125,
rue de Charonne (2, imp. Delaunay), PLU : Maison du 18e siècle ;
porte surmontée d’un mascaron féminin ; appuis de fenêtres en fer forgé.
Décor sans doute revu début 19e pour les frontons plats des baies du
1er étage. Bel escalier du 18e à rampe en fer forgé
conservé.
Métro Charonne. Ce qui va tragiquement
alourdir le nom de Charonne, jusque-là vide de tout sens et sans autre exemple
dans la toponymie française, c’est le 8 février 1962. Après une « nuit
bleue » d’attentats de l’OAS –
qui a laissé une enfant de quatre ans défigurée –, à l’appel du Comité Audin, de tous les partis de
l’opposition et des syndicats hormis Force Ouvrière, cinq rassemblements,
formés non loin, tentent de converger vers la Bastille. Une partie de ce
cortège disloqué, pas plus de trois mille ou quatre mille personnes, remonte
vers la Nation, dépasse la mairie du 11e et arrive à la hauteur de la station
de métro Charonne à 19 heures 30. La police barrant la chaussée, on
s’arrête ; lecture est faite d’une déclaration unitaire, et la dispersion
annoncée. Les forces de l’ordre chargent soudain la tête du cortège, composée
d’élus communistes ceints de leur écharpe, et d’autres compagnies
d’intervention de la Préfecture de police viennent prêter main forte à des
matraquages sauvages ; une partie de la foule bascule dans les escaliers
du métro, s’y étouffe d’autant mieux que la police jette sur elle des grilles
d’arbre en fonte. Il y aura neuf morts, tous syndiqués CGT, huit d’entre eux
membres du PCF.
Le
13 février 1962, de cinq cent mille à un million de personnes suivront jusqu’au
Père-Lachaise les funérailles des quatre victimes parisiennes, les cinq autres
étant enterrées à Montreuil.
L'impasse Bon
Secours rappelle le couvent de
Notre-Dame-de-Bon-Secours, fondé en 1648, qui aura possédé, tellement les
veuves qui en avaient fait leur séjour étaient joyeuses, une salle de bal
construite vers 1770 par Louis, l’architecte du Grand-Théâtre de Bordeaux, salle
de bal qu’auront pu voir, remontée au pavillon français, les visiteurs de l’Exposition
universelle new-yorkaise de 1939. Le couvent s'étendait de la rue de Charonne à
celle de la Roquette. Le jouxtant de ce côté-là, et sans doute emporté par les
percements du bd du prince Eugène (devenu Voltaire) en 1864, et de l'av.
Ledru-Rollin en 1931, s'élevait le coquet hôtel bâti par l’architecte Dulin en
1708 pour Nicolas Dunoyer,
secrétaire du roi, ancien greffier en chef au parlement de Paris. L’homme était
l’oncle d’Olympe, dite Pimpette, le
premier amour d’Arouet alors âgé de
19 ans. Le Régent triompha ici
« des fragiles scrupules de Sophie
de Brégy, comtesse d’Averne. », et Voltaire le remerciera pour elle, en vers dont voici la dédicace :
A SAS Mgr le duc d’Orléans, régent, au nom de Mme d’Averne au sujet d’une
ceinture qu’elle avait donnée à ce prince.
Après, le
savant Réaumur s’intéressera dans
cet hôtel aussi bien à l’acier qu’aux invertébrés, y inventera le thermomètre à
alcool en 1731. « En 1753, M. le comte
de Clermont qui cherchait une retraite discrète loin des regards curieux en
devient propriétaire, écrit Capon. Il y fit peu de changements, et sur
l’emplacement des laboratoires de son docte prédécesseur s’éleva un théâtre
élégant ». Carmontelle composa
pour le divertissement du duc d’Orléans (père de Philippe-Égalité), dont il était
le lecteur, et de ses familiers, au Raincy et à Charonne, un très grand nombre
de saynètes faiblement intriguées, mais agréablement conduites dont un proverbe
fournissait parfois le titre et plus souvent encore le mot de la fin.
Mitoyenne
encore de Bon-Secours, « l’académie »
de Charonne : de 1713 à 1718, soit de ses 9 à ses 14 ans, Duclos y est élève : « Cette pension,
très célèbre autrefois, dit-il en ses fragments de Mémoires, mérite que j’en
parle. Le marquis de Dangeau, à qui
Boileau a dédié sa cinquième Satire,
forma cet établissement. Comme il était grand’ maître de l’Ordre de
Saint-Lazare, il se chargea généralement de l’entretien et de l’éducation de
vingt jeunes gentilshommes, qu’il fit chevaliers de cet Ordre, et les rassembla
dans une maison de la rue de Charonne, en bon air, avec un jardin, mur mitoyen
du couvent de Bon-Secours. Il y établit un principal instituteur qui
choisissait les autres, ce qui n’empêchait pas le marquis et l’abbé de Dangeau,
son frère, de venir de temps en temps inspecter la manutention et l’ordre de la
maison. Les enfants qu’il y plaçait étant trop jeunes pour les armes et
l’équitation, la base des exercices était la lecture, l’écriture, le latin,
l’histoire, la géographie et la danse. On imagine bien que la sublime science
du blason n’était pas oubliée dans une éducation destinée à des gentilshommes
dont chacun l’aurait inventée, si elle ne l’était pas. C’était aussi, avec la
grammaire, ce que l’abbé de Dangeau affectionnait le plus. Il a été un très bon
académicien, un fort grammairien, et a porté dans cette partie beaucoup de
sagacité. Lui et son frère étaient véritablement des gens de lettres; j’en
parle comme je le dois dans l’Histoire de l’Académie. Quoique la maison que le
marquis de Dangeau avait établie fût originairement et particulièrement
destinée à des élèves chevaliers, il avait permis qu’on y admît d’autres
enfants dont les parents payaient la pension, ne fût-ce que pour exciter
l’émulation commune. »
En 1802, Richard et Lenoir installaient leur manufacture dans l'ex couvent de
Bon-Secours. Les deux hommes avaient réussi à fabriquer le « basin
anglais », cette étoffe à la chaîne de fil et à la trame de coton, que
l’on devait auparavant importer. « Nous avons mené les uns et les autres
une rude guerre à l’Angleterre, mais jusqu’ici le fabricant a été plus heureux
que l’empereur », les félicita Napoléon
lors d’une visite.
