A la Goutt'd'Or, tu t'plais sûr'ment, mon vieux Léon

L'occasion de ce parcours : 3 balades, dont l'une avec les musiciens du groupe stambouliote Baba Zula, pour l’Institut des Cultures d’Islam, 19-23, rue Léon, à l’occasion des Veillées du Ramadan 2009.


Babarama pour l'Echomusée
Les quartiers administratifs de la Goutte d’Or et de La Chapelle actuels correspondent à eux deux à l’ancienne commune de La Chapelle, à laquelle le faubourg de la Goutte d’Or avait été rattaché en 1790. De 1790 à 1860, cette commune est hors les murs. Le boom commence après 1830 (qui est aussi le moment de la conquête de l’Algérie), et autour de 1840, en célébration de ladite conquête, des rues y sont nommées Constantine, (qui deviendra Myrha), Alger, (qui deviendra Mgr Affre), Oran qui s’est maintenue ; Mazagran qui restera algérienne mais deviendra Laghouat en 1864 quand les autres seront débaptisées.

A la sortie de l’ICI, - L’Olympic-café, salle de bal (1934, donc même date qu’immeuble suivant), investie et aménagée en salle de concert de 80 places, bar, restaurant depuis 1999, permet à beaucoup de gens, par sa convivialité et ses spectacles populaires, de découvrir ce quartier métis.

on va au 21 rue Laghouat :

- La rue Laghouat est ouverte en 1841 comme la rue Léon, la rue des Gardes, la rue Richomme (sous un autre nom), la villa Poissonnière. C’est le plein boom du lotissement du quartier : La Chapelle passe de 2 500 habitants en 1830 à 40 000 30 ans plus tard (le quartier administratif de la Goutte d’Or comptait en 1999 moins de 30 000 h, dont 30% d’étrangers, contre 17,5% en moyenne à Paris)
21, rue Laghouat (PLU) L'immeuble a été réalisé en 1934, pour le maître d'ouvrage Fernand Bertin, par les architectes et ingénieurs ESTP André Bertin et Abro Kandjian, qui ne voulaient pas accepter la domination des idées du Mouvement moderne.
Pour Abro Kandjian «nous voulions rompre avec l'architecture classique, mais sans tomber dans l'extrémisme d'un Le Corbusier. Notre maître à penser était alors Mallet-Stevens».
Pour cela, l'immeuble avait une façade avec de «légères avancées des salles de séjour et des balcons". Le matériau de façade reste la pierre de taille, «seule valeur sûre à l'époque pour un investisseur immobilier". Structurae
En 1934, cet immeuble d’appartements assez vaste constitue une rareté puisque qu’Antoine Prost, travaillant sur les recensements de 1926, 1931 et 1936, et sur les rues Polonceau et Goutte d’Or, y trouve beaucoup de commerçants, un grand nombre de débits de boisson et d'assez nombreux garnis pour célibataires ou couples sans enfants, des immigrants, mais qui viennent surtout de la France provinciale, un niveau très bas d'hygiène et de confort.

Rue Stephenson, autrefois des Moulins car menait à la butte des Moulins qu’on verra plus bas. En prenant à gauche, on sort de la « médina » telle que la délimite l’Aurore, en 1957 : c’est rue Myrha au Nord, Stephenson à l’Est, rues Charbonnière et Chartres au Sud, bd Barbès à l’Ouest.

Au bout de la rue Doudeauville, est construite en 1846 ce qui est alors la nouvelle mairie de La Chapelle ; après l’annexion de 1860, le bâtiment abrite justice de paix, bibliothèque publique, écoles, pompiers.

- 14 rue Jean Robert (PLU) : Immeuble mixte à usage de coopérative ouvrière et de logements construit en 1885 pour le compte de la Société civile de consommation du 18e. Il témoigne d’une rare incursion d’une coopérative ouvrière dans le domaine immobilier, avec logements pour rentabiliser l’opération. Ici, le r-d-c est destiné à un magasin coopératif ; sur 6 niveaux, les logements sont loués à des sociétaires qui en ont déterminé les caractéristiques : moulures, parquets de chêne, cheminées, papiers peints ; décorum qu’on retrouve en façade avec brique de Bourgogne au-dessus du soubassement en pierre alors que brique de Vaugirard nue sur cour ;

- 11, rue Ordener/angle Jean Robert (PLU) immeuble mi-19e s. Profusion décorative de la façade, 2 travées feintes, garde-corps en fonte, etc.

