Balade à bout d'souffle, ou "Qu'est-ce que c'est, dégueulasse?"


L’occasion de ce parcours est une balade emmenée depuis la librairie l’Arbre à lettres du 14, rue Boulard, 14ème.

19, rue Daguerre, premier atelier parisien de Hans Hartung qui, en octobre 1935, fuyant le nazisme, se fixera définitivement cette fois-ci, à 31 ans, à Paris. Il y devient l'ami de Jean Hélion et de Henri Goetz, son voisin de palier ; il rencontre Kandinsky, Mondrian, Magnelli, Domela, Mirò et Calder avec lesquels il expose à la galerie Pierre. De 1935 à la guerre, il participera chaque année au Salon des Surindépendants. L’un des maîtres de l’abstraction lyrique, il peint entre 1934 et 1938 la série des toiles appelées "taches d'encre".

13, rue Daguerre, PLU : Depuis la fin des années 1870, une fabrique de "colle de pâte" s'est installée dans la cour. Cette parcelle en drapeau, d'une surface de 1 700 m² environ, accueille actuellement l'imprimerie Arte de la fondation Maeght, dont s’occupe Jules, petit-fils d’Aimé Maeght. Datant du XIXe siècle, deux bâtiments de deux niveaux rappellent les origines industrielles de ce terrain. Le premier bâtiment, en brique apparente, s'implante en retour du passage Cocher le long de la limite nord de la parcelle. D'un plan rectangulaire, il se compose d'un haut rez-de-chaussée surmonté d'un étage de faible hauteur. La décoration est réalisée par un jeu savant de briques posées de biais et en arc plein cintre pour souligner les baies de l'étage. Ce bâtiment est probablement une ancienne remise avec grenier à fourrage. Le deuxième édifice est une maison individuelle implantée le long de la limite est de la parcelle. En pierre de taille et moellon recouvert d'un enduit, cette maison à rez-de-chaussée, surélevée d'un étage, est agrémentée d'un jardin privé.

11, rue Daguerre, PLU : Vers 1928, un ensemble d'ateliers d'artiste s'élève au cœur de cette parcelle étroite d'une surface de 900 m² environ. Adossés les uns aux autres le long de la limite ouest de la parcelle, les neuf ateliers, tous identiques, sont conçus selon un module répétitif qui renvoie à l'architecture industrielle. Les bâtiments à rez-de-chaussée sont en ossature bois avec des briques comme matériaux de remplissage. Afin de garantir un éclairage naturel, les toitures en sheds sont vitrées pour les versants orientés au nord. Chaque atelier est devancé par un jardinet formant une bande végétale continue sur l'ensemble de la cour. La faible volumétrie des ateliers permet de voir la végétation abondante et les petites maisons du lotissement de la cité Boulard situé sur la parcelle mitoyenne du 29, rue Boulard.

2, avenue du Général Leclerc et 32 place Denfert Rochereau, PLU : ce bâtiment d'habitation a un impact relativement important dans le paysage urbain. Elevé sur trois étages, couvert par un toit en tuile, ce bâtiment d'angle avec un pan coupé présente une écriture de façade sobre et régulière typique des maisons des faubourgs de Paris. Sa hauteur modeste, en contraste avec la grande densité des immeubles de rapport de la fin du XIXe siècle délimitant la place, donne à cet immeuble une dimension emblématique du quartier Daguerre situé à proximité mais en arrière-plan de la place Denfert.

PC souterrain de Rol-Tanguy. Henri Tanguy, le futur Rol, arrivant de Brest à Paris, à 15 ans, avec sa mère, avait tout naturellement trouvé un point de chute 10, rue de l’Ouest, où il allait rester jusqu’en 1939. Le PC de Rol-Tanguy et des Forces françaises de l’intérieur se dissimulait, pendant la semaine de l’insurrection, près de la galerie conduisant à l’ossuaire.

Le Lion de Belfort. Jacques Rivière à Gide, le 24 septembre 1911 : « Je vous écris au bruit de la fête du Lion de Belfort, ce qui me coupe complètement les idées et paralyse mon style. ». Trotski, pendant la guerre de 14 : « Les horloges de la ville s’arrêtaient les unes après les autres. Le Lion de Belfort avait, on ne savait pourquoi, de la paille sale dans la gueule ».

Gare RER : d’abord celle du chemin de fer de Sceaux, à compter de 1846, elle est la plus ancienne gare de Paris ; elle a été réaménagée en 1895 quand la ligne de Sceaux a été prolongée jusqu’à la station Luxembourg.

Les Catacombes : la ville d’os s’étendant de la place Denfert-Rochereau jusqu’à l’actuelle rue Rémy-Dumoncel. Nicolas Frochot, préfet de la Seine de 1800 à 1812, a eu l’idée de faire décorer de frises de tibias et de crânes les carrières où, depuis 1786, s’est vidé le contenu des cimetières désaffectés du centre de Paris : les restes de quelque six millions de personnes.

