Hugo en anarcho-autonome dans le ravin du bd Saint-Martin


L'occasion de ce parcours est une balade faite pour l'association Histoire & Vies du 10e arrondissement.

- Porte Saint-Martin, sur des plans de Bullet, elle commémore, en 1674, les victoires de Turenne et de Condé.

- autour de la porte Saint-Martin. On s’y bat le 23 février 1848 : des hommes des faubourgs passaient, raconte l’Éducation sentimentale, armés de fusils, de vieux sabres, quelques-uns portant des bonnets rouges et tous chantant la Marseillaise ou les Girondins, l’air tiré du Chevalier de Maison-Rouge, d’Alexandre Dumas.
Puis c’est ici que se regrouperont les miséreux, auxquels la révolution de février n’a pas su porter secours. Frédéric Moreau « continua sa promenade sur le boulevard, mais ne put dépasser la porte Saint-Martin. La misère abandonnait à eux-mêmes un nombre considérable d’ouvriers ; et ils venaient là, tous les soirs, se passer en revue sans doute, et attendre un signal. Malgré la loi contre les attroupements [du 4 juin], ces clubs du désespoir augmentaient d’une manière effrayante ; et beaucoup de bourgeois s’y rendaient quotidiennement, par bravade, par mode. »
A la fermeture définitive des ateliers nationaux, le 21 juin, « vers neuf heures, les attroupement formés à la Bastille et au Châtelet refluèrent sur le boulevard. De la porte Saint-Denis à la porte Saint-Martin, cela ne faisait plus qu’un grouillement énorme, une seule masse d’un bleu sombre, presque noir. »
Le jour du coup d’État de Louis Napoléon, le 2 décembre 1851, « des groupes nombreux stationnaient sur le boulevard. De temps à autre, une patrouille les dissipait... – Comment ! est-ce qu’on ne va pas se battre ? dit Frédéric à un ouvrier. L’homme en blouse lui répondit : « Pas si bêtes de nous faire tuer pour les bourgeois ! Qu’ils s’arrangent ! » Pourtant il y aura des barricades dans la nuit du 3 au 4 décembre ; la troupe tirera et fera plusieurs centaines de morts.
Quand Frédéric revint de Nogent, « Son cocher de fiacre assura que les barricades étaient dressées depuis le Château-d’Eau jusqu’au Gymnase... »

- 94 rue René Boulanger : d'époque Henri IV si l’on en croit Charles Lefeuve qui, en 1875, le voit toujours debout. Puis guinguette au 19e s. successivement Brasserie des Entr’actes, « service fait dans un camp par des vivandières de hussards de l’armée de Sambre-et-Meuse », puis Cabaret des Antilles, « service fait par de jeunes créoles ». Récemment restauré.

- 90 Boulanger, PLU : Immeuble d'angle caractéristique par son ornementation de la période Louis-Philippe avec quelques détails encore classiques. L'entresol comporte un faux appareil de pierre. Les fenêtres sont soulignées par des moulures. Les garde-corps sont en fonte. Un bandeau répétant un motif géométrique sépare les deuxième et troisième étages. L'étage en retiré sous les combles est desservi par un balcon filant.

- Théâtre de la Renaissance, de 1875, le plus récent des 4 du bd St-Martin. Sarah Bernhardt en sera la directrice de 1893 à 1899.
Le théâtre de la Renaissance vers 1900

- Théâtre de la Porte Saint-Martin. Bâti par Samson Nicolas Lenoir dit le Romain à l’été de 1781, en 3 mois, pour remplacer l’Opéra détruit par le feu. Sera salle des Jeux gymniques sous l’Empire. 1803 places. 2nde capacité derrière l’Ambigu. En 1822, Merle ouvre son théâtre à une troupe anglaise qui y joue Shakespeare en version originale. Les romantiques y courent, comme les jeunes peintres, qui résistent vaillamment à ceux qui crient : « Parlez français ! » ou plus bêtement encore : « A bas Shakespeare ! C’est un aide de camp du duc de Wellington ! » Stendhal s’en indigne, qui est là parmi d’autres romantiques, des libéraux.
Bocage y débute dans Napoléon à Schönbrunn, de Dumas, après quoi il sera célébré comme le 1er acteur romantique du siècle.
Le 3 mai 1831, c’est la première d’Antony, « une scène d’amour en 5 actes », dira Dumas, « insolemment immorale » selon la critique. Bocage et Marie Dorval en sont les héros. C’est l’un de ces moments de l’épanchement romantique, qui déborde alors bien au delà de la salle, le perron, les trottoirs, la chaussée même du boulevard, et jusqu’au domicile de l’actrice qu’on raccompagne chez elle. On déclara qu’il était impossible d’être beau sans ressembler à Bocage dans Antony. « Ce que fut la soirée, se souviendra Gautier, aucune exagération ne saurait le rendre. La salle était vraiment en délire ; on applaudissait, on sanglotait, on pleurait, on criait. La passion brûlante de cette pièce avait incendié tous les cœurs. » Ce fut « le plus grand événement littéraire de son temps », selon Maxime du Camp.
On est après la révolution de 1830 et la nouvelle censure a autorisé la Marion Delorme, de Hugo, que Marie Dorval joue en août 1831 aux côtés de Bocage encore, sans susciter de bataille d’Hernani. Immense succès, comme la Tour de Nesle, de Dumas, dans lequel Bocage triomphe à nouveau.
En 1833, Harel en étant devenu le directeur, Juliette Drouet se voit donner un petit rôle dans la Lucrèce Borgia, de Hugo, (qui habite alors place des Vosges) ; c’est cette année-là que l’apprentie actrice devient sa maîtresse (il a 31 ans, elle en a 27).
Le 18 août 1847, Baudelaire assiste à la première d’une féerie en 4 actes et 18 tableaux, la Belle aux cheveux d’or, dans ce même théâtre de la Porte-Saint-Martin. Le spectateur, au-dessus d’yeux brillants comme des gouttes de café, a-t-il une chevelure très noire, bouclée, raphaélesque, et tombant sur les épaules, ou coupée très ras, faisant des pointes régulières sur le front, le coiffant comme une espèce de casque sarrasin ? Ce jour-là, (il a 26 ans, elle en a 20) il tombe amoureux de Marie Daubrun, « la femme aux yeux verts », qui lui inspirera 7 ou 8 poèmes (Le Poison, Ciel brouillé, Le beau navire, L’invitation au voyage, L’irréparable, Causerie, Chant d’automne, A une madone, et peut-être L’amour du mensonge), jusqu’à ce qu’en 1859 elle s’en aille avec Théodore de Banville. Elle sera aussi la cause de la brouille de Baudelaire et de George Sand qu’il harcèle pour lui obtenir un rôle.
Incendié pendant la Semaine sanglante, rebâti, le théâtre de la Porte-St-Martin est encore remanié en 1891 ; l’un de ses grands succès sera le Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand en 1897.
Le théâtre de la Porte-Saint-Martin vers 1900
D. Vierge, illustration de l'édition de 1879, Groupe Hugo, Paris 7
- Le balcon sur le ravin du boulevard Saint-Martin :


