Du quai Malaquais à la place St-Germain des Prés, ou de l'abbé Prévost à Jean-Paul Sartre

Le prétexte de ce parcours est la balade conduite pour la librairie La Hune, 170 bd St-Germain à l'occasion de la réédition de mes Traversées de Paris. 2ème partie.

- N°17, 15, Quai Malaquais : hôtel de Chimay. Construit par Mansart dans la première moitié du XVIIe siècle, l'hôtel a été fortement remanié en 1740-1756. Le corps de bâtiment central, flanqué de deux ailes en retour, donne du côté du quai sur une cour d'honneur, de l'autre côté sur un jardin, qui le sépare du Palais des études. Après 1884, il a été presque entièrement évidé pour installer les ateliers de l'École des Beaux-arts. Seuls les salons du rez-de-chaussée sur le jardin conservent des éléments de décoration datant probablement du Premier Empire.
- N°13, C'est autour de la salle Melpomène qu'Auguste Perret a construit, après 1945, trois nouveaux étages d'ateliers (non visibles du quai). Il aménage également un couloir de circulation doté d'un éclairage zénithal qui le relie par l'intérieur à l'hôtel de Chimay. La partie ouvrant sur la cour de Chimay est aménagée dans le style des années 1940 : mur plaqués de marbre ocre, vasques lumineuses, pavage en damier noir et blanc. Une copie en plâtre du Voltaire assis et vêtu à l'antique de Houdon (1778), dont l'original se trouve dans le foyer de la Comédie-Française, y est installée, ainsi que la copie en marbre du Faune Barberini réalisée par Eugène-Louis Lequesne (1815-1887), Prix de Rome en 1844, à l'occasion de son Envoi de Rome de 1846 (l'original est conservé à la Glyptothèque de Munich).
- n°11-13 L'édifice situé entre le quai Malaquais et la Cour du mûrier a été construit par Duban entre 1858 et 1862, pour accueillir les expositions des concours scolaires.
Au rez-de-chaussée, la salle Melpomène est une grande nef à éclairage zénithal, qui s'ouvre, du côté du quai, sur un vaste vestibule rectangulaire. La salle Foch est située au-dessus de ce vestibule, auquel elle est reliée par un double escalier. Dans ce bâtiment au décor classique, Duban a utilisé une structure en fer, comme pour la cour vitrée du Palais des études.

- N°9 (le seul à ne pas appartenir aux B-A) Hôtel du 17e s., loué en 1714 par le prince de Transylvanie. Après l’éteignoir de la fin de règne, les tables flambent sous la Régence, on retrouve dans l’hôtel du n°9 le chevalier des Grieux : « Le principal théâtre de mes exploits devait être l’hôtel de Transylvanie, où il y avait une table de pharaon dans une salle et divers autres jeux de cartes et de dés dans la galerie. Cette académie se tenait au profit de M. le prince de R... [Rákóczy], qui demeurait alors à Clagny, et la plupart de ses officiers étaient de notre société. Le dirai-je à ma honte ? Je profitai en peu de temps des leçons de mon maître. J’acquis surtout beaucoup d’habileté à faire une volte-face, à filer la carte, et m’aidant fort bien d’une longue paire de manchettes, j’escamotais assez légèrement pour tromper les yeux des plus habiles, et ruiner sans affectation quantité d’honnêtes joueurs ». Abbé Prévost, Manon Lescaut.

Devant l’école des Beaux-Arts, le quai Malaquais est le quartier général des bouquinistes ; c’est là que le Colline des Scènes de la vie de bohème vient, quand il est en fonds, remplir la « poche aux langues étrangères » de son fameux pardessus-bureau vert.

Rue Bonaparte. Là passait le canal d’adduction, bras mort recreusé de la Seine, des fossés de l’abbaye quand celle-ci ajouta à ses fortifications des douves.