99, boulevard Arago : Henri-Pierre Roché est le premier acheteur de Marie Laurencin, et elle est le premier peintre avec lequel il commence sa « chère petite collection ». Quand il se lie avec Franz Hessel*, venu rejoindre la colonie allemande, les deux garçons sont bientôt les Jules (et Jim) de Marie. Dans son journal, à la date du 13 décembre 1906 : « — Elle nous aime un peu, tous les deux, dit [Franz]. — Oui, dis-je. — Elle a dit : Nos jeux à vous et à moi [Franz] se suffisent, nous jouons pour jouer. Tandis qu’avec lui tout est une pente vers être prise. — Elle joue mieux avec vous, dis-je. — Elle couche mieux avec vous, dit-il. — Vous préférez jouer. — Vous préférez coucher ». C’est dans cet immeuble, où il conservera toujours une chambre chez sa mère, que Roché trace ces lignes.
* Le père de l’auteur d’Indignez-vous !

67 et 69, bd Saint-Jacques / 2bis, villa St-Jacques, PLU : immeuble d’angle construit en 1877 par Jules Lecreux comportant une façade de 3 niveaux et de style éclectique. Représentatif des édifices à usage mixte d’habitation et d’atelier en vogue jusqu’à la fin du 19e. Façade en brique et pierre ornementé de frontons, oeils de bœuf, frises. Le n°69 s’inscrit dans la même lignée avec son fronton sculpté et ses baies d’ateliers.

 n°11 villa St-Jacques et Eglise Saint-Dominique, PLU : réalisée à l'initiative du cardinal Amette par l'architecte Gaudibert et inaugurée en 1921. Elle offre un bon exemple d'association du modernisme et de la tradition. Le plan centré et la coupole évoquent l'architecture byzantine et l'intérêt porté par Gaudibert aux travaux de Vaudremer et Abadie. La multiplicité des détails, comme les pendentifs de forme complexe, peut par ailleurs laisser place à une simplicité toute moderne, sensible dans le choeur, aux colonnes sans chapiteau. Gaudibert a adopté les nouvelles techniques pour cette construction au style éclectique. La pierre de taille est réservée aux entrées et au clocher : l'édifice présente une structure en béton armé, et des briques ou des pierres agglomérées assurent le remplissage, pour plus d'économie. L'intérieur enduit - mais sans décor - de fausses pierres - et simplement rehaussé de mosaïque ne nie pas la modernité des techniques.

En face, le 12 s’orne d’une copie de frise du Parthénon ? C’était l’atelier, jusqu’à sa mort en 1935, d’Adolphe Giraldon, biographe, en 1929, de son ami Luc-Olivier Merson (18 bis rue Denfert-Rochereau, auj. Henri Barbusse), peintre académique, fresquiste comme Jean-Paul Laurens et dans les mêmes lieux (voir plus bas), auteur de timbres postaux et de billets de banque.

15-17, villa St-Jacques / 26-32, Tombe-Issoire, sur 2754 mètres carrés : Ancien corps de ferme sur cour. Dernier exemple d'un bâtiment à vocation agricole à Paris, utilisé comme laiterie jusque dans les années 1950 (plusieurs dizaines de vaches encore pendant la seconde guerre mondiale). La charpente d'excellente facture a été réalisée par les maîtres compagnons. La cave voûtée est en pierre de taille. PLU. Au 26 : Elément particulier protégé PLU : Porte charretière de l'immeuble sur rue donnant accès à la ferme dite de Montsouris. Probablement la dernière porte charretière d'une qualité et d'un volume équivalent qui subsiste dans l'arrondissement. Des associations s’emploient à défendre également des maisons de faubourg typiques et une maison de maître unique à Paris : le « Pavillon Troubadour ». Les vestiges d’un aqueduc gallo-romain du III siècle retrouvé dans le sol de la cour de la ferme par Didier Busson, archéologue de la Commission du Vieux Paris, lors de fouilles en mai 1992. Cet aqueduc apportait l’eau notamment aux thermes de Cluny. Une carrière médiévale dite de Port-Mahon : le sous sol du terrain a été exploité au Moyen Age ; à compter de la fin du XVème siècle, laissée en l’état de fin d’exploitation, la carrière de calcaire n’a pratiquement plus subi aucune modification jusqu’à nos jours.

Place Saint-Jacques : De la révolution de Juillet au Second empire, les exécutions capitales se déroulent publiquement place Saint-Jacques. Puis devant la Roquette, puis devant la Santé jusqu’à la 2nde guerre mondiale. En juillet 1910, Jacques Liabeuf, qu’évoque Robert Desnos dans l’un de ses poèmes, a été exécuté, comme tous les condamnés à mort désormais, devant la prison de la Santé. Jean Jaurès est à demi assommé dans les échauffourées qui s’ensuivent ; un agent y est tué.

10-12, rue Jean-Dolent, immeuble de L’Avenir du Prolétariat, –première société mutuelle de retraite s’adressant à tous les «travailleurs prévoyants de l’atelier, des champs et du bureau», 200 000 adhérents, garanties par 42 immeubles dont celui-ci. Le siège social, au 325, rue Saint-Martin, datant de 1921, a été avec ses 5 à 6 000 m2, le QG de campagne de Lionel Jospin en 2002, avant d’abriter Jean-Paul Gaultier.

