Ce parcours emprunte le retour d’une précédente balade faite pour
la librairie La Manœuvre, 58, rue de
la Roquette (voir l'aller: De Verlaine au 4ème à Verlaine tout en bas, posté le 30/11/10).
- le n°34, rue de
Charenton, qui fait le coin avec la rue Moreau, est de 1882 ; le n°32,
asile temporaire, annexe de l’hôpital des Quinze-Vingts
est de 1885, il fait un angle très aigu. L’hôtel
des Mousquetaires noirs : le bâtiment principal était à peu près parallèle
à la rue de Charenton, 2 ailes faisaient retour vers celle-ci, celle de droite
venant coller au portail de la chapelle (on y entrait par la caserne). Entre
les 2 ailes : la cour d’honneur. Du pavillon d’entrée actuel partaient en
hémicycle concave les murs de clôture. Une deuxième cour, derrière la première était
entourée par les écuries. Travaux de début 1700 à début 1704. Dans 2 étages sur
rdc + combles mansardés, 329 chambres, 14 antichambres (pour les officiers et l’aumônier),
1 salle de billard. Les mousquetaires logent à 2 par chambre avec une chambre
adjacente pour leurs valets.
Louis XVI décide de la suppression des compagnies de
mousquetaires fin 1775. L’hôtel se vide l’année suivante. Avec l’arrivée des Quinze-vingts, les auberges des
mousquetaires, (au n°26) sont transformées en logements pour les directeurs. La
longueur de la chapelle est doublée par l’annexion de 3 travées de l’aile droite
de l’hôtel, parce qu’elle devient alors chapelle paroissiale : les fidèles
du quartier entrent maintenant par l’extérieur et restent au rdc ; les
pensionnaires entrent par l’étage du bâtiment, une tribune ayant été construite
à leur intention. Stalles et tabernacle sont refaits. 2 nouvelles chapelles
sont édifiées, consacrées à St-Jean baptiste et St-Joseph, les vitraux
représentant ces derniers étant rapatriés des Quinze-Vingts de la rue
St-Honoré, avec ceux de St-Louis et de St-Rémy auxquels le maître hôtel est
dédié ; 1 vitrail de la vierge également.
Dès 1785, les écuries ont été mises en location et
transformées en ateliers : polissage de diamants, d’acier, manufacture de
tabac. La chapelle est fermée en 1793, échoit à un marchand de charbon, est
restaurée en 1799, rendue au culte à l’Empire : Pie VII y passe en 1805. Dans les anciennes écuries (hauteur
du n°17 rue Moreau), Nicolas Appert
a ses ateliers de 1820 environ à 1828. En 1848, c’est au presbytère des
Quinze-Vingts qu’est conduit Mgr Affre
après qu’il a été mortellement blessé à la hauteur du 4, rue du fbg
Saint-Antoine « par une balle perdue ». L’archevêque de Paris était
venu, le 25 juin 1848, à 16 heures, s’interposer entre la troupe et la
barricade.
La construction du chemin de fer de Vincennes en 1858, son
élargissement en 1877, amènent la destruction des anciennes écuries. En 1956,
il est question de tout raser du n°24 au n°34 de la rue de Charenton sans
compter tout le côté impair de la rue Moreau, où serait reconstruit le portail
classé. La suppression de la gare de la Bastille, la réorganisation prévue de
la place s’opposent à l’extension à l’Ouest du projet. La chapelle, les
anciennes auberges des mousquetaires (n°26) et le joli pavillon d’entrée sont
sauvés. Classés MH : conciergerie ; chapelle ; chœur ; abside et les deux
travées droites de la chapelle
En face, 43 rue de
Charenton : Première parcelle à cour régulière depuis la pointe de
l'îlot sur la place de la Bastille. La surélévation de l'un des bâtiments sur
rue est spectaculaire. Elle témoigne de ce que le facteur de sédimentation
architecturale peut apporter à la ligne de ciel et au rythme des alignements
sur rue. Cette surélévation, menée en deux étapes au moins, concerne l'un des
bâtiments les plus anciens du faubourg Saint-Antoine, comme en témoigne
l'escalier, d'une exceptionnelle qualité monumentale (volées droites et rampe à
balustres carrés datable du milieu du XVIIe siècle). PLU
- 45 rue de Charenton :
Cour caractéristique du faubourg comprenant deux bâtiments particulièrement
remarquables : en fond de cour, un pavillon d'habitation d'un étage carré sur
rez-de-chaussée présentant un aspect du milieu du XVIIIe siècle et sur l'aile
droite un bâtiment d'ateliers comprenant trois étages sur rez-de-chaussée à
structure en bois apparente et remplissage moellon ou brique pouvant être daté
fin XIXe. PLU
On retourne sur nos pas :
- Fontaine dite de
Trogneux. Classée monument historique depuis 1929, cette fontaine fut
construite par Jean Beausire de 1719
à 1721 en exécution des lettres patentes du roi du 1er juin 1719. Elle fut reconstruite
à l'identique sous le Premier Empire. La façade principale, rue du faubourg
Saint-Antoine, comporte un haut soubassement à refends, duquel l'eau s'échappe
par deux mascarons à tête de lion. Elle est ornée de deux pilastres d'ordre
dorique soutenant un entablement couronné d'un fronton triangulaire.