François Richard, à la mort, prématurée, de son associé Joseph Lenoir-Dufresne, décida d’en
perpétuer le souvenir en accolant son nom au sien pour s’appeler désormais
François Richard-Lenoir. Il mourut ruiné par la Restauration qui avait supprimé
les droits de douane sur les produits anglais. C’est peut-être pourquoi, à
l’inauguration d’un boulevard, en décembre 1862, alors qu’on lui proposait
pourtant de rendre hommage à sa mère, la reine Hortense, Napoléon III avait insisté pour que lui fût attribué le nom
« d’un ancien ouvrier » qu’avait apprécié son oncle.
8,
impasse Bon Secours : arrière du 166 bd Voltaire, PLU.
10,
impasse Bon Secours (arrière du 6, rue Gobert), PLU : façades brique et
métal des bâtiments industriels sur cour. La 2e cour, en partie sous
verrière, est délimitée par des bâtiments industriels fin 19e-début
20e siècle d’une grande unité. Pavages anciens dans les 2 cours.
166,
bd Voltaire, PLU : le bâtiment sur rue, d’un classicisme haussmannien,
s’intègre à la séquence monumentale ordonnancée du bd Voltaire. La cour d’activité,
contemporaine du bât. sur rue, fut réaménagée vers 1930 : adjonction d’une
verrière avec fontes art déco qui fait de l’ensemble un espace unique à atrium
central, du type grand magasins.
On poursuit
jusqu'à la rue Mercœur. Avec la rue Auguste-Laurent, c'est l'ancienne rue des
Murs-de-la-Roquette, dont l’équerre longeait le coin de l’enclos des hospitalières de la Charité-Notre-Dame,
installées ici sous Louis XIII.
Suchard, 10 rue Mercœur. Le chocolatier
suisse s’était installé ici en 1905 ; il y employait 360 ouvriers. Au
n°23, on trouvait une coopérative de production de biseauteurs et polisseurs :
la Renaissance.
On croise la
rue Léon Frot - la rue Saint-Maur, l’une des rares tangentes de la capitale,
celle qui joignaitt l’abbaye de Saint-Denis à celle de Saint-Maur-des-Fossés.
Sur l’enclos
des hospitalières de la Roquette, s’élèvera en 1836 la prison servant de dépôt
des condamnés, qui vient remplacer Bicêtre, et qui disparaîtra à la fin du 19e
siècle : la Grande Roquette, dont
l'entrée est au 168.
Sur les 5
pierres de la guillotine, au bout de la rue Croix-Faubin, c'est-à-dire devant
la Grande Roquette, dès le début du Second empire et jusqu’en 1899, un
spectacle véritablement sanglant a lieu au petit jour. Le 18 janvier 1870 au
soir, à 11 heures, rendez-vous est pris par Maxime Du Camp et Ivan Tourgueniev
devant la statue du prince Eugène (à l’emplacement de l’actuelle place Léon
Blum), d’où l’on montera jusqu’à la Grande-Roquette toute proche. A leur
arrivée, la foule qui attend là tous les jours est parcourue d’une onde ;
« - On vous prend pour le bourreau », explique Du Camp au géant russe
qui en a la stature. On gagne les bureaux du commandant de la place, on ressort
voir assembler la guillotine, et retour à l’appartement directorial où l’on
somnole entre le punch et le chocolat, servi à l’arrivée de l’aumônier, à 6
heures. A 6 h 20, un groupe de quatorze personnes se dirige vers la cellule du
condamné pour quarante minutes d’un cérémonial absurdement compliqué avant que
sa tête ne tombe.
Dans
l’après-midi du 26 mai 1871, cinquante otages seront tirés de la
Roquette : trente-six gardes de Paris, arrêtés pour la plupart le 18 mars,
lors de la prise des canons de Montmartre, dix ecclésiastiques, et quatre
civils, censément d’anciens mouchards de la police.
