe d'économie sociale lors de l'Exposition universelle internationale de 1889, à Paris. Par ailleurs auteur de La Lutte contre le Socialisme révolutionnaire, A. Colin, 1895. En face, HLM de La Sablière.

- 119, rue du Chevaleret. Des religieuses polonaises, chassées de Vilno par les Russes, s’y installent en 1846. Les Filles de la Charité, y créent une école (qui existera jusqu’en 1960), un orphelinat, etc pour leurs compatriotes arrivés nombreux après les insurrections de 1831 et de 1863. « Les Polonais, règle générale, sont tous du faubourg Saint-Marceau » affirme l’Education sentimentale. Le poète Cyprian Norwid, né en 1821, arrivé à Paris en 1849, hormis deux ans aux USA et Londres, y restera jusqu’à sa mort, vivant reclus ici les six dernières années de sa vie. Pendant la Commune, il « risque trois fois sa tête » en s’opposant à la profanation des églises et à la destruction de la colonne Vendôme. Un jardin lui a maintenant été dédié sur la dalle recouvrant les voies SNCF et située sur la couture urbaine entre ancien et nouveau 13e.
[Le Polonais Boleslas Wroblewski, commandant de la 3e armée, celle de la rive gauche, a dans ses rangs le légendaire 101e, « Tous enfants du 13e et du quartier Mouffetard, indisciplinés, indisciplinables, farouches, rauques, habits et drapeaux déchirés, n’écoutant qu’un ordre, celui de marcher en avant », tels les décrira Lissagaray.]

- 112, rue du Chevaleret. Les Filles de la Charité s’y installent en 1857. A la demande de la Cie d’Orléans, elles créent un réfectoire pour les cheminots, puis un dispensaire pour les soins aux malades, un centre scolaire réservé à leurs enfants ; toutes institutions laïques après 1902.

- 20 rue Domremy, Ecole des Frères de St-Jean Baptiste de la Salle, qui ont quitté l’école Blanche de la place Jeanne d'Arc, fondée par eux en 1864 mais municipale, et laïcisée en 1879, pour ce terrain qui leur a été donné en 1886 par Say.

- cinéma des Bosquets, 60 rue de Domrémy. Le 1er mai 1929, alors que plus de 500 arrestations préventives ont été opérées par la police, que les dépôts de tramway sont gardés par la police comme les bureaux de poste, et que seuls le bâtiment et les taxis chômeront à peu près totalement, les deux meetings principaux qui se tiennent à Paris, à 10h30 du matin, sont ceux du cinéma des Bosquets et de la Bellevilloise. Ce jour-là, on ne vend pas l’Huma mais Premier Mai, les « gardes rouges » ont des églantines au revers de leur veston.

- petit immeuble des jésuites, 64 rue Regnault. Dans ce lieu acheté par la Compagnie de Jésus, arrivent à l’automne Georges Puységur, qui travaillera chez Say puis à l’entreprise de matériel téléphonique S.A.T., et Henri Perrin, qui se fera embaucher à la tôlerie automobile Genève (l’entreprise comptait déjà 200 ouvriers dans les années 1930).

Atelier de montage des moteurs en février 1917 photo : Gabriel Boussuge. Source : ECPAD
- usines Panhard et Levassor, 4 à 16 av. d’Ivry. Les ateliers Perin-Panhard se sont installés avenue d’Ivry en 1873. Jusqu’en 1890, au n°19, ils fabriquaient des machines à travailler le bois. Entre 1890 et 1895, ont lieu ici les premiers essais de construction automobile. L’entreprise, qui employait 180 à 200 ouvriers va en compter 1 280 en 1901 et 1 850 en 1906. Devenue Panhard-Levassor, la société obtient en 1912 l’autorisation d’établir un dépôt d’hydrocarbures de 31 000 litres. En décembre 1916, c’est chez Panhard et Levassor qu’a lieu, en pleine guerre, la première grève des usines à munitions, et ce haut fait est abondamment rappelé, à la gloire de l’arrondissement, lors des barricades de la cité Jeanne d’Arc, en mai 1934.
En 1944, lors des combats de la Libération, des camions Panhard sont renversés, de gros arbres couchés sur la chaussée, des câbles tendus et entrecroisés, des fossés antichars creusés. Les barricades du 13e sont les plus solides de Paris. Fabien a fait appel au syndicat des terrassiers, les « gars du bâtiment » fidèles à Le Gall. Quatre ans plus tard, l’Étincelle ouvrière, l’organe de liaison hebdomadaire des ouvriers du RPF, dénonce dans son numéro du 14 janvier 1948, les « grèves Molotov » chez Panhard. En février 1949, le futur député du 13e, Bernard Jourd’hui, secrétaire du syndicat des métaux de l’arrondissement, ajusteur chez Panhard-Levassor, est licencié de l’entreprise. Ce sportif ouvrier, ancien boxeur amateur, va entrer dans une coopérative ouvrière d’instruments de précision. Il succède pour le Parti communiste à l’imposante figure d’André Marty, dont l’exclusion a été ratifiée par sa section du 13e le 30 décembre 1952. La même année, la fondatrice de l’une des communautés de chrétiennes laïques d’Ivry, Monique Maunoury, s’était fait embaucher chez Panhard, comme balayeuse. Elle travaillera ensuite, toujours dans le 13e arrondissement, au nettoyage des wagons.
Le 24 août 1944, à 20h41, guidée par un Arménien d’Antony (qui peut-être, comme nombre des siens travaillait chez Panhard, ou chez Say), la 9e compagnie de la 2e DB, ou plutôt « la Nueve », composée à 80% d’Espagnols, arrive porte d'Italie et traverse l’arrondissement...

- PC du colonel Fabien, rue Gandon. Pendant les combats de la libération de Paris, ce PC mobile, après avoir été avenue de Choisy, puis avenue d’Italie, arrive rue Gandon. Après la Libération, Fabien s’est engagé dans l’armée De Lattre, où il est rejoint par le bataillon « Jeunesse » du 13e arrondissement, dans lequel se trouve Alphonse Boudard. A Montmédy, le 1er novembre 1944, Boudard décrit ainsi Fabien qui les passe en revue pour la première fois : « Question gabarit, il paye pas de mine sous son casque de l’armée 39. Il a la vareuse fermée jusqu’au col, le style déjà Mao. A part ses galons sur la manche, il s’efforce, on dirait, de passer inaperçu... de se fondre dans la masse de ses soldats. Il a tout de même un false de cheval, un Saumur... mais on voit bien que ce n’est pas son genre. Il sort de l’usine, lui, de la métallurgie, il sent le casse croûte de dix heures sur le chantier. La tubardise le guette, il a piqué une pneumonie en Espagne, pendant la guerre, on dit qu’il ne s’en est jamais bien remis. »

- paroisse Saint-Hippolyte, 27 av. de Choisy. En 1945, la Mission de France y envoie l’abbé Lorenzo, ancien curé d’Ivry ; huit ans plus tard, la paroisse aura un vicaire ouvrier, Bernard Striffling, qui travaille chez Panhard. Malgré les interdictions de 1954 puis 1959, les décès des prêtres-ouvriers Henri Perrin, en octobre 1954, et Jo Lorgeril en novembre 1956, le 13e arrondissement continuera à compter des vicaires au travail, et une équipe de recherche sur les secteurs à évangéliser tournée vers le monde ouvrier.
Il y aura ici un Comité de résistance spirituelle à la guerre d’Algérie autour d’Elia Perroy, - par laquelle se fera la jonction, au début de 1958, avec le groupe du 11e de la Voie Communiste, foyer de « porteurs de valises » -, Madeleine Collas, Robert Barrat.

- chocolaterie Elesca, 75 à 87 av de Choisy. La chocolaterie Meunier, située rue Keller, était passée avenue de Choisy après l’annexion. Lombart successeurs, chocolatier depuis 1760, « breveté par sa majesté Louis XVI », était venu l’y remplacer tandis que Meunier partait à Saint-Gratien. La chocolaterie employait 800 ouvriers à la fin du dix-neuvième siècle. Plus tard, sa marque Elesca sera illustrée publicitairement par Sacha Guitry : « L.S.K.C.S.K.I. ». L’usine est occupée par la Résistance le 21 août 1944, comme le magasin central des hôpitaux, les centrales électriques et les centraux téléphoniques ; au soir, 61 quartiers sur 80 étaient totalement libérés de l’occupant.

- barricade de la rue Baudricourt. « Le massacre, dans ce 13e qui avait été l’une des citadelles de la révolte, et sur lequel planait encore le souvenir de Bréa en juin, fut épouvantable (...) l’abbé Lesmayoux, revenu, le soir même de la défaite, à la barricade de la rue Baudricourt, y rencontra un monceau de morts. ‘- Nous relevons là, écrit-il, plus de cent cadavres, parmi lesquels nous ne trouvons qu’un seul soldat régulier.’ Les quatre-vingt-dix-neuf autres étaient les fédérés massacrés. Derrière cette seule barricade... » conclut Vuillaume.