Restauration en 1963.
Cour Jacques Viguès,
séparée en deux parties, Est et Ouest, par la cour Saint-Joseph. Accès par le 59 rue du faubourg Saint-Antoine ou
par le 5 rue de Charonne. La partie Est, comprend deux édifices remarquables :
l'immeuble d'habitation milieu XVIIIe du 3 rue de Charonne qui se distingue par
des garde-corps en fer forgé et un escalier à balustres tournés ainsi qu'un
bâtiment mitoyen de la cour Saint-Joseph, placé face à l'entrée du 59 rue du
faubourg Saint-Antoine. La partie ouest est bordée de constructions à usage
d'ateliers datés vers 1860 élevés de trois étages sur rez-de-chaussée. Cette
cour est atypique dans la mesure où elle doit sa monumentalité à une activité
monofonctionnelle. Deux remarquables passerelles surélevées relient les bords
opposés de la cour ouest; réalisées vers 1900, elles sont en métal riveté
reposant sur des poteaux métalliques. PLU
- Cour Saint-Joseph.
[l’escalier du n°12 est visible par derrière, une fenêtre ayant été percée exprès]
Elle s'ouvre sur rue par une maison à neuf travées construite entre 1764 et
1794 en pierre de taille à rez-de-chaussée puis en moellon de calcaire et pan
de bois sous enduit, avec ateliers, chantier et jardin à l'arrière. La façade
sur cour présente des traces de polychromie. Deux escaliers à limon tournant et
rampe en fer forgé desservent les étages et les bâtiments latéraux. Les
bâtiments sur cour, à usage mixte, sont tout aussi remarquables par leur
sédimentation depuis le XVIIIe siècle. Après l'achat de la propriété en 1834
par le marchand de bois des îles, Jacques Vigues, les ateliers actuels sont
reconstruits entre 1834 et 1852 sur les fondations de la seconde moitié du
XVIIIe siècle. Entre 1853 et 1855, construction d'ateliers à l'emplacement du
jardin, autour d'une cour qui prend le nom de cour Jacques Vigues. Les ateliers
au sud de la cour Saint-Joseph sont surélevés de trois étages carrés et d'un
étage de comble dans le premier quart du XXe siècle. La forte axialité, l'unité
monumentale, mais aussi l'imposante surélévation du bâtiment de gauche
confèrent à la cour une valeur monumentale, spatiale et d'évolutivité très
intéressante. PLU
- 13 rue de Charonne
/ 34 à 36 rue de Lappe : Le bâtiment d'angle, d'origine du XVIIIe
siècle, élevé de deux étages sur rez-de-chaussée, possède une importance tant
historique que paysagère. Avec sa souche de cheminée dans le prolongement du
pignon, ses travées dissymétriques et ses lucarnes "à la capucine"
(couvertes à 3 versants) il constitue une remarquable illustration du type
vernaculaire le plus ancien encore présent dans le faubourg. PLU
- 51 rue de Lappe,
presque en face : Francis Lemarque Après avoir vécu dans 1 pièce au
1er sur cour, ses parents ont déménagé dans 2 pièces, au 2e étage, sur rue
quand Nathan Korb y naît en nov.
1917. Au rez-de-chaussée, en dessous de chez lui, le bal des Trois Colonnes ; plus loin, le Vernet Bal, homo ; La Boule Rouge, le plus sensuel ; Bousca, le plus chic.
Le futur Francis
Lemarque travaille dans une usine de robinets de Butagaz, rue Beautreillis
(4ème), de 700 ouvriers, en 1929. Il a 11 ans et demi. « J’étais
métallurgiste, et je faisais 10 heures par jour, six jours par semaine »,
et ce jusqu’au Front populaire, qui signifia d’abord pour lui « la semaine
des 2 dimanches ».
