En 1848, une association de mécaniciens de la Seine demande à travailler
9 heures :
« Non, ce n’est pas la paresse qui nous a porté à demander une
diminution des heures de travail, c’est le désir tout fraternel d’étendre à un
plus grand nombre de nos camarades le moyen de vivre. Le seul moyen pour cela,
puisque nous n’avions pas de travaux, [on est alors dans une situation de
chômage massif] c’était de diminuer le nombre d’heures, car, pour que les
travaux fussent livrés en temps utile, il fallait de toute nécessité, la durée
du travail diminuant, augmenter le nombre des bras produisant.
Il y a plus : sur les barricades nous avons conquis un droit, celui
de citoyen. De là, pour nous, la nécessité d’avoir du temps à consacrer à la
culture de notre esprit.
Tout citoyen se doit à la patrie ; il faut donc que nous sachions
quels sont nos devoirs envers elle, et ce n’est pas en restant toujours
renfermés dans nos ateliers que nous l’apprendrons : l’esclave ne
travaille que de corps, le citoyen doit travailler de cœur et d’intelligence.
Nous dira-t-on qu’en travaillant dix heures, nous aurons encore assez de
temps pour nous instruire ? Il ne faut pas oublier que les grands ateliers
de la mécanique sont pour la plupart situés aux extrémités de Paris, quand ils
ne le sont pas au-dehors [l’extrémité, c’est alors le mur des fermiers
généraux, sur le tracé des actuelles lignes 2 et 6 du métro ; de l’autre
côté sont les faubourgs, qui ne seront annexés qu’en 1860] ; de sorte que,
bien souvent, il nous faut faire une heure de marche avant de rentrer dans nos
ateliers, et une heure le soir pour nous en retourner, ce qui fait deux heures
à ajouter au travail de l’atelier, plus une heure pour chaque repas, voilà donc
déjà 14 heures de la journée ; pour peu que l’on prenne (et ce n’est pas
être trop exigeant) une heure pour faire son repas du soir en famille, cela
fait 15 heures ; croyez-vous qu’il nous reste beaucoup de temps à donner à
notre instruction ?
Nous demandera-t-on pourquoi nous ne demeurons pas dans le voisinage de
nos ateliers ? [Les ouvriers habitent encore le cœur de Paris, comme
Drevet, 5, rue Godot de Mauroy, qui travaille chez Cavé, 216, rue du fbg
Saint-Denis]. Nous le pourrions,
sans doute, si dans ces ateliers nous étions certains d’avoir continuellement
de l’ouvrage. Mais nous nous mettons à notre tâche le matin, et souvent, le
soir, nous ne savons pas où nous travaillerons le lendemain. Avec un pareil
système, il faudrait avoir des maisons roulantes ; et lorsqu’on a une
femme ou des enfants qui travaillent dans un atelier ou qui ont un petit
commerce, le moyen de les quitter pour se rapprocher du lieu où l’on
travaille ! »
Le manifeste est signé par Derosne et Cail, constructeurs mécaniciens, et par
des délégués des ouvriers dont Drevet.
- Jean-François Cail est entré, en 1824, comme ouvrier chez Derosne,
7 rue des Batailles (auj. av. d’Iéna), qui avait le quasi monopole du matériel
de raffinerie ; il y est passé contremaître, a été intéressé à l’affaire,
puis en est devenu l’associé en 1836, sous la raison sociale : Ch. Derosne et Cail, quai de Billy (auj. av.
de New-York). De 45 à 50 ouvriers alors, l’entreprise passait à 6 ou 700
dix ans plus tard, quand, en 1848, un fort conflit éclata entre ses patrons et
ses ouvriers, qu’arbitrèrent Louis Blanc et la Commission du Luxembourg ;
l’entreprise fut alors transformée en association ouvrière.
C’est en 1850 qu’elle sera
constituée en J.F. Cail et Cie. Elle compte alors 1 200 ou 1 500
ouvriers avec la succursale de Grenelle. L’atelier de montage de Chaillot est équipé
pour monter 25 locomotives à la fois : en 1862, l’usine produit chaque
année 100 locomotives et tenders (si l’on y ajoute Gouin, c’est près du quart
de la production française de locomotives qui se faisait à Paris), et 500
appareils de force ; elle sera la proie d’un incendie en 1864 et
abandonnera définitivement cette rive-là de la Seine.
- J.-F. Cail et Cie, 15 quai de Grenelle et rue de Chabrol
(auj. du Dr Finlay). L’atelier du quai abrite les chaudronneries de cuivre et
de fer, les forges, les fonderies de cuivre et de fer, le magasin général.
