Le prétexte de ce parcours est la balade conduite pour la librairie La Hune, 170 bd St-Germain à l'occasion de la réédition de mes Traversées de Paris. 1ère partie.
On est, à l’angle
St-Benoît/St-Germain, à l’extérieur de l’enceinte de Philippe Auguste qui
correspondait aux rue Mazarine et M. Le Prince.
L’abbaye de Saint-Germain des Prés occupait
le quadrilatère formé par les rues Saint-Benoît, du Colombier, de l’Échaudé et
le boulevard Saint-Germain (alors rue Ste-Marguerite). Sa Porte Papale s’ouvrait
à la hauteur du n°9 Saint-Benoît.
Une abbaye hors les murs est naturellement
fortifiée. L’abbaye a vendu l’emplacement de ses fossés, où seront tracées les
rues citées ci-dessus, dans les années 1640. Le Menteur de Corneille en prend acte en 1643 :
« Dans
tout le Pré-aux-Clercs tu verras mêmes choses ;
Toute une ville
entière, avec pompe bâtie,
Semble d’un
vieux fossé par miracle sortie. »
La rue Saint-Benoît sera
urbanisée en 1678. Elle avait marqué longtemps la frontière entre l’Abbaye et
le Pré-aux-Clercs.
Le (grand) Pré aux Clercs commençait de
l’autre côté de la rue Saint-Benoît pour s’étendre pratiquement jusqu’au Palais
Bourbon. L’Université avait acquis au 13ème siècle, pour
l’ébattement de ses écoliers, les prés s’étendant vers l’ouest entre les
bâtiments conventuels et la
Seine. Chaque jour, les clercs qui s’y rendaient passaient
sous le nez des réguliers : les deux groupes avaient très facilement des
problèmes de voisinage, qui se soldaient, à l’occasion, par des morts. Marguerite de Navarre (1553-1615), la reine Margot, répudiée par Henri de
Navarre avant qu’il ne devienne Henri IV,
reléguée en Auvergne durant vingt ans, arrive à l’hôtel qu’on appelle aujourd’hui
de Sens en 1605, puis achète le Pré-aux-Clercs et au-delà : seize hectares
sur lesquels elle fait construire son hôtel, à l’angle du quai Malaquais et de
la rue de Seine ; un couvent d’augustins le long de la rue de la Petite-Seine (auj.
Bonaparte), à partir de 1613 ; un parc qu’elle ouvre au public et qui se
prolonge, à l’ouest, jusqu’à l’actuelle rue de Bellechasse. Dans les années
1620, son héritage se retrouve pour lotissement aux mains de cinq financiers emmenés
par Louis Le Barbier.
Le bd St-Germain fait, si l’on
veut, la frontière Encyclopédie / Abbaye. Diderot,
en 1755, s’est installé au n° 2 de la rue Taranne (dans le prolongement
vers l’ouest de la rue Ste-Marguerite, et qui sera emportée par le boulevard
Saint-Germain en 1883 ; l’inscription « rue Tarane » est encore
visible au-dessus du magasin de Sonia Rykiel au coin St-Pères/St-Germain), il y habitera 30 ans, jusqu'en 1784. Au n° 2 de la rue Taranne donc, au coin de la rue Saint-Benoît sur
laquelle donnent, latéralement, ses fenêtres du 4è étage. Dans un cinquième
étage sous les toits, son cabinet de travail. C’est là qu’il écrit son premier Salon ; il y vante Chardin, le peintre de la réalité, qui a été son voisin durant 2
ans. Chardin habitait depuis 1744 au n° 13 de la rue Princesse, chez sa
seconde et riche épouse. Comme il peignait, non ce qu’il voyait sur les tables
des cafés, comme feront les cubistes, mais ce qui figurait sur la sienne,
-« C’est toujours la nature et la vérité, écrit Diderot. Vous prendriez
les bouteilles par le goulot si vous aviez soif ; les pêches et les
raisins éveillent l’appétit et appellent la main »- depuis ce mariage les
épices avaient remplacé les oignons dans ses toiles, et l’argent l’étain. Et
puis, en 1757, Chardin qui avait toujours vécu dans le quartier depuis qu’il y
était né, rue de Seine, en 1699, avait traversé le fleuve pour aller habiter le
Louvre.
Diderot est un pareil pantographe
de la réalité : avec son complice d’Alembert,
qui loge tout près, hébergé par Julie de
Lespinasse à l’hôtel d’Asfeld, rue du Cherche-Midi, il va chercher chez les
fabricants de poêles et de fourneaux de la cour du Dragon des renseignements
pour l’Encyclopédie.