En face, est
déjà debout depuis 1830, une maison d’éducation correctionnelle, destinée aux
mineurs de moins de 16 ans sur décision judiciaire, et aux mineurs quel
qu’en soit l’âge sur requête paternelle. Puis ce sera une prison de femmes, où
seront enfermées des femmes de la Résistance à l'occupant nazi, puis à la
guerre d’Algérie : Hélène Cuénat,
par exemple, arrêtée en février 1960, emprisonnée à la Petite Roquette, jugée et condamnée à 10 ans de prison. « Ex-membre
de la cellule communiste de la Sorbonne. Elle était la maîtresse de Francis Jeanson. Une tigresse, ont dit
d'elle les policiers qu'elle a couverts d'injures », selon Paris-Presse. Elle s'évadera avec
cinq de ses compagnes, en février 1961, en sautant le mur de la rue Merlin.
On revient par la rue Auguste
Laurent jusqu'à la rue Gobert.
12,
rue Gobert, PLU : villa de 1876, qui fait transition entre la séquence
haussmannienne du bd Voltaire et l’hôtel particulier du n°10.
10,
rue Gobert, PLU : hôtel particulier du dernier tiers du 19e siècle
mais de style classique 17e ou 18e siècle, courant plaine
Monceau mais rare ici.
6,
rue Gobert, PLU : façade de caractère post-haussmannien de l'immeubles de
rapport, de 1901, qui contraste avec l'arrière déjà vu.
Gymnase municipal Japy, 1 rue Japy, PLU : marché couvert en 1870, reconverti en gymnase
en 1884. Le Congrès général des organisations socialistes, du 3 au 8
décembre 1899, y est une première tentative de regroupement à la suite de
l’inquiétude née de l’affaire Dreyfus.
Allemane s'y rallia à l'idée de
l'unité et convia chacun à dire : " j'ai piétiné sur mes haines, j'ai
piétiné sur mes rancunes ".
L’Internationale
y devint l’hymne du mouvement ouvrier français, elle supplanta définitivement la Marseillaise et la Carmagnole quand elle fut
chantée ici lors de ce congrès.
Ecrite à la fin de la Commune,
alors qu’Eugène Pottier se cachait,
elle n’avait été mise en musique qu’en 1888 par Pierre De Geyter, un ouvrier lillois. La partition n’en était
publiée qu’en 1894, et aussitôt condamnée pour « incitation à la
désertion » - c’était l’année où, en juillet, étaient votées les lois
scélérates contre les anarchistes et les socialistes -, mais elle avait
continué d’être chantée dans la fédération lilloise. Aujourd’hui, elle prenait
son essor. « J’étais à côté de Jaurès
au moment où l’on chanta l’Internationale, il grimaça quand on en arriva
à nos balles qui sont pour nos propres généraux » raconte Charles Rappoport.
Après
les divergences concernant la participation ministérielle - celle du socialiste
indépendant A. Millerand dans le ministère Waldeck-Rousseau, à l’été
-, qui était condamnée au congrès par guesdistes et blanquistes comme
contraire à la lutte des classes, par 818 voix contre 634, même si in fine
les guesdistes l’admettaient dans « des circonstances
exceptionnelles », les rancunes sinon les haines allaient ressurgir.
Guesdiste et vaillantistes rompaient l’unité dès 1900 pour fonder le Parti Socialiste de France, ce qui ne
leur portait pas chance aux municipales de 1904, à Paris. Tandis qu’autour de
Briand et de Jaurès se créait le Parti
Socialiste Français, en 1902, alors que la grève des terrassiers parisiens,
la plus forte agitation sociale dans la capitale depuis la Commune, battait son
plein.
C’est
à Japy, du 22 au 24 avril 1920, que se tient le 3ème congrès de la
Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer, où la majorité va
basculer au sein des 374 000 syndiqués, rendant possible l’appel à la
grève générale illimitée au soir du 1er mai pour imposer la
nationalisation des chemins de fer.
Dans
ce lieu où l’on évoque le plus souvent l’oppression des patrons, Marcel Cachin déclare le 7 mars 1925 :
"Il ne faut pas que la femme subisse deux patrons : son employeur et son
mari".
Le
congrès de la CGT qui s’ouvre le 15
septembre 1931 y repousse par 4 678 voix contre 195 la proposition d’un
congrès de fusion qui émane des « 22 » responsables unitaires du Comité pour l’Indépendance du Syndicalisme,
qui mènent campagne dans le Cri du
Peuple, journal lancé par la minorité
de la CGTU réclamant un retour à la Charte d’Amiens avec les fédérations
des dockers, de l’alimentation et du livre. Jouhaux leur propose simplement
d’adhérer à la CGT.
Le
14 mai 1941, 5 000 juifs de Paris sont convoqués au gymnase Japy, à la
caserne des Minimes, rue de la Grange-aux-Belles ou rue Edouard Pailleron,
antichambres du voyage sans retour de leur déportation.
Le
25 septembre 1948, le RPF, soucieux de s’affirmer au cœur des bastions
ouvriers, y tient meeting. La police boucle les abords du gymnase très à
distance de la salle, ce qui n’empêche pas les heurts avec la
contre-manifestation communiste, qui feront un blessé grave.