L’atelier de la rue de Chabrol, dit « des ponts en fer », séparé du
précédent par la rue, a pour spécialité les ponts et viaducs et réalisera ceux
des chemins de fer russes, mais aussi, à Paris, celui du Cours de Vincennes, à
hauteur du n°101, pour la petite ceinture, en 1888. L’entreprise a fourni la
machine à vapeur de la rue des Immeubles Industriels. Elle quittera Paris pour
la province, et s’établira à Douai, avant la fin du siècle.
Dès novembre 1861, la future
société anonyme « Compagnie de Fives-Lille pour constructions mécaniques
et entreprises » avait formé avec la maison Cail une
« participation », qui avait donné lieu à la construction de nombreux
ouvrages en collaboration : locomotives, ponts, viaducs, charpentes
métalliques, hors la construction de matériel de sucrerie, secteur qui avait
été réservé à Cail. En 1958, elle fusionnera avec la société Cail pour donner
naissance à la « Société Fives-Lille-Cail ». La nouvelle entité absorbera Applevage en 1963,
Bréguet et Bréguet-Sauter-Harlé en 1966. Elle fusionnera enfin avec la société
Babcock-Atlantique en 1973, d'où sortira la société Fives-Cail-Babcock.
En 1870, les ouvriers de Cail
constituaient le 82e bataillon qui, avec le 105e, formé
par le quartier du Gros-Caillou (7e arr.), feraient preuve de la
plus grande bravoure à Buzenval, la dernière tentative des assiégés pour
désenclaver la capitale de l’étau prussien, le 19 janvier 1871. Cavalier, dit
pipe-en-bois, nommé directeur des promenades et plantations, ou des voies
publiques, par la Commune était ingénieur à l’usine Cail.
- Les ateliers de François Cavé,
216, rue du fbg Saint-Denis.
Depuis 1840, 600 ouvriers et 100 chevaux de force motrice y fabriquent des
machines à vapeur, et des coques de bateaux en fer (dont le bateau avec lequel
Philippe Suchard, des chocolateries éponymes, sillonne le lac de Neufchâtel).
En juin 1848, c’est dans ces
ateliers qu’est prise une pompe à incendie dont, parait-il, les insurgés
voulaient se servir, en la remplissant d’essence ou d’acide sulfurique, contre
les maisons d’où tirait la troupe. Après 1860, Cavé s’installera à Clichy.
Le Congrès de Genève de la 1ère Internationale, en 1866, a
déjà demandé les 8 heures comme limite légale de la
journée de travail.
La salle de la Redoute, 35 rue JJ Rousseau. Atget |
Cette année 1886, au 1er mai, de
puissantes manifestations s’étaient déroulées dans tous les Etats-Unis pour
imposer le principe des huit heures. Le 20 août, 8 syndicalistes de Chicago
avaient été condamnés à mort. La conférence
corporative internationale de Paris, le 23 août 1886 (salle de la Redoute,
35 rue Jean-Jacques Rousseau), avait discuté essentiellement de la lutte
pour la journée de huit heures dans
le monde. En octobre s’était créée la Fédération des syndicats et groupes
corporatifs de France. Bureaux, salles de réunions et centres de documentation,
les Bourses du travail étaient mises par les municipalités à la disposition des
chambres syndicales à partir de 1887.
Après sa journée inaugurale, 24
rue Pétrelle, le congrès socialiste international de Paris se prolongea au théâtre des Folies-Rochechouart, 42
rue Rochechouart, du 15 au 20
juillet 1889. Il devait consacrer la fondation de la 2e
Internationale. Une résolution adoptée à l’unanimité par les délégués de 21
pays, parmi lesquels Wilhelm Liebknecht
et August Bebel pour le Parti
ouvrier social-démocrate allemand, Victor
Adler pour le Parti social-démocrate autrichien, le roumain Many, le russe G.V. Plékhanov, recommandait « une grande manifestation
internationale à date fixe », « dans tous les centres ouvriers
d’Europe et d’Amérique en faveur de la fixation de la journée à huit heures de
travail », et adoptait la date du 1er mai de l’année
suivante : 1890.