L'Avenir du prolétariat avant que JP Gaultier n'y accroche ses cintres

La prison de la Santé – son nom lui vient de celui de la rue, lui-même dû à l’hôpital aujourd’hui Sainte-Anne – inaugure ses cinq cents cellules au moment de l’Exposition universelle de1867. Un lotisseur habile prend la précaution d’en masquer la vue, pour une réalisation qu’il a en cours – neuf pavillons précédés chacun de son jardin –, en intercalant un immeuble. Si bien que « la rue Dolent et son lugubre mur d’enceinte carcéral » sont invisibles depuis l’allée Verhaeren, et réciproquement. Aussi quand Jay, le personnage des Cités intérieures d’Anaïs Nin, lira « sur une plaque de métal, Rue Dolent, rue dolente, ce qui se réfractait pour lui en dolorous, doliente, douleur », ne verra-t-il que le siège de la Ligue des droits de l’homme, dans l’ancien hôtel du lotisseur au n° 27, et, au n° 23, la petite maison de campagne du 18e siècle, déjà présente sur le plan Maire, qui, au tournant des années 1860-1870, avait appartenu à la famille Le Cœur.
Le peintre Jules Le Cœur et Pierre Auguste Renoir étaient amoureux de deux sœurs, leurs modèles, Clémence et Lise Tréhot. Charles Le Cœur, le frère de Jules, architecte des lycées Condorcet, Fénelon, Montaigne et Louis-le-Grand, allait procurer à Renoir sa première commande décorative dans une maison qu’il construisait pour le prince Georges Bibesco. Et voilà que Renoir se mettait à courtiser Marie, 16 ans, la fille de son bienfaiteur…
(On ne voit à peu près rien, de la rue, de l’ex-maison des Le Cœur, on ne l’aperçoit que depuis le métro aérien)

Faculté de théologie protestante de Paris. PLU. Ensemble de bâtiments implantés dans un vaste jardin, comportant deux éléments de grande qualité : un portail d'entrée, ouvert dans un pan coupé, constitué de deux colonnes toscanes supportant un entablement et un fronton triangulaire orné d'une minerve, et un bâtiment principal présentant une façade composée de deux étages sur rez-de-chaussée et un niveau de combles dont la travée centrale est signalée par des pilastres à bossage et un fronton brisé. Sa façade présente un avant-corps en saillie surmonté d'un petit campanile. La faculté de théologie protestante a investi les locaux préexistants en 1879.

On voit l’église des sœurs de Cluny ; très beau jardin qui s’étend sur trois niveaux. Il appartient, depuis sa création en 1849, aux Sœurs missionnaires, qui entre deux voyages, viennent méditer à l’ombre d’un superbe ginkgo biloba planté par la fondatrice de la congrégation. L’ancien potager, où poussent pêchers, poiriers, framboisiers, fraisiers, accueille lys et dahlias, roses et asters, et autres fleurs variées qui participent au fleurissement de la chapelle.

L’hôtel de Massa, datant de 1777 et alors, au coin de la rue d’Angoulême-Saint-Honoré (aujourd’hui de La Boétie), l’une des six seules constructions des Champs-Elysées jusqu’aux années 1830 ; l’hôtel de Massa dont son propriétaire, directeur des Galeries Lafayette, s’est défaussé sur l’État afin de réaliser un coup immobilier juteux aux Champs-Élysées, est en 1929 transporté pierre à pierre au 38, rue du Faubourg-Saint-Jacques, et attribué à la Société des gens de lettres fondée par Balzac et Hugo.

Cochin, en face : hospice ouvert autour de 1780 par Jean-Denis Cochin, le curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, pour ses paroissiens bien éloignés de l’Hôtel-Dieu,

Au 1, rue Cassini, Balzac, son entreprise d’imprimerie en faillite, vient se réfugier, sous le nom de Surville, nom d’épouse de sa sœur Laure, dans un petit immeuble (démoli depuis) de trois niveaux, souligné à l’arrière d’un large balcon soutenu par des colonnes ; il y fait sa mue. La Peau de chagrin, ce « conte philosophique » dont l’originalité réside en ce qu’il inscrit le fantastique dans le cadre du Paris de son époque, voit son tirage épuisé en quatre jours. C’était, à 32 ans, son premier livre signé Honoré de Balzac.
C’est rue Cassini que s’esquisse un projet qu’il croit alors pouvoir mener à bien en quatre ou cinq années de travail : La Comédie humaine. Ici, encore, qu’il répond à la première lettre, reçue chez son éditeur, d’une comtesse polonaise, sa cadette de six ans, qui s’ennuie dans un lointain château d’Ukraine : Eve Hanska.

Au n°2, 4ème étage, les Fournier s’installent le 26 mars 1910 avec leur fils Henri, 23 ans, et le couple Rivière. Son service militaire achevé, Henri a pu dégoter un emploi de rédacteur à Paris-Journal. Cinq ans plus tôt, le 1er juin 1905, jour de l’Ascension, comme il descendait les marches du Petit Palais en sortant du Salon de la Nationale, il a croisé une grande jeune fille blonde portant un ample manteau marron. Il l’a suivie jusqu’à l’embarcadère du Cours-la-Reine, puis sur le bateau-mouche dans lequel elle est montée, enfin, à distance, jusqu’à sa maison du boulevard Saint-Germain… Henri, sous le pseudonyme d’Alain-Fournier se met ici, pour de bon, à l’écriture du Grand Meaulnes.

3, Cassini, PLU : Immeuble présentant une façade composée de quatre étages sur rez-de-chaussée et de deux travées, dont une en bow-window courbe, couronné par un atelier d'artiste réalisé en 1903 par l'architecte F. Saulnier en collaboration avec le sculpteur Vermare. Façade en pierre de taille au porche orné de bas-reliefs représentant une femme à mandoline et un groupe d'enfants portant des fleurs.