Par la rue Richard Lenoir, on
arrive face au
Palais de la Femme. Après que la
manufacture Richard-Lenoir y eut possédé des annexes, au temps de ses succès,
dans les quarante-deux hectares de l’ancien couvent, les Filles-de-la-Croix,
à la Restauration, l'avaient réintégré. Fondé en 1639, Cyrano de Bergerac y était peut-être mort à l’époque où sa tante
Catherine en était la prieure. Le cinquième acte de la pièce d’Edmond Rostand s’y déroule tout
entier :
« Ragueneau,
ne pleure pas si fort ! (...) Qu’est-ce que tu deviens, maintenant, mon
confrère ?
— Je suis
moucheur de… de… chandelles, chez Molière.
—
Molière !
— Mais je veux
le quitter, dès demain ;
Oui, je suis
indigné !... Hier, on jouait Scapin,
Et j’ai vu
qu’il vous a pris une scène !
Le Bret
—Entière !
— Oui,
Monsieur, le fameux : “ Que diable allait-il faire ?... ”
(…)
— Oui, ma vie
Ce fut d’être
celui qui souffle – et qu’on oublie ! (…)
C’est justice,
et j’approuve au seuil de mon tombeau :
Molière a du
génie et Christian était beau ! »
À
l’emplacement du couvent, un hôtel s’est construit au début du XXe siècle, dont
l’Armée du Salut a fait un Palais de
la femme de sept cent quarante-trois chambres à la fin des années 1920.
89,
rue de Charonne, PLU : bâtiment du 18e siècle, situé dans la
perspective de la rue Faidherbe. Par celle-ci on va jusqu'au :
9,
rue Chanzy, PLU : maison de 1902 en brique et pierre ; répertoire art
nouveau pour la porte d'entrée, le soupirail, la cave et les ferronneries.
Si l’on a élevé
en 1712 au rang paroissial l’église
Sainte-Marguerite que le curé de Saint-Paul avait fait bâtir, près d’un
siècle plus tôt, comme sépulture pour les membres de sa famille, et succursale
de l’église mère, c’était pour mettre fin à une situation intolérable :
« les libertins et les nouveaux réunis [les huguenots ramenés de force au
catholicisme], qui sont en très grand nombre dans le faubourg, n’étant pas
veillés de près, se dispensent même du devoir pascal sans crainte d’être
connus, parce qu’ayant la liberté de satisfaire à ce devoir à Saint-Paul ou à
Sainte-Marguerite, on ne peut y découvrir ceux qui y manquent. Cette même
liberté d’aller à Saint-Paul ou à Sainte-Marguerite fait que les enfants dudit
faubourg ne sont ni à l’une ni à l’autre de ces deux églises, et ne reçoivent
aucune instruction ».
C’est
dans le cimetière attenant à Sainte-Marguerite, côté nord, que sera inhumé le
dauphin mort au Temple. C’est dans l’église paroissiale que sera transporté, au
moment de la destruction de l’église Saint-Landry de la Cité, le beau monument
élevé par Girardon à la mémoire de
sa femme.
Le beau décor
18e siècle de la chapelle des Ames du Purgatoire de Paolo Antonio Brunetti (1723-1783) et Gabriel Briard (1729-1777), vue perspective d'un temple avec colonnes et frises en trompe-l'œil, vient d'être
restauré (cliquer ici).
(c) Mairie de Paris - Jean Marc Moser |
77,
Charonne, PLU : Immeuble de rapport sur rue, de 1886 ; immeuble
industriel sur cour de la même époque (1884) sur plan en U avec coursives continues ;
pavage ancien.
78,
Charonne (43, St-Bernard), PLU : Maison 1ère moitié 17e
siècle à pignon et pans de bois décrite en 1642. ISMH depuis 1997. Le bâtiment
qui la complète rue St-Bernard est typique du milieu du 18e s.
69,
Charonne (et 1-3 Basfroi), PLU : maison d’angle d’origine du 18e siècle,
4 lucarnes anciennes pour le comble sur la rue de Charonne. Au 3, rue Basfroi,
bâtiment secondaire de même période, remarquable porche cintré. Dans la cour,
pavage ancien et atelier 1900 en bois et brique.
65,
Charonne, PLU : maison du tournant 17e-18e siècles;
escalier 17e s. à balustres. A l’arrière, bâtiment mixte
atelier/habitation de la fin du 19e ; pavage ancien.
59,
Charonne, PLU : immeuble de rapport mi-19e siècle ouvrant sur
cour où bâtiment à usage mixte mi-19e et atelier vitré de 1900.
44,
rue Trousseau, PLU : maison d’aspect 17e siècle; escalier
en bois rampe sur rampe à balustres ronds conservé.
22, rue Trousseau, angle rue de Candie :
22, rue Trousseau, angle rue de Candie :
12-14,
Trousseau, PLU : maisons caractéristiques du faubourg St-Antoine, à l’ancien
alignement.
147,
rue du Fbg St-Antoine (et 2, rue Trousseau), PLU : milieu 18e, sur
noyau début 17e siècle; façade monumentale sur la rue du Fbg,
avec ferronneries de belle qualité, et façade atypique rue Trousseau semi
aveugle. Escalier tournant à rampe à barreaux carrés engagés. Comble ajouté
vers 1860.