Le 14 juillet 1889, s’était tenu salle Lancry, 10 rue de Lancry, en même temps que l’autre congrès
des salles Pétrelle et des Folies-Rochechouart, celui de la Fédération des Travailleurs socialistes de France
(FTSF), les « possibilistes » de Paul Brousse. Le président de l’A.F.L. américaine, Samuel Gompers, a envoyé un message et,
en retour, le congrès lui présente ses vœux de réussite pour sa campagne en
faveur des huit heures. La résolution adoptée se borne à souhaiter la «journée
maximale de huit heures de travail fixée par une loi internationale» sans se
fixer aucun moyen d’y parvenir : la FTSF ne participera pas à
l’organisation en France de la grève du 1er mai 1890.
Paul et Laura Lafargue, née Marx, traductrice quatre ans plus tôt,
dans le Socialiste, du Manifeste
communiste, qui n’aura ainsi atteint la France qu’au second semestre de
1885, y décèlent la perspective avantageuse, si ce 1er mai est un
succès à Paris - et c’en sera un -, d’un affaiblissement des possibilistes.
Place de la Concorde, 1er mai 1890 : onze
régiments d’infanterie, un régiment de cuirassiers, et trois régiments de dragons
ont été mobilisés, et le préfet Poubelle a fait répandre du sable sur la place
pour que les chevaux de la cavalerie ne risquent pas de glisser durant les
charges. On a perquisitionné préventivement aux locaux du Révolté, et la presse d’imprimerie y a été saisie. «Il sera
organisé une grande manifestation internationale à date fixe, avait décidé le
congrès ouvrier de Paris en 1889, de manière que, dans tous les pays et dans
toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les
pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de
travail, et d'appliquer les autres résolutions du Congrès de Paris.» Le jour
convenu, c’est aujourd’hui 1er mai 1890, et le lieu convenu pour
Paris, cette place de la Concorde. « Que Marx n’est-il à côté de moi, pour
voir cela de ses propres yeux » écrit Engels,
qui rappelle que cette revendication de la journée légale de travail à 8 heures
avait été « proclamée dès 1866 par le congrès de l’Internationale à
Genève ». Elisée, Paul et Elie Reclus sont là également.
1er mai 1907, arrestation d'un tout jeune ouvrier. Rol Gallica |
Comme les Lafargue l’avaient
espéré, l’organisation parisienne de la FTSF, influencée par Jean Allemane et Jean-Baptiste Clément, se détachera de Brousse et, au congrès de
Châtellerault des 9-15 octobre 1890, jettera les bases du Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire, qui tiendra son premier
congrès national, à Paris, les 21-29 juin 1891.
1er mai 1907, arrestation d'une ouvrière. Rol Gallica |
A peine Président du Conseil et
ministre de l’Intérieur, Charles Dupuy fait
fermer la Bourse du Travail (livrée un an plus tôt), le 1er mai
1893, afin qu’elle ne serve pas de point d’appui à la journée de
grève internationale. Le 7 juillet, il la fera occuper.
Le congrès de la CGT, à l’automne 1904, décide d’une vaste campagne pour
les 8 heures, qui débuterait à la grève du 1er mai 1906.
Un amendement, que fait adopter Pouget,
transforme cette perspective simplement propagandiste en un engagement
« qu’au 1er mai 1906, aucun ouvrier ne consente à travailler
plus de huit heures par jour ». La CGT groupe alors 53 fédérations ou
syndicats nationaux et 110 Bourses du Travail, le tout rassemblant près de 200
000 adhérents dans 1 800 syndicats. Une commission spéciale, dirigée par Paul Delesalle, est mise sur pied ;
le 1er Mai 1905 est
vécu comme un entraînement à celui de l’année suivante. On attend ce 1er mai
1906 avec une ferveur quasi religieuse, écrit Michèle Perrot :
« certains ont cru à une possible révolution ».
Salle Jules, 6 bd Gambetta, s’écrit une Chanson des 8 heures, dans la perspective du 1er
mai 1906 : « Nos Huit Heures.../ Le Premier Mai 1906, / Il faudra
qu’on nous les accorde ! »
Quand la banderole est tendue sur toute la façade de la Bourse du Travail :
« A partir du 1er mai 1906 nous ne travaillerons que
8 heures par jour », les leaders du mouvement sont en
prison ; place de la République, un cordon d’infanterie, épaule contre
épaule, cerne entièrement les terre-pleins, tandis que des rangs de cavaliers,
échelonnés de dix mètres en dix mètres, tournent tout autour de la place comme
les ailes d’un moulin.
La grève du 1er mai,
bien qu’étendue, n’est pas un succès : seuls 10 177 ouvriers sur
202 507 grévistes obtiennent une réduction de leur temps de travail. Le
gouvernement, lui, n’accorde, à compter du 13 juillet, qu’un jour de repos
hebdomadaire.