[Un square Francis Lemarque a été inauguré le 24 oct. 2006
au 90 rue de la Roquette
(coin Ch. Dallery)].
Les Auvergnats et la
rue de Lappe. Les peigneurs de chanvre, arrivent les 1ers, suivis des
mariniers qui descendaient l'Allier et, par le canal de Briare, accostaient sur
les quais de Seine. Là, ils vendaient le charbon de Brassac qu'ils
transportaient et le bois de leurs bateaux débités en planches. Leurs fils
seront bougnats, transformation abrégée du mot "charbonnier". Les
Auvergnats sont aussi des ferrailleurs. Dans le parler ouvrier, une machine
bonne pour la casse, c’était « une seringue pour la rue de Lappe », de même que
se consacrer à des projets sans lendemain était « travailler pour la rue de
Lappe ».
A la fin du 19e siècle, l’alliance de la cabrette ou musette
des Auvergnats et de l’accordéon des Italiens amène jusqu’à quinze bals dans la
rue. [C’est dans un bal de la rue de Lappe, en 1905, que le joueur de cabrette Antoine Bouscatel, aidé il est vrai par
l'accordéoniste italien Charles Peguri,
inventera le musette. La
Galoche d'Aurillac, un café-restaurant-produits d'Auvergne,
en conserve désormais les échos nostalgiques.] Dans les années 1920, ces bals
sont le repaire des apaches en tricot de marin, gigolette au bras et surin dans
la poche.
- 30 à 32 rue de Lappe : Sur rue au n°30, bâtiment
remarquable d'aspect début XIXe siècle composée de six travées régulières et de
deux étages carrés sur rez-de-chaussée. Son voisin, au n°32 est d'origine
XVIIIe comme l'aile en retour sur la cour. Percé d'une porte cochère, il permet
l'accès à la cour qui se développe dans la largeur de la parcelle. Outre l'aile
correspondant au bâtiment XVIIIe, elle abrite des constructions plus tardives
datées de 1885 (J. Joly, arch.) à usage mixte. PLU
- 28 rue de Lappe : Ancienne usine construite vers 1910
présentant une façade sur rue élevée de trois niveaux sur rez-de-chaussée.
Structure apparente en acier riveté et à remplissage de briques. Fronton
formant pignon en comble (pignon de charpente couvrant toute la cour). Corniche
à mutule en staff. Jeu décoratif discret dans l'appareillage de la brique. Ce
bâtiment se singularise par sa façade industrielle dans cette séquence
anté-haussmannienne de la rue de Lappe. Il constitue un élément intéressant, pour
sa monumentalité intrinsèque, et pour l'effet de rupture produit. PLU
En face :
- 39 rue de Lappe (enseigne Jacques Charpentier) :
Immeuble d'origine de la fin du XVIIIe siècle avec reprise et surélévation vers
le milieu du XIXe siècle ; Escalier à limon tournant et rampe à barreaux
ronds engagés desservant le premier étage. Escalier à volées droites au-delà du
premier étage avec rampe à barreaux carrés vers 1780. Dallage de l'entrée de
belle qualité. PLU
- 24 rue de Lappe : L'immeuble sur rue et les ateliers
sur cour actuels ont été reconstruits vers 1825-1835 en incorporant l'une des
maisons sur rue du XVIIe siècle (source : inventaire général). PLU
- 25 rue de Lappe : Sur rue, maison d'origine vers 1700
d'un étage carré sur rez-de-chaussée, présentant un léger fruit, et entrecoupée
au centre d'un atelier à rez-de-chaussée du XIXe siècle. Sur cour, à droite,
ensemble à usage mixte, élevé de trois étages carrés sur rez-de-chaussée vers
1850. Sur cour, à gauche retour du bâtiment ancien sur rue. Parcelle d'une
ordonnance et d'une complexité exceptionnelles en regard de son exiguïté et
composée pour l'essentiel de bâtiments antérieurs à 1800. PLU
- 21, rue de Lappe/passage Louis Philippe Immeuble porche
d'origine de la seconde moitié du XVIIIe siècle présentant une façade composée
de quatre travées et de trois étages carrés sur rez-de-chaussée. Structure
pierre-moellon-bois-enduit tout à fait caractéristique des méthodes
constructives employées dans le faubourg. Bâtiment de bonne tenue et d'un grand
intérêt à l'échelle urbaine pour le maintien du débouché sous porche du passage
Louis-Philippe. PLU
N° 9, 17e siècle,
l’un des plus anciens du fbg ; escalier 17e dans le haut, rénové en 1900
pour le bas. Le Balajo inauguré en
1936 par Mistinguett et Georgius, aménagé par Henri Mahé, décorateur du grand
Rex. Ici se pratique encore, dans les années 1930, le « Passez la monnaie », sorte de juke-box vivant : l’orchestre
joue quelques mesures d’intro et, si on veut danser, on paye d’un jeton, qu’on
a acheté à raison de quatre pour 1 franc. L’orchestre enchaîne ainsi trente
danses à l’heure ! Et déjà, pour les bourgeois qui viennent s’encanailler, et
les touristes, on fournit du fait divers factice : pendant qu’une tôle imite
les prémices de l’orage, le patron fait vaciller la lumière ; dans l’obscurité,
un coup de pistolet (à pétards) retentit, suivi de ce cri qui vous glace : «
Ah, la vache, y m’a crevé ! ».