3bis, Cassini, PLU : Maison-atelier présentant une façade composée de deux étages sur rez-de-chaussée, réalisée en 1906 par les architectes et peintres Louis Süe et Paul Huillard en collaboration avec le décorateur Louis Sire pour le compte du peintre Lucien Simon, membre de l'Institut (1861-1945). Les pièces de réception se trouvent au rez-de-chaussée, les chambres au premier étage et l'atelier au deuxième étage. La façade est traitée par un soubassement en lourd appareillage de pierre pour le demi sous-sol. Le rez-de-chaussée et le premier étage sont unifiés par un léger bow-window en saillie, et le couronnement assuré par le rythme régulier de six verrières dont la grande élégance est affirmée par une résille de poutres en béton armé. Des trois maisons-ateliers construite par Süe rue Cassini, elle est la plus raffinée par la légèreté de ses fines consoles et par le contraste du soubassement lourd en appareillage de pierre.

5, Cassini, PLU : Maison-atelier présentant une façade composée de deux étages sur rez-de-chaussée, réalisée en 1903 par Paul Huillard pour le peintre Jean-Paul Laurens (qui y arrive après avoir quitté la Cité Fleurie du bd Arago) dans un style historique "médiévaliste". Structure en ciment armé et façade en briques rouges, avec au deuxième étage une console qui rappelle celle de la cour de l'hôtel d'Assédat à Toulouse (1557). La distribution est la même qu'au 3bis rue Cassini : au rez-de-chaussée la grande baie du salon, ornée de belles grilles en fer forgé est dessinée avec un arc de briques en plein cintre, la porte d'entrée est surmontée de deux petites lucarnes. A l'étage, les fenêtres des chambres percent régulièrement la grande surface murale de briques qui est couronnée par les verrières du grand atelier. L'atelier du peintre qui occupe tout le dernier étage est demeuré dans son intégrité. C'est là que Laurens réalisa les toiles pour la décoration des salons de l'Hôtel de Ville.
Jean-Paul Laurens, auteur de fresques de la Sorbonne, de la Mort de sainte Geneviève au Panthéon, et du salon Lobau du nouvel Hôtel de Ville, avait bénéficié, à l’Expo universelle de 1878, d’une rétrospective individuelle ; il s’était transporté assez naturellement dans l’atelier n° 22 de la cité Fleurie du 61-65, bd Arago. André Gide était un habitué de sa maison, le fils du peintre, Paul-Albert, étant un condisciple de l’École alsacienne puis le compagnon de son premier voyage en Afrique du Nord.
Jean-Paul Laurens déménagea ensuite plus tard pour le 5, rue Cassini, l’un des trois ateliers d’artistes que venaient de construire Louis Süe et Paul Huillard.


7, Cassini, PLU : Maison-atelier d'artiste réalisée en 1903 par les architectes et peintres Paul Huillard et Louis Süe pour le peintre Czernichowski. Cette demeure, d'apparence classique, exprime toutefois une liberté par rapport aux conventions par la disposition de ses baies. De même la disposition décorative des pilastres, corniches, frontons, volutes, corbeilles de fruits n'est pas figée. Les fenêtres qui éclairent l'escalier, la porte d'entrée librement dessinée, les deux grandes fenêtres du salon à rez-de-chaussée, les trois baies de l'atelier du second étage, chaque ouverture possède sa logique propre et ne se soumet pas à une règle classique d'ordonnancement. Le plan en L reprend en revanche classiquement le modèle de l'habitat bourgeois : salon au rez-de-chaussée sur rue, salle-à-manger dans l'aile arrière sur jardin, premier étage avec les chambres, grand atelier au deuxième.

12, Cassini, 1930 ; course à la gloire

l’Observatoire : une construction scientifique, rigoureusement déterminée par son objet. Il sera exactement à cheval sur la méridienne de Paris, ses quatre faces orientées en direction des quatre points cardinaux, aussi élevé au-dessus du sol que profond en dessous grâce à un emplacement choisi sur une carrière, ce qui ménagera, du haut en bas, une cheminée centrale de cinquante-cinq mètres de haut à l’expérimentation. De la pierre et rien que de la pierre : ni fer, pour ne pas perturber les aiguilles magnétiques, ni bois, pour ne pas risquer de voir détruits par le feu les résultats. Ce qui en aura fait, à tout le moins, le plus ancien observatoire du monde encore en service, depuis les derniers aménagement apportés en 1683 au projet confié par Colbert à Claude Perrault, l’auteur de la colonnade du Louvre.
À l’Observatoire, une horloge parlante commença à dire l’heure qu’il serait exactement « au quatrième top »…

maison des fontainiers, 42 av de l’Observatoire : logement de fonction de l’intendant général des eaux et fontaines du roi, dont les derniers Francine, de cette dynastie d’hydrauliciens auxquels on doit les grandes eaux de Versailles, avaient joui de 1766 à 1784. Au sous-sol, les eaux apportées par l’aqueduc se répartissent entre trois bassins respectivement du Roi, de la Ville et des Carmélites ou des Entrepreneurs.