À la Révolution, l’ex-couvent des Petits-Augustins, fondé par la reine Margot en 1613, devient le dépositaire des œuvres sculptées enlevées aux édifices cléricaux. Dans ce musée des Monuments français, dont Alexandre Lenoir a été nommé conservateur le 4 janvier 1791 (le quai des Théatins prendra le nom de Voltaire exactement 4 mois plus tard), s’accumulent pans de murs et statues et, sous un assemblage composite de débris provenant du monastère de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône, où Abélard était mort, du couvent du Paraclet, voisin de Nogent-sur-Seine, où son corps et celui d’Héloïse avaient été réunis, et enfin de l’abbaye de Saint-Denis, le mythique tombeau des deux amants. La Restauration disperse le musée et fait construire, sur son emplacement, une École royale des Beaux-Arts, qui n’en garde que la façade du château d’Anet et, au milieu de la cour, une arcade du château de Gaillon (face à l’entrée, entre la cour d’honneur et la cour en hémicycle ; démantelée en 1977.

L'église du couvent des Petits-Augustins est la partie la plus ancienne de l'École des beaux-arts. La chapelle hexagonale, à droite au fond de la grande nef unique, dite " chapelle des louanges " a été construite pour Marguerite de Navarre (1553-1615), l’ex-épouse d'Henri IV. Après la dispersion de la plus grande partie des collections et l'attribution des locaux à l'École des beaux-arts, l’église devient un dépôt lapidaire puis un Musée des copies de la Renaissance italienne et française : moulages, envois de Rome de peinture y sont rassemblés, dont la grande copie du Jugement dernier de Michel-Ange faite à Rome en 1833 par Xavier Sigalon (1788-1837).
Le portail de la chapelle est celui du château d'Anet (Eure-et-Loir), commencé en 1548 par Philibert de l'Orme, architecte du roi Henri II, pour servir d'habitation à Diane de Poitiers, sa favorite durant vingt ans, la « plus que reine » comme on la nomme et pas parce qu’elle est plus âgée que le roi de quatre lustres. Haut de 22 mètres, il se compose de trois ordres superposés, toscan, ionique et corinthien.
Les deux fragments de pilier, placés aux côtés du portail d'Anet, proviennent de l'ancien hôtel de la Trémoïlle, construit à la fin du XVe ou au commencement du XVIe siècle dans la rue des Bourdonnais (presque en face, de l’autre côté du Pont Neuf), comme, de l’autre côté de la cour, en face, l'arcade en pierre de la première travée de la façade Sud (à la différence du portail d’Anet, ce n’est pas là le réemploi d’un reste du musée des Monuments français mais un exemple placé par Duban dans un souci de pédagogie architecturale).
A la suite du portail d'Anet s'étend un bâtiment orné de médaillons sur lave émaillée (comme ceux du côté opposé) œuvres des frères Balze (1868-1869) : ils représentent, en commençant par la droite, le sculpteur David d'Angers, le peintre Gros (Ant.-Jean), le sculpteur Cartellier (Pierre), le peintre Prudhon (P.-Paul).

Derrière ce bâtiment à médaillons, l'ancien cloître du couvent, où Alexandre Lenoir avait planté un mûrier de Chine, qui a donné son nom à cette cour ombragée. Duban reconstruit le cloître dès 1836 en le transformant en atrium antique bordé d'arcades et orné d'une fontaine. Sous le Second Empire, il complète le décor par des peintures dans le goût pompéien et les moulages des frises du Parthénon qui courent à mi-hauteur sur trois côtés.