Barricade de Baudin (plaque sur le n°151). A l’aube du 3 décembre 1851, une vingtaine
de représentants arrivent salle Roysin (voir
plus bas), attenante au Café des Peuples. L’accueil qu’on leur fait est
glacial. « Ce faubourg tant caressé, tant prôné n’a soufflé mot »,
écrira Proudhon avec mépris. Pourtant, au croisement avec la rue Cotte,
quelques ouvriers de la rue Sainte-Marguerite (auj. rue Trousseau) ont élevé
une barricade symbolique, faite de deux petites voitures, d’un omnibus, d’une
charrette à foin. Schoelcher les
harangue en vain, Charamaule tente
de leur faire honte : « Vous n’êtes donc plus des enfants de
Paris ? », les moquant de courber l’échine devant l’absolutisme comme
des sujets des empires de l’est. Pendant que sept de ses collègues vont au
devant d’un bataillon qui arrive de la place de la Bastille, Alphonse Baudin, représentant de l’Ain
à l’Assemblée législative de 1849, monte
le drapeau à la main sur la barricade. Aux ouvriers répondant à l’appel aux armes
qu’on leur fait : « - On ne va pas se faire tuer pour vos 25
francs ! », Baudin aurait répliqué crânement : « Vous allez
voir comment on meurt pour 25 francs par jour ! », mais l’anecdote
paraît fabriquée, si l’on en croit Georges
Duveau. Toujours est-il qu’un coup de feu part des rangs républicains
(peut-être tiré par un provocateur), et que les soldats ripostent, tuant
Baudin. Sa mort, toujours à suivre Duveau, passe complètement inaperçue :
Baudin, qui avait présidé le Club de l’Avenir, vivait pourtant au milieu des
ouvriers du faubourg Poissonnière ; c’était un personnage familier pour
les typographes, les lithographes, les cartonniers qui habitaient autour de la
place du Caire, mais rien ne bouge. La barricade, elle, est emportée par trois compagnies
du 19e léger. « Ici se
termine l’histoire révolutionnaire du faubourg car, par la suite, la population
ouvrière fut plus dispersée dans Paris » conclut Guy de la Batut.
En 1868, un livre rappelant
« la barricade livide dans l’aurore », comme l’écrira Hugo, et la mort de Baudin provoque des
manifestations sur la tombe du républicain, retrouvée au cimetière Montmartre.
Une souscription est lancée par le
Réveil de Delescluze pour
l’érection d’un monument. Elle lui vaut la correctionnelle, comme à d’autres
souscripteurs, pour « excitation à la haine du gouvernement » ; Gambetta assurera leur défense. Le
monument ne sera érigé qu’après la chute de l’empire, en 1872. A l’occasion du
centenaire de la révolution, en 1889, les cendres de Baudin sont transférées au
Panthéon. Décrivant les combats de la Libération de Paris, à la fin d’août
1944, Albert Ouzoulias écrira
encore : « Dans le 11e, où mourut Baudin en 1848 (sic), il
y a une barricade presque tous les cent mètres ».
151
Fbg St-Antoine, PLU : sur rue, bâtiment fin 17e – début 18e
siècles, avec reprise vers 1850. Escalier à limon tournant avec rampe à
barreaux en col de cygne ; cour et bâtiment sur cour de 1874.
157, Faubourg
Saint-Antoine, la salle Roysin décrite par Hugo (voir balade
Victor et Louise), puis La Coopération des Idées, Université populaire.
La Coopération des idées est un hebdomadaire : un
« journal populaire d’éducation et d’action sociales, au service des
Universités populaires, des syndicats, coopératives, sociétés de secours
mutuel, etc. », dirigé par le typo Georges
Deherme, fondateur de la première Université populaire, rue Paul Bert, dans
le 11e arrondissement. La revue donne son nom à l’Université
populaire quand celle-ci est transférée ici, où Deherme installe aussi dès 1899
un Théâtre du Peuple et une coopérative de consommation.
Pendant
la guerre de 1914-18, les membres de la Muse
Rouge qui avaient été réformés s'y retrouvaient pour continuer de chanter à
mi-voix leur opposition à la boucherie. De cette « rue refuge de
pacifistes », ils partaient chanter pour les Jeunesses républicaines du 3e arrondissement,
comme pour l’Avenir social, le foyer d’accueil de Madeleine Vernet, passé de
Neuilly-Plaisance à Epône, qui deviendrait l’orphelinat du mouvement ouvrier
français.
Le
Club du Faubourg s’y réunit aussi,
où Dada organisera deux de ses manifestations, les 7 et 19 février 1920.
Au n° 159,
boulangerie Astier, voir ci-dessous.
163,
Fbg St-Antoine, PLU : sur rue, maison du 17e avec retour sur
cour vers 1830 ; l’une des plus anciennes du Fbg. Lucarnes passantes en
mitre. Escalier à volée droite, rampe en bois et balustres ronds. Ateliers et
logements sur 2 cours construits tout au long du 19e siècle.
165
Fbg St-Antoine ( et 1, Forge Royale), PLU ; le travail des fondations
(fenêtres de guingois) et le fruit de la façade dénotent l’ancienneté d’un
immeuble repris à la période haussmannienne. Escalier à limon tournant à rampe
à barreaux engagés.