On arrive face à l’église du 72, av Denfert-Rochereau : Enfants-Trouvés, puis assistés, puis St-Vincent de Paul en 1942, dans les anciens bâtiments édifiés en 1655 par la générosité de Gaston duc d'Orléans, pour la congrégation des prêtres de l'Oratoire, ou Oratoriens. L'église en fut bénite en 1657, sous le vocable de la Présentation au Temple. Pour organiser l’abandon d’enfant, qui concernait chaque année quelques milliers de ceux-ci, l’Empire a décidé d’un hospice par arrondissement, et d’un « tour » par hospice, le tour étant une espèce de passe-plat pivotant pour nourrissons. À 6 ans, l’enfant trouvé était mis en pension chez un agriculteur ou un artisan, à 12, il était à la disposition du ministre de la Marine.

On traverse l’hôpital ; à gauche :

92, av Denfert-Rochereau / 271-285, bd Raspail : Infirmerie Marie-Thérèse, fondée par Céleste de Chateaubriand en octobre 1819 ; aux constructions d’origine, sur une vaste surface, au milieu d’un jardin – pavillon de l’Horloge avec retour en L, Mme de Chateaubriand a ajouté une chapelle en 1822 (elle y est inhumée) puis, en 1837-38, un immeuble plus central pour accueillir des hôtes plus nombreux, qui sera encore agrandi en 1892. En 1991, est construit l’immeuble sur le bd Raspail. La résidence de Chateaubriand, le pavillon dit de l'Horloge, jouxte l’infirmerie à droite de l'entrée. Il y vécut de 1826 à 1838, y finit les 18 premiers livres des Mémoires d’outre-tombe. L’infirmerie a conservé son activité première en dispensant des soins à des ecclésiastiques. Auj. 125 personnes, à 95% des prêtres retraités.

et arrière de la Fondation Cartier.
l’American Students and Artists Center, au 261, boulevard Raspail, se construisit sur une partie du parc de l’infirmerie Marie-Thérèse.

on aperçoit :
38-42, Rue Boissonade, PLU : Ensemble d'habitation édifié à la fin du XIXème siècle dans un registre monumental. La longue façade est rythmée par trois avant-corps terminés par une double hauteur et des toits en ardoise, accueillant probablement des ateliers d'artistes (de larges baies vitrées surmontées de frontons triangulaires). A ce niveau, une longue balustrade parcourt la façade. Le remplissage de la structure est composé de briques peintes en blanc. Porche monumental au centre.
Au bout, on aperçoit l’Ecole Spéciale d’Archi : En 1865, devant renoncer à réformer l'enseignement des Beaux-Arts, Viollet-le-Duc soutient le projet d'Emile Trélat, ingénieur centralien, pour créer une «école libre» d'architecture et réagir contre le monopole qu'exerçait l'Académie sur l'enseignement de l'architecture aux Beaux-Arts. Ce sera l'Ecole Spéciale d'Architecture reconnue d'utilité publique dès 1870. Depuis elle est devenue une association régie par la loi de 1901. Ses statuts permettent aux étudiants de faire l'apprentissage de leurs futures responsabilités. Ils participent en effet de plein droit aux instances aux côtés des professeurs, des anciens élèves et des représentants du personnel administratif, là où sont prises collectivement les grandes décisions de la vie de l'école : le conseil d'administration et l'assemblée générale.

1-20 Passage d’Enfer, PLU : Cité ouvrière d'Enfer ou cité de M. Cazeaux, construite par l'architecte Pigeory sous Napoléon III grâce aux décrets des 22 janvier et 27 mars 1852 consacrant 10 millions à l'amélioration du logement des ouvriers des grandes villes manufacturières. Une dizaine de ces cités furent construites à Paris permettant de créer environ 1500 habitations. Façades de plâtre et apparence modeste et répétitive. Rare exemple conservé d'un lotissement ouvrier cohérent dans un quartier laborieux.
En face, aux 24, 25, 26, 27 : arrière du bât Arfvidson.

Eugène Atget en 1927 par Berenice Abbot
Remonter au 17 bis Rue Campagne Première : Partant de son studio du 17 bis, rue Campagne-Première, c’est ce « vieux Paris »-là qu’Eugène Atget commence à photographier. Il en commercialise le résultat comme « Documents pour artistes », et il sollicite aussi les établissements publics afin qu’ils lui passent commande d’inventaires systématiques de tous les aspects de la capitale. En 1928 la photographe américaine Berenice Abbott achète le fonds resté dans le studio du 17 bis, rue Campagne-Première, où Atget vient de mourir sans héritier.

29, rue Campagne Première : Elsa Triolet occupe depuis 1923 ? la minuscule chambre 12 de l’Hôtel Istria. Elle y a vu débarquer, une dizaine de jours avant la première du 2 octobre 1925, la vedette et le clarinettiste solo de la Revue nègre : Joséphine Baker et Sydney Bechet. À la fin de 1928, elle y accueille Maïakovski auquel elle va servir d’interprète et, quelques jours plus tard, la toute petite chambre 12 est assez grande pour Louis Aragon.
Peu de temps après, ils louent un atelier dans l’immeuble mitoyen (31-31bis), à la façade décorée de grès flammé, construit par Arfvidson. C’est là qu’Aragon se remet au roman, interdit par le surréalisme, avec Les Cloches de Bâle, et qu’il demande à Elsa d’en écouter le début : « Quand j’eus fini ma lecture, tu gardas un assez long instant le silence. Cela se passait rue Campagne-Première, je m’en souviens comme si j’y étais. J’eus le temps de penser plusieurs choses. Puis, tu me dis très simplement : “Et tu vas continuer longtemps comme ça ?” (…) Il n’y a sans doute que moi pour savoir qu’au-delà de cette petite phrase de toi, en réalité les trois cents pages qui suivent ont été écrites pour justifier à tes yeux les cent premières ».
En 1960, À bout de souffle, Jean-Paul Belmondo alias Michel Poiccard, une balle dans les reins, y termine une longue course titubante. Renversé sur le pavé, il s’y ferme les yeux lui-même pour mourir ; il a eu de derniers mots peu clairs d’où émergeait : « …vraiment dégueulasse ». « Qu’est-ce que c’est, dégueulasse ? », demande Patricia/Jean Seberg, la jeune Américaine.