- retrouvons la Nueve: Rue Baudricourt, elle passait devant l’Union des Travailleurs, coopérative de consommation, au n° 66...
- l’Union des Travailleurs, 66 rue Baudricourt, fondée en 1893, 1050 sociétaires autour de 1900. (Auj. librairie et éditions You-Feng)
... et, en débouchant dans la rue Nationale, devant une épicerie de l’Union des coopératives, au n° 111:
- épicerie 111, rue Nationale ouverte en 1919, en même temps qu’un restaurant 153, rue du Chevaleret, par l’Union des coopératives (située dans ce qui est auj., rue Charlot, l'annexe de la Bourse du Travail).
En traversant le bd de la Gare, la Nueve apercevait l’usine Say, dont le quart des ouvriers étaient Kabyles, occupée par les FTP de Fabien trois jours plus tôt. Place Pinel, elle longeait l’arrière des ateliers des Automobiles Delahaye – Delage, situés au 23-25 rue Jenner, qu’elle retrouvait au 43, rue Esquirol. Puis, par le bd de l’Hôpital, elle se dirigeait vers l’hôtel de Ville qu'elle atteindra à 21h22. Là, un reporter de la radio clandestine demandait au premier libérateur qu’il aperçut : « Quelle émotion de retrouver le sol national ? », et s’entendait répondre : « Señor, soy español », ce qui veut dire : les prolétaires n’ont pas de patrie !
La Nueve entra en la calle Rivoli, en el centro de París, donde los franceses acogieron a los españoles como héroes. GETTY

Le Triomphe de la République

Une balade d'une demi-heure, un soir de semaine et d'automne, presque à la date anniversaire du renommage de sa rue comme du Triomphe de la République, pour la librairie La Friche, 36 rue Léon Frot dans le 11ème.


En 1977, un bistrot couleur de vin rouge, à l'angle des rues Léon Frot et Emile Lepeu, prenait avec sa reprise par le fils de la maison, le nom de ses proprios: "Chez Mélac". Un cep planté dans la cave aspirait à la liberté; après qu'il eut ramifié sur sa devanture, Jacques Mélac en distribua des boutures dans le quartier. Les propriétaires de vignobles en pots s'unirent chaque année à lui pour des vendanges et une cuvée vendue aux enchères au profit des personnes âgées du quartier. L'étiquette originale est dessinée chaque année par un artiste différent comme diffèrent les appellations successives: "Château Charonne, Château Mélac, Cru Charonne, Clos Mélac..."

La rue Léon Frot (1900-1942) porte le nom d'un menuisier, secrétaire de l’Union Locale CGTU de Paris, qui en 1935 était élu conseiller municipal communiste. Le 24 mai 1936, lors de la traditionnelle montée au Mur des Fédérés, il dirigeait le 1er groupe, celui de 4 500 enfants, précédé par les chorales de la Bellevilloise, du Secours Rouge International, des Faucons Rouges (au nombre de 600 dans le cortège), des Tambours du Patronage de la Bellevilloise, etc. Dans le défilé, on remarque aussi le groupe Dimitrov du patronage de la Bellevilloise. Pendant la 2ème guerre mondiale, "600 enfants qui fréquentaient les activités de la rue Boyer seront arrêtés, 47 avaient 13 ans, 21 avaient 12 ans, 5 avaient moins de 12 ans ".
Léon Frot habitait au 53-55 (plaque); il fut pris en otage le 15 novembre 1939 et fusillé par les Allemands le 13 janvier 1942 à Clairvaux.
Le dimanche 21 novembre 1944, une cérémonie consacrait 18 lieux de Paris à la mémoire des héros, dont un square à celle de Maurice Gardette, le métallo, autre conseiller municipal du 11e arrondissement, fusillé à Châteaubriant comme Jean-Pierre Timbaud. A 11 heures avait lieu l'inauguration de la rue Léon Frot, à 14 heures celle de la rue Jean-Pierre Timbaud, devant 40 000 personnes selon l’Humanité qui met particulièrement en valeur ces deux dernières.

Le prénom du jeune Bloncourt était Tony
On évoquera du même coup, sans aller jusqu'à la plaque du 4 rue Henri Ranvier, les 7 jeunes communistes de 17 à 27 ans, premier groupe de FTP du 11e, appartenant aux Bataillons de la Jeunesse (OS-FTPF) dirigés par Albert Ouzoulias (colonel André) et Pierre Georges (colonel Fabien), qui se réunissaient souvent dans les HBM de la cité Ranvier où habitaient deux d’entre eux, Roger Hanlet et Pierre Milan. Avec 17 opérations de guerre (sabotages, attaques contre l'armée d'occupation, etc.) derrière eux, ils sont arrêtés après un bouclage du quartier (Fernand Zalkinov l'est au 126 avenue Philippe Auguste) puis livrés aux Allemands par la police de Vichy, ils (outre ceux déjà cités, le groupe compte Christian Rizo, ancien du lycée Voltaire, Tony Bloncourt, frère aîné de Gérald toujours habitant du 11e, Acher Zemaya et Robert Peltier) comparaissent devant un tribunal militaire allemand siégeant au Palais-Bourbon et sont fusillés le 9 mars 1942 au Mont-Valérien.

Prendre rue de Belfort

En face, une rue est dédiée à François de Neufchâteau. En 1766, à quinze ans, celui-ci publia un premier volume de Poésies fugitives, réimprimé l'année suivante. Voltaire, à qui il avait envoyé ce volume, lui répondit par une épître : « Il faut bien que l'on me succède, et j'aime en vous mon héritier ». L’académie de Dijon qui, quelques années auparavant, avait couronné J.J. Rousseau, lui ouvrit alors ses portes, et bientôt après il fut reçu membre des Académies de Lyon, de Marseille et de Nancy. Au ministère de l'intérieur (2 thermidor an VI), il avait en même temps dans ses attributions l'instruction publique, les arts, l'agriculture, le commerce et l'industrie. Il organisa à Paris, du 18 au 21 septembre 1798, une exposition nationale des produits de l'industrie qui fut un grand succès et qu'il fut alors convenu de renouveler chaque année. Il inaugura également le Musée du Louvre.

On est maintenant le dimanche 19 novembre 1899, au milieu du flot ininterrompu : quand le cortège du quotidien La Petite République socialiste est arrivé sur ce boulevard où brille un beau soleil d’automne, il a eu « cette vision inouïe, inimaginable du boulevard Voltaire couvert sur toute sa longueur d’une foule de plus de 100 000 individus mus par une même pensée de concorde, de paix et de la liberté, et dont le flot chantant, librement répandu, n’a pas un remous de désordre ou d’hésitation. » Le surlendemain, La Petite République socialiste titrera UNE JOURNEE HISTORIQUE - PARIS AU PEUPLE – MANIFESTATION TRIOMPHALE - 500 000 TRAVAILLEURS ACCLAMENT LE SOCIALISME.
Et l’éditorial explique : « De quel souffle prodigieux Paris a balayé les immondices cléricales, nationalistes, plébiscitaires et antisémites qui trop longtemps souillèrent la beauté de la capitale de la Révolution ! »
Ces immondices, ce sont les agissements des ligues factieuses, le coup d'État manqué de Déroulède, la seconde condamnation de Dreyfus, le fort Chabrol antisémite de Guérin. On a chanté tout au long du cortège « Déroulède à Charenton, tontaine et tonton », ou « Conspuez Rochefort », l’évadé du bagne de Nouvelle Calédonie mais devenu boulangiste et antidreyfusard et on le conspuera effectivement quand il voudra, à l'anniversaire de la Semaine Sanglante, continuer de se rendre au Mur des Fédérés.
Ce 19 novembre 1899, c’était l’inauguration, place de la Nation, du Triomphe de la République, le monument de Jules Dalou, ancien communard, auquel on devait déjà la statue de Jean Leclaire, aux Épinettes, et les tombes de Victor Noir et de Blanqui au Père Lachaise.

On avance jusqu’au Métro Charonne, parce que la rue de Charonne relie l’avenue Philippe Auguste à la rue du Faubourg Saint-Antoine. Sur cette dernière (on est toujours le 19 novembre 1899), arrive le cortège officiel de la municipalité de Paris qui, vers 12h15, s'est formé sur la place de l’Hôtel de Ville ; il comprend Jean Colly, imprimeur, conseiller municipal du quartier de Bercy, ou encore Anatole Le Grandais, ancien chef de bataillon de la Commune, conseiller municipal de Clignancourt, qui a proposé, le 21 novembre précédent, au cours d’une séance houleuse du conseil municipal de Paris, l’érection d’une statue au chevalier de La Barre, en face au Sacré Cœur, qui porterait cette dédicace : "Au chevalier de La Barre, la libre pensée et la France reconnaissantes." Le cortège a emprunté la rue de Rivoli, la rue St-Antoine, il est passé place de la Bastille, est arrivé rue du Faubourg St-Antoine. Toutes les maisons y sont pavoisées, les balcons drapés de tentures rouges, des centaines de lampions sont suspendus à tout ce qui le permet. Les toits sont pleins de curieux, jusque sur les cheminées, auxquelles des drapeaux sont également accrochés.
Au croisement des rues Cotte et Trousseau, la maison qui vit la barricade de Baudin, est couverte de feuillages verts et rouges, et les têtes se découvrent au passage. Un peu plus loin, l’entrée de l’Université populaire, au n°157, est pavoisée, son fronton surmonté d’un tableau représentant une allégorie de la République.

A 12h45, le président de la République, Émile Loubet, a quitté l’Elysée avec Waldeck-Rousseau, président du Conseil et ministre de l’Intérieur, et Alexandre Millerand, ministre du Commerce dans une 3ème voiture, au milieu d’un escadron de cuirassiers, tandis qu'escortés par des dragons, les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, prenaient avec eux la rue du Faubourg St-Honoré, la rue Royale, les grands boulevards, dépassaient la place de la République puis empruntaient l'avenue de la République, le boulevard de Ménilmontant, l'avenue Philippe Auguste. Ils arriveront à 13 heures place de la Nation.
Tous prennent place sur une estrade de 1 200 places, dont la moitié réservées aux délégués des syndicats ouvriers et patronaux et des Bourses du travail de Paris et des départements.