Hugo, Histoire d’un crime, 1ère journée, chap 16 : « Cependant l'omnibus s'était mis en marche. Il était plein. J'avais pris place au fond à gauche ; Arnaud (de l'Ariège) s'était assis à côté de moi, Carini en face, Montanelli près d'Arnaud. On verra tout à l'heure que ces détails ne sont pas inutiles. Nous ne nous parlions pas, Arnaud et moi. Nous échangions en silence des serrements de main, ce qui est une manière d'échanger des pensées.
A mesure que l'omnibus avançait vers le centre de Paris, la foule était plus pressée sur le boulevard. Quand l'omnibus s'engagea dans le ravin de la Porte-Saint-Martin, un régiment de grosse cavalerie arrivait en sens inverse. Au bout de quelques secondes, ce régiment passa à côté de nous. C'étaient des cuirassiers. Ils défilaient au grand trot et le sabre nu. Le peuple, du haut des trottoirs, se penchait pour les voir passer. Pas un cri. Le peuple morne d'un côté, de l'autre les soldats triomphants, tout cela me remuait.
Subitement le régiment fit halte. Je ne sais quel embarras, dans cet étroit ravin du boulevard où nous étions resserrés, obstruait momentanément sa marche. En s'arrêtant il arrêta l'omnibus. Les soldats étaient là. Nous avions sous les yeux, devant nous, à deux pas, leurs chevaux pressant les chevaux de notre voiture, ces Français devenus des mamelouks, ces citoyens combattants de la grande République transformés en souteneurs du bas-empire. De la place où j'étais je les touchais presque. Je n'y pus tenir.
Je baissai la vitre de l'omnibus, je passai la tête dehors, et, regardant fixement cette ligne épaisse de soldats qui me faisait front, je criai : – A bas Louis Bonaparte ! Ceux qui servent les traîtres sont des traîtres !
D. Vierge, illustration de l'édition de 1879, Groupe Hugo, Paris 7
Les plus proches tournèrent la face de mon côté et me regardèrent d'un air ivre ; les autres ne bougèrent pas et restèrent au port d'armes, la visière du casque sur les yeux, les yeux fixés sur les oreilles de leurs chevaux.
Il y a dans les grandes choses l'immobilité des statues et dans les choses basses l'immobilité des mannequins.
L'obéissance passive dans le crime fait du soldat un mannequin.
Au cri que j'avais poussé, Arnaud s'était retourné brusquement ; il avait, lui aussi, abaissé sa vitre, et il était sorti à mi-corps de l'omnibus, le bras tendu vers les soldats, et il criait : – A bas les traîtres !
A le voir ainsi, avec son geste intrépide, sa belle tête pâle et calme, son regard ardent, sa barbe et ses longs cheveux châtains, on croyait voir la rayonnante et foudroyante figure d'un Christ irrité.
L'exemple fut contagieux et électrique.
– A bas les traîtres ! crièrent Carini et Montanelli.
– A bas le dictateur. A bas les traîtres ! répéta un généreux jeune homme que nous ne connaissions pas et qui était assis à côté de Carini.
A l'exception de ce jeune homme, l'omnibus tout entier semblait pris de terreur.
– Taisez-vous ! criaient ces pauvres gens épouvantés ; vous allez nous faire tous massacrer ! – Un plus effrayé encore baissa la vitre et se mit à vociférer aux soldats : – Vive le prince Napoléon ! Vive l'empereur !
Nous étions cinq et nous couvrions ce cri de notre protestation obstinée : – A bas Louis Bonaparte ! A bas les traîtres !
Les soldats écoutaient dans un silence sombre. Un brigadier, l'air menaçant, se tourna vers nous et agita son sabre. La foule regardait avec stupeur.
Que se passait-il en moi dans ce moment-là ? Je ne saurais le dire. J'étais dans un tourbillon. J'avais cédé à la fois à un calcul, trouvant l'occasion bonne, et à une fureur, trouvant la rencontre insolente. Une femme nous criait du trottoir : – Vous allez vous faire écharper. Je me figurais vaguement qu'un choc quelconque allait se faire, et que, soit de la foule, soit de l'armée, l'étincelle jaillirait. J'espérais un coup de sabre des soldats, ou un cri de colère du peuple. En somme j'avais plutôt obéi à un instinct qu'à une idée.
Mais rien ne vint, ni le coup de sabre, ni le cri de colère. La troupe ne remua pas, et le peuple garda le silence. Était-ce trop tard ? Était-ce trop tôt ?
L'homme ténébreux de l'Élysée n'avait pas prévu le cas de l'insulte à son nom, jetée aux soldats en face, à bout portant. Les soldats n'avaient pas d'ordres. Ils en eurent le soir même. On s'en aperçut le lendemain.
Un moment après, le régiment s'ébranla au galop, et l'omnibus repartit. Tant que les cuirassiers défilèrent près de nous, Arnaud (de l'Ariège), toujours hors de la voiture, continuait à leur crier dans l'oreille, car, comme je viens de le dire, leurs chevaux nous touchaient : – A bas le dictateur ! à bas les traîtres ! »

- 12 boulevard Saint-Martin / 11 rue René Boulanger, PLU : Immeuble de rapport édifié sur les remblais de l'ancienne enceinte de Charles V. Occupant une parcelle traversante, il présente sur le boulevard une façade composée symétriquement de dix travées, d'une porte dans l'axe et élevée de quatre étages carrés sur rez-de-chaussée. Percements réguliers et bien hiérarchisés entre les niveaux, aspect sobre caractéristique des constructions de la première moitié du XIXe  siècle sur les boulevards. Ensemble bâti remarquable s'inscrivant dans les séquences historiques des Grands Boulevards parisiens.

- 8 à 10 boulevard Saint-Martin / 7 rue René Boulanger, PLU : Ensemble bâti remarquable s'inscrivant dans les séquences historiques des Grands Boulevards parisiens.

- 6 boulevard Saint-Martin / 5 rue René Boulanger, PLU : La grande sobriété affichée de cette réalisation pourrait la rattacher à la période révolutionnaire. Ensemble bâti remarquable s'inscrivant dans les séquences historiques des Grands Boulevards parisiens.