240-242, bd Raspail : Picasso y a un atelier d’octobre 1912 à l’été 1913 ; encore époque des papiers collés et de l’amour d’Eva, « Ma Jolie », dont il juge impossible de faire le portrait ; période des natures mortes des objets de l’atelier ou de la table de café. « Une dictature pesait sur Montmartre et sur Montparnasse. On traversait la période austère du cubisme. Les objets qui peuvent tenir sur une table de café, la guitare espagnole, étaient les seuls plaisirs permis. »
La cité d’artistes Nicolas Poussin regroupe autour d’une cour plantée au sol pavé un ensemble de bâtiments, percés de larges baies, à structure de bois aux colombages apparents noirs, qui se détachent sur les façades blanches, auquel vient s’ajouter une maison en brique sur rue au toit très incliné. Cet ensemble caractéristique des cités d’artistes du tournant du XXème siècle rappelle par sa typologie la Cité Fleurie, classée aux Monuments historiques. Située face aux ateliers de la rue Campagne-Première et au passage de l’Enfer, elle rappelle le rôle primordial de ce quartier dans la vie artistique du début du siècle.

On passe devant Archi et Camondo : L'école Camondo est un département des Arts Décoratifs, association loi 1901 reconnue d'utilité publique. Établissement privé d'enseignement supérieur créé en 1944 et reconnu par l'État par décret du 27 janvier 1989,

Avant de prendre la rue Schoelcher, on évoque, au 278 bd Raspail, la garçonnière de Ferat. La baronne Hélène d’Oettingen et Serge Férat, richissimes émigrés russes, avaient racheté les Soirées de Paris, qui s’élaboraient désormais entre l’ancienne garçonnière de Férat et leur appartement du n° 229 du même boulevard. Guillaume Apollinaire en était le directeur littéraire. « Tous les jours, après le repas sur la terrasse, sous un laurier en fleurs, on parlait de la revue », se souviendra la baronne.

5, Rue Schoelcher : atelier de Picasso, après celui du 242 bd Raspail, de l’été 1913 à oct. 1916, où il partira pour Montrouge. S’y retrouve seul : « lors de la mobilisation, j’ai conduit en gare d’Avignon Braque et Derain. Je ne les ai jamais retrouvés. » Mais c’est rue Schoelcher qu’il rencontre Cocteau, qui pose ici pour un portrait en costume d’Arlequin, dans lequel le modèle s’est totalement dissous, et convainc le peintre de travailler sur Parade. « Peindre un décor, surtout au Ballet Russe… ? C'était un crime. Jamais M. Renan dans les coulisses ne scandalisa plus la Sorbonne que Picasso le café La Rotonde en acceptant ma proposition. Le pire fut que nous dûmes rejoindre Serge de Diaghilev à Rome et que le code cubiste interdisait tout autre voyage que celui du Nord-Sud entre la place des Abbesses et le boulevard Raspail. »

11-11bis/12, rue Victor Considérant PLU : Immeuble à programme mixte, habitation-atelier, construit en 1927 par les architectes Gauthier père et fils. Il abrite 48 ateliers groupés autour d'une cour ouverte, et un étage de chambres de bonnes sous combles. Chaque appartement comprend un atelier de 35 m² environ, avec au moins un grand mur formant panneau pour les travaux de grande surface, une salle à manger cuisine, une loggia ouverte pouvant être utilisée comme pièce de repos. Dans la hauteur de l'atelier (5 mètres 50 environ) on trouve, formant partie entresolée et reliée par un petit escalier intérieur particulier, une galerie-balcon suspendue dans le vide de l'atelier, servant à la fois de dégagement pour les pièces de l'entresol, de décoration intérieure et de point de vue pour l'examen d'une oeuvre fixée au mur opposé. La construction est en béton armé, les façades traitées avec un rare dépouillement jouant seulement avec les contrastes d'échelle entre grandes baies des ateliers et fenêtres des pièces de service. Cette "simplicité rationnelle" lui a valu d'être mentionné au concours des façades en 1928.

10, rue Victor Considérant : Ancienne sous-station Raspail, affectée à des postes de redressement, aux services d’exploitation du réseau métropolitain et à l’entreposage.