Dès 10h30 du matin, les délégations syndicales sont arrivées à la Bourse du Travail et, avec celles de la CGT, sur le terre-plein devant le théâtre de l’Ambigu (démoli depuis). Les peintres en bâtiments sont en blouse blanche, les jardiniers ont la bêche, la pioche ou le râteau à l’épaule, les typotes sont en blouse noire, les fleuristes derrière un immense nœud de soie rouge surmonté d’une corbeille de fleurs, des Allumeurs du gaz ont leurs bâtons. Les syndicats des chemins de fer brandissent des pancartes qui portent : « Plus de surmenage ! Sécurité des voyageurs. Les chemins de fer à la Nation ! » Les maréchaux-ferrants ont voté la grève la veille au soir pour la « suppression intégrale du travail le dimanche », point 4 de leurs revendications, et sur leur drapeau est inscrit « Vive la grève ! »
D’autres regroupements se sont faits boulevard St-Martin, boulevard Voltaire, boulevard Richard-Lenoir, quai de Valmy, où attendent plus de 1 000 adhérents de la Ligue des Droits de l'Homme ; rue du Faubourg du Temple, où les groupes du Parti Ouvrier Socialiste-Révolutionnaire, dont le groupe central du XIe arrondissement, passent en agitant leurs chapeaux et en criant « Vive la Sociale ». 60 dames de la Halle sont coiffées d’un bonnet rouge. Les loges maçonniques sont là également, entre autres La Philosophie sociale dont Louise Michel sera l'initiée le 13 Septembre 1904, avec leurs bannières et leurs écharpes pleines de symboles : compas, triangles et inscriptions égyptiennes ; les cris de "Vive la maçonnerie, A bas les jésuites !" se font entendre.
Vers 14 heures, le cortège s’est ébranlé par le boulevard Voltaire où nous sommes.

On arrive au n°214 où un locataire ingénieux a exprimé ses convictions internationalistes par un curieux assemblage de drapeaux étrangers fixés à son balcon en une triple guirlande multicolore ; devant quoi la foule entonne immédiatement l’Internationale, et agite ses chapeaux.
Conformément à l’arrêté du Préfet de Police, il n’y a pas de drapeaux rouges qui soient de purs et simples drapeaux rouges : ils ne peuvent être que les bannières de corporation au nom brodé dessus en lettres noires ou or… mais il en est plusieurs dont l’inscription est ton sur ton, du même rouge que le drapeau et, de surcroît, ce qui est brodé c’est « Vive la Révolution sociale ! » C’est le cas, par exemple, sur celui du syndicat des terrassiers. On crie : « Vive la République, A bas la calotte ! » On chante l’Internationale, la Carmagnole, le chant des prolétaires, le Ca ira
La tête du cortège ouvrier arrive vers 14h15 à la Nation (et les présidents de la République et des Chambres en partent dès 14h30). Elle passe devant la tribune officielle, entre celle-ci et le monument de Dalou (l'artiste sera présent tout le temps du défilé). Dans le cortège, on distingue Camélinat, l’ancien directeur de la monnaie de la Commune, celui qui a fait frapper 10 000 pièces de 5 francs portant sur la tranche, à la place du « Dieu protège la France » qui y figurait depuis 1848, « Travail, Garantie nationale ».
Le cortège quitte la Nation par la rue du Faubourg St-Antoine pour se disloquer place de la Bastille. Les derniers passent devant la tribune à 19h30 : 350 000 personnes ont défilé selon le compte-rendu officiel, 500 000, on l’a vu, selon la Petite République.
Le groupe de la Petite République a défilé derrière 3 bannières : sur l’une, le nom du journal, sur la 2ème, « Ni Dieu ni maître », sur la 3ème, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Sont là Charles Péguy et Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx, mais pas Jean Jaurès qui est en tournée de conférences dans le Jura.
On a pu dénombrer dans le cortège 59 associations coopératives de production, dont La Verrerie Ouvrière ; 46 coopératives de consommation dont L’Avenir de Plaisance, précédée de sa fanfare qui joue l’Internationale, La Bellevilloise, L’Égalitaire, La Moissonneuse ; la Ligue pour la propagation de la Libre-pensée du XIe arrondissement ; le Conseil municipal de Vic-Dessus (en Ariège, siège d'une "mine ouvrière"), le Comité de Sotteville en faveur de la Verrerie ouvrière, etc.

On lit dans le compte-rendu officiel du Conseil Municipal de Paris qui sera publié l’année suivante : « Une chambre syndicale, précédée de son emblème, est en quelque sorte commandée par une petite fille assise sur les épaules d’un solide gaillard. La fillette blonde, habillée de rouge et coiffée du bonnet phrygien, paraît radieuse de son rôle. » On retrouvera exactement le même tableau sur une photo de Willy Ronis du 14 juillet 1936, et dans bien des manifs ultérieures.




- usine Cusenier, 226 bd Voltaire. Construite en 1871, sur 2 300 m de tour, exclusivement pour satisfaire à la consommation parisienne. Avec l’usine de Charenton, deux fois plus grande, et celle d’Ornans, on arrivera à un total de 300 ouvriers. On y fabriquait l’absinthe, l’une des grandes spécialités de la maison : un alcool à 71° tenant en suspension des principes aromatiques (anis, grande absinthe mondée, fenouil, angélique, etc.), et/ou des principes colorants (hysope, mélisse, petite absinthe), qu’une hydratation plus ou moins bien exécutée faisait précipiter en opalisant le liquide. « J’ai longtemps cru que les précautions prises par les consommateurs d’absinthe pour l’opaliser normalement et également étaient une simple manie, raconte Turgan ; mais M. Cusenier m’a prouvé qu’il y avait une notable différence de goût entre de l’absinthe bien ou mal hydratée. » L’absinthe de Cusenier était vendue sous la marque l’Oxygénée et, sur les murs de Paris, ses affiches proclamaient « l’absinthe oxygénée, c’est ma santé » tant que le produit ne fût pas mis hors-la-loi, en 1915, pour des raisons exactement opposées à cette affirmation.
 
On est arrivé au début de la rue Léon Frot :

Le 16 rue Léon Frot est l'ancien 27-29 rue de la Muette où, dès l’été 1846, s’était installée l’entreprise de boutons de Jean-Félix Bapterosses. 150 personnes y travailleront, dont 2/3 d’hommes, qui produiront 1 400 000 boutons par jour. 400 femmes dans le quartier, à leur domicile, les attacheront sur des rectangles de cartons. Alexandre Martin, qui a pour nom de guerre « l’ouvrier Albert » à la société secrète des Saison dont il est l'un des chefs avec Blanqui et Barbès, est mécanicien chez Bapterosses. Il sera membre du gouvernement provisoire de la Deuxième République, le 24 février 1848, et en sera bien vite exclu, ce qui provoquera l’envahissement du Palais Bourbon le 15 mai suivant.

Le cri de Scarron, au Marais: "Revenez mes fesses perdues"

- 23, rue Turenne, Hôtel Colbert de Villacerf, surintendant des bâtiments du roi, (de 1650, il restera dans la famille jusqu’en 1755); fontaine au fond de la cour datant de 1650, ce qui en fait la plus ancienne des fontaines parisiennes du 17e siècle ; l'hôtel a été exhaussé de 3 étages en 1931.

   - fontaine de Caron, de 1783, de style maniériste, au fond de l’Impasse de la Poissonnerie, du marché Ste-Catherine. La "culture Sainte-Catherine" est le riche enclos, au long du rempart de Philippe-Auguste, d’un prieuré fondé en 1229 par les sergents d’armes de Philippe Auguste en accomplissement d’un vœu fait à Bouvines. La culture Sainte-Catherine est rachetée par le roi en 1767 pour l’édification d’un marché, finalement redessiné par Soufflot, dont la première pierre sera posée en avril 1788.

- 11, rue de Sévigné (ancienne rue Culture-Sainte-Catherine), ancien établissement de bains évoqué par Hugo : « le passant qui s’arrête rue Culture-Sainte-Catherine, après la caserne des pompiers, devant la porte cochère de la maison des Bains, voit une cour pleine de fleurs et d’arbustes en caisses, au fond de laquelle se développe, avec deux ailes, une petite rotonde blanche égayée par des contrevents verts, le rêve bucolique de Jean-Jacques. Il n’y a pas plus de dix ans, au-dessus de cette rotonde s’élevait un mur noir, énorme, affreux, nu, auquel elle était adossée. C’était le mur du chemin de ronde de la Force », écrit Hugo dans Les Misérables, en 1862.
Explication de texte : - « maison des Bains » parce que cet établissement a succédé en 1812 au théâtre du Marais, inauguré en 1791, que Beaumarchais avait fait construire avec des matériaux de la Bastille démolie. (Plaque commémorative)
- « rue Culture-Sainte-Catherine » à cause du prieuré longeant l'enceinte de Philippe Auguste ; la rue correspondait au chemin de ronde ; il y a des restes d’une tour de l’enceinte dans la cave du n°7, chez les pompiers. A l’angle de la caserne marques de censive.
- « la caserne des pompiers » parce que ceux-ci sont installés dès la Restauration dans l’hôtel Poulletier du n°7 ;
- « Il n’y a pas plus de dix ans » parce que c’est en mai 1850 que les deux prisons de la Petite et de la Grande Force ont été fermées et leurs huit cent quarante détenus transférés à Mazas.

- N°9 rue de Sévigné se trouvait l’hôtel du comte de Chavigny, ministre de Louis XIII, un hôtel Renaissance modernisé à partir de 1642 par François Mansart (1598-1666), auquel est attribué la façade sur jardin ; y subsiste un plafond peint attribué à Mignard. Le domaine, divisé à la fin du XVIIème siècle, fera place à deux hôtels : l’hôtel « de Mansart », réaménagé, s’ouvrira pour la première fois sur la rue de Sévigné.
- Au n°5 de la rue de Sévigné, la maison (plaque) garde le souvenir de la philanthropie de François-Vincent Raspail, qui y soigna gratuitement les pauvres de 1840 à 1848 avant de prendre part à la révolution de février 1848 et d'être élu député.