En 1900, les 2/3 de la superficie du quartier sont recouverts par les emprises ferroviaires : réseaux du Nord, de l’Est, raccordement des 2 réseaux entre eux, et raccordements des 2 à la Petite Ceinture. Toutes ces emprises, moins la station, sont déjà là à l’annexion, en 1860.

- station de Pont Marcadet, en 1900 : trains de Ceinture partant de gare du Nord, et trains-tramways de Saint-Ouen et Saint-Denis s’y arrêtent.

- rue Doudeauville (ouverte plus tôt : 1826, nom d’un ministre de Charles X) au n°31 rue Doudeauville : la Coop ouvrière de TSF ; fait régulièrement dans l’Humanité de la pub pour son « Supermétal 6 » qui permet de capter les « ondes rouges » que la rubrique radio du quotidien distingue des « ondes capitalistes ». Le discours de Thorez au 12e congrès du PC, à St-Ouen, en 1950, est ignoré de la TSF mais diffusé par Radio Prague (2 fois), Radio Budapest, Radio Varsovie…

- 33, rue Doudeauville : l’une des 2 coop du mouvement ouvrier juif de Paris avant 1914 : l’Association des ouvriers boulangers syndiqués (CGT). Probablement ancien temple luthérien : paroisse luthérienne dès 1855 regroupant 300 familles avec temple successivement rue Doudeauville, puis rue Myrha, puis rue des Poissonniers, avant le 90 bd Barbès actuel : temple luthérien Saint-Paul. Rue des Poissonniers = rue des Allemands.  Une centaine de manifestants du 9ème collectif de sans-papiers sera accueillie, à compter du samedi 14 mars 2009, par ce temple luthérien du boulevard Barbès. Avec l’accord du pasteur, ils occuperont les locaux tous les jours, de 14h30 à 20h, dans l’attente d’un rendez-vous avec la préfecture.

On jette un œil ds la rue Léon (du nom ou prénom du fils d’un propriétaire) au LMP :

- on a transformé en salle de spectacle, en 1986, l’ancien Lavoir Moderne Parisien, 35, rue Léon, lavoir jusqu’en 1953, soit pendant un siècle, contemporain de celui de la rue Neuve de la Goutte d’Or, auj. des Islettes, à l’emplacement de la Place de l’Assommoir. Ce dernier compte 108 places quand Zola vient y prendre des notes, en 1875 (pour l’introduire dans l’Assommoir qui paraît 2 ans plus tard). La rue Léon, axe culturel de ce quartier-monde, cette rue animée par le lavoir moderne parisien et l'olympic-café, organise l'été son festival "rue Léon" avec des animations autour des cultures africaines et des repas de rue. Une web-tv locale intitulée rueleon.tv réalise des reportages sur la vie culturelle du quartier.

Le lavoir, dans l’Assommoir, 1877 : « C’était un immense hangar, à plafond plat, à poutres apparentes, monté sur des piliers de fonte, fermés par de larges fenêtres claires. Un plein jour blafard passait librement dans la buée chaude suspendue comme un brouillard laiteux. Des fumées montaient de certains coins, s’étalant, noyant les fonds d’un voile bleuâtre. Il pleuvait une humidité lourde, chargée d’une odeur savonneuse, une odeur fade, moite, continue ; et, par moments, des souffles plus forts d’eau de javel dominaient. Le long des batteries, aux deux côtés de l’allée centrale, il y avait des files de femmes, les bras nus jusqu’aux épaules, le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleurs et de gros souliers lacés. Elles tapaient furieusement, riaient, se renversaient pour crier un mot dans le vacarme, se penchaient au fond de leurs baquets, ordurières, brutales, dégingandées, trempées comme par une averse, les chairs rougies et fumantes. Autour d’elles, sous elles, coulait un grand ruissellement, les seaux d’eau chaude promenés et vidés d’un trait , les robinets d’eau froide ouverts, pissant de haut, les éclaboussements des battoirs, les égouttures des linges rincés, les mares où elles pataugeaient, s’en allant par petits ruisseaux sur les dalles en pentes. Et, au milieu des cris, des coups cadencés, du bruit murmurant de pluie, de cette clameur d'orage s'étouffant sous le plafond mouillé, la machine à vapeur, à droite, toute blanche d'une rosée fine, haletait et ronflait sans relâche, avec la trépidation dansante de son volant qui semblait régler l'énormité du tapage. »
L’action du roman se situe entre 1850 et 1868. Les seuls travaux d’Haussmann attirent à Paris 60 000 travailleurs, d’origine rurale, peu qualifiés. Cette arrivée supplémentaire de main-d’œuvre explique que, dans le bâtiment par exemple, on puisse chômer cinq mois par an. Les loyers montent et du fait des démolitions et du fait de l’afflux humain. Un loyer annuel à la Goutte d’Or, si le logis est équipé d’un poêle, vaut environ cent cinquante journées de blanchisseuse, ou cinquante journées de peintre. Sous le Second Empire la proportion de débits de boisson est énorme (un cabaret pour 8 personnes).