1er mai 1911, arrestation d'un ouvrier à la Concorde. Rol Gallica |
Pendant la guerre, le bureau d’Alphonse Merrheim,
à la Grange-aux-Belles est le lieu de rassemblement de tous les
minoritaires qui passent ; Merrheim
fait reparaître l’Union des métaux pour le 1er mai
1915 : un numéro anti-guerre, dont il écrit les articles avec Alfred Rosmer. Ensemble, ils s’occupent de son impression et organisent la
distribution de 15 000 exemplaires. Merrheim est exclu en janvier 1917 du
Comité pour la reprise des relations internationales, qu’il a contribué à
fonder, pour avoir approuvé Wilson. Il refusera
d’accéder à la demande de Raymond Péricat, du bâtiment,
d’organiser un arrêt de travail le 1er mai 1917.
1er mai 1919, grande journée de revendication marquée
par un arrêt presque complet du travail, - le jeune Charles Lorne, 18 ans, mécanicien dans un garage, y est tué près de
la place de l’Opéra ; Alexandre Auger,
48 ans, employé de banque, mourra le lendemain de la suite des blessures reçues
près de la gare de l’Est. Marcel Cachin
a été blessé dans les mêmes parages. 100 000 personnes suivront les obsèques
de Charles Lorne, auquel Marcel Martinet,
en 1938, dédiera ce poème :
« O petit compagnon, un
peuple, un peuple entier,
Et des hommes et des femmes qui,
par les rues qui montent,
Sombres et sombres flots de la
journée de mai,
Montent dans le sillage des
drapeaux rouges en fleurs,
Ton peuple te salue, ô petit mort
du peuple,
Ton peuple réveillé, ton peuple
qui va vivre
Et sent en lui battre ton sang,
premier des morts ! »
« devant la mairie du 10e,
Faubourg Saint-Martin, une
bagarre éclate entre la police et trois douzaines de chômeurs. En face, au 59, une fenêtre s'ouvre. Un homme
maigre vocifère. L'homme s'appelle Montéhus. Avant d'ouvrir sa fenêtre
il a vérifié dans une glace piquée de points noirs le mouvement de sa cravate
et de sa chevelure. La voix de Libertad s'est tue à jamais, mais le chansonnier
Montéhus crie "Assassins" aux agents. » Jules Romains, Les hommes de
bonne volonté, t. 5.
La presse bourgeoise commence à
promouvoir le muguet.
C’est à Japy, du 22 au 24
avril 1920, que se tient le 3ème congrès de la Fédération nationale
des travailleurs des chemins de fer, où la majorité va basculer au sein des
374 000 syndiqués, rendant possible l’appel à la grève générale
illimitée au soir du 1er mai 1920 pour imposer la nationalisation
des chemins de fer.
1er mai 1929, métro Richelieu-Drouot. Meurisse Gallica |
1er mai 1929, départ de la place du Combat (auj. du Col. Fabien). Meurisse Gallica |
Le 1er mai 1929,
alors que plus de 500 arrestations préventives ont été opérées par la police,
que les dépôts de tramway sont gardés par la police comme les bureaux de poste,
et que seuls le bâtiment et les taxis chômeront à peu près totalement, les deux
meetings principaux qui se tiennent à Paris, à 10h30 du matin, sont ceux du cinéma
des Bosquets, 60 rue de Domrémy,
dans le 13e, et de la Bellevilloise. Ce jour-là, on ne
vend pas l’Huma mais Premier Mai, les « gardes
rouges » ont des églantines au revers de leur veston.
N° spécial de la VO, les journaux, sauf celui-ci, ne paraissant pas le 1er Mai. Gallica |
Les églantines, on les achète au Cotillon du Prolétariat, d’Henri Audouin, 81 rue Beaubourg.
La boutique, fait ainsi sa publicité dans L'Humanité, en 1910 : « Spécialité de
drapeaux rouges, bannières, brassards, cordons, draps mortuaires, insignes pour
sociétés. Grand choix d'épingles de cravate artistiques représentant les Grands
Hommes de la Révolution, Jean Jaurès, la Confédération Générale du Travail,
Prolétaires de tous les Pays, unissez-vous... » Dans les années 1930, l’Humanité
vend « la pochette ouvrière » : sur un carré de soie rouge,
faucille et marteau aux quatre angles et, au centre, portrait de Lénine, en
noir.