Il ne
« se communique » plus guère, mais c’est de ce logis qu’il va, le 11
février 1778, saluer et rencontrer pour la 1ère fois, Voltaire de retour à Paris après 50 ans
d’absence, à l’hôtel de Villette, au coin rue de Beaune/quai auj. Voltaire mais
alors des Théatins. Nous allons mettre nos pas dans les siens.
13, rue
Saint-Benoît à l’angle de la rue de l’Abbaye, Club Saint-Germain créé en 1947 ou juin 1948, prend la suite du Tabou ; Duke Ellington, Gréco,
Vian, Cazalis Charlie Parker, Max Roach, Kenny Clark, Coleman Hawkins… club
mythique des supposés existentialistes
En face, la
façade art-déco du Petit Zinc a été plaquée par Raymond Oliver
n°7, On trouve à cette adresse à la fin du 2nd Empire et au début de la 3ème République, Jules Claye, imprimeur, éditeur (et poète) qui a imprimé, entre autres, un ou deux des 4 volumes des œuvres complètes de Baudelaire pour Michel Lévy (avec lequel il collaborait souvent) en 1869 ; et des pièces de Jules Sandeau, par exemple. Jules Claye est aussi l'auteur d'ouvrages de métier, en particulier un Manuel du compositeur. Il sera remplacé au 7, rue Saint-Benoît, pendant la guerre de 14-18, par "Martinet, imprimeur de la Chambre des députés", qui imprime là des textes officiels et législatifs. Théodore de Banville lui avait dédié ce sonnet en mars 1875 :
A Jules Claye
Artiste, votre nom de savant typographe Emplit tout l'univers de sa belle rumeur; Mais vous savez aussi, bon poëte et rimeur, Dompter le blanc cheval qui hennit et qui piaffe. La Muse a devant vous détaché son agrafe. Les vers que vous signez: Jules Claye, Imprimeur, N'égalent pas le charme et la joyeuse humeur De ceux au bas desquels est mis votre paraphe. Pour honorer Phoebos, le céleste imposteur, Vous unissez la plume avec le composteur, Et de toute façon nous aimons à vous lire. Maître, vous mariez ainsi, pour nous ravir, Le plomb victorieux à l'or pur de la Lyre Et le métier d'Horace au grand art d'Elzévir.
N°5 Marguerite
Duras habita au 3e étage gauche du 5, rue Saint-Benoît. Immeuble vers 1830
(niche au-dessus porte d’entrée), travée centrale figurant une loggia au niveau
de l’étage noble ; frise de rinceaux enroulés entre l’entresol et le
r-d-c ; 2 chiens assis en guise de chapiteau à l’entablement de la
porte ; belle porte conservée ajourée d’une grille en fonte. PLU. Sainte-Beuve y a vécu en 1849-51, époque
où il commença à rédiger chaque lundi une causerie
sur l’actualité sociale et littéraire pour Le Constitutionnel. Duras y
possédait aussi au 6ème une mansarde qui servit à la Résistance et où François Mitterrand passa quelques
jours en 1943.
Dans la mansarde de Marguerite
Duras se succèderont plus tard l’écrivain et dessinateur Copi, le Catalan Enrique
Vila-Matas. « Ce 9 avril [1974], raconte-t-il, j’allais traverser le
boulevard Saint-Germain avec Marguerite Duras et Raúl Escari quand, tout à
coup, une grande voiture noire, presque funéraire, qui, en tout cas, n’avait
rien de printanier, a freiné sèchement et s’est arrêtée à notre hauteur. J’ai
regardé et ai pu voir à l’intérieur Julia
Kristeva, Philippe Sollers, Marcelin Pleynet et une quatrième personne
que je n’ai pas identifiée. Sollers a baissé la vitre de la voiture et a parlé
quelques petites secondes avec Marguerite. Je n’ai rien compris à ce qu’ils
disaient. Puis la voiture a démarré et a disparu au loin, a fini par se fondre
au bout du boulevard. Marguerite a alors dit : “Ils partent en
Chine” ». C’est l’époque mao de la bande de Tel Quel, éditée au
Seuil ; Sollers a un bureau au 27, rue Jacob. C’est tout une époque.
Marguerite Duras est morte au 5,
rue St-Benoît le 3 mars 1996, à l'âge de 81 ans.