Au fond de la cour Bonaparte, le Palais des Etudes est achevé en 1839 mais Duban eut plusieurs occasions de compléter son ornementation intérieure, notamment en réalisant le décor des galeries hautes et la couverture de la cour centrale, dont la restauration vient de s’achever et restitue toute l’importance de ces aménagements dans l’histoire de la polychromie monumentale du XIXe siècle.
À l'origine, la cour centrale du Palais était à ciel ouvert. En 1863, Duban la couvre d'une charpente métallique et d'une couverture vitrée ce qui permettra à son successeur Georges Coquart d'installer plus largement la collection de moulages d'antiques. Le Musée des antiques est inauguré en 1874.
Dans l’axe de la colonne (l’ange de bronze au sommet est une œuvre de Duban), l'Amphithéâtre d'honneur ou Hémicycle (autrefois consacré aux cours et aux distributions de prix) doit sa célébrité au chef-d'œuvre de Paul Delaroche (1797-1856) La Renommée distribuant des couronnes. Cette peinture, à la cire, a été terminée en 1841. Elle est signée et datée dans sa partie gauche. Endommagée par un incendie en 1855, elle a été restaurée en 1988.
La composition de Delaroche comprend 74 figures, toutes de grandeur nature : au centre, Ictinous, Apelle et Phidias, transformés en juges ; devant eux, 4 figures de femmes symbolisant les 4 grandes périodes de l'art (grec, romain, gothique, Renaissance) ; au milieu la Renommée distribuant des couronnes ; enfin à gauche et à droite, 67 ou 69 artistes, assis ou debout, paraissent converser entre eux (40 peintres et graveurs, 15 sculpteurs, 14 architectes).
Marix (de son vrai nom Joséphine Bloch, 1822-1891), le modèle de la Renommée, posait dès 15 ans, en 1837, pour Ary Scheffer, dans ce qui est aujourd’hui le musée de la vie romantique pour deux tableaux inspirés par le Wilhelm Meister de Goethe ; elle en a 19 quand elle pose pour Paul Delaroche, (atelier : 58 rue Saint-Lazare). Elle sera la maîtresse du peintre Boissard de Boisdenier quand se réunira dans l’appartement de celui-ci, à l’hôtel dit aujourd’hui de Lauzun, vers 1844, le club des Haschischins que fréquentent Balzac, Delacroix et un médecin aliéniste de Bicêtre venu étudier la production de rêves sans sommeil, le Dr Moreau, Théophile Gautier, naturellement Baudelaire, qui habite au-dessus en 1845, Apollonie Sabatier. Le sculpteur Geoffroy de Chaume a pris des moulages du corps de Marix dans son atelier situé à 2 numéros de l’hôtel de Lauzun. Gautier la retrouvera en 1858, à Schleswig, devenue baronne d’Ahlefeld
Marix en Mignon, ci-dessus et, ci-dessous, en Renommée


- Bâtiment des loges. Situé à gauche du Palais des Études, ce bâtiment à deux étages, rythmé par des pilastres corinthiens, destiné à accueillir les “logistes” des concours, a été édifié par François Debret entre 1820 et 1829, en même temps que l'aile gauche du palais qui lui fait face. Chaque année, au début du printemps – et jusqu’en mai 1968 –, les abords du bâtiment vont connaître l’attente fébrile des familles, des amis et des candidats aux prix de Rome, après qu’ils auront planché plus de trois mois au total dans des cellules ouvertes sur une galerie de surveillance. À la clé, cinq ans de séjour à Rome aux frais du gouvernement, et l’exemption du service militaire.

- N°13 rue des Beaux-Arts : Restauration, 1824, hôtel de voyageurs d’une vingtaine de chambres, réaménagé en 1968, puis rénové par l’archi d’intérieur José Garcia ; PLU.
Oscar Wilde y « meurt au-dessus de ses moyens », comme il le dit, ce 25 octobre, plus d’un mois avant, l'échéance fatale, en reprenant une énième coupe de champagne bien qu’il doive déjà 190 Livres à son propriétaire. Il s’accuse ce soir-là de l’échec de l’Exposition universelle, qui fermera ses portes le 12 novembre : les Anglais n’y sont pas venus, le sachant à Paris, et les Français le tiennent évidemment pour responsable de la désaffection de ses compatriotes. Quand il meurt pour de bon, le vendredi 30 novembre 1900, toutes les nourritures et boissons dont il s’est gavé s’écoulent par tous les orifices de son corps ; il faut brûler la literie. Quelques écrivains : Raymond de la Tailhade, Tardieu, Charles Sibleigh, Jehan Rictus, Robert d'Humieres, George Sinclair, viennent lui rendre hommage dans la chambre 13 qu’il occupe depuis plus de 2 ans sous le faux nom de Sebastian Melmoth. Le lundi, c’est de l’hôtel alors d’Alsace qu’on se rend à l’église Saint-Germain-des-Prés pour le service funèbre ; sur le cercueil, une couronne de perles du patron, Jean Dupoirier : « A mon locataire », et une autre signée « Le service de l’hôtel ». Paul Fort est dans les 56 présents qui l’accompagnent au cimetière de Bagneux, pour une inhumation provisoire.
Paris vu par Sebastian Melmoth dans une lettre envoyée de l’hôtel d’Alsace à l’été 1898 : « Paris est une épouvantable fournaise. Je marche dans des rues de cuivre et il n'y a plus personne ici. Même les classes criminelles sont parties au bord de la mer, et les gendarmes bâillent et regrettent leur oisiveté forcée. Indiquer une mauvaise direction aux touristes anglais qui demandent leur chemin est la seule chose qui les console. » Borges sera un habitué du même hôtel.