Ou à la librairie populaire du Parti socialiste, 6 rue
Victor Massé. Grand choix de bustes de plâtre (patine bronze) de Jaurès,
Guesde, Marx ; insignes, églantines (le cent : 13 francs),
coquelicots (le cent : 9 francs), drapeaux rouges, oriflammes pour vélos,
bonnets phrygiens, brassards rouges ; en plus des tracts, affiches,
brochures... et livres.
1er mai 1931, devant le Brébant et des affiches pour l'Expo coloniale. Meurisse Gallica |
Le 1er mai 1931 est
interdit comme ses prédécesseurs ; le PC et la CGT ont appelé les
grévistes à se rassembler au Cirque d’Hiver. Un millier d’interpellations,
à ses abords, empêcheront la réunion.
Le 1er mai 1931, les
« charges de flics à la cité Jeanne d’Arc » (13e arr.,
construite en 1908 par la ville de Paris) ont déjà été suffisamment
spectaculaires pour figurer en bonne place dans le film consacré aux
manifestations du 1er Mai qui sera projeté en ouverture du 6e
Congrès de la CGTU, le 8 novembre.
1er mai 1934. Bois de Vincennes. Gallica |
Mais le 1er mai
1934, après la dispersion du rassemblement central organisé par la
Confédération unitaire dans la clairière de Reuilly, des interpellations ont
lieu, qui vont faire se dresser des barricades dans les HBM
d’Alfortville, et cité Jeanne d’Arc.
Lucien Monjauvis, le député de la
circonscription figure parmi les arrêtés. Quand le cortège revient de
Vincennes, la cité s’énerve ; aux interventions de la police, répondent,
jetés du haut des bâtiments, des débris des étages supérieurs insalubres, alors
en démolition, et du mobilier abandonné par les expulsés et les évacués. La
police fait le siège de la cité toute la nuit, tirant « en l’air » à
l’en croire, « dans les fenêtres » selon le PC, et quelques coups de
feu de riposte ont lieu...
Le 1er mai 1935,
le Parti communiste, rallié à la défense nationale, y manifeste pour la
première fois de son histoire de la Bastille
à la Nation en mêlant drapeaux tricolores et Marseillaise aux
drapeaux rouges et à l’Internationale.
Le 1er mai 1936 sera le
dernier premier mai de grève, le dernier chômé illégalement par les ouvriers.
Il était de tradition, ce jour-là, d’aller faire pointer sa carte syndicale
dans une quarantaine de permanences à Paris et une cinquantaine en banlieue,
pour revendiquer son geste, et d’aller en délégation déposer des cahiers de
revendications dans les mairies des communes de banlieue ou à la préfecture de
la Seine. C’était l’époque où l’on arborait encore l’églantine, pas le muguet.
Le 1er mai 1936 tombant en plein milieu d’élections législatives,
allait rester prudemment cantonné, pour Paris, au vélodrome Buffalo de
Montrouge : « aucun appel n’a été fait pour un mouvement généralisé
d’abandon du travail et encore moins pour une manifestation sur la voie
publique », notait la police.
Le 1er mai 1942,
l’Humanité clandestine écrivait : « Ne laissez pas vos enfants
mourir de faim, allez toutes ensemble prendre de quoi leur donner à manger là
où il y en a ». Le 31 mai, on y alla, saisir chez Félix Potin et ECO, au
magasin du 77 rue de Seine, « actifs dans le commerce avec
l’occupant », des marchandises...
Sous Pétain, il n’est plus question d’églantines ;
place au muguet. Je ne reviens pas
sur le vrai travail…
Le Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques (MTLD), parti nationaliste
algérien, a tenu son 1er congrès, en 1947. On le voit
dans la rue pour la première fois le 1er mai 1950 : avec
7 à 8 000 personnes dans le défilé syndical parisien, il forme le quart
du cortège, ce MTLD, « qui pour une première sortie nous a
fâcheusement révélé sa puissance », écrit le préfet de police qui, trois
jours plus tard, saisira le ministre de l’Intérieur du péril.
Le 1er mai 1951,
pour le traditionnel défilé syndical, la police dénombre 25 000 manifestants,
dont 4 500 Algériens,
malgré les 1 600 arrestations préventives
qu’elle a opéré aux portes de Paris. Deux drapeaux du MTLD se déploient, sur
lesquels les groupes d’intervention de la préfecture de police se précipitent
immédiatement pour les détruire, subissant une centaine de blessés dans leurs
rangs, dont un commissaire divisionnaire et le commissaire d’arrondissement.