En 1911-12, la NRF
de Gide et Copeau a sa boutique au 1, rue Saint-Benoît, (angle avec rue Jacob)
où se tiennent ses réunions mensuelles ;
N°52 rue Jacob, immeuble fin 18ème,
menuiseries d’origine, PLU. Signature Indépendance USA le 3/9/1783 Adams, Franklin [le traité d’alliance avec la France, reconnaissant
l’indépendance des Etats-Unis, a été signé auparavant, le 4 février 1778, (peu
avant le retour de Voltaire) au coin gauche Concorde/rue Royale, où la comtesse
de Coislin a loué une partie de son hôtel à Silas Dean, premier représentant, avec Benjamin Franklin et Arthur
Lee, du Congrès américain en France] ; Firmin Didot.
Au cours de son
premier séjour, en 1921-22, quand Michaud
(restaurant du coin de la rue des Saints-Pères (n°29) et de la rue Jacob, auj.
Comptoir des Saints-Pères) était pour lui un restaurant beaucoup trop cher, Hemingway n’y avait vu qu’une fois James Joyce (qui habitait au 9, rue de
l’Université, aujourd’hui hôtel Lenox) déjeuner en famille : « Lui et
sa femme assis, le dos au mur ; Joyce étudiant le menu à travers ses
épaisses lunettes, brandissant la carte d’une seule main ; Nora, à côté de
lui, mangeant avec appétit mais raffinement ; Giorgio, de dos, mince, trop
élégant, la nuque luisante ; Lucia, fillette en pleine croissance, avec sa
lourde chevelure bouclée – parlant tous italien ».
Plus à son aise
financièrement, Hemingway est plus souvent chez Michaud où, tout à trac, en
1929, Scott Fitzgerald se confie à
lui : « Zelda m’a dit qu’étant donné la façon dont je suis bâti, je
ne pourrais jamais rendre aucune femme heureuse… Elle m’a dit que c’était une
question de taille…
— Passons au
cabinet, dis-je.
— Le cabinet de
qui ?
— Le water,
dis-je.
Nous revînmes
nous asseoir dans la salle, à notre table. “Tu es tout à fait normal, dis-je…
Quand tu te regardes de haut en bas, tu te vois en raccourci. Va au Louvre et
regarde les statues, puis rentre chez toi, et regarde-toi de profil dans le
miroir.”
— Allons au Louvre, dis-je. C’est
juste au bas de la rue, de l’autre côté de l’eau. »
L’Université
morcelle à la suite de Le Barbier ce qui lui restait de son
Grand-Pré-aux-Clercs, et le chemin menant à ce dernier prend à ce moment le nom
de l’Université à laquelle il n’appartient plus, tandis que sa rive sud se
couvre d’hôtels.
N°19 Didot-Bottin
puis Gallimard. Bottin y
était depuis 1904, dans un hôtel remplacé en 1907. La NRF est passée, en 1912,
aux 35 et 37, rue Madame. En 1929, le comptoir d'édition s'est installé, avec
la revue, au 43 rue de Beaune, qui deviendra le 5 rue Sébastien-Bottin lorsque
la voie sera rebaptisée (mitoyen du 19 rue de l’Université). En 1944 Gallimard
doit s'agrandir et fait l'acquisition du luxueux hôtel Bochard de Saron. Le
bureau de Camus en a disparu en
1962, lorsqu'on a surélevé le bâtiment d'origine, raconte Grenier. Et celui de Queneau a brûlé en 1976, quelques jours
après sa mort. Il n'est resté qu'une boîte de pastilles Valda.
Plus tard, Gallimard a aussi
acheté l'immeuble qui abritait les annuaires commerciaux de Sébastien Bottin,
et il a fallu faire communiquer tout cela, recréer des niveaux, des passages.»
Quand Bouygues, autour de 1990,
envisagera d'acheter Gallimard, la légende veut qu'au moment où il lorgnait les
bâtiments, l'ancien roi du béton ait lâché: « Et en plus, ils ont un joli
portefeuille d'auteurs »
Rue de Beaune (de 1640, élargie
en 1844, qui impose pans coupés à tous carrefours). Louis Le Barbier
accélère l’enlèvement des lots en substituant au bac des Tuileries un pont de
bois, le Pont rouge, dans l’axe de l’actuelle rue de Beaune. Prendre trottoir
de gauche
N°1, le portail orné de 2 sphinx
donnait accès à l’hôtel de Villette et à l’appartement où séjourna
Voltaire ; sa chambre au 1er, sur la rue de Beaune.
Voltaire avait loué ici en 1722 à
la marquise de Bernières. 50 ans plus tard, le marquis de Villette, peut-être son fils naturel, qui se plaît en
tout cas à le laisser dire et penser, a racheté l’hôtel. Le 3 février 1778, Marie-Louise
Denis (la nièce de Voltaire) quitte Ferney deux jours avant son
oncle, pour aller s’assurer que tout est prêt à l’accueillir, - il aura 84 ans en novembre -, à l’angle de la
rue de Beaune et du quai des Théatins (qui doit son nom à une communauté de
religieux, protégés de Mazarin, qui s’y sont installés en 1648). Le 5 février,
Voltaire s’est mis en route à son tour, accompagné de Jean-Louis Wagnière, son
nouveau secrétaire, et de son cuisinier ; le 10, Voltaire, absent depuis
1750, est à Paris.