Ici se trouvait la boulangerie Baudon, qui comme la boulangerie
Astier est pillée le 30 septembre 1846. Ce jour-là, à la fermeture des
ateliers, peu après 8 heures du soir, les ouvriers trouvent les boulangeries
vides ou se disposant à fermer : une augmentation de la taxe sur le pain
ayant été annoncée pour le lendemain, les habitants ont pris leurs précautions.
Les ouvriers sont plutôt d’avis que les boulangers stockent avant
l’augmentation. Des pierres volent, 200 personnes s’ameutent, ouvriers et
femmes mêlés, que la garde ne parvient pas à disperser. Le flot monte et, entre
10 heures et 11 heures du soir, de nombreuses boutiques sont dévastées. On
crie : Le pain à 12 sous ! (soit 60 centimes ; le pain fait 2
kilos). On dépave, on casse les becs de gaz dans le faubourg et les rues
avoisinantes, les vitres sont brisées. Les hommes chantent la Marseillaise,
les femmes réclament du pain et les enfants jettent des projectiles. Une
barricade s’édifie au débouché de la rue Lenoir (auj. d’Aligre). Des bandes
partent pour ameuter les faubourgs ouvriers Saint-Jacques et Saint-Marceau. La
troupe intervient, fait de nombreux blessés et les premières arrestations,
essentiellement parmi de jeunes ouvriers de 15 à 20 ans. L’ordre ne sera
totalement rétabli que le 4 octobre après que tout l’espace compris entre la
place de la Bastille et la place du Trône (auj. de la Nation) aura été occupé
militairement. Les procès commencent quatre semaines plus tard : parmi les
inculpés, beaucoup d’ouvriers allemands, qui seront expulsés, comme Engels l’écrit à Marx dans une lettre de décembre.
Dès
la mi-novembre, les bureaux de bienfaisance distribueront des « bons de
pain » permettant d’acheter celui-ci à 40 centimes le kilo pour le pain
blanc et à 32 centimes le kilo pour le pain bis ou pain de ménage. Mais
l’égalité dans l’accès au pain blanc reste un principe auquel la population
ouvrière parisienne est particulièrement attachée, et toutes les tentatives de
lui faire changer ses habitudes de consommation en faveur d’un pain moins cher
demeureront vaines.
1bis-3,
rue de la Forge Royale, PLU : immeuble issu du lotissement vers 1770 de la
Forge Royale du 1 bis au 5 (impasse prolongée au-delà en 1854) ; arcatures
découpant le niveau d’entresol ; comble ajouté vers 1860. Escalier à limon
tournant et rampe à barreaux carrés engagés de forte section.
5-9
Forge Royale, PLU : n°5, idem ci-dessus ; 7-9 vers 1880 ; escalier à
limon tournant et rampe à barreaux en col de cygne.
18,
rue Saint-Bernard, PLU : immeuble de rapport 1800, décor néo-classique,
porte reprise vers 1840 ; sur le passage G11, 2nd bâtiment
1800. Entre les deux, cheminée de forge en métal et brique vers 1880.
11,
rue St-Bernard, PLU : début 19e ; escalier à volée
droite, rampe à barreaux carrés engagés.
9,
rue St-Bernard, PLU : sur rue, début 19e ; sur cour, bâtiment
d’un niveau sur r-d-c vers 1860 à usage de logements et d'ateliers.
185,
Fbg St-Antoine (et 2-4 St-Bernard), PLU : le noyau initial semble du 17e (visible
au long du couloir d’accès), repris en néo-classique en 1830, surélevé en 1860.
Siège du Syndicat des ébénistes de la Seine, et du Syndicat de
la sculpture à la fin du 19e siècle. De ces deux
syndicats, créés dès 1868, le premier a son siège ici, et revendique 600
adhérents, le second l’a d'abord à la Bourse du Travail, et en annonce 900.
Début 1910, la coopérative La Famille du
11e loue l’immeuble en totalité : au rez-de-chaussée, elle
installe la répartition, avec en plein milieu un gros pilier que la vétusté de
l’immeuble n’a pas permis de supprimer. Au 1er, une salle de
réunion, une salle de clinique qui attend son médecin, et la buvette ; au
2e, les syndicats. Le 3e est sous-loué temporairement. La
Fédération de l’ameublement, qui
regroupe 57 syndicats et compte 5 000 adhérents, vient y rejoindre les
deux syndicats. Ils sont tous deux CGTU quand Jacques Valdour décrit l’endroit : l’épicerie coopérative est
devenue la succursale G de l’Egalitaire ;
aux étages, les locaux syndicaux (il n’est pas mentionné de dispensaire) où
l’on peut voir, aux murs, des affiches en yiddish.
L’esprit du faubourg est à ce
point particulariste, croit-il pouvoir dire, que les ouvriers ont ici leurs
sièges syndicaux et ne vont pas à la Grange-aux-Belles ou à Mathurin-Moreau.