- théâtre de l’Ambigu, 2 ter bd Saint-Martin. Sa nouvelle salle avait été ouverte en 1828 après l’incendie de celle du bd du Temple où Louis Daguerre n’avait pas peu contribué au succès de ses pièces. 1900 places, la plus grande salle de Paris en 1840. Alexandre Dumas y fait jouer les Mousquetaires en 1845. On y verra Notre-Dame-de-Paris adaptée de Hugo, la Case de l’oncle Tom. En 1952, la pièce de Roger Vailland, Le colonel Foster plaidera coupable, est montée ici avec le seul financement du PCF. Le parti loue la salle pour toute une période, réserve trois matinées, les samedi, dimanche et lundi, et les soirées du vendredi au lundi pour la pièce, et sous-loue les autres créneaux horaires aux organisations démocratiques ou aux ambassades des Républiques populaires. Le préachat des places par les associations amies et les syndicats, permet la production, qui réunira Loleh Bellon et Frédéric O’Brady dans une mise en scène de Louis Daquin. La générale a été fixée au 8 mai 1952. Elle doit être repoussée, la Préfecture faisant des difficultés sur le plan des conditions de sécurité. Les travaux demandés sont réalisés par la CGT dans des délais record, et la générale a lieu le 15 mai. Le 16, la première est attaquée par les fascistes, et le préfet Baylot interdit la pièce. La préparation de la manifestation contre Ridgway est déjà en cours. La salle est démolie en 1967 après qu’André Malraux a promis le contraire.
Le théâtre de l'Ambigu vers 1900


- 54 René Boulanger, PLU : Maison néoclassique de la fin du XVIIIe  siècle. Elle aurait été construite en 1772 pour Etienne-François d'Aligre, ex-garde des Sceaux, qui l'aurait aussitôt mise en location. Elle présente une façade sur rue composée de cinq travées et de deux étages carrés sur rez-de-chaussée et entresol avec un étage en retiré desservi par un balcon filant. Les modénatures sont remarquables : fronton arqué au-dessus de la fenêtre centrale de l'étage noble figurant une couronne de laurier au tympan, série de quatre bas-reliefs représentant les Saisons et attribués à Claude-Michel dit Clodion séparant les deux étages (ce ne serait que des moulages, les originaux ayant été vendus), chambranles à crossettes au second étage.
Combles à charpente en bois, garde-corps et porte à vantaux bien conservés. Cour rectangulaire à l'arrière comportant un immeuble industriel en brique du XIXe  siècle caractérisé par de grandes baies vitrées et des détails géométriques en brique rouge.

- Christofle, 56 rue de Bondy, (auj. rue René Boulanger) de 1842 à 1933 (déménagement à Saint Denis). L’entreprise emploie près de 1 400 ouvriers vers 1850 (salaire moyen de l’ouvrier 4,5 F, de l’ouvrière 2,20 F), soit 450 à l’atelier (550 en 1886) et 940 en chambre.

- la Voie communiste, organe mensuel de l’opposition communiste, 60 rue René Boulanger. Ce bulletin naît en janvier 1958 de la rencontre d’un noyau oppositionnel de la 11e section du PC avec les trotskistes Denis Berger et Félix Guattari. Une dizaine de militants du groupe vont se consacrer au combat clandestin de l’aide au F.L.N., la grosse majorité se bornera à le soutenir politiquement, en suscitant la formation de comités de quartier contre la guerre. Gérard Spitzer, son animateur, arrêté à l’automne 1959, sera condamné à 18 mois de prison en juin 1960, peine qu’il purgera en totalité.

- 5 rue Taylor, PLU : Immeuble de rapport daté de 1879 qui abrita les activités de la famille du réalisateur de films Georges Méliès. La façade composée de quatre étages carrés sur rez-de-chaussée exprime  clairement la mixité des fonctions avec des locaux à usage d’activités à rez-de-chaussée et à l’entresol et des logements aux étages supérieurs.

- no 62-64 : Hôtel de Rosambo datant de 1780 construit par l'architecte Nicolas-Claude Girardin pour le marquis de Rosambo. Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe : « Mon frère était marié ; il demeurait chez son beau-père, le président de Rosambo, rue de Bondy. Nous convînmes de nous placer dans son voisinage : par l'entremise de M. Delisle de Sales, logé dans les pavillons de Saint-Lazare, au haut du faubourg Saint-Denis, nous arrêtâmes un appartement dans ces mêmes pavillons. » Quand les frères décident d’émigrer, le 15 juillet 1792, le valet de chambre, déjà somnambule, et tout déboussolé d’avoir à manger à la même table que ses maîtres qu’il doit feindre de ne pas connaître, finit par se faire prendre : « Pris et appréhendé au premier village, il déclara qu'il était le domestique de M. le comte de Chateaubriand, et qu'il demeurait à Paris, rue de Bondy. La maréchaussée le conduisit de brigade en brigade chez le président de Rosambo : les dépositions de ce malheureux homme servirent à prouver notre émigration, et à envoyer mon frère et ma belle-sœur à l'échafaud. »
L’hôtel a ensuite été acquis par la comtesse Merlin, née Maria de las Mercedes de Santa Cruz (La Havane 1788 - Paris 1852) épouse du général Christophe Antoine Merlin, qui y tint un des salons les plus importants de Paris au début du XIXe siècle accueillant notamment George Sand, Prosper Mérimée, Honoré de Balzac, Alfred de Musset et le compositeur Gioachino Rossini. Elle a laissé des Mémoires publiées en 1836.
À partir de 1840, le Baron Taylor y fonda ses sociétés de bienfaisance, avant de s'installer au 68 de la rue.

- 66 Boulanger, PLU : Ancien hôtel de Sechtré construit entre 1771 et 1776 par l'architecte Samson Nicolas Lenoir dit le Romain pour le comte de Sechtré. Propriété ensuite de ses filles, Mme de Rennepont et Mme Casteja et, sous la Restauration, de la famille Worms de Romilly. Remarquable ensemble de style Louis XVI pour partie inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, contemporain des immeubles mitoyens. La façade sur rue comprend un passage cocher dans le soubassement à refends englobant l'entresol. Sur les avant-corps latéraux peu  saillants, deux pilastres montent du sol au premier étage pour venir soutenir par de lourdes consoles les balcons à décor de besants. Au second étage, les baies sont encadrées de chambranles moulurés et portent des appuis en fer forgé. Les deux derniers étages sont des surélévations modernes. Un vestibule décoré, donne accès à une cour profonde, enveloppée d'ailes en retour, à parement de bossages en table sur le soubassement.

- 68 Boulanger, PLU : Maison de style néoclassique de la seconde moitié du XVIIIe  siècle dont la façade, composée de cinq travées, comporte de remarquables garde-corps en fer forgé. Le rez-de-chaussée et l’entresol sont marqués par des refends. La porte d’origine à vantaux en bois est surmontée d’une arcature en plein cintre au niveau de l’entresol.

- en face, le n°5 est l’arrière du 6 bd St-Martin : Immeuble de rapport présentant une remarquable façade néoclassique en pierre de taille sur la rue René Boulanger d'aspect fin XVIIIe  composée de cinq travées et élevée de trois étages carrés sur entresol et un étage d'attique. Les niveaux sont bien hiérarchisés. L'entresol est découpé par trois grandes arcatures abritant des fenêtres. Les appuis de fenêtre sont soutenus par des consoles et supportent des garde-corps à barreaux.

- le n°7 est l’arrière des 8-10 bd St-Martin : Immeuble de rapport présentant rue René Boulanger une façade épousant l'inflexion de la rue et composée de neuf travées. L'élévation est de trois étages carrés sur rez-de-chaussée et entresol. L'aspect néoclassique fin XVIIIe  ou début XIXe  est très perceptible. L'entresol est découpé par cinq grandes arcatures dans lesquelles s'encastrent des fenêtres et au centre la porte cochère à doubles vantaux en bois. Les baies reçoivent des appuis soutenus par des consoles en dés et portent des garde-corps à motifs Louis XVI.

- 72 Boulanger, PLU : Maison du XVIIIe  siècle mais dont la façade a été reprise dans la première moitié du XIXe siècle.