- N°8 rue des Beaux-Arts Pour le cinquantième anniversaire de la naissance de Baudelaire (né le 9 avril 1821, rue d’Hautefeuille), Fantin-Latour a pour projet de réunir autour d’un portrait du poète, sur le modèle de son Hommage à Delacroix, « les douze apôtres » du siècle poétique. Il espère voir dans son atelier du 8, rue des Beaux-Arts : Victor Hugo, Théophile Gautier, Leconte de Lisle, Théodore de Banville, etc. Comme ils tardent un peu à venir, il passe aux disciples, en commençant par Verlaine et Rimbaud.
Les Goncourt viennent voir l’avancement des travaux le 18 mars 1872 : « Il y a sur le chevalet une immense toile représentant une apothéose parnassienne de Verlaine, de d’Hervilly, etc., apothéose où il se trouve un grand vide, parce que, nous dit-il naïvement, tel ou tel n’ont pas voulu être représentés à côté de confrères qu’ils traitent de maquereaux, de voleurs »… C’est effectivement ainsi que Mérat parle de Rimbaud, et il ne figurera sur la toile (Un coin de table, musée d’Orsay, voir mon Paris des Avant-Gardes p.124-125) que sous les traits d’un pot de fleurs, à droite, au premier plan. Verlaine, lui, pose ici à longueur de journées. C’est en tout cas ce qu’il raconte chez lui, à sa femme, pour justifier absences et retards, tout le temps qu’il passe en réalité avec Rimbaud.

- N°31, rue de Seine : 1ère moitié du 18e, George Sand en 1831 ; Académie Raymond Duncan de 1929 à 1966. Le frère d’Isadora est visible sur un portrait de famille à la Douanier Rousseau qui s’intitule Le Groupe existentialiste devant Saint-Germain-des-Prés, où on le reconnaît en toge antique, aux côtés de Boubal, le patron du Café de Flore, Genet sous une calotte de bagnard, Sartre donnant la main à Juliette Gréco, Jacques Prévert en chapeau vert pré, Boris Vian et sa trompinette…