11, Froidevaux / 1, rue Boulard, PLU : Immeuble d'habitation collective construit fin 19e début 20e siècle. La rotonde d'angle, progressivement évidée vers le haut, est maintenue par des bandeaux arrondis qui se prolongent sur les façades pour former des gardes corps. La façade est décorée par des incrustations de pierre emmaillées représentant des guirlandes de fleurs. Rotonde d'angle à fenêtres géminées, bow-windows, balcons traités en lignes courbes. Façade en pierre de taille et porte d'entrée ornée de sgraffites et de ferronnerie stylisés, aux motifs floraux. Réalisation exemplaire illustrant la typologie de l'immeuble de rapport au tournant du XXème siècle, et de ses qualités architecturales et décoratives.

15, rue Froidevaux. Le couple Jacques et Isabelle Rivière, née Fournier et sœur d’Henri/Alain-Fournier, logeait chez les Fournier, rue Cassini, depuis les épousailles du 24 août 1909 à l’église Saint-Germain des Prés, auxquelles n’assistaient qu’Henri et les parents Fournier. « Nous avons pris, ma femme et moi, une grande décision, celle de nous établir chez nous à la rentrée » ; ils sont à Bordeaux, Jacques monte à Paris deux jours pour trouver un appartement et écrit à Gide, le 19 août 1910 : « j’ai trouvé 3 pièces au 3e, rue Froidevaux, en face du cimetière Montparnasse. On a une vue admirable et l’appartement est très convenable. Son seul défaut est d’être un peu plus cher qu’il n’eût fallu (760 frs). – Mais je n’ai rien trouvé d’acceptable dans les prix modérés. J’aurai mon cabinet de travail. Je suis heureux comme un gosse. Et pourtant je prévois que ça va être dur, et qu’il faudra travailler beaucoup, surtout ne voulant à aucun prix me passer de bonne. » Ils s’y installent le 15 octobre 1910. Saint-John Perse les y visite, Madeleine Gide, Gide : « je passerai rue Cassini, si je trouve porte close rue Froidevaux » (les beaux-parents Fournier sont toujours rue Cassini). L’appartement est fermé pendant la guerre, Jacques est mobilisé, Isabelle est retournée chez ses parents. Leurs 2 enfants naitront rue Froidevaux. La crise de la NRF a lieu pendant qu’ils y habitent: la NRF de Gide et Copeau avait sa boutique au 1, rue Saint-Benoît, où se tenaient ses réunions mensuelles, et s’apprêtait à passer 35 et 37, rue Madame. Au sortir de la guerre, à l’été de 1919, la revue est en crise. Roger Martin du Gard en rend compte dans son journal : « D’un côté les anciens : Ghéon, Drouin, Schlumberger, évincés en fait ; de l’autre, sous la grande aile de Gide qui palpite à tous les vents, Rivière qui venait de donner sa démission et qui sort de là plus investi d’autorité qu’avant, Rivière qui, appuyé par Copeau, aidé par Gallimard, ouvrira largement la porte à des éléments nouveaux et jeunes, s’affirmera lui-même de plus en plus et sauvera la NRF ».
Fin 1920, les Rivière quittent cet appartement pour le 38 bis rue Boulard.

19, rue Froidevaux / 2, rue Lalande : Pavillon et immeuble de rapport du 19e.

21-23, rue Froidevaux, PLU : Immeuble à programme mixte, habitations et atelier d'artistes, construit en 1929 par G. Grimberg, architecte et Auclair entrepreneur. Le bâtiment, présentant une façade composée de sept étages sur rez-de-chaussée élevés en vis-à-vis du cimetière, développe une échelle monumentale basée sur les deux travées centrales en léger ressaut marquant l'inflexion du tracé de la rue Froidevaux. Trumeaux décorés de motifs floraux en mosaïque.

Dans un appartement du 4, rue Lalande fonctionne une popote de l’Iskra, l’organisation marxiste russe formée autour du journal illégal qui s’imprime alors à Munich, à Londres ou à Genève. Trotski, 23 ans, en transit entre Londres et Genève, y rencontre l’étudiante Natalia Sedova ; ils s’installent rue Gassendi. « Il nous arriva de contempler ensemble le tombeau de Baudelaire que l’on apercevait derrière le mur du cimetière Montparnasse », racontera-t-elle.

7, rue Danville, PLU : Immeuble de rapport réalisé par les architectes Henri Sauvage et Charles Sarrazin en 1904 pour Madame Weill. Il s'agit du troisième immeuble de rapport édifié par les deux associés. Destiné à la petite bourgeoisie, cet immeuble montre un caractère intermédiaire entre Habitation à Bon Marché et immeuble de rapport. A ce titre, Sauvage et Sarazin utilisent, pour les fenêtres de la cage d'escalier, les même parements d'allège que pour le 20 rue Sévero et jouent, comme pour leurs HBM, sur un discret effet de polychromie entre la brique silico-calcaire de la façade et la brique rouge des allèges de fenêtres. L'austérité de la brique est relevée par des éléments en pierre de taille, notamment les fortes clés des plates-bandes couronnant les fenêtres, qui forment les consoles supportant les balcons de l'étage supérieur.

du 4 au 10, rue Charles d’Ivry, dont le dragon du n°8, immeubles de Paul Schroeder de 1898 à 1900, un architecte qu’on va retrouver Villa Louvat.

42, rue Boulard, PLU : Maison individuelle édifiée dans la première moitié du XIXème siècle. La maison, présentant une façade composée de deux étages sur rez-de-chaussée et élevée dans une volumétrie compacte, occupe une parcelle d'angle située en fond de perspective de la rue Ernest Cresson. Sa volumétrie régulière, la sobriété de son architecture est représentative des bâtiments construits dans la commune du petit Montrouge avant l'annexion de 1860.