27, quai des Théatins, dans ce
salon du 3e étage, demeuré pour nous en l’état, avec ses colonnes et
pilastres à cannelures, ses chapiteaux ioniques, sa corniche à modillons, ses
dessus-de-porte et ses bas-reliefs, hormis le plafond qui a été repeint. Tout
Paris, tout Versailles est là : Gluck,
le compositeur ; la duchesse Yolande de
Polignac qui représente la reine Marie-Antoinette ; Mme Necker, alias « la belle Hypathie » ; Mme du Barry qui, auprès du feu roi
Louis XV, avait remplacé Mme de Pompadour, morte en 1764 ; Mme du Deffand, presque aussi âgée que
Voltaire et qu’il connaît depuis la cour de Sceaux ; Beaumarchais, avec lequel il a en partage la Comédie-Française
où le Barbier de Séville a fait un
grand succès quatre ans plus tôt, et une familiarité aux affaires due à
Pâris-Duverney ; la « chevalière
d’Éon... avec ses cinquante ans, ses jure-dieu, son brûle-gueule et sa
perruque » ; d’Alembert, bien
sûr, et Diderot.
Le 30 mai 1778, Voltaire meurt,
en effet, à l’hôtel de Villette. Comme on n’est pas tout à fait sûr que sa
rétractation soit vraiment recevable, on transporte secrètement sa dépouille en
carrosse jusqu’à l’abbaye de Scellières, voisine de Troyes, où l’inhume un
neveu.
Les Théatins
font refaire, cette année 1778, par Rousseau, l’architecte de l’hôtel de Salm,
le n°25, au flanc de l’hôtel mortuaire de Voltaire. Villette se présente,
raconte Desnoiresterres, offre un bon prix du rez-de-chaussée et de l’entresol,
et l’affaire est bientôt conclue. Puis il sous-loue l’une des boutiques à un
marchand d’estampes, à la condition expresse qu’il fera peindre en lettres d’or
cette enseigne : Au Grand Voltaire.
En avril 1791,
Villette prend sur lui de rebaptiser le quai tout entier : « Frères et
amis », écrit-il à ses concitoyens dans la Chronique de Paris, ce quotidien de la rue des
Poitevins qui a pour devise “Liberté, Vérité, Impartialité”, « j’ai pris
la liberté d’effacer, à l’angle de ma maison, cette inscription Quai des
Théatins ; et je viens d’y substituer : Quai de Voltaire. C’est chez moi qu’est
mort ce grand homme, son souvenir est immortel comme ses ouvrages. Nous aurons
toujours un Voltaire, et nous n’aurons jamais de Théatins... Je ne sais si MM.
les municipaux, MM. les voyers, MM. les commissaires de quartier trouveront
illégale cette nouvelle dénomination, puisqu’ils ne l’ont pas ordonnée : mais
j’ai pensé que le décret de l’Assemblée nationale, qui prépare les honneurs
publics à Mirabeau, à Jean-Jacques, à Voltaire, était, pour cette légère
innovation, une autorité suffisante ».
Le patriote
Palloy, poursuit Desnoiresterres, ce dispensateur des pierres de la Bastille, s’était avisé
d’inscrire le nom de Rousseau sur quatre de ces illustres moellons pour les
encoignures de la rue Plâtrière. « Ce trait est bien digne de votre civisme,
lui répond Villette dans les colonnes de la Chronique de Paris, et je ne doute pas que la
municipalité ne fasse droit à votre requête ; mais le quai des ci-devant
Théatins était encore plus susceptible de recevoir des pierres de la Bastille pour sa nouvelle
inscription : Quai Voltaire. Jean-Jacques n’a pas été comme lui dans cette
horrible forteresse. »
Le nom de
Voltaire est officiellement attribué au quai des Théatins, le 4 mai 1791.
Le 11 juillet
1791, « Le cortège [en route vers le Panthéon] a suivi les boulevards, depuis
l’emplacement de la Bastille,
et s’est arrêté vis-à-vis l’Opéra [depuis 1781 dans la salle dite aujourd’hui
de la Porte
Saint-Martin]. Le buste de Voltaire ornait le frontispice du
bâtiment ; des festons et des guirlandes de fleurs entouraient des médaillons
sur lesquels on lisait : Pandore, le Temple de la gloire, Samson. Après que les acteurs eurent
couronné la statue et chanté un hymne, on se remit en route et on suivit les
boulevards jusqu’à 1a place Louis-XV, le quai de la Conférence, le
Pont-Royal, le quai Voltaire.