- la grande éloquence des sermons emplit la nef de l’église Saint-Louis des jésuites, achevée en 1647, et connaît son acmé le Vendredi saint, jour pour lequel les laquais y retiennent physiquement la place de leurs maîtres dès le mercredi ! La voix de Bossuet, durant les dix ans suivant 1659, date à laquelle il a été appelé à Paris par Vincent de Paul, et, à la décennie suivante, le timbre de Bourdaloue, logicien dont la dialectique implacable vous prend dans son étau et vous « ôte la respiration », à en croire Mme de Sévigné, auditrice assidue sauf si « la presse était à mourir ». Étouffée, oui, mais seulement par le prédicateur !
Puis tonnent les grandes orgues : Marc Antoine Charpentier prend la maîtrise de la musique des jésuites en 1689, celle dont le jour de gloire est la Saint-Louis, le 25 août, fête du Roi-Croisé qui partage son nom avec le Roi-Soleil, dans le même temps où François Couperin, dit le Grand, succède à la tribune de Saint-Gervais à son oncle et à son père et y compose, avant d’avoir 20 ans, ses deux premières Messes.
Mme de Sévigné, mariée à Saint-Gervais, est fidèle à Saint-Louis : « L’après-midi nous fûmes à l’église des jésuites de la rue Saint-Antoine pour entendre le sermon de l’évêque de Valence [Daniel de Cosnac, premier aumônier de Monsieur, frère du roi]. Le roi, la reine, M. le cardinal et la plupart des grands de la cour y assistèrent. Tout autour de l’église, on voyait plus de quatre mille cierges allumés, outre les chandelles dont l’autel, fait en forme de ciel et rempli de figures d’anges, était éclairé. Les armes du Roi et de la Reine y étaient représentées, soutenues de ces petits corps ailés ; et par des machines et des ressorts, on faisait descendre l’hostie jusque dans les mains de l’évêque. Il y eut aussi une magnifique musique composée des meilleures voix de celle du roi et aidées de celles de l’église même qui est très excellente. »
L’Empire installera le lycée Charlemagne dans la maison professe des jésuites; Saint-Paul s’est ajouté à Saint-Louis dans le nom de l’église désormais paroissiale.

- la rue de Rivoli a détruit, de la rue Mahler à la rue de Sévigné, tout le côté nord de la vieille rue Saint-Antoine.

- rue du Roi-de-Sicile parce qu’ici se situait l’hôtel de Charles d’Anjou, frère de Saint Louis, roi de Naples et de Sicile, la maison angevine régnant sur Naples et les domaines en dépendant depuis 1266.
N°2-4 La prison de la Grande Force, destinée à remplacer celle du For-l’Évêque, avait été établie en 1780 dans l’hôtel des ducs de La Force (successeurs ici des rois de Sicile) dont elle prendra le nom. Une Petite Force suivra, aux dépens de terrains de l’hôtel de Lamoignon, contre lequel elle a laissé un pan de son mur, 24, rue Pavée. À la Petite Force sont détenues, après le 10 août 1792, les fidèles de Marie-Antoinette : la princesse de Lamballe, Mme de Tourzel qui dirigea la fuite à Varennes, et sa fille Pauline dont la robe avait déguisé le dauphin. Ces deux dernières seront sauvées par la chute de Robespierre ; la princesse de Lamballe, le 3 septembre 1792, devant le guichet d’entrée de la Grande Force, la gorge plaquée sur la borne d’angle de la rue du Roi-de-Sicile et de la rue des Ballets (auj. l’extrémité sud de la rue Malher), a été décapitée au couteau (plaque).
Mais revenons aux Misérables : Depuis 1 heure du matin, Thénardier, évadé, est allongé sur l’arête d’un autre pan de ce mur, d’une hauteur de trois étages, donnant rue du Roi-de-Sicile, sans plus pouvoir rien faire qu’attendre d’être repris. 4 heures sonnent, le jour va poindre, et voilà qu’il distingue des voix au-dessous, mais… ce n’est pas la police ! Deux petits mots révèlent des voix amis: « Ces deux mots, icigo et icicaille, qui tous deux veulent dire ici, et qui appartiennent, le premier à l’argot des barrières, le second à l’argot du Temple, furent des traits de lumière pour Thénardier. À icigo il reconnut Brujon, qui était rôdeur de barrières, et à icicaille Babet, qui, parmi tous ses métiers, avait été revendeur au Temple. L’antique argot du grand siècle ne se parle plus qu’au Temple, et Babet était le seul même qui le parlât bien purement. Sans icicaille, Thénardier ne l’aurait point reconnu, car il avait tout à fait dénaturé sa voix. »

- 13 et 11, rue Pavée En 1577, l’hôtel de Lorraine et ses somptueux jardins étaient considérés comme l’un des plus beaux domaines de Paris. En 1685, ce domaine est morcelé ; de ce partage naissent deux hôtels : l’hôtel aux n°9-11 conserve le souvenir de celui de la famille de Lorraine avec sa façade et sa porte cochère Louis XIII  ; au n° 13, un nouvel hôtel indépendant a été réaménagé, l’hôtel d’Herbouville, selon les dessins du célèbre architecte Jean Hardouin-Mansart de Jouy (1703-1766, petit-fils de Jules Hardouin-Mansart qui était lui-même le petit neveu de François Mansart. On lui doit la façade de Saint-Eustache), qui garde une porte Louis XV. Il accueille aujourd’hui une école religieuse israélite.

- Au cœur du Pletzl, la « petite place » comme se désigne en yiddish le quartier, au 10 de la rue Pavée, pour l’association russo-polonaise Agoudas Hakehilos, regroupement de neuf sociétés très orthodoxes, Hector Guimard construit en 1913 une synagogue modern style.

- la vieille porte Baudet ou Baudoyer des remparts de Philippe Auguste, sur la rue Saint-Antoine (à la hauteur de l'actuelle église Saint-Louis), a été démolie en 1382, année de la révolte des Maillotins. À compter de cet endroit, passé son début tortueux (qui sera rebaptisée François-Miron en 1865), la rue Saint-Antoine s’élargit vers l'est en un cours magnifique, qui sera la promenade à la mode jusqu’à l’ouverture du Cours-la-Reine, en 1616.
Le 1er juin 1540, Charles Quint, autorisé à traverser la France avec son armée pour aller mater les Flandres, est accueilli par les corps constitués rue Saint-Antoine, entre des maisons dont les façades ont été drapées de riches tapisseries, après que la Bastille voisine a tiré une salve de huit cents coups de canon. Les fêtes et les tournois qui, en 1549, suivent l’entrée solennelle d’Henri II ont pareillement lieu ici, seul endroit de Paris à offrir assez d’ampleur à un moment où les Tuileries n’existent pas encore et où la place de Grève, comme son nom l’indique, est pour l’essentiel une berge en pente douce. Dix ans plus tard, c’est encore ici que se déroule le carrousel meurtrier où le roi trouve la mort. Et, un siècle après, c’est toujours par la rue Saint-Antoine qu’entrent solennellement Louis XIV et la jeune reine Marie-Thérèse.
En 1646, le roi cède à la Ville le front bastionné qui s’étend de la porte Saint-Antoine à la poterne Saint-Louis, au débouché de la rue du Pont-aux-Choux, soit, en gros le futur boulevard Beaumarchais. Dès les premiers mois de 1670, il est aménagé, planté d’arbres ; c'est le Nouveau Cours.

- n° 86 : Angle rue de Fourcy. Immeuble remanié au XVIIe siècle.
- n° 82 à 84 : Ancien hôtel du fermier général Hainault de Cantobre en 1706. Balcon à console orné d’une tête de Maure. Bâtiment restauré en 1993. Maison européenne de la Photographie (7 à 11 rue de Fourcy).
- n° 70 à 80 : Immeubles XVIIe siècle. Bel escalier au n° 70, idem au 76.

- 68, rue François-Miron. Quand, le 26 août 1660, Louis XIV fait son entrée solennelle à Paris, son cortège passe, rue aujourd’hui François-Miron, devant l’hôtel de Beauvais qu’on inaugure précisément pour l’occasion. Au balcon, la reine mère, Anne d’Autriche, et le cardinal de Mazarin, son mari secret ; Cateau la Borgnesse, sa femme de chambre, qui déniaisa le jeune roi, élevée au baronnage en même temps que son mari, ex-marchand de ruban à la galerie du Palais, et maîtresse de la maison ; enfin, Turenne tout frais nommé, en avril, maréchal général des camps et armées du roi !
Mozart y arrive le 18 novembre1763 à trois heures et demie de l'après-midi, avec Marianne, sa sœur, et leur père, accueillis par le comte Van Eyck, ambassadeur de Bavière à Paris, l'occupant des lieux. Leurs hôtes font transporter le clavecin de la comtesse dans la chambre des Mozart. Wolfgang n'aura 8 ans que le 31 janvier : il est trop petit pour voir le jardin suspendu, au-dessus des stalles prévues pour dix-huit chevaux, dans la cour de l’hôtel.

- Il y avait déjà, à la fin du 13e siècle, une rue des Juifs qui, curieusement, va cesser de l’être précisément à l’époque où ils n’y ont jamais été aussi nombreux pour devenir Ferdinand Duval en 1900. La communauté a sa bibliothèque ouvrière, 27, rue des Écouffes (coin avec le 23, rue des Rosiers), et son Fourneau économique, 22, rue des Juifs (coin avec le 7, rue des Rosiers), cette rue qui prend le nom du préfet Ferdinand Duval juste avant que les premières affiches « en langue juive », comme dit Charles Rappoport, n’apparaissent dans le quartier à l’occasion des élections de 1902. La chose ne passe pas inaperçue des journalistes du Temps.

- la rue Cloche-Perce, du 13e siècle, tire vraisemblablement son nom d'une enseigne faite d'une cloche bleue (pers ou perse, soit entre le bleu et le vert).