- en face le n° 9, PLU : Immeuble de rapport néoclassique édifié vers la fin du XVIIIe  siècle présentant une belle façade composée de quatre travées et de trois étages carrés, un étage en retiré sur rez-de-chaussée et entresol. Les travées latérales présentent de grandes arcatures, englobant les deux premiers niveaux, et dont l'une abrite la porte cochère. Le soubassement est orné de refends. Les garde-corps en fer forgé sont sobres et comportent un chiffre à l'étage noble. Les niveaux sont nettement hiérarchisés. Les fenêtres de l'étage noble comportent des frontons plats soutenus par des consoles. Les deux étages au-dessus comportent des appuis de fenêtre ornés de garde-corps en fer forgé à motifs Louis XVI.

On revient sur nos pas jusqu’à la rue de Lancry ; avant de la prendre, on évoque les
 - Folies-Dramatiques, 40 rue René Boulanger, cet ancien théâtre de 1862, Opéra populaire autour de 1900, où avaient été créées des opérettes comme la Fille de Mme Angot ou les Cloches de Corneville, heureusement remplacées par la moderne invention des frères Lumière, un cinéma dont Aragon a la nostalgie quand il est dans les tranchées, en 1918. Dans le Film, la revue de Louis Delluc, il rappelle l’influence du septième art sur ses devanciers : « Avant l’apparition du cinématographe, c’est à peine si quelques artistes avaient osé se servir de tout ce qui chante notre vie, et non point quelque artificielle convention, ignorante du corned-beef et des boîtes de cirage. Ces courageux précurseurs, qu’ils fussent peintres ou poètes, assistent aujourd’hui à leur propre triomphe, eux qu’un journal ou un paquet de cigarettes savait émouvoir. Ces lettres qui vantent un savon valent les caractères des obélisques ou les inscriptions d’un grimoire de sorcellerie : elles disent la fatalité de l’époque. »

- 5 rue de Lancry, PLU : Immeuble de rapport caractéristique du style Monarchie de Juillet. Façade en pierre de taille composée de six travées et de quatre étages carrés sur rez-de-chaussée. Un étage d'attique desservi par un balcon filant. Remarquable décor sculpté (pilastres encadrant les travées latérales sur trois niveaux, frontons plats, chambranles, corniche, consoles, cartouche) et garde-corps à grilles de fonte. Porte à vantaux en bois ajourés de grilles en fonte ouvragées. Réalisation de la même période également très représentative mais présentant un décor plus sobre au numéro 3.

- salle Lancry, 10 rue de Lancry. Le 14 juillet 1889, s’y tient, en même temps que l’autre congrès des salles Pétrelle et des Folies-Rochechouart, celui de la Fédération des Travailleurs socialistes de France, les « possibilistes » de Paul Brousse. Le président de l’A.F.L. américaine, Samuel Gompers, a envoyé un message et, en retour, le congrès lui présente ses vœux de réussite pour sa campagne en faveur des huit heures. La résolution adoptée se borne à souhaiter la «journée maximale de huit heures de travail fixée par une loi internationale» sans se fixer aucun moyen d’y parvenir : la FTSF ne participera pas à l’organisation en France de la grève du 1er mai 1890.
Paul et Laura Lafargue, née Marx, traductrice quatre ans plus tôt, dans le Socialiste, du Manifeste communiste, qui n’aura ainsi atteint la France qu’au second semestre de 1885, y décèlent la perspective avantageuse, si ce 1er mai est un succès à Paris - et c’en sera un -, d’un affaiblissement des possibilistes. Effectivement, l’organisation parisienne de la FTSF, influencée par Jean Allemane et Jean-Baptiste Clément, se détachera de Brousse et au congrès de Châtellerault des 9-15 octobre 1890, jettera les bases du Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire, qui tiendra son premier congrès national, à Paris, les 21-29 juin 1891.
Jacques Valdour, dans les années 1920, voit annoncer salle Lancry des représentations théâtrales en yiddish.
Dès le début de 1933, un meeting regroupant une quinzaine d’organisations donne ici le coup d’envoi de la campagne de boycottage des produits allemands initiée par Willy Münzenberg. En 1938, le même y consacrera une exposition à « 15 ans de régime hitlérien ».
Le 19 mai 1946, Marceau Pivert réunit salle Lancry les anciens membres de son ex Parti Socialiste Ouvrier et Paysan, auxquels il annonce sa décision de réintégrer, si c’est possible, la SFIO. Un certain nombre d’entre eux ont déjà fait ce choix au sortir de la guerre, tandis que d’autres choisissaient d’adhérer au Parti communiste.
Débuts de la scission FO : Le 8 novembre 1947, et pour la première fois, les groupes FO tiennent une conférence nationale qui réunit salle Lancry deux cent cinquante délégués. Léon Jouhaux et trois autres membres du bureau confédéral sont présents (Robert Bothereau, Neumeyer et Delamarre). Ceux-ci obtiennent 80 % des voix sur la poursuite de la stratégie du « redressement » de la CGT par l'intérieur, invitant même les militants qui l'ont quittée à revenir : « La conférence des groupes FO, dit le texte, affirme que l'unité est plus que jamais nécessaire. La force du mouvement syndical réside essentiellement dans le nombre et la cohésion du nombre. Mais cette unité et cette cohésion exigent à l'intérieur de l'organisation la pratique constante des règles d'une véritable démocratie et de la plus fraternelle tolérance. »
Arcadie, banquet annuel ; 1er congrès mao, etc.

- 17 rue de Lancry, PLU : Immeuble formé d'un bâtiment sur rue, de deux cours et d'un petit hôtel particulier au fond. La datation pourrait être donnée par celle de la rue ouverte en 1777, agrandie en 1852. L'immeuble est pour l'essentiel de la seconde de ces dates, mais la façade sur rue, d'aspect néoclassique et composée de sept travées et de trois étages carrés sur entresol et rez-dechaussée, est peut-être pour partie de la fin du XVIIIe  siècle. On ne sait rien de cette construction qui porte le monogramme "A.H." La voûte du passage donnant accès à la cour présente un décor remarquable. C'est l'exemple le mieux conservé des lotissements en profondeur, à plusieurs cours, caractéristiques du quartier et de ces années.
Guillaume Dupuytren (1777-1835) en aurait été l’un des propriétaires si l’on en croit une personne rencontrée sur place, mais l'Almanach des adresses de 1829 le fait habiter 4 place du Louvre, ce qui est plus conforme à son statut de médecin des rois Louis XVIII puis Charles X. En 1842, on trouve à cette adresse les frères B. et A. Legendre négociants en bois du Nord.