On revient prendre à dr. rue Doudeauville :

- la rue est certainement la plus commerçante et la plus animée jusque tard le soir. Au 64 de la rue se trouve une annexe de la célèbre maison de ventes aux enchères, Drouot. Au 80, on aperçoit la synagogue Kedouchat Levy, séfarade, population qui arrive là dans les années 1950 en même temps que les Algériens. Après l’instauration, en 1946, de la libre circulation des Français musulmans entre leurs départements et la métropole, l’immigration algérienne, de travailleurs adultes, remplace tout naturellement l’immigration provinciale dans ce quartier de garnis pour célibataires, sans confort et donc aux loyers faibles. Leur nombre, va décupler entre 1946, date de l’instauration de la libre circulation, et 1954, et il doublera entre 1954 et 1962.  En 1957, la préfecture de la Seine dénombrera « plus de 110 000 Algériens dans la Seine, ce qui fait de Paris la 3e ville musulmane algérienne après Alger et Oran, avant Constantine. »

A g. Poissonniers (la route de la marée est attestée depuis 1307 ; c’est la route d’entrée à Paris, Barbès/Ornano ne datent que du 2nd Empire), puis à g. Panama (en 1884, du nom du canal) :

- Les Africains arrivent vers 1980. Connivences, 10 rue de Panama. La SAPE : Société des ambianceurs et des personnes élégantes. C’est une pratique populaire née à la fin des années 1960 au Congo-Brazzaville, chez les jeunes. Il s’agissait de se distinguer en portant des vêtements de luxe. La jeunesse surnomma cette pratique la « lutte » : c’en était une pour arriver à acquérir ou emprunter cette denrée-là. Des « lutteurs » commencèrent à émigrer à Paris, vitrine de la mode, dans les années 1970, vivant souvent en clandestins. Revenant de temps en temps au Congo, ils y devenaient… des « Parisiens ». Fondée par Papa Wemba, le roi de la rumba congolaise. Voir Sapologie, vol I et vol II sur Youtube.

A dr. Suez pour retour sur Poissonniers,

On a, à dr. : - Le marché africain du Château-Rouge, rue Dejean, continue d’étaler des poissons exotiques : barracudas, tilapias, mâchoirons et capitaines. Les abords, notamment entre les n° 20 et 48 rue des Poissonniers, à gauche, ont vu s'ouvrir de nombreuses boutiques africaines.

on descend la rue des Poissonniers jusqu’à la rue Myrha :

On prend la rue Myrha (percée en 1841, du nom de la fille de Biron alors maire de Montmartre):