- n° 15, rue Vieille du Temple : Hôtel de Vibraye ou de Schomberg (1650). Restauré en 1980. n° 17 et 19 du 17e siècle. n°21 du 18e siècle; n°23 idem, très restauré.

- La rue du Trésor occupe l'emplacement de l'ancien hôtel du maréchal d'Effiat, père du Cinq-Mars qui fut le favori de Louis XIII. Elle se termine en cul-de-sac par une fontaine inutilisée datant du XIXème siècle. Dès 1883, se réunissait au café Trésor, aujourd'hui des Philosophes, une Société des ouvriers juifs russes – « en réalité des ouvriers juifs de Pologne et de Roumanie », précise Charles Rappoport, (populiste russe, diplômé de philosophie en Suisse et futur meilleur propagandiste du PC, débarqué à Paris au 50, rue des Francs-Bourgeois) -, et bientôt s’y tient, au sous-sol, en yiddish, la permanence du Syndicat des casquettiers.
Propriétaires de leur machine à coudre, ils sont de six à huit ouvriers en moyenne, au mieux de quinze à vingt, à travailler chez cent soixante fabricants dont deux seulement chôment le samedi. Importatrice de casquettes, le couvre-chef de ses ouvriers, jusqu’en 1890, la France en devient exportatrice avec le développement des ateliers juifs.
Le Fourneau économique, de six cent cinquante à sept cents portions qu’il servait chaque jour, grimpe à mille huit cents portions « après Chisinau ». Le pogrom qui a frappé la ville de Bessarabie en 1903 a suscité un exode massif. De nouveaux groupes d’ouvriers juifs, tailleurs, casquettiers, ébénistes, mais aussi forgerons, cordonniers, sculpteurs, mécaniciens, ferblantiers, serruriers, chaudronniers, confectionneurs en fourrure, viennent s’installer dans les 4e et 10e arrondissements. 
            Le siège du syndicat des casquettiers sera 13, rue Geoffroy l’Asnier au début des années 1930, lieu où a été construit depuis le Mémorial de la Shoah.
- n° 36 Hôtel construit à la fin du XVIIe siècle pour Jean Godart, sieur du Petit Marais. Ancien hôtel Poussepin (1660), de Baillie (1776). Fond de cour, plafond peint à voussure XVIIe siècle. Les portes monumentales et vantaux protégés IMH
- n° 44 : Ancien hôtel XVIIIe siècle. Beau portail avec mascaron, ferronneries. Les portes monumentales et vantaux protégés IMH

- 47, rue Vieille-du-Temple : Amelot de Bisseuil prend possession de son hôtel « si beau, si riche et si orné » de la rue Vieille-du-Temple, édifié sur celui de Rieux devant lequel était née, le soir du 23 novembre 1407, la guerre civile de trente ans des Armagnacs et des Bourguignons.
Les porte-couteaux, « estafiers » dans la vieille langue, de Jean sans Peur sont à l’affût depuis bien huit jours, dans une maison vide, « à l’image Notre-Dame », qu’ils ont louée en face. Peu après huit heures du soir, le duc d’Orléans sort de l’hôtel Barbette où la reine, sa belle-sœur et sa maîtresse, accouche d’un énième enfant. Le duc est gai, tête nue dans une houppelande de damas noir fourrée de martre, il joue avec ses gants et chantonne, faiblement accompagné de quelques porteurs de torches, pages et valets. Les assassins, près d’une vingtaine, armés d’épées, de casse-tête, de demi-lances, d’arcs et de flèches, frappent à tour de bras ; ils mettent le feu à leur repaire et filent au galop par la rue des Blancs-Manteaux, obligeant chacun à moucher ses chandelles sur leur passage, et jetant derrière eux des chausse-trappes. Devant l’hôtel de Rieux, on ramasse le corps de Louis d’Orléans pour le porter à l’intérieur : une main en est coupée, le bras gauche arraché, la moitié de la cervelle a coulé dans le ruisseau ; on emporte également son page. Un valet, grièvement blessé, a trouvé refuge dans une maison du coin de la rue des Rosiers.
Prévenus par le prévôt de Paris, les princes, c’est-à-dire les deux oncles du roi, ducs de Berry et de Bourbon, et son cousin germain, duc de Bourgogne, commanditaire du meurtre, se réunissent aussitôt, avec quelques membres du grand conseil du roi, à l’hôtel d’Anjou, chez le roi de Sicile.
Dans la chapelle de l’hôtel autrefois de Rieux, le culte protestant est célébré fréquemment, deux bons siècles plus tard, par le chapelain de l’ambassade de Hollande, d’où la désignation future du lieu comme "hôtel des Ambassadeurs hollandais". Valentin Conrart s’est marié ici, en 1634, selon le rite réformé ; Germaine Necker, future Mme de Staël, y est baptisée de même en 1766. Beaumarchais y installe, dix ans plus tard, les bureaux de Rodrigue Hortalez et Cie, sa maison de commerce d’armes à destination des « insurgents » américains, montée avec un million de livres de fonds publics que Vergennes, le ministre des Affaires étrangères, a mis à sa disposition. Il y vivra avec Marie-Thérèse de Willer-Mawlaz, et leur fille Eugénie, qui y naît, jusqu’à ce qu’il fasse construire par Lemoyne sa somptueuse résidence des environs de la Bastille.
C’est au 47, rue Vieille-du-Temple, donc, que Beaumarchais écrit Le Mariage de Figaro, qu’il lance l’édition des œuvres complètes de Voltaire sitôt la mort du philosophe, qu’il écrit encore Tarare, livret d’opéra moquant le despotisme oriental, destiné à la musique de Salieri. Mozart vient de créer, à Vienne, ses Noces de Figaro.

On aperçoit l'échauguette de la rue des Franc-Bourgeois: « À l’angle de la rue Vieille-du-Temple, elle montait la garde, dressant sa silhouette élancée contre le fond étoilé de la nuit printanière. Un toit de tuiles grises, tout neuf, coiffait les ruines qu’on s’apprêtait peut-être à restaurer. De-ci de-là, des meurtrières s’ouvraient dans la maçonnerie grossière constituant la façade du rez-de-chaussée. (…) Les fenêtres du premier étage, à l’encadrement sculpté, étaient obturées par des briques. Celles du dessus béaient sur le noir. (…) L’asphalte résonna sous un talon de fer. Ce n’était pas un des estafiers de Jean sans Peur. »
C’est Nestor Burma qui parle, dans la Fièvre au Marais. Explication: le roman est de 1955, l’échauguette de l’hôtel Hérouët (vers 1510),  a été endommagée par un bombardement de 1944 et l’on a envisagé de la démolir.

Au n° 12, rue des Blancs Manteaux, l'ancien monastère des Blancs Manteaux est classé (l'église, en totalité y compris les cryptes, façades et toitures du bâtiment conventuel subsistant [actuellement presbytère]). En 1258, saint Louis fait construire une église et un petit couvent, à l’abri de l’enceinte de Philippe Auguste, pour y installer les Serfs de la Vierge Marie, ordre mendiant dont l'habit est le manteau blanc. C'est dans cette église que fut déposée la dépouille de Louis, duc d'Orléans, assassiné le 25 novembre 1407 par son cousin Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Le monastère s’agrandit en 1685, et se dote d'une nouvelle église au détriment de l’enceinte de Philippe Auguste, toujours là mais bien ruinée. La façade de Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux lui vient de l’église Saint-Eloi des Barnabites, de 1704, sise dans l’île de la Cité. Saint-Eloi détruite lors des travaux d’Haussmann, sa façade sera remontée aux Blancs Manteaux par Baltard, l’architecte des Halles, en 1863.

À la Pizza du Marais, 15, rue des Blancs-Manteaux, Font et Val donnaient, en 1974, leur Sainte Jeanne du Larzac : pendant les manœuvres de printemps, la belle Jeanne Duret « pompait l’armée pour la rendre inoffensive » ! L’année suivante, Renaud y partageait l’affiche avec Yvan Dautin et ils réunissaient quinze spectateurs chacun. Mais à la Pizza du Marais, Renaud a griffonné Laisse béton au dos d’un paquet de cigarettes et bientôt c’est le tube !

- 9, rue Aubriot, portes monumentales et vantaux, protégés IMH

- Au Crédit Municipal, "chez ma tante", on peut voir l'étuve servant à stériliser les matelas mis en gage; au n°22, cour Martin Feuillée, se trouve l'hôtel des Ventes du Mont de Piété où ont encore lieu chaque année une centaine de ventes aux enchères des objets non retirés.

- 2, 4, rue Rambuteau, jolie façade

- angle Franc-Bourgeois / Archives : L’hôtel des Guise, est passé aux mains de François de Rohan, prince de Soubise au début du 18e siècle. Comme il a besoin de jouer aux petits soldats, pour oublier qu'il laisse « sa femme, à la cour, se mêler du grand, des grâces et des établissements de sa famille » en sa qualité de maîtresse royale, l’architecte lui fait une vaste cour d’honneur, propice aux revues militaires, entre un porche monumental ouvert sur la rue des Franc-Bourgeois et le mur latéral du palais des Guise rhabillé en façade principale. Au bout du jardin, l’un de leurs fils, celui qui, sans doute, l’est « naturellement » du roi, se fait construire un hôtel par le même architecte, qui appelle Robert Le Lorrain à sculpter ici Les Chevaux du Soleil au fronton des écuries comme il allonge, de l’autre côté du parc mitoyen, La Gloire et La Magnificence au sommet du corps central de la façade.
Le musée des Archives nationales conserve, au bord de l'escalier du 1er étage, les 24 canons de fusils alignés constituant la machine de Fieschi utilisée dans l'attentat du 28 juillet 1835 contre Louis Philippe.

