A l’évidence, il y a entre les 24
communes retenues dans la 1ère couronne de grandes disparités : on
est par exemple dans un rapport de 1 à 8 entre les communes les moins et les
plus peuplées : Saint-Maurice, c’est 16 519 habitants, Gentilly
16 892, Joinville-le-Pont 17 953, le Pré-St-Gervais 18 000. A
l’autre extrémité, Boulogne-Billancourt compte 116 220 habitants,
Saint-Denis 107 762, Montreuil 103 000, Aubervilliers 75 598.
(Insee 2011)
Concernant le revenu net déclaré
moyen par foyer fiscal (Insee 2011), on est dans un rapport du simple au double
pour chacun des trois départements qui concernent notre couronne : pour le
93, la fourchette va de 14 914 € à Aubervilliers, à 27 763 € aux
Lilas ; pour le 94, de 20 890 € à Ivry, à 44 063 € à
Nogent-sur-Marne ; pour le 92, de 22 841 € à Clichy, à 47 563 €
à Boulogne-Billancourt.
Si l’on s’intéresse aux logements
sociaux, au sens de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain, qui a une
définition du social assez large ; ici chiffres de 2004), dans le 92, Boulogne-Billancourt
en compte 11%, Puteaux 35% et Suresnes 40% ; dans le 94, on en trouve 11%
à Nogent mais 38% à Ivry ; dans le 93, les 25% des Lilas sont une
exception, la gradation se faisant ensuite continue des 35% de Montreuil aux
51% de Saint-Denis.
Naturellement, avec cela toutes
nos communes situées dans les Hauts-de-Seine voient 40% de leurs habitants
propriétaires de leur logement, à l’exception de Clichy qui n’en compte que
25%, tandis qu’en Seine-Saint-Denis, plus de 40% de ceux qui demeurent aux
Lilas sont propriétaires mais 20% seulement de ceux de Saint-Ouen ; dans
le Val-de-Marne, l’écart va de 25% pour Gentilly à 53% pour Nogent.
Enfin, à comparer le parc de
bureaux, on constate (chiffres de 2009) que pour des villes de taille
semblable, Ivry (57 000 hab.) en a sur son territoire 324 000 m2,
Issy-les-Moulineaux (64 000 hab.) 700 000 m2, Levallois
(63 500 hab.) 800 000 m2 et Puteaux (45 000 hab.), du
fait de la Défense, 1 400 000 m2. Dans les trois villes de
plus de 100 000 habitants, Montreuil en compte 550 000 m2,
Saint-Denis 900 000 et Boulogne-Billancourt 1 million.
Dans cette
diversité, brossons à grands traits trois trajectoires communales (il
s’agissait de répondre à des questions de l’AFP), une pour chacun des trois
départements, depuis la « banlieue Front populaire » jusqu’aux
élections de dimanche dernier :
Dans le
Val-de-Marne, Ivry a un maire communiste depuis 1925 ; la circonscription
fut le fief législatif de Maurice Thorez.
En 1963, Pierre Gosnat, petit-fils de Venise Gosnat, fils de Georges Gosnat (secrétaire d’État à
l’armement en 1945), avait 15 ans quand, aux côtés de son père et de son
grand-père, il pouvait serrer la main de Youri
Gagarine venu en personne inaugurer la cité qui lui était dédiée.
En juin 2013, le
conseil municipal de Pierre Gosnat (déjà malade, il devait décéder au début de 2015)
entérinait la destruction totale, imposée par l’ANRU, de la cité Gagarine
élevée cinquante ans plus tôt.
La cité Gagarine
avait connu une réhabilitation importante en
1995. Une alternative à l’arasement, élaborée en concertation, entendait ne rogner
que les ailes du bâtiment, mais l’Agence nationale pour la rénovation urbaine,
principal financier, -(richement dotée, elle était censée faire disparaître en
cinq ans jusqu’au mot « banlieue » et ses connotations
dévalorisantes)-, a les moyens d’ôter tout pouvoir de décision aux élus locaux
et de faire fi de la participation des habitants.
En septembre 2010, la galerie d’art contemporain RX avait
ouvert sa réserve dans
l’ancien Laboratoire de Synthèse atomique
où Frédéric Joliot-Curie déclenchait la foudre à volonté du haut de
l’« éclateur » à 1 million de volts hérité de la Compagnie
générale d’électro-céramique : un espace de 1500 m2 avec
14 mètres sous plafond, doté de trois résidences-ateliers, de quatre box de
stockage dont un destiné aux œuvres monumentales, d’un espace galerie
privilégiant les accrochages, d’une plateforme accueillant les événements et la
présentation d’œuvres réalisées in-situ.
Aux législatives de 2012, Pierre Gosnat perdait au profit
d’un chevènementiste, maire du Kremlin-Bicêtre, la circonscription de Maurice
Thorez, le dernier siège de député détenu par le PC dans le Val-de-Marne.
Qu’allait-il se passer aux départementales à l’heure où, à Ivry-Port, sur
145 hectares, les friches industrielles et le bâti ancien tombent pour
faire place au projet Confluence ?