C’est à la barricade de la rue Myrha (en face du n°63, Myrha/Poissonniers) que Dombrowsky (ancien capitaine de l’armée tsariste, venu en France après l’échec de l’insurrection polonaise de 1862, devenu commandant en chef de la Commune) a été mortellement blessé, à 35 ans, le 23 mai 1871, le jour où Montmartre tombe ; il a d’abord été transporté à Lariboisière puis, déjà mort, jusqu’à l’Hôtel de Ville. Là, mis en bière dans son uniforme et enveloppé d’un drapeau rouge, il est conduit à la lueur des torches au Père Lachaise ; le cortège fait halte à la Bastille et dépose le corps au pied de la colonne de Juillet, « et les fédérés vinrent l’un après l’autre mettre un baiser sur le front du général », écrit Lissagaray. Au Père Lachaise, où les canons fédérés cessent pour cela de tonner, il est inhumé dans un caveau. Ses restes en seront retirés huit ans plus tard pour être mis dans une fosse commune du cimetière d’Ivry.
- groupe de la rue Myrha  de l’Association Internationale des Travailleurs (Ière Internationale, 1867). Il se réunit chez le Dr Dupas, au n° 76, deux fois par semaine. Victorine Brocher et son mari, qui habitent rue de la Chapelle mais ont fréquenté d’abord le cabinet du médecin, qui est celui de leur enfant, très malade, ont adhéré à ce groupe, la femme y entraînant l’époux. La loi ne permettant pas la réunion de plus de trois personnes sans autorisation officielle, c’est Roulier qui, secrétaire du groupe, fait la liaison avec les autres.
Le 16 novembre 1867, chacun des membres du groupe de la rue Myrha apporte le premier versement de ses 20 francs, payables par fraction, qui permettront la création d’une boulangerie coopérative dans le quartier de la Chapelle, qui sera la première à Paris (On a vu celles des boulangers juifs rue Doudeauville). Une épicerie coopérative suivra mais toutes deux couleront d’avoir trop fait crédit durant cet hiver 1867 où un froid rigoureux s’ajoute à la misère. La boulangerie coopérative renaîtra en 1873 mais, cette fois encore, sans pouvoir durer bien longtemps.
Mais Victorine Brocher, piqueuse de bottines qui a laissé des souvenirs, aura tout de même l’occasion d’y faire la connaissance de Léo Frankel (ouvrier-bijoutier, qui représente la section allemande de l'Internationale, sera Délégué au Travail, à l'Industrie et à l'Echange de la Commune et fera décréter l'interdiction du travail de nuit dans les boulangeries), d’Auguste Vermorel (qui sera élu au Conseil de la Commune par le XVIIIe arrondissement, grièvement blessé le 25 mai 1871. Il est transféré comme prisonnier à Versailles, où il meurt lentement faute de soins), de Charles Delescluse (qui sera délégué à la guerre de la Commune ; le 25 mai, il ne fera rien pour éviter la mort sur une barricade au Château-d'Eau).

On descend le bd Barbès > Kata

- Seul l’ancien Barbès Palace, construit en 1914 au 34 boulevard Barbès, peut faire concurrence au Louxor en matière d’ancienneté, mais sa typologie traditionnelle héritée du théâtre ainsi que son décor convenu - dans le goût Louis XVI - n’ont pas l’intérêt du « Louxor ». Au r-d-c du magasin de chaussures Kata, (là depuis 1988), sont préservés les décors du ciné, empruntés au music-hall tandis que la salle est calquée sur celle d’un théâtre : colonnes cannelées, couronnées de chapiteaux ioniques et de masques ; scène fermée par un rideau rouge, couverte d’un fronton cintré dont la clef s’orne d’une tête coiffée d’une lyre. Un escalier à 3 volées conduit au balcon dont la silhouette forme une belle courbe. La marquise extérieure (architecte P. Dubreuil) date de 1936 à l’occasion de la transformation de la devanture du cinéma. En janvier 1922, on y projette l’Assommoir, de Charles Maudru et Maurice de Marsan, en 4 épisodes, avec Jean Dax et Georges Lannes.