- 45, rue des Archives : L’ordre religieux de Notre Dame de la Rédemption des Captifs, ou des Pères de la Merci, se consacrait depuis 1218 au rachat des chrétiens capturés par les barbaresques. En 1613, la reine Marie de Médicis les installa rue du Chaume, actuelle rue des Archives.
Une église et les premiers bâtiments conventuels sont alors construits. Mais quand François de Soubise entreprend les travaux de son hôtel au début du XVIIIème siècle, il souhaite aussi avoir un beau vis à vis et finance la reconstruction de l’église de la Merci, où sa famille possède une chapelle, et du couvent, travaux menés par son architecte Germain Boffrand, en 1727-31.
L’église qui se trouvait au n°47 de la rue des Archives a été fermée puis détruite à la révolution et remplacée par des immeubles de rapport. Le couvent qui se présente comme un hôtel particulier avec son grand portail a été conservé et transformé pour l’habitation. Il possède encore un beau cadran solaire sur une de ses façades et un très bel escalier.

- 58, rue des Archives. Clisson, compagnon d’armes de Du Guesclin, a fait bâtir son hôtel vers 1370 ; c’est le moment où la vieille enceinte de Philippe Auguste, remplacée, était démolie et offrait du terrain à bon marché ; le temps aussi où le séjour du roi Charles V à l’hôtel Saint-Paul attirait la noblesse au Marais. L’hôtel était bâti depuis dix ans quand éclata à Paris la révolte dite des Maillotins, suscitée par un impôt de trop et, retour de la guerre de Flandre, Charles VI désarma les Parisiens, abolit leur gouvernement municipal, les fit emprisonner par centaines, pendre les uns et confisquer les biens de ceux que l’on ne pendait pas. C’est Clisson qui avait suggéré au roi, pas encore âgé de 15 ans, le désarmement de Paris : il avait fait arracher toutes les portes de la ville, et les avait fait coucher au sol afin que les piétinent chaque jour les hommes et les bêtes. Paris resta ainsi ouverte à tous les vents durant neuf années, si bien que Froissart pourra écrire que Clisson avait, au sens propre, ouvert la porte à ses assassins quand il sera, dans la nuit du 13 au 14 juin 1391, assailli devant son hôtel par Pierre de Craon et une quarantaine de ses hommes, qui sans cela n’auraient jamais pu pénétrer en ville.
Laissé pour mort, le connétable se remettra pourtant de ses blessures.
Un siècle et demi plus tard, les Guise acquièrent l’ex-hôtel de Clisson, et François de Guise s’inquiète d’abord du maintien de son alimentation par les eaux de Savies, l’une des commodités de la maison. Les autres épisodes sont plus sanglants. Quand Paris, après un premier massacre de protestants, à Wassy, accueille et escorte comme un roi François de Guise, c’est jusqu’ici. C’est encore dans cet hôtel que se trame peut-être l’assassinat de Coligny, sûrement la Saint-Barthélemy. Le 9 mai 1588, malgré la défense du roi, le fils aîné des Guise, Henri le Balafré, rentre à Paris, c’est-à-dire toujours ici, rue alors du Chaume. Trois jours plus tard, au petit matin, l’Université se couvre de barricades, qui n’arrivent qu’à la mi-journée autour de son hôtel. Il joue l’étonné : « Je dormais quand tout commença », écrira-t-il. « Et en effet, raconte Michelet, il se montra le matin à ses fenêtres en blanc habit d’été, dans le négligé d’un bon homme qui à peine s’éveille et demande : “Eh ! que fait-on donc ?” ».
Puis, se posant en médiateur, « sans armes, une canne à la main, il parcourait les rues, recommandant la simple défensive ; les barricades s’abaissaient devant lui. Il renvoya les gardes au Louvre ; il rendit les armes aux Suisses. Tous l’admiraient, le bénissaient. Jamais sa bonne mine, sa belle taille, sa figure aimable, souriante dans ses cheveux blonds, n’avaient autant charmé le peuple ». Et Michelet le montre aussi habile à rendre leurs manières aux bourgeois qu’à serrer les mains crasseuses des pauvres, tournant vers les uns un œil d’autant plus compatissant que sa balafre le fait larmoyer, et vers les autres un œil ravi. « Le 9 mai, c’était un héros ; le 12 au soir, ce fut un dieu. »
La reine mère est chez Henri de Guise lorsque son plus intime confident vient dire au duc : « Le roi est parti ».
À l’invitation des Guise, Pierre Corneille, académicien, mais toujours normand, vient profiter du nouveau régime vigoureusement mis en place par le jeune Louis XIV, en s’installant à Paris avec son frère Thomas, dans leur hôtel.
Dans son immense hôtel, Melle de Guise, Marie de Lorraine, entretient une musique d’une quinzaine d’exécutants pour lesquels compose Marc Antoine Charpentier, avant de tenir parmi eux la partie de haute-contre. Charpentier, qui est naturellement son pensionnaire, y écrit, dans les années 1680, un ballet pour Polyeucte comme des intermèdes pour la reprise d’Andromède, l’une et l’autre de Pierre Corneille. Seule la mort de Mlle de Guise mettra fin à un séjour de près de vingt ans (de 1670 à 1688), qu’il quittera pour devenir le maître de musique des jésuites. Autour s’élèvent maintenant de beaux hôtels, comme celui d’Assy (n°58bis), que l’architecte Pierre Le Muet achève juste avant de passer à son chef d’œuvre, l’hôtel d’Avaux (aujourd’hui musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, 71, rue du Temple).
Les Archives nationales, créées par l’Assemblée constituante, qui ont connu la salle des Feuillants puis le couvent des Capucins, sont déposées au palais de Soubise en 1808 ; doivent les y rejoindre celles de tous les pays de l’Empire napoléonien. De l’hôtel de la maison de Guise il ne reste plus qu’un escalier à la double croix de Lorraine. Michelet, après qu’il aura été nommé à la tête de la section historique des Archives, en 1831, y occupera durant vingt-cinq ans un bureau aux boiseries très simples autour d’une glace élégamment encadrée.

-Les beaux balcons aux consoles massives de l’hôtel Lelièvre font face, rue de Braque, au portail d’Olivier de Clisson. Au 3, rue de Braque, grille ornée de pommes de pin, décoration traditionnelle des cabarets.

Source: gallica.bnf.fr
- 7, rue de Braque, cour ; "Petit hôtel de Mesmes et de Vergennes, ministre de Louis XVI" dans la légende d'Atget:

- 11, rue de Braque, soubassement; ancienne maison Bournigat du 17e siècle.

- 71-75, rue du Temple (auj. Musée d’art et d’histoire du Judaïsme), bâti par Le Muet pour Claude de Mesme, comte d’Avaux, qui meurt en 1650. L'hôtel passera ensuite au gendre de Colbert, duc de Saint-Aignan. Son aile gauche est un « mur renard », une façade plaquée, ici contre la muraille de Philippe Auguste sur laquelle vient partout buter le bourg.
Hôtel Claude de Mesmes, "centre du mouvement des journées de juillet 1830" dans la légende d'Atget. L'hôtel connu aussi comme de Saint-Aignan, est sis 57, rue Sainte-Avoye dans la nomenclature de l'époque. Y habitent l'avocat Etienne Garnier-Pagès et son demi-frère. Lors des Trois glorieuses de 1830, "la commune centrale" républicaine y établit son quartier général et, le 29 juillet, à lire Louis Blanc, Histoire de 10 ans : "Plusieurs citoyens s’étaient réunis tumultueusement rue Sainte-Avoye, dans la maison de Garnier-Pagès. Il y avait été arrêté que le général Lafayette, le général Gérard, le duc de Choiseul, seraient invités à prendre en main la force publique. En même temps, par une coïncidence singulière, MM. Charles Teste et Taschereau créaient, dans les bureaux du National, un gouvernement provisoire, composé de MM. Lafayette, Gérard et Labbey de Pompières. Sur l’avis du poète Béranger, ce dernier nom fut remplacé par celui du duc de Choiseul. Et une proclamation, que le Constitutionnel trompé publia, répandit dans tout Paris la grande nouvelle d’un gouvernement qui n’existait que dans l’esprit de quelques courageux faussaires comptant sur le succès pour se faire absoudre."

Si l'on en croit l'anonyme Souvenir glorieux du Parisien, ou Précis historique des journées des 26, 27, 28, 29, 30 et 31 juillet, suivi des plus beaux traits de cette mémorable révolte, et d'un tableau contenant le nom des braves qui se sont le plus signalés,
 "Un nommé Jean Grenier, ouvrier poêlier, rue de la Mortellerie n°20, s'est présenté dans la matinée du 31 juillet au commandant du poste de l'hôtel Saint-Aignan, rue Sainte-Avoye, 7e arr. "Sergent, dit-il, voici mon sabre, je l'ai bien employé depuis trois jours, maintenant je retourne à mon ouvrage et mon arme me devient inutile, j'en fais don à la Garde Nationale." Ce trait de patriotisme le plus désintéressé a été accueilli comme il devait l'être ; son auteur s'est refusé à recevoir aucun prix de son arme. "Je ne vends pas mon sabre, disait-il, je le donne." Et en effet il en fit don à un Grenadier qui en manquait."
Source: gallica.bnf.fr