- 30 à 32 rue de la
Roquette / 2-4-6 rue de Lappe : Ensemble de bâtiments témoignant, sur
une surface réduite, de la sédimentation primitive du faubourg. En 1643, achat
à Jean de Lappe par Claude Lefebvre, maître taillandier, du terrain
correspondant à la parcelle actuelle, et construction des deux maisons au 30 et
32 rue de la Roquette par le maçon Christophe Bertrand. Au n°30 subsiste
l'escalier à vis. Entre 1703 et 1745, construction de la maison de deux étages
au 4 rue de Lappe qui conserve un escalier à balustres carrés, d'un hangar à
bois au 6 rue de Lappe et des bâtiments à un étage sur la cour. En 1773 et
1774, construction de la maison à deux étages au 6 rue de Lappe à la place du
hangar par le maître maçon de La Salle. Elle se distingue par une façade
nettement plus régulière et composée sur un modèle néoclassique du XVIIIe
siècle (chaînes de refends encadrant la façade et la travée centrale, baies
cintrées soulignées par des bandeaux, mansardes respectant la symétrie de la
composition d'ensemble). Enfin les bâtiments situés au fond de la cour très
étroite, desservis par un escalier à balustres ronds, sont probablement
d'origine vers 1750, mais surélevés d'un étage carré au XIXe siècle. PLU
La rue Daval a été ouverte en 1780 sur des
fossés comblés en 1777
Cour Damoye : 12
et 14 rue Daval, bâtiments Louis XVI. En 1604 les Arquebusiers étaient
installés entre la rue du même nom et l’actuel boulevard Beaumarchais.
Lorsqu'on voulut planter le boulevard, en réservant sur ce point un espace pour
élargir la promenade, les chevaliers de l'Arquebuse, en échange de leur
terrain, prirent près de là possession d'un chantier de bois flotté, hors et
près la porte Saint-Antoine, au coin de la rue de la Roquette : la concession
en était faite, le 22 février 1673, par les prévôts et échevins à la compagnie.
Elle transforma ce chantier en hôtel
royal de l'Arquebuse, et le jardin qui en faisait partie longeait jusqu'à
la rue du Chemin-Vert celle de Saint-Sabin.
Les archers de la Ville, dernière
transformation des arbalétriers royaux, s'y donnaient rendez-vous encore du
temps du parlement Maupeou
(1771-1774). Mais bientôt le jardin officiel fut pris à loyer de l'autre côté
de l'eau, sur le boulevard [auj. de l’Hôpital], près du Marché-aux-Chevaux.
Quant à l'hôtel de l'Arquebuse, livré à la spéculation, il ouvrait son tir à
tout le monde, en regard même de la
Bastille, comme pour apprendre publiquement à y viser les
sentinelles.
En 1780, la ruelle
est rachetée par Nicolas Damoye, un
administrateur de la ville, qui récupère portes, fenêtre et cheminées -depuis
on dit indifféremment passage Daval ou cour Damoye. Ensuite, les lieux sont
investis par des ferrailleurs et autres chiffoniers auvergnats, avant d'être
rachetés en 1816 par une famille, toujours propriétaire.
En 1914, on y répare des roues de charrettes. Le regard
expert du photographe Atget a fixé sur le bromure ces ambiances de travail, les
réverbères, les roues de charrette stockées à même le pavé, les échelles... Au
rez-de-chaussée, des échoppes. A côtés de nos roues, une brûlerie de café, un
restaurant... un village dans lequel tout le monde vit en bonne intelligence.