Au carrefour Christiani/Barbès/Poissonniers

- l’élargissement de la rue des Poissonniers en boulevard Ornano date de 1863, (il ne prend le nom de Barbès qu’en 1882). Gervaise le voit se réaliser sous ses yeux (l’action du livre, rappelons-le, se déroule entre 1850 et 1868) : « Tout un côté de la rue des Poissonniers était par terre. Maintenant, de la rue de la Goutte-d’Or, on voyait une immense éclaircie, un coup de soleil et d’air libre ; et, à la place des masures qui bouchaient la vue de ce côté, s’élevait, sur le boulevard Ornano, un vrai monument, une maison à six étages, sculptée comme une église, dont les fenêtres claires, tendues de rideaux brodés, sentaient la richesse. Cette maison-là, toute blanche, posée juste en face de la rue semblait l’éclairer d’une enfilade de lumière ».
Cette maison toute blanche de six étages, c’est le premier Palais de la Nouveauté de Crespin, de 1856, entre 11 et 15 bd Barbès, mais que Zola a vu reconstruit en 1874 (r-d-c et entresol aux magasins, étages loués).
"La maison créée par M. et Mme Crespin a pour objet principal la vente à crédit de marchandises de toute nature, principalement des objets d'ameublement, de literie, de bijouterie et d'habillement... vendus directement ou par l'intermédiaire de ses fournisseurs et des négociants avec lesquels elle est en rapport, payés par des acomptes mensuels ou hebdomadaires, reçus à domicile par les employés de la maison. Pour augmenter les facilités offertes aux clients, la maison accepte même à recevoir des dépôts de petites sommes applicables sur des acquisitions postérieures et proportionne à ces dépôts les ventes à crédit qu'elle consent. Les classes laborieuses sont naturellement celles qui profitent le plus des avantages qu'offrent ces crédits et dépôts. Par suite, le nombre des clients est extrêmement étendu, et les acquisitions faites sont d'importance généralement minime".

les dômes sur bd Barbès datent de 1910

On prend la rue Christiani,

1887-1892 Des travaux importants sont faits aux 30 à 34 rue de Clignancourt et 5 à 15 rue Christiani, ainsi que l'immeuble à rotonde et coupole à l'angle de ces deux voies (pilastres corinthiens, têtes de Mercure et caducées, balcon ouvragé). Le 7 et le 11 de la rue Christiani sont démolis puis reconstruits. Tous ces travaux sont dirigés par l'architecte Le Bègue. Les sculptures sont d'Etienne Leroux.
Crespin fait construire le hall central, large de 13,60 m, haut de 14 m et long de 57,82 m. Une usine centrale installée dans une dépendance permet de fournir l'électricité utilisée.

- 17, rue ChristianiAristide Bruant a vécu jusqu’à sa mort en 1925. L’immeuble haussmannien composait autrefois une des ailes des grands magasins Dufayel. L’homme au chapeau rouge peint par Toulouse-Lautrec habitait au quatrième à droite. Dans le couloir d’entrée, un vitrail Art nouveau de 2 mètres sur 3 que le célèbre chansonnier aurait commandé.

à l’arrivée sur rue de Clignancourt, on évoque le :

- bal du Château Rouge, ou Nouveau Tivoli, 42 à 54 rue de Clignancourt et 7 à 13 bis rue Custine.[le château datait de 1789, avait été le poste de commandement de Joseph Bonaparte, le 30 mars 1814, quand les Alliés arrivèrent à Paris.] Le bal a ouvert en 1844. De ses deux allées de tilleuls, l’une accueille l’orchestre sous une tente de coutil, les tables de café et la danse où rivalisent Pritchard, répétiteur de philosophie, la reine Pomaré (Elise Rosita Sergent, née en 1824 rue du Grand Prieuré, qui mourut dans la misère encore jeune, en 1846, dans un galetas de la rue d'Amsterdam qu'elle louait 15 francs par mois), Rose Pompon. La seconde allée est toute entière réservée à la promenade. L’éclairage en verres de couleur y joue sur les toilettes. C’est là qu’a eu lieu le premier de la campagne des banquets, le 10 juillet 1847, qui réunit 1 200 personnes, dont 86 députés ; c’est là que Martin Nadaud est convié, deux ou trois ans plus tard, au banquet qui commémore l’adoption du tarif négocié entre délégués patrons et ouvriers typographes en 1842 ; il y croise Pierre Leroux. Démoli en 1882.
Nana, la fille de Gervaise, « comme on l’avait flanquée deux fois dehors, au Château-Rouge, rôdait seulement devant la porte, en attendant des personnes de sa connaissance. La Boule-Noire*, sur le boulevard, le Grand-Turc**, rue des Poissonniers, étaient des salles comme il faut où elle allait lorsqu'elle avait du linge ».