« Devant la
maison de M. Charles Villette, dans laquelle est déposé le cœur de Voltaire, on
avait planté quatre peupliers très élevés, lesquels étaient réunis par des
guirlandes de feuilles de chêne, qui formaient une voûte de verdure au milieu
de laquelle il y avait une couronne de roses que l’on a descendue sur le char
au moment de son passage. On lisait sur le devant de cette maison : “Son esprit
est partout et son cœur est ici”.
« Madame
Villette a posé cette couronne sur la statue d’or. On voyait couler des yeux de
cette aimable dame des larmes qui lui étaient arrachées par le souvenir que lui
rappelait cette cérémonie. On avait élevé devant cette maison un amphithéâtre
qui était rempli de jeunes demoiselles vêtues de blanc, une guirlande de roses
sur la tête, avec une ceinture bleue et une couronne civique à la main. On
chanta devant cette maison, au son d’une musique exécutée en partie par des
instruments antiques, des strophes d’une ode de MM. Chénier et Gossec.
« Madame Villette et la famille Calas ont pris rang. À ce
moment, plusieurs autres dames, vêtues de blanc, de ceintures et rubans aux
trois couleurs, précédaient le char. On a fait une autre station devant le
théâtre de la Nation
Quai Voltaire
N°25, dans hôtel 18e
s. (celui de l’enseigne Au grand Voltaire), Musset loge de 1840 à 1850, soit de ses 30 à ses 40 ans, (en 1833,
il a écrit : « Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire
Voltige-t-il encore sur tes os décharnés ? ») ; puis Montherlant, qui s’y suicide en 1972
N°19, remodelé en 1851, l’hôtel
Voltaire ; Baudelaire y a
chambre au 5e étage de juillet 1856 à mi-novembre 1858. C’est
l’époque de ses démarches vaines auprès de George Sand pour lui faire engager
Marie Daubrun, qui part finalement avec Banville en octobre 1856. Le 30
décembre, Baudelaire signe un contrat pour les Fleurs du mal avec
Poulet-Malassis, libraire-éditeur d’Alençon, qui ouvre sa boutique parisienne
le 13 janvier 1857 au 4, rue de Buci. L’hôtel Voltaire est voisin du Moniteur
universel, qui est au n°13, auquel Baudelaire remet chaque soir, à
compter de février 1857, sa traduction des Aventures d’Arthur Gordon Pym qui y
paraissent en feuilleton. Peut-être demande-t-il des renseignements pour sa
traduction aux grooms, on sait qu’il le faisait, comme il cherchait des
américains de passage ayant connu Poe, la clientèle de l’hôtel est ici
anglo-saxonne : Hemingway
racontera encore qu’on ne trouve, à son époque, de livres anglais et américains
tout récents à des prix dérisoires que chez une bouquiniste située face à la Tour d’argent – le restaurant
loue alors quelques chambres à des hôtes de passage –, et quai Malaquais, où
« plusieurs bouquinistes vendaient des livres achetés aux employés des
hôtels de la rive gauche, et tout particulièrement de l’Hôtel Voltaire, qui
possédait une clientèle plus riche que beaucoup d’autres ».
C’est l’époque de la condamnation
des Fleurs
du mal, le 20 août 1857, que Baudelaire vit très mal ; l’époque où
la Présidente (Apollonie Sabatier) se donne à lui, au bout de 5 ans et
d’une dizaine de poèmes, le 30 août 1857, avec un fiasco pour résultat. Voir
les statues de Clésinger au musée d’Orsay,
femme piquée par un serpent,
qui date de 1847 (dix ans plus tôt donc) et qui serait un moulage (avec une
tête de fantaisie pour brouiller les pistes) du corps même d’Apollonie Sabatier
au sortir de l’amour ; et le buste de 1850 :
L’entrée du couvent des Théatins
se situait entre les n° 15 et 17
N°15, de 1894, pastiche 16e
s.
N°13 acheté par le Moniteur universel de Panckoucke, Dalloz et Turgan en
1854.
N° 3 et 5 datent de la Restauration sur le
logis de Louis Le Barbier. N°5,
Maison de l’Agro ; au 3, quai Voltaire, la famille de l’ex-Premier ministre
libanais Rafic Hariri a prêté aux Chirac un appartement de rêve, 180 mètres carrés
face au Louvre, sur deux étages.