On débouche sur la place de la Bastille. On
imagine en face, sur le terre-plein qui précède le bassin de l’Arsenal, l’éléphant des Misérables. Après
différents projets destinés à remplacer la Bastille abattue, Napoléon qui, à l’instar du dieu biblique, se voulait celui qui de
Paris aurait étanché la soif, opta pour une fontaine, à l’aval de ces eaux de
l’Ourcq qu’il amenait en ville, sous la forme d’un gros éléphant coulé dans le
bronze des canons pris à l’ennemi. Sa maquette en plâtre, grandeur nature,
allait s’effriter là pendant plus de trente ans ; on se rappelle qu’elle a été
l’abri de fortune de Gavroche, celui
dans lequel il donne sa leçon d'argot :
Victor Hugo, Les Misérables, IV, 6, II
Victor Hugo, Les Misérables, IV, 6, II
« Les deux pauvres petits enfants tout mouillés commençaient
à se réchauffer.
_ Ah çà, continua Gavroche, pourquoi donc est-ce que vous pleuriez ?
Et montrant le petit à son frère :
_ Un mioche comme ça, je ne dis pas ; mais un grand comme toi, pleurer, c'est crétin ; on a l'air d'un veau.
_ Dame, fit l'enfant, nous n'avions pas du tout de logement où aller.
_ Moutard ! reprit Gavroche, on ne dit pas un logement, on dit une piolle.
_ Et puis nous avions peur d'être tout seuls comme ça la nuit.
_ On ne dit pas la nuit, on dit la sorgue.
_ Merci, monsieur, dit l'enfant. (…)
_ Et puis observa timidement l'aîné qui seul osait causer avec Gavroche et lui donner la réplique, un fumeron pourrait tomber dans la paille, il faut prendre garde de brûler la maison.
_ On ne dit pas brûler la maison, fit Gavroche, on dit riffauder le bocard. »
_ Ah çà, continua Gavroche, pourquoi donc est-ce que vous pleuriez ?
Et montrant le petit à son frère :
_ Un mioche comme ça, je ne dis pas ; mais un grand comme toi, pleurer, c'est crétin ; on a l'air d'un veau.
_ Dame, fit l'enfant, nous n'avions pas du tout de logement où aller.
_ Moutard ! reprit Gavroche, on ne dit pas un logement, on dit une piolle.
_ Et puis nous avions peur d'être tout seuls comme ça la nuit.
_ On ne dit pas la nuit, on dit la sorgue.
_ Merci, monsieur, dit l'enfant. (…)
_ Et puis observa timidement l'aîné qui seul osait causer avec Gavroche et lui donner la réplique, un fumeron pourrait tomber dans la paille, il faut prendre garde de brûler la maison.
_ On ne dit pas brûler la maison, fit Gavroche, on dit riffauder le bocard. »
Puis Louis-Philippe
voulut qu’on célébrât ici les Trois
Glorieuses qui l’avaient porté au pouvoir. Mais le canal Saint-Martin, dont
le percement avait emporté la maison de Beaumarchais, et qui passait sous la
place, n’offrait pas une résistance suffisante pour une glorification par le
marbre. Il fallut se contenter d’accommoder les restes : les galeries déjà
creusées pour la fontaine à l’éléphant fourniraient une crypte, la voûte
pouvait supporter une colonne creuse, au fût de laquelle, en trois anneaux, un
pour chaque journée, s’étageraient les cinq cent quarante noms des héros
ensevelis dessous. Finalement, au son de sa Grande Symphonie funèbre et
triomphale que Berlioz
dirigeait lui-même, la colonne de
Juillet n’était inaugurée qu’au dixième anniversaire de l’événement.
Il ne faudra pas attendre aussi longtemps
pour que Louis-Philippe doive s’enfuir. Son trône, arraché aux Tuileries,
venait s’échouer au pied de la colonne le 24 février 1848, après avoir tangué
tout au long des Grands Boulevards sur les épaules des insurgés qui, place de la Bastille, en faisaient un
feu de joie. Autour, ils entamaient une ronde enfantine, jusqu’à ce que des
voix énergiques, les ramenant au but de la révolution, appellent : « À l’Hôtel
de Ville ! À l’Hôtel de Ville ! ».
Le 4 mars 1848, le gouvernement provisoire
de la Deuxième
République faisait ajouter aux morts de juillet 1830, les
cent quatre-vingt-seize corps des victimes de février. Le 24 mai 1871, la Commune agonisant, un
cortège qui, à la lueur des torches, menait la dépouille de Jaroslaw Dombrovski de l’Hôtel de Ville
au Père-Lachaise, faisait halte à la Bastille, déposait la bière au pied de la colonne
de Juillet et, témoignera Lissagaray,
« les fédérés vinrent l’un après l’autre mettre un baiser sur le front du
général ».