Source: gallica.bnf.fr
- C’est au n° 79 – alors rue Sainte-Avoye –, qu’en 1623, Jean Habert – « Montmor le Riche », selon Tallemant des Réaux –, se fait construire l’hôtel fastueux qu’on connaît encore comme l’hôtel de Montmor. Henri-Louis Habert, fils de Montmor le Riche, né en 1603 comme Valentin Conrart, est déjà, à 22 ans, conseiller au parlement de Paris. Ses cousins Germain et Philippe sont tous les deux membres de l’Académie, et des familiers de l’hôtel de Rambouillet. Il les y rejoint et « Les Trois Habert » aident à tresser la Guirlande de Julie, y nouant Narcisse, Souci, Rose et Perce-Neige. À 31 ans, Henri-Louis est à son tour de l’Académie, et il en héberge les séances durant trois mois dans l’hôtel paternel. Mais son intérêt va davantage aux sciences et il reçoit, au milieu d’une collection de tableaux qui ne regroupe pas moins de cent quatre-vingt-sept pièces, et de manuscrits anciens dont Colbert trouvera soixante-treize dignes de sa bibliothèque, l’abbé Mersenne, Étienne Pascal et son fils Blaise, Roberval, Gui Patin, l’Italien Campanella, l’Anglais Hobbes, l’Allemand Kepler.
À l’hôtel de Montmor, Gassendi finit ses jours chez Henri-Louis Habert, auquel il lègue la lunette qu’il a lui-même reçue de Galilée, à condition que son hôte sera l’éditeur de ses œuvres complètes. Henri-Louis fait enterrer son ami à Saint-Nicolas-des-Champs, dans la chapelle de la famille Habert de Montmor, auprès de Guillaume Budé, son grand-oncle, le célèbre helléniste, fondateur du Collège de France, qui s’était éteint en 1540 au 203 bis, rue Saint-Martin.
En 1657, ce qui était une sorte de salon scientifique se formalise et adopte une constitution en neuf règles qui en fait l’Académie Montmorienne. Jean Chapelain, versificateur ennuyeux, mais correspondant de Huygens, y rend compte des découvertes de ce dernier : l’horloge à balancier, Titan, l’anneau de Saturne… 
On donne souvent Chapelain comme le modèle de Molière pour le Philinte du Misanthrope, en tout cas, après l’interdiction de Tartuffe dès le lendemain de sa création, le 12 mai 1664, c’est devant des membres de l’Académie Montmorienne – Jean Chapelain, Gilles Ménage, l’abbé de Marolles – que Molière en donne une lecture.
C’est encore ici qu’en 1667, deux médecins du roi font la première expérience de transfusion du sang : celui d’un veau sur un malheureux valet de chambre de Mme de Sévigné, amie et voisine des Habert de Montmor.

- mur peint rue des Haudriettes : l’Esprit des lieux
- façades et balcons des 5 et 5 bis
Source: gallica.bnf.fr
- Hôtel Bondeville (IMH),  4 rue des Haudriettes : hôtel d'origine 16ème, façades sur cour et cour, restauration contemporaine (façades). Hôtel de Maupéou dans la légende d'Atget qui en photographie la cour pleine de tonneaux:

- fontaine des Haudriettes, Située à l'intersection de la rue des Archives et de la rue des Haudriettes, cette fontaine classée, en forme de bâtiment trapézoïdal, a été conçue par Moreau-Desproux, petit-fils par alliance de Jean Beausire et Maître des Bâtiments de la Ville. Elle sera construite vers 1770 aux frais du prince François de Rohan, et remplacera la Fontaine Neuve qui datait de 1636. Elle est ornée d'un bas relief en marbre de Pierre Mignot représentant une naïade allongée dans les roseaux. Le mascaron représentant une tête de lion crachait de l'eau du canal de l'Ourcq, mais qui provenait à l'origine de Belleville.
La fontaine des Haudriettes subira de nombreuses restaurations, la plus importante étant celle entreprise par David en 1836.
Son nom provient d'une légende selon laquelle Etienne Haudry, un marchand drapier et grand panetier de Philippe le Bel, tardait à revenir de Croisade. Sa femme, qui ne l'attendait plus, prit le voile. Au retour d'Haudry, le couple donnera naissance à la société des femmes veuves, dites Haudriettes, qui possèderont diverses propriétés dans le rue qui porte leur nom.

-60, rue des Archives / 24, rue des 4 Fils, François Mansart bâtit l’hôtel de Guénégaud en 1651-53, que le bénédictin Germain Brice, dans le premier guide touristique parisien, publié en 1684, décrira ainsi : « Le devant est orné d’architecture, avec des refends, et des vases sur l’entablement, qui font ensemble une décoration agréable » (aujourd’hui musée de la Chasse et de la Nature).

- 20, rue des 4 Fils, bâtiment de 1747 où habita de Sèze, défenseur de Louis XVI.


- au bout de la rue des 4 Fils, le 11, rue de la Perle,  de 1717, devenu un immeuble municipal occupé par la Direction des affaires scolaires.

- 87, rue Vieille du Temple : L’imprimerie royale de Richelieu, après les Tuileries et le Louvre, est devenue nationale à l’hôtel de Toulouse, en l’an II, avant de gagner l’hôtel de Rohan en 1811.
D. Vierge, éd. de 1879 d'Histoire d'un crime, Groupe Hugo Paris 7
Très tard dans la soirée du 1er décembre 1851, Maxime Du Camp voit arriver chez lui un ami, très préoccupé : il est passé vers minuit devant l’Imprimerie nationale, rue Vieille-du-Temple, et il l’a vue entourée par une compagnie de la garde municipale, ce qui ne présage rien de bon. Ce qu’il n’a pu voir, c’est, dedans, chaque ouvrier, encadré par deux gendarmes, qui, dans le silence obligatoire, compose un tout petit fragment de texte qui à lui seul est sans signification. Le puzzle se reconstitue le lendemain matin sur tous les murs de Paris : "l’Assemblée nationale est dissoute".

- Dans les années 1630, la troupe de Montdory s’installe au jeu de paume du Marais, rue Vieille-du-Temple, au revers de l’hôtel Salé. Paris ne compte alors que deux salles de théâtre et deux troupes permanentes : les Comédiens du roi, de Bellerose, qui jouent à l’Hôtel de Bourgogne, et le Théâtre du Marais. Bellerose, à en croire Tallemant, « était un comédien fardé, qui regardait où il jetterait son chapeau, de peur de gâter ses plumes. Ce n’est pas qu’il ne fît bien certains récits et certaines choses tendres, mais il n’entendait point ce qu’il disait ». Montdory est, selon l’abbé d’Aubignac, «le premier acteur de [son] temps» ; il sait donner à l’interprétation de la comédie le ton « d’honnêteté », et à la tragédie classique celui de grandeur et de noblesse qu’attend alors l’élite de « la Cour et de la Ville ».
Corneille lui confie son Illusion comique à l’hiver de 1635-1636, et le Cid, en janvier 1637 ; Montdory y interprète Rodrigue. La France est en guerre avec l’Espagne, le public en entend des résonances dans la pièce, le succès est inouï. Le Cid « est si beau », écrit Montdory dès le 18 janvier à Guez de Balzac, « qu’il a donné de l’amour aux dames les plus continentes, dont la passion a même plusieurs fois éclaté au théâtre public. On a vu seoir en corps aux bancs de ses loges ceux qu’on ne voit d’ordinaire que dans la chambre dorée et sur le siège des fleurs de lys. La foule a été si grande à nos portes et notre lieu s’est trouvé si petit, que les recoins du théâtre qui servaient les autres fois comme de niche aux pages ont été des places de faveur pour les cordons bleus [de l’ordre du Saint-Esprit] et la scène a été d’ordinaire parée de croix de chevaliers de l’Ordre ».

- Aubert de Fontenay, dit Aubert des Gabelles parce qu'il eut le quasi monopole de celles-ci de 1632 à 1656, voit naturellement sa demeure qualifiée « d’hôtel salé ». Elle lui sera confisquée à la chute de Fouquet. C’est l’École centrale des Arts et Manufactures qui marqua ensuite le plus les lieux. On peut voir les marques de censive du Fief des Coutures Saint-Gervais (F C S G en losange autour d'une croix chrétienne) sur l’angle des communs de l’hôtel Salé, rue de Thorigny / rue des Coutures Saint-Gervais.

En face du musée Picasso, Françoise de Sévigné, fille de l'épistolière, épouse le comte de Grignan en 1669. Le jeune couple et Mme de Sévigné mère s’installent 8, rue de Thorigny (la maison brûlera ensuite et celle que l’on voit aujourd’hui est plus récente) mais, à l’automne 1669, le comte de Grignan est nommé lieutenant général du Languedoc. Voilà Madame de Sévigné épistolière par force, qui écrit ses premières lettres à sa fille en 1671. Mme de Sévigné logera ensuite rue du Parc-Royal où nous la retrouverons, la variole menaçant la rue de Thorigny. Puis elle louera une maison qui existe encore au 14 rue Elzévir (alors rue des Trois Pavillons) entre mai 1672 et 1677.

Dans le lotissement que réalise Le Jay, président au parlement de Paris, des terrains cultivés, "cultures" ou "coutures" des hospitalières de Saint-Gervais, Villedo construit avec le charpentier Claude Dublet, bâtisseur des maisons du pont Marie, tout le côté des numéros pairs de la rue Neuve-Saint-Louis (aujourd’hui de Turenne) entre les rues Saint-Gilles et Saint-Claude.
[En 1637, Michel Villedo, « maçon de la Creuse » mais de bonne bourgeoisie rurale, pas exactement un pauvre hère, a signé avec le bureau des finances le « traité » qui lui confie les travaux d’un canal de dérivation destiné à réguler les crues de la Seine. Il a déjà à son actif l’église de la Visitation-Sainte-Marie de François Mansart, mais son grand projet, auquel il a réussi à intéresser le Père Joseph, l’éminence grise, et par l'intermédiaire de celui-ci le rouge cardinal de Richelieu lui-même, c’est la reviviscence du bras mort de la Seine par le creusement et l’élargissement du ruisseau de Ménilmontant, qui en est un vestige, depuis l’Arsenal jusqu’à l’extrémité du Cours-la-Reine, au large de l’enceinte des « fossés jaunes » dont la construction vient de s’achever. La surintendance des finances se dédit et Villedo est nommé, à titre de compensation, « général des œuvres de maçonneries et ouvrages de Sa Majesté ».]