On prend à dr la rue du Château d’eau :
Mémoires de Louise Michel : « Dans ma carrière d’institutrice, commencée toute jeune dans mon pays, continuée à Paris tant comme sous-maîtresse chez Mme Vollier, 16, rue du Château-d’Eau (p.30), qu’à Montmartre, j’ai vu bien des jours de misère ; toutes celles qui ne voulaient pas prêter serment à l’Empire en étaient là. (…) Mais toujours je songeais à Paris, j’y partis la première (en 1856) ; elle (Julie Longchamp) vint me retrouver chez Mme Vollier, 14, rue du Château-d’Eau p.69). (…) Lorsque nous étions, Julie et moi, chez Mme Vollier, toujours vêtues de même, grandes toutes deux et toutes deux brunes, on nous prenait pour les deux sœurs ; on nous appelait les demoiselles Vollier. (…) Mme Vollier espérait, à la démolition du n° 14 de la rue du Château-d’Eau (p.84), avoir une indemnité avec laquelle nous eussions eu un externat dans les faubourgs. Julie ayant reçu une petite somme de sa famille alla s’établir dans un quartier populeux ; elle nous abandonna sa part de l’association et acheta son externat du faubourg Antoine. Je ne voulus pas la suivre. Mme Vollier était âgée et Julie était jeune, mais les jours de congé nous étions ensemble, j’y donnais des leçons de musique les soirs de jeudi. (…) Ma chère mère avait vendu ce qui lui restait de champs, ne gardant que la vigne, pour acheter, en 1865, mon externat de Montmartre (5, rue des Cloys) qu’elle payait à mesure, la pauvre femme ! comme elle recevait de son côté le prix de la vente. Nous y vivions, Mme Vollier et moi, de la rente que lui faisaient ses fils, et nous voyions arriver l’instant où, les élèves augmentant beaucoup, nous eussions été presque à l’aise, pour des institutrices. Que de projets nous faisions ! »
Louise écrit une fois « 16 » et deux fois « 14 » rue du Château d’eau. Le n°14 date de 1846 (et de Jules Sédille), on voit mal comment il aurait pu être question de le démolir une quinzaine d’années seulement plus tard. On imagine mieux que la menace ait concerné le n°16 ; j’aurais donc tendance à penser que le 16 est la bonne adresse pour l’institution Vollier.

- Bourse du Travail, 3 rue du Château d’eau.
La Bourse du Travail de Paris occupe cette adresse depuis 1892. Sa construction a été confiée à l’architecte de la ville, Joseph-Antoine Bouvard. Le bâtiment s’organise autour d’une grande cour centrale. Il est aménagé en salle de réunions et en salles secondaires. Une vaste galerie permet d’accéder aux services principaux. La façade est rythmée par des pilastres corinthiens qui se développent sur onze travées. Trois têtes entourées de motifs végétaux symbolisant la République, la Paix et le Travail se trouvent au sommet des trois portes d’entrée. Nous pouvons observer, gravés au-dessus des fenêtres du second étage, le nom d’industriels, d’inventeurs et d’artistes.
Ses salles ont pour nom, ajoutés au fil du temps : Eugène Varlin, Fernand Pelloutier, Francisco Ferrer, Jean Jaurès, Ambroise Croizat. Et dès le début du siècle, 80% des dirigeants syndicaux, et en particulier ceux des Métaux, habiteront dans ses environs et ceux de la Grange aux Belles, leurs lieux de représentation.
Le 1er Congrès de la Fédération des Bourses du Travail s’était tenu les 7-8 février 1892. Le bâtiment, construite par la Ville de Paris sous la direction de son architecte, est remis aux délégués des Chambres syndicales le 22 mai 1892. Le gouvernement n’est pas représenté à la cérémonie afin de ne pas cautionner par sa présence certains syndicats, « illégaux » pour ne s’être pas conformés à la loi du 21 mars 1884. Le nouveau président du Conseil, Charles Dupuy, à peine nommé, fait fermer la Bourse du Travail, le 1er mai 1893, pour qu’elle ne serve pas de point d’appui à la journée de grève internationale. Le 7 juillet, il la fait occuper par la troupe, les syndicats ne s’étant toujours pas pliés à la déclaration que leur impose la loi Waldeck-Rousseau ; la Bourse restera close pendant trois ans.
A la fin du dix-neuvième siècle, l’Union des syndicats de la Seine réunit 92 syndicats qui totalisent 39 820 adhérents, mais jusqu’à ce qu’elles fusionnent, en 1902, coexistent dans ces locaux la CGT, dont le congrès constitutif s’est tenu du 23 au 28 septembre 1895, et la Fédération des Bourses qui regroupe, en particulier, les quatre de la Seine : Paris, Boulogne, Issy et Clichy. A la CGT, le secrétaire général est Victor Griffuelhes, ouvrier cordonnier, secondé par l’Émile Pouget du Père Peinard, qui en en rédige l’organe confédéral, la Voix du Peuple. Pour lui, « le syndicaliste a pour but de faire la guerre au patron et non de s’occuper de politique », et les deux armes principales dans cette guerre, selon Paul Delesalle, sont la « mise à l’index » et le principe « à mauvaise paye, mauvais travail », en un mot le sabotage de la production. A la Fédération des Bourses, Fernand Pelloutier, qui en devient secrétaire général en 1895, à 27 ans. Comme trésorier, Besset, puis un policier infiltré, Henri Girard, qui fera intégrer statutairement un « Comité de la grève générale » à la direction confédérale de la CGT afin d’introduire un nouveau facteur de division, après que de nombreux syndicats en ont déjà été éliminés pour affiliation à des organisations politiques.
L’industrie de la fleur artificielle est très localisée dans le quartier d’Hauteville des 10e et 2e arrondissements, qui est loin de l’habitat ouvrier, ce qui fait prospérer des entrepreneuses regroupant de jeunes ouvrières à proximité des domiciles de leurs parents. Or, si en atelier, la fleuriste gagne 1 000 à 1 200 francs par an, en « entreprise » (ce qui veut dire en chambre sous la coupe de sous-traitantes) cette somme est diminuée de moitié voire des deux tiers. Le syndicat des ouvrières fleuristes organise donc un cours professionnel tous les lundis à la Bourse du Travail, à compter de 1899, organisé par Melle A. Bouvard, des fleuristes-plumassières, qui défendra le travail des femmes au 5e Congrès de la CGT, à Paris, en 1900, et Melle Blondelu, de la commission permanente du Conseil supérieur du Travail, membre de ligues pour le vote des femmes.
En 1904, se tient à la Bourse un meeting du Comité d’action contre les bureaux de placement privés, qui doit être le point culminant d’une campagne nationale, mais essentiellement parisienne, conduite par les fédérations de l’alimentation, des coiffeurs, des garçons de magasins et des employés de commerce. Il est sauvagement réprimé par la police. L’émotion qui s’ensuit aboutira à la loi du 14 mars 1904 supprimant ces bureaux de placement privés.
Le congrès de la CGT, à l’automne 1904, décide d’une vaste campagne pour les 8 heures, qui débuterait à la grève du 1er mai 1906. Un amendement, que fait adopter Pouget, transforme cette perspective simplement propagandiste en un engagement « qu’au 1er mai 1906, aucun ouvrier ne consente à travailler plus de huit heures par jour ». La CGT groupe alors 53 fédérations ou syndicats nationaux et 110 Bourses du Travail, le tout rassemblant près de 200 000 adhérents dans 1 800 syndicats. Une commission spéciale, dirigée par Paul Delesalle, est mise sur pied ; le 1er Mai 1905 est vécu comme un entraînement à celui de l’année suivante. On attend ce 1er mai 1906 avec une ferveur quasi religieuse, écrit Michèle Perrot : « certains ont cru à une possible révolution ».
Le gouvernement fait expulser la CGT des locaux de la Bourse le 12 novembre 1905. Clémenceau, devenu ministre de l’Intérieur en mars 1906, entreprend aussitôt de transformer Paris en camp retranché, y fait venir 60 000 soldats. Une grève des Postes éclate en avril. Le 24, Griffuelhes, Pouget et Merrheim vont protester auprès de Clémenceau contre les filatures policières permanentes dont ils sont l’objet, et demander si elles préludent à leurs arrestations. Après avoir vigoureusement démenti, Clémenceau les fait naturellement arrêter, en leur ajoutant Gaston Lévy, le trésorier de la CGT, sous prétexte d’un « complot contre la République » qu’il a opportunément découvert, et qui les associerait, pour mieux les discréditer, aux monarchistes et aux bonapartistes. Quand la banderole est tendue sur toute la façade de la Bourse du Travail : « A partir du 1er mai 1906 nous ne travaillerons que 8 heures par jour », les leaders du mouvement sont en prison ; place de la République, un cordon d’infanterie, épaule contre épaule, cerne entièrement les terre-pleins, tandis que des rangs de cavaliers, échelonnés de dix mètres en dix mètres, tournent tout autour de la place comme les ailes d’un moulin.
La grève du 1er mai, bien qu’étendue, n’est pas un succès : seuls 10 177 ouvriers sur 202 507 grévistes obtiennent une réduction de leur temps de travail. Le gouvernement, lui, n’accorde, à compter du 13 juillet, qu’un jour de repos hebdomadaire. En octobre 1906, le congrès d’Amiens de la CGT décidera à l’unanimité, sur proposition de Paul Delesalle, la création d’une « Commission de propagande des huit heures et de la grève générale ». 
A la veille de la première guerre mondiale, l’Union des syndicats de la Seine regroupe 187 syndicats pour 158 415 membres. A la fin de 1915, deux des rares réfractaires à l’union sacrée, Merrheim et Bourderon, socialiste depuis 1880, ancien du POSR d’Allemane, et secrétaire du syndicat des tonneliers depuis 1902, rendent compte ici des réunions qui se sont tenues à Zimmerwald.
Après l’occupation, la Bourse du Travail sera reprise par les FTP le 22 août 1944.