Regardant maintenant sur la droite, on
évoque la prison de la Bastille, et
spécialement sa tour
dite de la Basinière,
correspondant au débouché du boulevard Henri-IV, côté impair, sur la place de
la Bastille. L’imprudent Arouet
s’était vanté d’être l’auteur d’un texte anonyme ; malheureusement, c’était
devant des espions de police et, la conversation amenée par eux sur le sujet du
Régent, il s’était emporté : « Comment,
vous ne savez pas ce que ce bougre m’a fait ? Il m’a exilé parce que j’avais
fait voir au public que sa Messaline de fille était une… ». Il s’écoulera peu
de temps avant que, le 16 mai 1717, des exempts frappent à sa porte. Il sera
détenu onze mois dans la tour de la Basinière, jusqu’au 5 avril 1718. Il mettra ce temps à profit, bien que privé de papier et d’encre, pour
composer les premiers chants de sa Henriade,
soit en les écrivant au crayon entre les lignes d’un livre, soit en se les
récitant pour les retenir par cœur, car il a plus tard raconté l’une et l’autre
versions.
Huit ans plus tard, bastonné par la
valetaille du chevalier de Rohan-Chabot, Voltaire
veut obtenir réparation en duel ; il croit l’affaire conclue, mais c’est encore
la police qui est au rendez-vous : le 17 avril 1726, il est de nouveau à la Bastille. Cette
fois, tout Paris est au courant car, à présent, il est Voltaire, et des
consignes arrivent avec lui : « Le sieur de Voltaire est d’un génie à avoir
besoin de ménagement. SAR a trouvé bon que j’écrivisse que l’intention du roi
est que vous lui procuriez les douceurs et la liberté de la Bastille, qui ne seront
point contraires à la sécurité de sa détention ». « La liberté de la Bastille », oxymoron
qu’emploie le lieutenant général de police, est toute relative. Il y a bien
dans cette prison une tour dite de la Liberté (qui serait située
aujourd’hui au débouché de la rue Saint-Antoine sur la place, au milieu de la
chaussée), pour les prisonniers qui ont droit à la promenade, encore ce droit
leur est-il retiré sous Louis XVI, le marquis
de Launay en ayant confisqué l’endroit pour s’en faire un jardin.
Voltaire mange à la table du gouverneur,
reçoit tant que le lieutenant général de police doit préciser que la permission
donnée ne saurait tout à fait transformer la Bastille en salon. Dès le
2 mai, Voltaire est expédié vers un exil anglais.
« La journée du 14 juillet 1789, écrit Louis de Loménie dans Beaumarchais
et son temps, le trouva occupé à faire construire, juste en face et
tout près de la Bastille,
comme pour narguer ce château-fort, une superbe et charmante habitation. » «
J’ai assisté à la prise de la
Bastille, écrit le chancelier
Pasquier dans ses Mémoires. (…) Parmi [les spectateurs] se trouvaient
beaucoup de femmes très élégantes : elles avaient, afin de s’approcher plus
aisément, laissé leurs voitures à quelque distance. J’étais appuyé sur
l’extrémité de la barrière qui fermait, du côté de la place de la Bastille, le jardin
longeant la maison de Beaumarchais et sur lequel il fit mettre, peu de jours
après, l’inscription suivante : Ce petit jardin fut planté l’an premier de
la liberté. À côté de moi était Mlle Contat, de la Comédie-Française, jolie autant qu’on peut l’être ; nous restâmes jusqu’au dénouement et je lui donnai le bras
jusqu’à sa voiture, qui était place Royale. » Le 26
juillet 1782, c’était la première de l’Ecueil des mœurs, nouveau titre
des Courtisanes
interdites jusque là et, au 1er rang du balcon, Sophie Arnould, la Guimard,
la Dervieux, la Raucourt, la Duthé s’y voyaient avec amusement pendre en
effigie ; Louise Contat, petite lingère de la rue Saint-Denis, 22 ans, s’y révèlait dans le
rôle de Rosalie. Elle serait la
Suzanne de la Folle
Journée de Beaumarchais.
Beaumarchais
ne vint habiter sa maison qu’en 1791. Sur le boulevard, jusqu’à l’actuelle rue
du Pasteur-Wagner, un mur surmonté d’une terrasse plantée d’arbres, dans le
genre de la terrasse du bord de l’eau des Tuileries, accueillait à son
extrémité un temple dont le dôme était surmonté d’un globe terrestre piqué
d’une grande plume dorée qui, au vent, l’entraînait dans sa course. Il était
dédié « À Voltaire » et marqué de ce vers de la Henriade : « Il ôte aux nations le bandeau de l’erreur
». Le souvenir de « l’an premier de la liberté » était à l’entrée du jardin
donnant sur la rue Amelot.