Quand l’Abbaye a doté ses fortifications de douves qu’alimentent un bras mort recreusé de la Seine (rue Bonaparte), des conflits concernant le droit de pêche se sont ajoutés à ceux qui l’opposent depuis toujours à l’Université. En compensation des empiètements de sa nouvelle enceinte, l’abbaye offre à l’Université le terrain compris entre les actuelles rues Jacob et Visconti et, côté ouest, le canal d’adduction des fossés : ce sera désormais le Petit-Pré-aux-Clercs, qui s’ajoute à l’autre. On va en faire le tour par Visconti, Bonaparte, Jacob.
L’Université, en mal d’argent, lotira le Petit-Pré-aux-Clercs à partir des années 1545 : la « petite Seine » sera comblée, une rue des Marais-Saint-Germain (auj. Visconti) ouverte perpendiculairement, qui constituera le premier foyer de peuplement hors des murs des protestants. Dans la Petite Genève, comme on appelle presque aussitôt l’endroit, chez Mme Bertrand, officie à ce moment le pasteur La Cerisaie.
- Au n° 4 de la rue des Marais-Saint-Germain, le premier baptême réformé est célébré à l’Auberge du Vicomte en 1555. Le synode national constitutif des Églises réformées en France s’y assemble du 25 au 29 mai 1559.
- Au n°16, a vécu Adrienne Lecouvreur, de 1718 à sa mort, le 15 mars 1730, peut-être empoisonnée par une rivale dans le cœur si hospitalier de Maurice de Saxe : la duchesse de Bouillon.
« À Paris, on les respecte quand elles sont belles, et on les jette à la voirie quand elles sont mortes », dira Candide des comédiennes, près de trente ans après. Quand Voltaire eut fermé les yeux d’Adrienne, l’abbé Languet de Gergy, curé de Saint-Sulpice, lui refusa la sépulture ecclésiastique ; on dut placer le corps dans un fiacre et, clandestinement, aller l’ensevelir au débouché de la rue de Bourgogne (auj. Aristide-Briand), au-dessus de ce port de la Grenouillère où s’arrêtaient les trains de bois destinés à l’approvisionnement de Paris, dans un chantier qu’on savait, hélas, souvent battu par les grandes eaux de la Seine. (maison postérieure à 1656 ; les garde-corps en fonte sont du 19e s.)
- N°17 : Balzac est en 1827 « homme de lettres de plomb » dans ce grand local du 17, rue des Marais-Saint-Germain, au-dessus duquel se trouve le petit appartement où il reçoit Mme de Berny. Delacroix aura son atelier à l’étage quelques années plus tard ; en 1838, il y fait monter un piano afin de peindre Chopin et George Sand ensemble. Malgré tant d’efforts, la toile sera coupée en deux après sa mort, et chaque portrait vivra une existence séparée. Delacroix y fait aussi une aquarelle du « bois » visible de sa fenêtre, car, si la rue est étroite ici, les maisons ont leurs aises à l’arrière. Ce bois est celui du Temple de l’Amitié du 20 rue Jacob (voir mes Traversées de Paris p.492).

- Du 16 au 24 rue Visconti, et 17-19 rue Bonaparte, 7 maisons d’après 1656 sur un ancien hôtel du 16ème s ; les n° 18 et 20 sont de 1682 mais au n° 20 vantaux Régence et appuis de fenêtre Régence ; le n° 22, maison de 1678. Racine a vécu au n° 24, construit en 1667, de 1692 à sa mort, en 1699, il n’y a guère écrit que ses Cantiques spirituels.

- « cellule de la rue Visconti » : Marguerite Duras a adhéré au Parti communiste à l’automne de 1944, est devenue secrétaire de la cellule 722, dite de la rue Visconti où Dionys Mascolo, son compagnon, et Robert Antelme, son ex-mari, auteur d’un extraordinaire récit sur la vie concentrationnaire, L’Espèce humaine, ont pour camarades Eugène Mannoni, alors journaliste à Ce Soir, le sociologue Edgar Morin, le romancier Claude Roy, le jeune Jorge Semprun et, tout de même, un ajusteur. En 1950, « la rue Saint-Benoît », c’est-à-dire Marguerite Duras et ses hommes, en est exclue à la suite d’un procès stalinien à Saint-Germain-des-Prés que décrira Gérard Streiff.

- Christo barra la rue Visconti, le 27 juin 1962, d’un Rideau de fer composé de barils de pétrole.