Source: gallica.bnf.fr
- 64, rue de Turenne, construit par Villedo et Dublet donc, l’hôtel Méliand (du pdt de Tanlay chez Atget), pour François Petit, maître d’hôtel ordinaire du roi ;
- comme au 66-68, celui de Pierre Boulin, trésorier du Marc d’or (un droit qui se lève sur tous les offices de France à chaque changement de titulaire) ;
- comme au 68 bis, enfin, où Turenne vécut une quinzaine d’années, l'hôtel que l’église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement a remplacé.
À la mort de Turenne, le 30 juillet 1675, Mme de Sévigné habite donc rue des Trois-Pavillons (aujourd’hui 14, rue Elzévir). « Tout le monde se cherche pour parler de M. de Turenne ; on s’attroupe ; tout était hier en pleurs dans les rues, le commerce de toute autre chose était suspendu... Jamais un homme n’a été regretté aussi sincèrement ; tout ce quartier où il a logé, et tout Paris et tout le peuple étaient dans le trouble et dans l’émotion. »
Au n° 62, rue de Turenne, l’hôtel de Hesse; au 60, un hôtel qui sera plus tard celui du « Grand Veneur », et qui a retrouvé un état proche de sa réfection de 1735. A l’arrière, 15, rue du Grand Veneur, dans un bâtiment de 1865-66, habita l'abbé Surat, archidiacre de Notre-Dame de Paris, otage de la Commune, tué lors de son évasion de la Roquette.

En face du 60, l'Hôtel de Pologne (IMH), 65 rue de Turenne, 17ème classique : escalier et sa rampe; au n° 56, habiter Scarron (voir ci-dessous); aux 52 et 54, la bibliothèque des Amis de l’instruction, organisée par des artisans et des ouvriers sous le Second Empire, occupe un local depuis 1884.
Mais le plus saisissant de ce que l'on doit à nos duettistes, c’est, dans la partie orientée est-ouest de l’actuelle rue Villehardouin, les douze maisons de rapport uniformes, hautes de deux étages et d’un comble, larges de quatre travées, s’élevant sur des parcelles identiques de cent quarante-quatre mètres carrés, qui lui donnaient alors le nom de rue des Douze-Portes.

Paul Scarron a été atteint, en 1638, d’un rhumatisme tuberculeux. Il est revenu du Mans paralysé des jambes, la nuque raidie, déformé, condamné à la chaise, « avec la douleur que donne [un] derrière pointu qui n’a plus d’embonpoint ». Mais pas plus sinistre pour autant :
Revenez mes fesses perdues,
Revenez me donner un cul,
En vous perdant j’ai tout perdu.
Hélas ! qu’êtes-vous devenues ?
Appui de mes membres perclus,
Cul que j’eus et que je n’ai plus...
En 1652, il arrache à la misère, en l’épousant, une jeune orpheline très belle, Françoise d’Aubigné, qui sera un jour Mme de Maintenon. À l’angle de la rue Neuve-Saint-Louis et de la rue des Douze-Portes (soit les actuelles rues de Turenne et Villehardouin), Scarron accueille les hommes les plus en vue de l’intervalle heureux qui sépare la dictature de Richelieu de l’absolutisme de Louis XIV, des libertins comme d’Elbène ou le maréchal d’Albret.
Désormais, quand il s’éloigne, toujours à regret, du Marais, c’est que s’impose une cure. Ninon, pendant ce temps-là, prête sa « chambre jaune » à Mme Scarron et à Villarceaux.
Crébillon père, Lesage succèderont à Scarron dans cette maison.

La forte pente de la rue Saint-Gilles, comme celle de la rue Saint-Claude, rappelle que le boulevard Beaumarchais est construit sur l’escarpe des remparts. « Vainement on chercherait dans Paris une rue plus paisible que la rue Saint-Gilles, au Marais, à deux pas de la place Royale. Là, pas de voitures, jamais de foule. À peine le silence y est rompu par les sonneries réglementaires de la caserne des Minimes, par les cloches de l’église Saint-Louis ou par les clameurs joyeuses des élèves de l’institution Massin à l’heure des récréations. Le soir, bien avant dix heures, et quand le boulevard Beaumarchais est encore plein de vie, de mouvement et de bruit, tout se ferme », raconte Émile Gaboriau en 1872 dans L’Argent des autres.
Dans l’ancienne infirmerie du couvent des minimes, placée dans le pavillon ouest du portail dessiné par François Mansart en 1678, seul vestige qui nous soit resté après la démolition du cloître au profit de l’agrandissement de la caserne, en 1925, quatre cents élèves ont connu à l'institution Massin, à en croire Ernest Lavisse dont les souvenirs ont le sérieux de l’historien professionnel, le régime du bain de pieds collectif et mensuel ! Cela a-t-il fait d’Auguste Blanqui, qui y fut élève dès ses 13 ans, un révolutionnaire ?

- 29, rue de Sévigné. Dans l’hôtel des Saint-Fargeau, de 1686, que la famille du conventionnel avait occupé jusqu’à la fin de l’Empire, l’institution Jauffret accueillit les fils Hugo, le romancier Edmond About, Louis Ulbach, le futur directeur de la Revue de Paris. Durant la Deuxième République, Pierre Larousse y était répétiteur de français et de latin pour les classes élémentaires. Sous la Troisième, Émile Durkheim y rencontrait Jean Jaurès préparant comme lui le concours d’admission à l’École normale supérieure. L’un sera le plus connu des sociologues français ; l’autre, le grand leader du mouvement socialiste.

- 8, rue du Parc-Royal : Mme de Sévigné y loge, on l'a dit, chez ses cousins Coulanges entre fin 1671 et mai 1672, la variole se faisant menaçante rue de Thorigny.

- 13, rue Payenne, hôtel de Châtillon ;
- n°11 le toit en carène de bateau de l’hôtel de Marle, presque contemporain de Carnavalet, est caractéristique de Philibert Delorme. Baudelaire n’aura pas le temps, en un trimestre, d’user ses fonds de culotte dans la pension qui y est alors installée.
- n°9, hôtel Donon, d’époque Henri III, musée Cognac Jay. Tous ces bâtiments ont une autre façade rue Elzévir. Madame de Sévigné y loue une maison presque au coin de la rue du Parc Royal entre mai 1672 et 1677.

- 31, rue des Francs-Bourgeois, Hôtel d'Albret. La façade sur rue est l''une des rares représentations dans le Marais de l'architecture Louis XV avec son balcon en ferronnerie. L'Hôtel, de François Mansart, date du XVIème siècle.

L'Hôtel Lamoignon est du 16e siècle. Son dernier agrandissement datait de 1624 et de Charles de Valois, bâtard du roi Charles IX et de Marie Touchet, sa favorite, qui y avait vécu jusqu'a sa mort en 1650, quand en 1658 Guillaume de Lamoignon loua l'hôtel. Il y tint hebdomadairement un salon où l'on pouvait côtoyer entre autres Boileau et Racine. L'hôtel fut acheté par son fils en 1688. L'avocat de Louis XVI, Lamoignon de Malesherbes y vit le jour en 1721. La famille de Lamoignon avait quitté les lieux vers 1750 ; le quartier passait de mode, et le 5e duc d’Aumont revendait lui aussi.

- Claude Boislève, pour lequel François Mansart a refait l’hôtel Carnavalet, l’un des premiers du Marais, construit à la jonction des règnes de François Ier et d’Henri II, sans doute par Pierre Lescot et avec le concours de Jean Goujon, est embastillé à la chute de Fouquet.
Après trois ans d’instruction, s’ouvre devant une chambre ad hoc, installée à l’Arsenal, le procès de Fouquet que Mme de Sévigné suit avec anxiété du 14 novembre, où il commence, jusqu’au verdict, qui tombe le 20 décembre1664. Un jour, enfin, elle réussit à apercevoir Fouquet, sur le trajet de la Bastille, sans doute depuis l’hôtel Fieubet. « Imaginez-vous que des dames m’ont proposé d’aller dans une maison qui regarde droit dans l’Arsenal, pour voir revenir notre pauvre ami. J’étais masquée, je l’ai vu venir d’assez loin. M. d’Artagnan était auprès de lui ; cinquante mousquetaires derrière, à trente ou quarante pas. Il paraissait assez rêveur. Pour moi, quand je l’ai aperçu, les jambes m’ont tremblé, et le cœur m’a battu si fort, que je n’en pouvais plus. En s’approchant de nous pour rentrer dans son trou, M. d’Artagnan l’a poussé, et lui a fait remarquer que nous étions là. Il nous a donc saluées, et a pris cette mine riante que vous connaissez. Je ne crois pas qu’il m’ait reconnue. »
Bouleversée, elle s’en retourne rue Sainte-Avoye (aujourd’hui du Temple), où elle est venue loger, veuve à 25 ans, à la fin de sa période de deuil.
Enfin, le 7 octobre 1677, elle écrit à sa fille : « Vous m’attendrissez pour la petite (…) Ne pourriez-vous point l’amener ? Vous auriez de quoi la loger au moins ; car, Dieu merci, nous avons l’hôtel de Carnavalet. C’est une affaire admirable : nous y tiendrons tous, et nous aurons le bel air ; comme on ne peut pas tout avoir, il faut se passer des parquets et des petites cheminées à la mode ; mais nous aurons du moins une belle cour, un beau jardin, un beau quartier, et de bonnes petites filles bleues [Celles du couvent contigu des Annonciades célestes], qui sont fort commodes, et nous serons ensemble, et vous m’aimez, ma chère enfant ».
L’Ecole des Ponts et Chaussées passera de l’hôtel Libéral Bruant, domicile de Perronet, son fondateur, à l’hôtel Carnavalet. Puis Carnavalet n’abritera pas moins de deux pensions.