On prend à g le bd Magenta (ouvert de 1859 à 1865, toujours très animé car reliant Paris à la plaine Saint-Denis par Montmartre ; sillonné d’abord par l’omnibus Montmartre-Bastille, puis les tramways électriques des lignes de Pantin et d’Aubervilliers, et les trams à air comprimé Bastille-Cimetière de St-Ouen par Clignancourt) :

- 5 bd Magenta, PLU : Ensemble de trois bâtiments de la période haussmannienne caractérisé par sa cour ouverte sur le boulevard Magenta. Les deux édifices qui entourent la cour sont symétriques. Ses fenêtres sont gracieusement décorées avec des motifs floraux en plâtre. Porche ouvrant sur la cour et surmonté d’une terrasse à balcon de pierre et encadré par deux pilastres cannelés. Les sculptures sont l’œuvre de François Théophile Murgey, collaborateur au Louvre.

- 11 bd Magenta, PLU Cet immeuble commercial et d’habitation fut construit en 1887 par Louis Gauché. Les hautes verrières de l'entresol sont soutenues par des colonnettes et une ossature métallique. Les figures monumentales représentant le progrès : la Science, portant le flambeau du savoir et l’Industrie, en tenue d’ouvrier, symbolisée par la roue dentée. Ces sculptures sont datées de 1879 et dues à Marsiglier qui a exposé des réductions en bronze de ces statues au Salon de 1880. A l'intérieur, un gracieux escalier à double révolution mène au premier étage.

Trottoir d’en face :
- salle Jules, 6 bd Magenta. C’est un petit café où se réunit une fois par semaine, à compter d’avril 1901, un Groupe de poètes et chansonniers qui s’appellent d’abord « socialistes », puis « révolutionnaires » à la demande des libertaires, et auquel ont adhéré Jean-Baptiste Clément, la veuve d’Eugène Pottier, Sébastien Faure, etc. Constant Marie, dit le Père Lapurge, qui a déjà 63 ans, un ancien maçon devenu cordonnier après qu’il eut été grièvement blessé durant la Commune, à la porte de Vanves, est l’auteur de La Muse Rouge, une chanson que lui a inspirée Louise Michel, et que ce Groupe va prendre comme nom vers 1907 ou 1908. Salle Jules, la Muse Rouge, outre une permanence tous les mercredis soirs, donne des goguettes tous les premiers dimanches de chaque mois : « Deux heures de chansons entre camarades », entrée libre. Ici s’écrit une Chanson des 8 heures, dans la perspective du 1er mai 1906 : « Nos Huit Heures.../ Le Premier Mai 1906, / Il faudra qu’on nous les accorde ! » Maria Verone donnera ici une conférence sur Eugène Pottier. Le groupe se déplacera jusqu’à Noisiel, chez Menier, pour la création du Syndicat des chocolatiers. Le Cercle des En-dehors se réunit lui aussi salle Jules ; un soir de 1904, par exemple, il y écoutait M. Desaint, docteur es sciences, sur le thème « Matérialisme et conscience ».

- 10 bd Magenta, PLU : Immeuble de rapport édifié par l'architecte Paul Sédille en 1868 (daté et signé) peu après le percement du boulevard (1855-1859). Œuvre très représentative de la période Haussmannienne par l'un des architectes les plus renommés de cette période, formé aux Beaux-Arts, et dans l'atelier de son père l'architecte Jules Sédille. Autres immeubles du même : le 7 et le 19.
La Bataille syndicaliste, 10 bd Magenta. Emile Pouget, avec Monatte, l’argent de Charles Malato, et une belle affiche rouge de Grandjouan, avait déjà lancé, le 1er février 1909, La Révolution, qui n’avait pas duré au delà du 28 mars et 56 numéros quotidiens. Il s’agit à nouveau, avec la Bataille syndicaliste, de créer le quotidien que l’Humanité trop politique, insuffisamment ouvrière, n’est pas. S’associent dans l’aventure, Jouhaux, secrétaire général de la CGT, Griffuelhes, des cuirs et peaux, qui a trouvé le titre du journal, Harmel, du syndicat des postiers, Dumas, de celui de  l’habillement. Parue le 27 avril 1911 pour la première fois, la Bataille syndicaliste atteint 22 000 exemplaires à la fin de l’année. Si Monatte en démissionne au terme de l’année suivante, Merrheim et Rosmer continuent. En 1913, la diffusion du quotidien, interdit de vente dans les bibliothèques du métro, n’est guère que de 7 000 exemplaires à Paris.
Le 27 juillet 1914, le journal appelle à une manifestation de masse contre la guerre, dans les rues de Paris, qui est un grand succès ; mais le 5 août, il rend compte du discours de Jouhaux, qui la veille, aux obsèques de Jaurès, s’est rallié à l’union sacrée. Dans les jours qui suivent, Griffuelhes, Malato, Jouhaux y appellent à la mobilisation industrielle, invoquent les guerres révolutionnaires, la défense du « Paris de la Commune » ; et Griffuelhes rejoint le gouvernement à Bordeaux. L’existence du « Carnet B », cette liste de 3 000 syndicalistes à arrêter, a sans doute compté dans le ralliement de la CGT à l’Union sacrée. En tous cas, le 28 février 1916, le Manifeste des 16 qu’ont signé Kropotkine, Jean Grave, Paul Reclus, le Dr Pierrot, Malato, la défend encore dans la Bataille syndicaliste.