- N°20 rue Jacob : bâtiment Louis XV, appuis d’époque ; au fond, petit temple 1er Empire, ISMH depuis 1947. De part et d'autre de la porte, deux niches abritent l'une un buste d'Adrienne Lecouvreur, l'autre du Maréchal de Saxe ajoutés postérieurement. Le 7 novembre 1908, Natalie Clifford Barney s’y installait pour y attendre le retour de sa compagne Renée Vivien, qui mourut quelques semaines plus tard sans avoir jamais connu le 20, rue Jacob. Dès octobre 1909, elle y reçoit lors de ses « Vendredis », que Hemingway, Proust et Joyce fréquentèrent, et naturellement Rémy de Gourmont qui lui voua ensuite un long amour platonique et lui donna le surnom de l'Amazone. On y lisait des textes (Paul Valéry y a donné lecture du Cimetière marin).
Colette, qui habita de 1893 à 1901 au 3e étage du n°28 : « La plupart des maisons qui bordèrent la rue Jacob, entre la rue Bonaparte et la rue de Seine, datent du XVIIIe siècle. Le seul danger que j'aie couru rue Jacob était l'attrait de l'ombre, les brèves échappées d'air libre, quelques rafales de grêle printanières se ruant par la fenêtre ouverte, l'odeur vague des lilas invisibles venue du jardin voisin. Ce jardin, je n'en pouvais entrevoir, en me penchant très fort sur l'appui de la fenêtre, que la pointe d'un arbre. J'ignorais que ce repaire de feuilles agitées marquait la demeure préférée de Remy de Gourmont et le jardin de son "amazone". Beaucoup plus tard, je franchis la palissade du jardin, je visitai le petit temple qu'éleva "à l'amitié" Adrienne Lecouvreur. Garé du soleil, ce jardin ne veut, encore aujourd'hui, nourrir qu'un lierre de tombeau, des arbres âgés et grêles et ces plantes aqueuses qui croissent en couronne à l'intérieur des puits. »
Ernest Hemingway l'évoque ainsi : « Miss Barney (...) tenait salon chez elle, à dates fixes. Elle avait aussi un petit temple grec dans son jardin. Bien des américaines et des françaises suffisamment fortunées avaient leurs salons, et j'ai réalisé très vite que c'étaient des endroits à éviter soigneusement, mais Miss Barney, je crois, était la seule qui avait un petit temple grec dans son jardin »
- N°27, néoclassique non daté, PLU. En 1945, Paul Flamand achète au nez et à la barbe de Robert Laffont - qui louchait dessus - l'hôtel de la Grille, où résidaient écrivains et artistes. Rien de bien extraordinaire dans cet immeuble exigu, en dehors d'un dessin laissé par Ingres, à même le mur, et que l'on peut toujours admirer dans le bureau du patron. Quand ils s'installent là, en 1945, Flamand et Bardet publient les premiers textes de Roland Barthes, puis L'Histoire du surréalisme, de Maurice Nadeau, et la collection Esprit, d'Emmanuel Mounier. Jean Cayrol entre comme auteur et y devient éditeur. Le vrai succès arrive de façon inattendue en 1951, avec la sortie du roman de Guareschi Le Petit Monde de Don Camillo, refusé partout ailleurs. Le Seuil, qui publie toute la série, est obligé de monter un service commercial et une distribution. Et doit déjà s'agrandir en louant des locaux, d'abord au 19 de la rue Jacob, puis au 30. «Ce conifère, je l'ai toujours connu, simplement il était beaucoup plus petit lorsque je venais ici étant gamin», expliquait Pascal Flamand, le directeur général et fils de Paul Flamand, l'un des cofondateurs.
Sollers monte la revue Tel Quel, en 1960 ; «Ses deux bureaux du rez-de-chaussée étaient un véritable coffre-fort, où il complotait avec sa bande sous les dazibaos accrochés aux murs.
- n°5 : Restauration ; PLU ; fait angle avec le 2, rue de Fürstenberg, regarder pilier de la Porte de Fürstenberg de l’abbaye, de 1698, qui distribuait écuries et communs ;

- N°18 rue de l’Echaudé, et 9 Cardinale, et 2 rue de l’abbaye : 17; pilier sud de la porte de Bourbon (du nom du cardinal Charles de Bourbon), donnant directement sur la cour d’honneur de l’ancienne abbaye, créée en 1600 pour donner accès au nouveau palais abbatial. Pilier nord au n°20.

On passe la porte et à dr, rue Cardinale, ouverte en 1699 par Cardinal de Fürstenberg, comme le Passage de la Petite Boucherie à g.