38 bis, rue Boulard : domicile d’André Lhote où commence « l’affaire Rivera ». Pierre Reverdy, qui vient précisément de lancer une revue, le 15 mars 1917, au nom de la ligne de métro citée plus haut par Cocteau, Nord-Sud, y a donné un article, « Sur le cubisme », dont il reprend les envolées théoriques face à Diego Rivera et André Lhote, chez lui, un mois plus tard. Rivera alpague Reverdy, et Max Jacob, observateur du pugilat, prévient Jacques Doucet qu’il s’ensuivra certainement une coupure durable entre Lhote, Metzinger et les cubistes russes qui se rangeront derrière Rivera et, de l’autre côté, Braque, Gris, Picasso qui soutiendront Reverdy. « L’affaire Rivera » est portée en place publique et, au numéro 3 de Nord-Sud, le 15 mai, Reverdy signe Une nuit dans la plaine, conte dans lequel on reconnaît sans peine le glouton Rivera – ce pourquoi il était obèse –, en cannibale, « anthropoïde sans vergogne » se prenant pour un savant mathématicien (Rivera étudiait les théories de Jules-Henri Poincaré), alors qu’il n’est que le doyen d’une école de suiveurs.
Depuis la fin 1920, les Rivière habitent ici, au même étage que Lhote mais de l’autre côté de la cour. Les « mercredis de la NRF » se tiennent ici. Jacques Rivière y meurt en janvier 1925. Alain Rivière, qui avait 5 ans à la mort de son père : « On le soigna pour une grippe dont il sembla vite guéri, si bien qu’il crut pouvoir sortir un dimanche avec son frère Pierre. Tous deux passionnés d’automobile, ils firent à la campagne une randonnée en voiture découverte pour le plaisir de la vitesse et l’amour de la mécanique. Au retour, mon père se remit au lit. Il avait repris froid et l’on continua de le soigner pour la grippe. Au bout de quelques jours, ma mère nous confia, ma sœur et moi, à nos amis Lhote qui habitaient au même étage que nous, de l’autre côté de la cour. J’y restai jusqu’à ce qu’on vînt me chercher pour m’annoncer la nouvelle. »

1 et 2, villa Louvat, PLU : Deux bâtiments en vis-à-vis, à programme mixte, habitation et atelier d'artiste, construit en 1913 par l'architecte Schroeder. L'immeuble situé au n°1, élevé sur six niveaux, est composé selon un axe de symétrie matérialisé par le bow-window. La décoration basée sur des carreaux de céramique s'inspire de l'immeuble de la rue Campagne-Première édifié par Arfvidson en 1911. En vis-à-vis, l'immeuble situé au n°2 reprend les mêmes motifs décoratifs exprimés avec plus de sobriété.

Le 26/12/1888, après l’automne à Arles, rentrant avec Théo Van Gogh, qu’il avait appelé au moment de l’épisode de l’oreille coupée, Gauguin laisse Théo à la gare et va rejoindre son ami Schuffenecker qui l’héberge au 29 Rue Boulard. Le lendemain, 27 Decembre 1888, il passe la soirée au Café de la Nouvelle Athènes (Place Pigalle), le rendez-vous des Impressionistes. Il y vient aux nouvelles, après cette absence de plusieurs mois et, naturellement, raconte ce qui s’est passé pour Van Gogh. Un télégramme envoyé au café par un capitaine de la garde municipale, le prévient de l’exécution imminente d’un condamné à mort, un assassin, Louis Frédéric Stanislas Linska de Castillo, dit Prado. A 2 heures et demie du matin, il file avec un ami vers la Place de la Roquette, où ils battent la semelle, dans un froid glacial en attendant l’installation de la guillotine et l’exécution…

23, rue Boulard, PLU : Ecole maternelle réalisée pour la Ville de Paris par l'architecte Marion Tournon-Branly en 1963. Les sept classes, sur cour, occupent un corps de bâtiment à deux niveaux dont la façade est remarquablement dessinée par un jeu de poteaux et de bandeaux de béton brut, interrompu par quelques panneaux de briques posées de biais qui accrochent la lumière. Sur rue, où ne s'ouvraient, outre l'entrée, que deux appartements de fonction, la brique tient une place plus grande, avec un appareillage de la brique inspiré d'exemples danois. Ancienne élève de Perret puis collaboratrice de Paul Nelson, Marion Tournon-Branly affiche clairement sa filiation dans cette oeuvre où la brutalité de la structure de béton joue avec la chaleur de la brique selon un principe déjà mis en valeur par Paul Nelson pour la Maison Brooks du 80, boulevard Arago (1926, ou 29-30 ?). Une extension sur rue abritant le réfectoire a été réalisée en 1987 par Poman et Goutman.

Le 1er août 1942, Lise Ricol, fille d’un réfugié politique espagnol, dirigeante des comités patriotiques féminins, prend la parole devant le Félix-Potin de la rue Daguerre, appelle à s’emparer du ravitaillement là où il y en a, à refuser réquisitions et départs en Allemagne, à s’engager dans les maquis. Arthur London, l’un des responsables nationaux de la M.O.I., et elle seront arrêtés onze jours plus tard.