On reprend la rue de Lancry :
- domicile de Bocage, 35 rue de Lancry, né en 1803, « l’illustre citoyen qui a pris le romantisme et la République sous son patronage ». En 1830, il a été sur les barricades, a fait le coup de feu contre la garde royale. Sa fille n’est pas baptisée et n’a évidemment pas fait sa communion. « Vous savez que je suis prêt à donner ma vie pour la République ; cela ne suffit pas pour être entendu à l’Assemblée nationale. J’ai beaucoup lu, beaucoup vu, mais je n’ai pas assez approfondi les grandes questions qui vont être agitées. Vous le savez aussi, jusqu’à 18 ans j’ai été ouvrier tisserand à Rouen, ma ville natale. A cet âge seulement je suis sorti des ateliers, et, pour ma nouvelle profession, pour l’art si difficile du théâtre, j’ai, selon mes forces, étudié le cœur humain. Ce livre-là prenait tout mon temps... Croyez-vous que mon énergie, mon simple bon sens, une probité bien éprouvée, une volonté ferme d’appliquer maintenant toutes mes facultés, toutes mes forces, à l’étude de la science politique et sociale, puissent être utiles au sein de la Constituante à cette République que j’ai tant désirée ? Lamartine répond oui.
Bocage ira au Palais Bourbon, quai d’Orsay, dans une délégation envoyée par le National adjurer Lamartine de participer au gouvernement provisoire.
Quand il sera directeur de l’Odéon, en 1845, il habitera 49 bis rue Madame. Directeur de l’Odéon, il y fait monter François le Champi, de Georges Sand, en 1850, qui dédicacera sa pièce à « son ami » Bocage ; puis Claudie, et nouvelle préface : « Moi-même j’ai pleuré en vous écoutant. Je ne savais plus de qui était la pièce... Merci ! C’est beau, c’est bien, c’est bon ! » Bocage excite les étudiants, tous les soirs, à chanter la Marseillaise ; on lui retire l’Odéon.

On prend à g la rue Legouvé :
- 3 à 5 rue Legouvé, PLU : Ensemble composé d'Habitations à Bon Marché et de bains-douches municipaux construit en 1935. Composition remarquable, jeu de volume des façades, revêtements de briques roses, ferronneries des années trente conservées.

On reprend la rue de Lancry en direction du canal :

- atelier Barbedienne, 63 rue de Lancry. Façade et toiture sur rue, escalier avec sa rampe en fonte et salon du premier étage avec son décor : inscrit aux Monuments Historiques par arrêté du 29 octobre 1975. Peintures des plafonds par Dambourgez 1895.
Barbedienne, qui a commencé dans le papier peint rue Notre-Dame de Lorette en 1833, s’est associé avec Achille Collas cinq ans plus tard pour le bronze : c’est ce dernier qui s’occupe de la « réduction mathématique » pour les reproductions d’antiquités mais aussi d’œuvres de Rude, de Clésinger, de David d’Angers, aussi bien que des bronzes d’ameublement et de cheminée. Les bureaux sont au 30 boulevard Poissonnière, l’atelier au 63 rue de Lancry. A leur catalogue de 1861 : Moïse par Michel-Ange ; saint Jean par Donatello ; Christ en croix par l'Algarde ; porte du baptistère de Florence, par Ghiberti ; Madeleine par Canova (le marbre est à Gênes) ; divers saints (par Bosio neveu, Nanteuil, Debay, Lamy) ; têtes de Christ et têtes de Vierge ; tête de Christ par Girardon ; bas-relief : la Cène, d'après Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant d'après Michel-Ange, une autre d'après Raphaël ; mais aussi : lustre gothique, petits lustres byzantins, girandoles, candélabres byzantins, croix byzantine avec Christ, ornée d'émaux et de pierres fines montées en bénitier ; bénitiers gothiques aux trois enfants, bénitiers avec Christ ou avec Vierge gothique, divers bénitiers byzantins, gothiques, de fantaisie, etc. A la mort de Collas, en 1859, 300 personnes y travaillent. Puis viendront les fournitures pour l’Hôtel de Ville, et les candélabres pour le Louvre de Napoléon III. A la mort de Barbedienne, en 1892, le personnel a doublé : 600 ouvriers. Le Blanc, un neveu qui prend la succession, aura l’exclusivité de plusieurs œuvres de Rodin, et ne cessera ses activités qu’en 1954.
Cent ans plus tôt, la rue et l’atelier avaient vu à l’œuvre, lors du coup d’État, les soudards de Napoléon le Petit : « Au même moment, car le meurtre est vaste, fort loin de là, rue de Lancry, le propriétaire de la maison n° 5, M. Thirion de Montauban, est sur sa porte ; on le tue. (...) Devant le magasin de Barbedienne (celui du bd Poissonnière), un officier faisait admirer à ses camarades son arme, qui était une arme de précision, et disait : Avec ce fusil-là, je fais des coups superbes entre les deux yeux. Cela dit, il ajustait n'importe qui, et réussissait. » Victor Hugo, Histoire d’un crime.

à dr rue J. Poulmarch puis rue de Marseille :
- 17-19 rue de Marseille, PLU, Groupe scolaire conçu par les architectes Daniel et Lionel Brandon qui ont travaillé en collaboration avec Raoul Brandon. La construction de cet édifice commence en 1933 et est achevée en 1949 par Edouard Boegner. L’école, construite en brique rose et le béton  bouchardé teinté en rose, s’organise autour de trois cours. La maternelle donne sur la rue de Marseille, l’école des filles occupe le bâtiment localisé au fond de la parcelle et l’école des garçons clôt l’ensemble sur la rue des Vinaigriers. Les ferronneries des portes d’entrée furent réalisées par Edgar Brandt. Le décor de la porte de l’école maternelle a été inspiré par les fables de La Fontaine et celui de la porte de l’ancienne école de filles, par les contes de Perrault. Les deux panneaux sculptés en bas-reliefs, représentant les allégories de l’enseignement, sont l’œuvre  de K.-L. Ginsburg et F. Bazin.

- de la rue de Marseille jusqu’au bâtiment des Douanes qui s’étend le long de la rue du même nom, l’îlot était occupé par les Docks Napoléon : le canal, deux fois plus large à cet endroit, rentrait dans le bâtiment, le quai urbain se trouvant interrompu.

- coin rue de Marseille / 34 rue Yves Toudic, PLU : Cette boulangerie possède encore la décoration faite par l’atelier Thivet, spécialiste des décors de magasins dans la seconde moitié du XIXe  siècle. La façade possède des panneaux, représentant des natures mortes, sur fond de faux marbre, ornés des motifs dorés. A l’intérieur, le plafond bleu ciel, entouré d’une bordure de bouquets, est émaillé.