*La Boule Noire  était « primitivement une goguette fondée en 1822 par une fille galante, Belle en cuisses, très en vogue sous le Directoire pendant lequel elle était l’amie de Barras.  Rigolboche ((Marguerite Badel) qui dansa le « chahut » ou « cancan» créé en 1845) y débuta et le quadrille des lanciers y fut lancé en 1857. Disparut vers 1880, remplacé par la Cigale
« Jupillon promit à Germinie de ne plus retourner au bal. Mais le jeune homme avait un commencement de réputation à la Brididi [de son vrai nom Paul Piston, fourreur dans la journée, « Le héros du lancé »], dans ces bastringues de barrière, à la Boule-Noire, à la Reine Blanche, à l'Ermitage. Il était devenu le danseur qui fait lever les consommateurs des tables, le danseur qui suspend toute une salle à la semelle de sa botte jetée à deux pouces au dessus de sa tête, le danseur qu'invitent et que rafraîchissent quelquefois,  pour danser avec elles, les danseuses de l'endroit. Le bal pour lui n'était plus seulement le bal, c'était  un théâtre, un public, une popularité, des applaudissements, le murmure flatteur de son nom dans des groupes, l'ovation d'une gloire de cancan dans le feu des quinquets. » Edmond et Jules de Goncourt, Germinie Lacerteux

- 26, rue de Clignancourt, au fronton de Dufayel, bas-relief de Dalou «le Progrès entraînant le Commerce et l'Industrie sous le regard protecteur de la Science et de l'Art» est sculpté en 1895. Le sculpteur Falguière réalise «la Publicité qui est l'âme du commerce» et «l'Economie et le Travail grâce auxquels on peut arriver à l'aisance". Structurae.
le Progrès entraînant le Commerce et l'Industrie

L'architecte Rives prévoit une nouvelle architecture de style «Louis XVI moderne» pour la rue de la Nation (Sofia). Les ferronneries sont dans le style "Art nouveau".1913. Dufayel reprend Crespin aîné en 1888, Dufayel qui travaillait chez Crespin depuis 5 ans quand Zola vint faire son enquête. 15 000 employés du temps de Dufayel ;
 Dufayel meurt fin 1916, ses magasins ferment en 1930. Puis BNP en 1946, jusqu’à 6 000 employés. Puis 2002 : il est créé 280 logements de différentes catégories. Des magasins comme «Virgin mégastore» et «La grande Récré» viennent s'y installer.

**Le Grand-Turc, 10 bd Barbès, face à la rue de Sofia, lieu de réunion de la colonie allemande  jusqu’à la guerre de 1870, (ouvert en 1806 rue des Poissonniers) fréquenté par Nerval et Dumas, cité dans l’Assommoir. Les vedettes en sont Céleste « Mogador » (Céleste Veinard) qui, plus favorisée que la reine Pomaré, épousa le comte Lionel de Chabrillan et mourut en 1909 ; Chicard (Lévêque, négociant en cuir de la rue Mouffetard, large pantalon et au chapeau pointu). En 1930, le bal remplacé par un immeuble destiné à loger le personnel des Galeries Barbès.

On remonte Barbès jusqu’à Poissonniers :

- mosquée Al Fath, qui sera intégrée dans le nouveau bâtiment de l’ICI

On prend rue Polonceau, à d.

- au 38 rue Polonceau existe toujours la maison d'un des meuniers, celui du Moulin des Couronnes, le dernier démoli ; siège de nombreuses associations, comme Grandiose. La rue, sur la crête d’une petite butte, avait pour rôle, à son origine, de desservir les cinq moulins qui se trouvaient sur la butte des Couronnes de 1750 à 1830 environ. Précédemment appelée rue des Meuniers, rue des Couronnes, chemin des Couronnes, plus anciennement chemin et rue des Cinq-Moulins. La rue fait partie de la ville de Paris depuis le 23 mai 1863 et porte depuis le 24 août 1864 le nom des Polonceau, le père à qui l’on doit le pont des Tournelles, et le fils qui perfectionna la locomotive. Jean-Barthélémy Camille Polonceau (1813 - 1859) est un ingénieur français aux chemins de fer, l’inventeur de la « ferme Polonceau » (ferme à double poinçon disposés en V inversé). Constructeur du train impérial de Napoléon III de la Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans. L’un des 72 noms inscrits au 1er étage de la Tour Eiffel.