On se pressait pour visiter cette Folie, le duc d’Orléans aussi bien que Mirabeau, sans compter des gens moins
notables, comme cette charmante épistolière : « Monsieur, Je suis choisie dans
ce moment par toute ma famille pour vous présenter une requête. Une requête !
direz-vous. Oh ! n’allez pas vous effrayer, elle se bornera à vous demander à
voir votre jardin. On aurait bien pu charger quelqu’un qui vous eût demandé
cette permission avec plus de grâce ; mais on m’a rassurée, en me disant que
vous étiez indulgent, que vous aviez trop d’esprit pour laisser votre censure
s’arrêter sur ma lettre, et que vous vous mettriez aisément à la place d’une
jeune personne de seize ans, obligée d’écrire à quelqu’un qui possède ce talent
au premier degré. Je requiers donc votre indulgence pour me lire, votre
complaisance pour acquiescer à ma demande, et je suis, pour la vie, votre
servante. Rose Perrot. Rue des Tournelles, n° 65 ».
Quelques milliers d’habitants du faubourg se
précipitèrent dans le jardin du père de Figaro le 11 août 1792 en y mettant
beaucoup moins les formes : on soupçonnait le trop habile trafiquant de retenir
chez lui des fusils qu’il aurait déjà dû livrer ; on fouilla les lieux de fond
en comble durant cinq bonnes heures.
Les Auvergnats de Paris, les Bougnats montés dans la
capitale y sont plus de six cents mille en comptant la très proche banlieue, descendants
de ceux qui allèrent y tenter une chance que leur terre natale refusait.
Au 13, boulevard
Beaumarchais, l'hebdomadaire l'Auvergnat de Paris, créé par Louis Bonnet, enfant d'Aurillac, est
entré dans son deuxième siècle d'existence. L'édito du tout premier numéro donne
donnait déjà le ton : « Tout pour l'Auvergne ! Tel est notre cri de ralliement.
Chanter nos héros, dire ce que furent nos philosophes, nos poètes; se pencher
sur le cercueil des morts chers et obscurs, jeter une poignée de leur poussière
au grand soleil de Paris qui la fera resplendir et scintiller encore, voilà
notre principal but... » Dès lors,
petites annonces et demandes d'aides en tous genre rempliront les colonnes de
l'Auvergnat. Les notables aideront les artisans et en 1904, naîtront les "
trains spéciaux Bonnet " qui, avec 40% de réduction, offriront aux
lecteurs la possibilité de se rendre de Paris à Aurillac, Thiers ou Langogne.
Au n° 28, rue des
Tournelles : Hôtel de Sagonne. Sa
façade orientale se trouve au fond d'un jardin dont la grille de l'entrée est
située au n° 23 du boulevard
Beaumarchais ; cette façade est décorée, au rez-de-chaussée, de quatre
groupes de deux colonnes jumelées qui, construites postérieurement, masquent
les consoles en ferronnerie qui, avant elles, supportaient le balcon. Elle
présente deux étages ; deux des six fenêtres du deuxième sont à balcon et à
fronton triangulaire ; cinq mansardes en pierre, à fronton également
triangulaire, dominent le tout. Hôtel et jardin sont classés. Les communs se
trouvent côté rue des Tournelles, ils sont composés d'un rez-de-chaussée avec entresol, de deux
étages et de trois mansardes. Cet ensemble masque la cour d'honneur sur
laquelle donne la façade Ouest de l'hôtel avec un rez-de-chaussée, une large porte avec un
balcon à balustres en pierre supporté par deux colonnes doriques, deux étages
et trois mansardes en pierre à fronton triangulaire.
Cet hôtel a été construit, entre 1674 et 1685, par Jules Hardouin-Mansart, comte de
Sagonne, pour lui-même. Il était le petit-neveu par alliance (ou fils naturel)
de François Mansart et aussi son
élève mais Saint-Simon a écrit de
lui « que brillant courtisan, il avait usurpé sa réputation et qu'en fait
il ne faisait que signer les plans établis par un architecte nommé Lassurance ».
À sa mort,
l'hôtel est passé à son fils aîné Jacques, mort en 1762, puis à son second
fils, Mansart de Sagonne, architecte
de l'église Saint-Louis de Versailles qui le vendit, en 1767, à l'épouse de
Philippe de Noailles, futur dame d'honneur de la reine de France Marie Lecszynska, puis de Marie-Antoinette qui lui donna le
surnom de Madame l'Étiquette. Elle et son mari furent décapités en juin 1794. L'intérieur de cet
hôtel fut décoré par Le Brun, Mignard et Coypel.