Place Fürstenberg. L’évêque de Strasbourg est à la tête de l’abbaye en 1690 ; il fait tracer une avant cour, ou « cour des écuries » devant la cour d’honneur, et dans l’axe de la façade, à laquelle il fait ajouter un fronton triangulaire, et l’allée, et son entrée sur la rue Jacob.
- N°6-8, anciens communs, Delacroix y arrive fin 1857, alors qu’il travaille à Saint-Sulpice, entre une cour et le jardin de l’ancienne infirmerie de l’abbaye. Il y sera jusqu’en 1863.

Rue de l’Abbaye. À compter de 1507, Guillaume Briçonnet, abbé de Saint-Germain-des-Prés, attire auprès de lui le savant théologien et humaniste Jacques Lefèvre d’Étaples, et les disciples de celui-ci : Guillaume Budé, le fondateur du Collège de France, Gérard Roussel, l’aumônier de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier ; Jean du Bellay, futur évêque de Paris, et Guillaume Farel, futur ami proche de Calvin. L’abbaye est le berceau de la Réforme.
Mais en 1586, le cardinal de Bourbon qui construit le nouveau palais abbatial, est l’un des chefs de la Ligue : Bernard Palissy est arrêté par la Ligue, en 1589, rue Visconti et enfermé à la Bastille, où il mourra sans avoir abjuré. Le siège mis autour de Paris par Henri IV, les protestants se sont emparés de l’abbaye. Du haut d’un clocher de Saint-Germain-des-Prés – lequel ? l’église en comptait trois, dont deux flanquaient le nouveau chœur –, le roi fixe le Louvre, son but, et englobe du regard la capitale qu’il veut reconquérir.
L’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, transformée en raffinerie de salpêtre en 1790, a été victime d’une grave explosion trois ans plus tard. Le percement de la rue de l’Abbaye, en 1800, a détruit le reste.

- N°3, palais abbatial de 1586, construit par Cal Charles de Bourbon
- N°8, à travers la vitrine droite de Donghia, on voit des fragment des premières assises du mur sud de la nef de la chapelle de la vierge.
- N°11-13, maison début 19e, élevée à l’emplacement de la salle du chapitre et du cloître ; elle conserve 6 travées de l’aile sud du gd cloître construit en 1736. PLU
- N°12, Empire ou Restauration, à l’emplacement cloître et réfectoire. PLU
- N°14-16 Restauration ; le mur mitoyen englobe la grande baie occidentale du réfectoire (visible à travers la porte du n°16) ; ce mur est ISMH depuis 1953. PLU

- Eglise 11e-12e s. La Restauration a déposé les 2 clochers latéraux, bien ébranlés, dans le but de les reconstruire, ce qui ne fut jamais fait.

- Sartre habitait en vigie sur la place Saint-Germain-des-Prés, l’immeuble d’angle du 42, rue Bonaparte, au quatrième étage. Ici se discutèrent les Temps modernes : « Une époque, comme un homme, c’est d’abord un avenir ». À la fin de la guerre d’Algérie, en 1962, les attentats de l’OAS font déménager Sartre. Départ, le roman de jeunesse de Simone de Beauvoir (commencé à l’été 1926), manuscrit acquis en 2008 par la BNF dans une vente publique, était probablement conservé dans l’armoire où Sartre entassait ses manuscrits et fut vendu comme beaucoup d’autres par un voisin indélicat après le plasticage de 1962.

- Dans la salle de la Société d’encouragement à l’industrie nationale, 44, rue de Rennes (auj. place Saint-Germain-des-Prés), où le parement extérieur de la tour Saint-Benoît de l’enceinte abbatiale fait saillie dans une salle, a eu lieu, le 22 mars 1895, la première projection privée du cinématographe : la sortie des ouvriers des usines Lumière.
La rue de Rennes commençait ici en 1883, avec ce n° 44 qui anticipait son démarrage à la Seine. L’éventration du quartier finalement stoppée avant ce terme, la numérotation allait rester en l’état jusqu’à ce que, ce tronçon initial ayant été reconverti en place Saint-Germain-des-Prés, la rue de Rennes ait désormais son début au n° 48 !

- Rue G. Apollinaire, le cinéma date de 1959.