Eh bien au 1er tour, dans le canton d’Ivry, le
Front de gauche réunissait plus de 41% des suffrages et se qualifiait avec le
PS qui en faisait un peu moins de 16%, devant l’UMP/UDI et le FN à environ 14%
chacun, et EELV à plus de 9%. Au 2ème tour, le FDG, resté seul en
lice, l’emportait avec 100% des voix.
A Saint-Ouen, dans le “9-3“, - et on comparera l’anecdote
avec ce qui peut se passer aujourd’hui dans les tribunes et sur les pelouses
des stades de foot -, le 28 octobre 1934, le Red Star reçoit Mulhouse au stade
Bauer. Les organisateurs, apprenant l’assassinat du ministre des Affaires
étrangères, Louis Barthou, et du roi
de Yougoslavie, Alexandre Ier,
qui vient d’avoir lieu à Marseille, demandent une minute de silence. Les
tribunes répondent par des sifflets nourris. Ce que la revue communiste Sport
commente ainsi à son édition suivante : « Ils y regarderont sans
doute à deux fois, à l’avenir, avant de tenter d’entraîner dans leurs
pantomimes nationalistes les prolos de Saint-Ouen. »
Dix ans plus tard, Rino Della
Negra, l'un des résistants du groupe Manouchian, et l’un des joueurs du
club, écrit du fort du Mont Valérien, avant d’être fusillé, à son petit
frère : « Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star. »
Entre 1979 et 1994, sept congrès
du Parti communiste se sont tenus dans la nef en selle de cheval du centre
sportif de l’ile de la Vanne ; aucune autre ville n’en a compté autant.
En mars 2014, alors que la gauche
totalisait plus de 62% au 1er tour des municipales, la liste
PS-EELV, qui avait atteint 27%, se retirait purement et simplement, aboutissant
à l’élection d’une liste « divers droite ».
Le nouveau maire a longtemps
présidé l’Association pour la défense et la promotion des Puces. A la fin
de février 2015, la galerie d’art Until then s’y installait tout entière, et
non comme celle d’Ivry déjà citée ou celle de Thaddaeus Ropac à Pantin en y ouvrant simplement une annexe.
Parallèlement, les marchés Paul Bert et Serpette font une toilette, et l’an
prochain verra s’ouvrir un hôtel zen, le MOB, dans la lignée du du Mama Shelter
de Roland Castro, Philippe Stark et Alain Senderens, de la rue de Bagnolet dans le 20e
arrondissement.
Au 1er tour des départementales, l’Union de la
gauche réunissait plus de 26% des voix et se qualifiait avec les DVD (plus de
22%), devant le Front de gauche (env. 19%), l’UDI à 18,5% et le FN à plus de
14%. Le binôme DVD l’emportait au 2ème tour avec 59,5% devant
l’Union de la gauche à 40,4% et 65,65% d’abstentions.
Clichy, dans les Hauts-de-Seine, a abrité la fête de l’Humanité
quand l’État refusait ses forêts domaniales au Parti communiste ; le 19
septembre 1927, écrivait l’Humanité du lendemain, « Clichy – première ville au monde et ville communiste – inaugurait
une place Sacco-Vanzetti » ; elle gardera ce nom jusqu’à la
seconde guerre mondiale.
Son maire, Charles Auffray,
était exclu du Parti en 1929 comme membre d’une « tendance municipaliste électoraliste » ; il se
maintiendra durant quelques années dans l’entre-deux socialo-communiste sous
les étiquettes du Parti ouvrier-paysan (POP) puis du Parti d’unité
prolétarienne (PUP).
Mo' Clichy et Gilles Catoire |
C’est de Charles Auffray et de ses
« pratiques atypiques » que se réclame Gilles Catoire, le
maire PS, quand, au grand dam de sa majorité de gauche, il décide, en 2011,
d’offrir trois délégations, dont deux d’adjoints, au Modem. Quelques mois plus
tôt, il venait, tout aussi “atypiquement“, de faire citoyen d’honneur de la
ville, un Algérien, Mohamed Ghafir qui, sous le surnom de Mo’ Clichy,
avait été le chef du secteur nord parisien du FLN, et ce, - les attendus sont
les plus intéressants dans l’affaire -, pour des « faits de résistance
contre la répression et les massacres du pouvoir colonial en France. »
Aux municipales de 2014, Gilles
Catoire est réélu ric-rac dans une triangulaire face à deux listes de droite.
Au 1er tour des départementales, le PS atteint dans le canton de
Clichy environ 29%, l’UMP plus de 27%, les divers gauche 15%, l’UDI plus de 12%
et le FN 11%. Dimanche dernier, l’Union de la droite l’emporte sur le PS
54%/46%. C’est Montrouge, à l’autre bout de notre couronne, qui conserve au PS
un canton des Hauts-de-Seine.
Enfin, une autre actualité, la circulation alternée et les
atermoiements de sa mise en œuvre, vient de nous démontrer qu’au moins dans
l’esprit de la ministre de l’Écologie, la première couronne que nous avons
choisie fait partie intégrante de Paris. En effet, la circulation alternée s’y
applique exactement comme dans la capitale, et comme Mme Royal opposait, pour
la différer, les caprices d’enfant gâtés de Paris à la banlieue besogneuse
ayant un besoin vital de ses autos, il est maintenant clair que la banlieue de
notre bouquin, c’est Paris.