En 1938, Albert Tallone y installe la maison d’édition qu’il
a héritée de son maître Maurice Darantière, typographe et éditeur, auquel on
doit la 1ère édition de l’Ulysse de Joyce. De cette date à 1957 ont été édités ici quelques textes par
an : des présocratiques grecs grâce à des caractères dessinés par lui,
Dante, Pétrarque, Boccace, Catulle, Virgile, Shakespeare, Manzoni, Erasme, et Paul Valéry, dont il fut l’ami et qui,
fasciné par la netteté de ses pages, lui confia l’impression de cent
exemplaires de l’Ange, son testament.
La rue Charles Wagner
est l’ex-rue Daval, coupée en deux par le boulevard Richard Lenoir et qui
dans cette partie a reçu en 1925 le nom du pasteur (1852-1918), grand orateur
et écrivain, d’abord luthérien puis libéral. C’est là qu’il a fait édifier le
temple qu’il a appelé le Foyer de l’âme en 1907, grâce à l’argent qu’il avait
recueilli au cours d’un voyage de conférences aux Etats-Unis, encouragé par le
président Theodore Roosevelt.
Canal St-Martin. Balzac, César
Birotteau : « Du Tillet, instruit des
intentions du gouvernement concernant un canal qui devait joindre Saint-Denis à
la haute Seine, en passant par le faubourg du Temple, acheta les terrains de
Birotteau pour la somme de soixante-dix mille francs. (…) Au commencement de l’année
1822, le canal Saint-Martin fut décidé. Les terrains situés dans le faubourg du
Temple arrivèrent à des prix fous. Le projet coupa précisément
en deux la propriété de du Tillet, autrefois celle de César Birotteau. La
compagnie à qui fut concédé le canal accéda à un prix exorbitant si le banquier
pouvait livrer son terrain dans un temps donné. » La 1ère
pierre du canal est posée le 3 mai 1822, il est inauguré le 4 nov. 1825, livré
au commerce le 15 nov. 1826. Il sera voûté autour de 1860 (et recouvert par le bd Richard Lenoir) pour
permettre à la cavalerie de galoper sans entrave : le
canal a fait du faubourg la zone industrielle du 19e siècle mais ce
même canal, qui les a pour ainsi dire fait naître, a fourni aux ouvriers
insurgés, en juin 1848, « une ligne de défense formidable » : « il fallut du
canon pour emporter les barricades élevées sur les deux rives à l’entrée du
faubourg du Temple », les troupes de Lamoricière n’y parvinrent qu’au bout de
cinq jours, se rappelle La Bédollière.
2 rue Sedaine,
maison de 1864. Sedaine est l'auteur
le plus représentatif de la comédie sérieuse, en disciple fidèle de Diderot,
avec un drame bourgeois : Le Philosophe sans le savoir, (1765)
5 actes en prose. Le livret de l’opéra-comique Richard Coeur-de-Lion,
1784, lui ouvrira d'emblée l'Académie Française en 1786 : à cause peut-être de
ce début qui deviendra une invocation royaliste « Ô Richard, ô mon roi,
L'univers t'abandonne ! »
C’est ds cette rue Sedaine que Francis Lemarque, chanteur des rues, reçoit du 4e étage une pièce
de 10 cts en bronze qui lui ouvre le front. Au n° 24-28, très longue cour traversant un îlot délimité par les rues
Sedaine et de la Roquette. Au 41 rue de la Roquette, la cour s'ouvre par un
immeuble de rapport de la première moitié du XIXe siècle qui se prolonge sur
cour par des constructions sans doute contemporaines. Au 24-28 rue Sedaine, la
cour s'ouvre par un immeuble de rapport fin XIXe qui donne accès, passé un
porche monumental, à une ancienne usine implantée perpendiculairement à l'axe
de la cour, et à des ateliers, de part et d'autre de la cour, à structure en
bois apparente (Emile Garot, arch. 1888). Les bâtiments pris isolément ont,
pour beaucoup d'entre eux, de très grandes qualités monumentales. Leur
juxtaposition crée non seulement un effet de diversité frappant, mais surtout,
révèle la forte évolutivité de la parcelle, avec des mutations fonctionnelles si
importantes que le passage a été barré par une grille qui sépare la partie
"industrielle" de la partie "bourgeoise". PLU
Retour à la Manœuvre
par la rue du Cdt Lamy.