Pratiquement en face :

"le petit antre grise" d'Alain Bashung
- La villa Poissonnière, ses (13) maisons louis-philippardes (1840) aux murs garnis de céramique, et ses jardins, longtemps l’oasis du quartier, d’accès libre, a été le dernier domicile d’Alain Bashung.

- 29 rue Polonceau, G. Belus et A. Hénocq architectes. Cette petite opération mixte de réhabilitation – extension s’inscrit dans le cadre de la résorption de l’habitat insalubre en site urbain dense, au cœur de la Goutte d’Or. Une extension en bois sur cour vient se relier au corps de bâtiment principal. Elle permet la réalisation de 6 appartements PLUS traversant et d’1 commerce, et offre une grande diversité typologique. SIEMP

On prend Erckmann-Chatrian

- Ecole maternelle, 16 rue Richomme (architectes Jean-Louis Cardin, Jean-François Briand et Edouard Grassin, 1994) Pour "raccommoder la ville" dans ce "site décousu et fragmenté, résultat de la démolition du tissu urbain ancien", - de 1983 à aujourd’hui, plus de 100 immeubles ont été démolis à la Goutte d’Or dans le cadre de la rénovation du quartier -, les architectes ont voulu des matériaux sans "fantaisie" et "un changement d'échelle progressif", entre une crèche basse et un immeuble plus haut. Ainsi les salles de classes (un étage) en fond de parcelle masquent des immeubles peu esthétiques. Le bâtiment de 2 étages à droite abrite le réfectoire et un préau couvert d'un toit courbe gris, qui a un rôle de "repère et d'identification de l'école". Le long des immeubles mitoyens tout à droite, une construction haute plus banale abrite les logements de fonction.

On prend, à dr. dans la rue des Gardes, devenue une « rue de la Mode » où s’alignent les boutiques de créateurs ; le jeudi 4 juin 2009, a eu lieu vente aux enchères d'œuvres d'art, en particulier au 6bis, chez G’ART A LUI. La Goutte d’Or serait en voie de « gentrification », selon certains sociologues urbains parce que « boboïsation » n’est guère prononçable.

A g. : on aperçoit, entre les arbres du square (aménagé en lieu et place du passage Léon et d'immeubles détruits dans les années 1970 et 1980, et bien plus tôt du moulin Fauvet et de sa guinguette), réaménagé en 1990 puis en 2006) :

- La fresque murale sur les immeubles mitoyens est de Bernard Heloua, qui a laissé les jeunes grapheurs du quartier réaliser le bas de son œuvre.

Eventuellement, à dr. :
On descend Boris Vian ; on croise… la croix de St-André des rues de Chartes/Charbonnière. De 1830 à l’annexion, La Chapelle, commune à laquelle la Révolution a rattaché la Goutte d’Or, ce faubourg rural et viticole, est passée de moins de 2 500 à 40 000 habitants. Cela s’est fait, entre autres, par le lotissement des rues de Chartres et de la Charbonnière, dont le tracé adopte la forme d’une croix de saint André pour rendre plus facile la pente.

Puis rue Fleury :

1, rue Fleury : Centre musical Fleury Goutte d'Or – Barbara Un équipement public unique à Paris, dédié aux Musiques Actuelles ouvert en février 2008]

- fresque le long de l'école Saint-Luc : "les amoureux qui se bécotent...", de Geneviève Bachellier, artiste du quartier ;

On prend rue St-Luc, à gauche :

- l’église Saint-bernard, rue d’Alger quand est posée sa 1ère pierre en 1858 (auj. Affre), livrée au culte en 1861, d’abord comme annexe de St-Pierre de Montmartre ; néo-gothique en pierre de taille, toiture en ardoise dans le goût bourguignon. Par l’arrière, on voit les 2 sacristies et la chapelle de la Vierge, au couronnements pyramidaux : animation et variété des volumes extérieurs. Flèche de 60 m de haut. Elle a été, autour de 1996, le haut lieu du rassemblement des étrangers sans papiers. Dans le Square Saint-bernard, devant, dans les années 1930, la Phalange du 18e, groupe de théâtre ouvrier, faisait de l’agit-prop pendant le bal du 14 juillet, (Pour celui de 1931, la Phalange du 18e y a fait un lâcher de tracts) et accompagnait de ses chœurs parlés l’orateur du Secours Rouge International.