Les ouvriers juifs sont plutôt nombreux rue Saint-Bernard, rue de la
Forge-royale et, de l’autre côté du faubourg, square Trousseau. Là des affiches
en yiddish font de la réclame pour les théâtres juifs du Palais du Travail de
Belleville, ou de la salle Lancry et, plus près, pour le Théâtre populaire juif de l’avenue Ledru-Rollin. Des affiches de la
CGTU, en italien, apposées rue de Lappe, appellent à une conférence à la
Grange-aux-Belles ; d’autres, rue Basfroi, toujours en italien,
s’adressent à tous les ébénistes.
191
Fbg St-Antoine, PLU : immeuble sur rue vers 1840, un étage en retiré sur rdc. Cour
composée d’ateliers et d’habitations du 19e siècle.
197
Fbg St-Antoine, PLU : maison à loyer du 18e ; appuis de fenêtres en fer forgé
Louis XVI.
203
Fbg St-Antoine, PLU : maison à loyer fin 18e ; cour d’ateliers et d’habitations
19e.
205-207
Fbg St-Antoine (et 8, Dahomey), PLU : du début 18e à 1920,
implantations axées sur bâtiment en fond de parcelle délimitant un espace sur
cour harmonieux.
15,
rue de Montreuil, PLU : bâtiment probablement 17e siècle épaissi à
l’époque haussmannienne ; escalier à limon tournant et rampe à barreaux en
col de cygne. Contraste saisissant avec l’immeuble mitoyen post-haussmannien.
17-19,
Montreuil, PLU : édifié vers 1780 et repris vers 1860.
21,
Montreuil, PLU : vers 1760, relié au 21 bis (1780) par une coursive métallique ;
la cour axiale forme un espace exceptionnel.
27,
Montreuil, impasse Cesselin, PLU : implantation en baïonnette du mi-19e
au début 20e.
31 bis, rue de Montreuil, plaques commémoratives de la Folie Titon. Réveillon rachète la folie Titon en 1764 et y installe sa manufacture. Des ouvriers allemands y travaillent dès 1774. À l’été 1783, se font chez Réveillon les expériences de la machine aérostatique, en papier, de MM. Montgolfier frères, devant « un concours immense d’amateurs ». En janvier 1784, son établissement est Manufacture royale. En avril 1789, le bruit se répand qu’il va y diminuer les salaires. C’est peut-être une manœuvre de la cour qui a besoin de troubles pour concentrer des troupes à Paris, ou les premières escarmouches financées par le duc d’Orléans contre le pouvoir de son royal cousin. La manufacture comptait 350 ouvriers en 1789 ; elle est pillée et incendiée huit jours avant l’ouverture des Etats Généraux, le 27 avril 1789 ; la troupe y fait 150 morts. Elle fermera en 1840. Une institution Leroux, installée là en 1805, y a pour élève Barbier. Le 19 septembre 1830, la Revue de Paris publie La Curée, d’Auguste Barbier, interpellant les « Héros du boulevard de Gand », qui se sont tenus cois alors - « Que faisaient-ils, tandis qu'à travers la mitraille, / Et sous le sabre détesté, / La grande populace et la sainte canaille / Se ruaient à l'immortalité ? » -, mais qui ont su déjà s’approprier les fruits des Trois Glorieuses. En un jour, Barbier, poète de vingt-cinq ans devient célèbre. (Des images de l'aspect actuel sur le blog de Denis Cosnard)
31 bis, rue de Montreuil, plaques commémoratives de la Folie Titon. Réveillon rachète la folie Titon en 1764 et y installe sa manufacture. Des ouvriers allemands y travaillent dès 1774. À l’été 1783, se font chez Réveillon les expériences de la machine aérostatique, en papier, de MM. Montgolfier frères, devant « un concours immense d’amateurs ». En janvier 1784, son établissement est Manufacture royale. En avril 1789, le bruit se répand qu’il va y diminuer les salaires. C’est peut-être une manœuvre de la cour qui a besoin de troubles pour concentrer des troupes à Paris, ou les premières escarmouches financées par le duc d’Orléans contre le pouvoir de son royal cousin. La manufacture comptait 350 ouvriers en 1789 ; elle est pillée et incendiée huit jours avant l’ouverture des Etats Généraux, le 27 avril 1789 ; la troupe y fait 150 morts. Elle fermera en 1840. Une institution Leroux, installée là en 1805, y a pour élève Barbier. Le 19 septembre 1830, la Revue de Paris publie La Curée, d’Auguste Barbier, interpellant les « Héros du boulevard de Gand », qui se sont tenus cois alors - « Que faisaient-ils, tandis qu'à travers la mitraille, / Et sous le sabre détesté, / La grande populace et la sainte canaille / Se ruaient à l'immortalité ? » -, mais qui ont su déjà s’approprier les fruits des Trois Glorieuses. En un jour, Barbier, poète de vingt-cinq ans devient célèbre. (Des images de l'aspect actuel sur le blog de Denis Cosnard)
1,
rue Titon (et 33, Montreuil), PLU : immeuble de rapport vers 1860.
8-10,
Titon, PLU : ancienne manufacture du 19e, bâtiment aux larges
baies en équerre sur cour ouverte sur rue ; horloge au fond.
11-15,
Titon, PLU : trois immeubles de rapport de 1881 donnant accès à 5
bâtiments industriels de 1887 entre 3 cours longitudinales.
20, rue Titon, l'église de Bon-Secours (1895, Augustin Rey; ISMH) porte ce nom parce que la première paroisse protestante du quartier avait été fondée au 99, rue de Charonne dans l'ancien prieuré des bénédictines. Elle a été bâtie essentiellement grâce à une collecte réalisée auprès des ouvriers alsaciens du faubourg. De 1864 à 1900, 628 Alsaciens (majoritairement ouvriers du bois) ou Alsaciennes (souvent cuisinières ou domestiques) se sont mariés dans la paroisse, qui très fréquemment vivaient déjà en couple.
20, rue Titon, l'église de Bon-Secours (1895, Augustin Rey; ISMH) porte ce nom parce que la première paroisse protestante du quartier avait été fondée au 99, rue de Charonne dans l'ancien prieuré des bénédictines. Elle a été bâtie essentiellement grâce à une collecte réalisée auprès des ouvriers alsaciens du faubourg. De 1864 à 1900, 628 Alsaciens (majoritairement ouvriers du bois) ou Alsaciennes (souvent cuisinières ou domestiques) se sont mariés dans la paroisse, qui très fréquemment vivaient déjà en couple.
Par la rue Jules Vallès, on
rejoint la rue de Charonne où, face au couvent de Bon-Secours s'élevait celui
de la Madeleine de Traisnel.
« Mlle
de Vichy de Champron était pensionnaire au couvent
de la Madeleine de Traisnel, au faubourg Saint-Antoine ; elle était
jolie comme un ange, et n’était pas alors âgée de plus de seize ans, assure Mme
de Créquy. M. d’Argenson, le
Garde-des-Sceaux, connaissait la supérieure de cette maison, qui était une
fille d’esprit et de mérite, et qui s’appelait, je me souviens parfaitement
du nom, Mme de Véni d’Arbouze. C’était un grand événement, dans une communauté,
qu’une visite de M. le Garde-des-Sceaux, qui n’en faisait à personne, et qui
n’allait jamais qu’au pas dans les rues, tout seul au fond d’un grand carrosse
et sur un fauteuil à bras, escorté par ses hoquetons et suivi par un autre
carrosse avec la cassette où l’on gardait les sceaux de France, et de plus, par
trois Conseillers Chauffe-Cire, qui ne le quittaient non plus que son ombre ou
sa croix du Saint-Esprit. La Supérieure vint le recevoir au parloir. — Je n’ai
pas le temps de m’arrêter, lui dit-il en la saluant, vous avez ici la fille du
comte de Champron ? — Oui, Monseigneur. — Je vous conseille de la renvoyer
à ses parents secrètement, sans bruit et le plus tôt possible ; je n’ai
voulu dire ceci qu’à vous-même. Adieu, Madame. » Il s’agissait de mettre à
l’abri des griffes du Régent celle qui deviendra la célèbre salonnière et
épistolière Mme du Deffand.
La
future Mme du Deffand était issue de Gaspard de Vichy, comte de Chamrond, et de
Anne Brulart, fille d’un premier président au parlement de Bourgogne. Au
couvent de la rue de Charonne, où elle avait été élevée, elle se fit remarquer
par son incrédulité précoce. Massillon,
appelé en consultation, et plus frappé, dit-on, « de sa beauté et de son esprit
que de son hérésie », ne put que lui recommander la lecture d’un catéchisme de
cinq sous.
Mariée
le 2 août 1718 à J.-B.-J. de La Lande, marquis du Deffand, elle ne trouva pas
dans cette union le bonheur qui devait la fuir d’ailleurs toute sa vie. Elle
avait inspiré un caprice passager au régent. Elle restera toute sa vie en
correspondance avec Voltaire.
C'est
dans ce même couvent que Sophie Monnier,
après que, le 10 mai 1777, un jugement du bailliage de Pontarlier aura déclaré Mirabeau, « atteint et convaincu du
crime de rapt et de séduction», condamné à avoir la tête tranchée et elle à la
réclusion à perpétuité, sera finalement conduite. Le 14, les deux amants ont
été arrêtés à Amsterdam, Mirabeau sera écroué au donjon de Vincennes le 7 juin
1777. Il y restera trois ans et demi.
Quand Jean-Baptiste Grenouille, le héros du Parfum
de Patrick Süskind, est confié à Mme
Gaillard dont la pension jouxte les bénédictines de la Madeleine de Traisnel,
la duchesse d’Orléans, épouse du Régent, a loué le pavillon que Marc-René
d’Argenson s’était finalement fait construire dans l’enceinte conventuelle pour
être auprès de la prieure que, sans doute, il connaissait bibliquement.
L’enfant nez va faire ici son éducation olfactive en essayant d’isoler les
odeurs de chaque chose sous celle de « l’eau-de-vie de lavande » que
commercialisent les religieuses et qui recouvre tout.
La
chapelle des bénédictines a été, en 1971, l’atelier parisien de recréation de
clavecins de Reinhard von Nagel et William Dowd, et l’endroit où on les
entendait en concert, tandis que l’ancienne porcherie du couvent servait à
exposer ces instruments décorés par Chagall, Pierre Alechinsky, Jiri Kolar,
Olivier Debré. Des cours d’interprétation y étaient donnés. (images sur Paris-bise-art)