- 13 (puis 19, puis 23) rue de l’Entrepôt (nommé d’après les Docks Napoléon), auj. Yves Toudic Association fraternelle des employés et ouvriers des chemins de fer français. Elle compte, en 1906, 120 000 sociétaires inscrits et un capital social de 35 millions. Elle soumet ses plans de construction au sociétaire qui désire bâtir et qui peut les modifier au point de vue de la superficie et de la distribution. Toutefois il ne peut changer ni le choix des matériaux, qui doivent être de première qualité, ni la direction ou la surveillance de la construction, qui doit être exécutée suivant les règles de l’art. Pour devenir propriétaire, le sociétaire doit verser au début, le dixième de la valeur de l’immeuble et le reste, entre 5 et 30 ans, à la volonté du preneur, pourvu que la dernière annuité soit payée à l’âge de 60 ans. Des prêts hypothécaires sont consentis par l’association jusqu’à 50% de la valeur de l’immeuble.
En 1906, elle avait fait édifier 300 maisons pour une valeur de plus de 2 millions. Chaque année, elle affecte 1 million à la construction de maisons ouvrières.

On descend la rue Beaurepaire. Au franchissement de la rue Albert Thomas, on aperçoit la Cité du Wauxhall. Elle est à l’emplacement des jardins du Wauxhall d’été, construit pour faire concurrence à la Redoute chinoise de la foire St-Laurent (de 1783) par les mêmes architectes sous la même direction ; remplacé en 1857 par le colossal Café parisien construit par Charles Duval, l’architecte du Bataclan.

A compter de 1811 s’élève sur la place éponyme la fontaine du château d’eau (à l'intersection des rues de Bondy et de la Douane) entourée de ses 8 lions qui iront, à compter de 1867, rugir à la Villette. La fontaine, toujours léonine, aujourd’hui place Félix Éboué, la remplace, jusqu’à ce qu’en 1879 la place soit dédiée à la République et qu’en 1883 s’y élève le monument qui ne domine plus qu’un seul lion mais de Dalou.
Dimanche 12 mai 1839, prévenu par un cuisinier qu’il se passait quelque chose (l’insurrection déclenchée par la société secrète des Saisons de Barbès, Blanqui et Martin Bernard), Hugo sort de chez lui, place des Vosges, vers 3 heures de l’aprèm et remonte les boulevards, il écrit dans son Journal : « La foule des promeneurs grossit à chaque pas. Beaucoup de femmes et d’enfants. Trois tambours de la garde nationale, vieux soldats, l’air grave, passent en battant le rappel. La fontaine du Château-d’Eau jette bruyamment sa belle gerbe de fête. Derrière, dans la rue basse, la grande grille et la grande porte de la mairie du 5e arrondissement (au 20 rue de Bondy depuis 1832) sont fermées l’une sur l’autre. Je remarque dans la porte de petites meurtrières. Rien à la porte St-Martin que beaucoup de foule qui circule paisiblement à travers des régiments d’infanterie et de cavalerie stationnés entre les deux portes. Le théâtre de la Porte-St-Martin ferme ses bureaux. On enlève les affiches sur lesquelles je lis : Marie Tudor. Les omnibus marchent. » Marie Tudor est une pièce de lui, créée ici en 1833, écrite en prose, sans doute pour Juliette Drouet.
Lundi 13 mai, 15 heures : « Il y a une manière de camp au Château-d’eau. Les actrices de l’Ambigu sont sur le balcon de leur foyer qui regardent. Aucun théâtre des boulevards ne jouera ce soir. »

- Plaque apposée sur le mur de la caserne Vérines, rue Léon-Jouhaux : « Ici s'élevait de 1822 à 1839 le diorama de Daguerre et le laboratoire où celui-ci perfectionnant l'invention de Joseph Nicéphore Niepce découvrit le daguerréotype ». 1839, c’est l’année où, à l'instigation d'Arago, une loi fut votée par laquelle l'État français acquérait le nouveau procédé contre une pension annuelle de 6 000 francs à Daguerre et de 4 000 francs à Isidore Niepce, le fils de Nicéphore.
Caserne Vérines, PLU, construite comme caserne du Prince Eugène par A. Legrom entre 1854 et 1859 suivant le plan de la place du Château d’eau élaboré par Haussmann et Gabriel Davioud. Suivant ce plan, sur le côté nord-est de la place, deux immeubles jumeaux, mais possédant des fonctions et des décors différents, devaient être édifiés. Le bâtiment, inspiré de l’architecture militaire XVIIe  et XVIIIe  siècle, est composé d’un entresol et deux étages avec quatre pavillons d’angle qui compte un étage supplémentaire. La caserne, dont la façade a 114 mètres de longueur, peut abriter 3200 personnes. La façade du pavillon d’entrée, ornée de pilastres à refends, porte un décor de motifs guerriers. Sur son fronton triangulaire, nous voyons aujourd’hui la grande tête de la République entourée de casques et de cuirasses. La porte principale s’ouvre sur une grande cour d’honneur entourée d’une galerie d’arcades.
- siège de la caserne de la République. Elle se trouve étroitement bloquée dès le 22 août 1944 : les immeubles donnant sur la rue de l’Entrepôt (auj. Yves Toudic) comme sur la rue de Malte ont été occupés par les FFI. Sa garnison capitulera le 25 à 18 h.

- 10 rue Léon Jouhaux, PLU, Remarquable bâtiment d'activité de la fin du XIXe  siècle, l'un des rares bien conservés de cette période dans le secteur. Composition marquée par deux travées réunies et formant une grande baie centrale sur deux niveaux à cadre et garde-corps métallique, surmontée d'un fronton arqué à denticules. Porte cochère. Soubassement orné de refends. Garde-corps de fonte à motif floral et présentant deux têtes de lion.

- en face, le bâtiment de la Douane s’est installé en 1841.

- Tivoli Wauxhall, 12,14,16 rue de la douane, place du Château-d’Eau. Bal public dès 1841, cavaliers 1 franc, entrée libre pour les dames ; et salle de réunions. Vingt ans, jour pour jour, après la répression sanglante de juin 1848, et le long étouffoir de l’empire, se tient ici, le 28 juin 1868, la première réunion publique autorisée, autour d’un professeur d’économie politique, M. Horn, un Hongrois naturalisé, - comme est hongrois l’ouvrier Léo Frankel, futur « ministre » du Travail de la Commune. Le sujet, ce soir, « les moyens de relever le salaire du travail des femmes ». Si aborder politique et religion est interdit, la police y veille, « la question sociale » se trouve naturellement, par le thème de cette réunion, soulevée et discutée. Le 15 février 1871, s’y tient une réunion de délégués de la Garde nationale, qui siègent en assemblée générale le 24 février, élisant ce jour-là un Comité central qui prend pour devise la formule républicaine : « Tous pour chacun, chacun pour tous ». Différents systèmes de représentation seront mis en œuvre avant que, le 13 mars, en présence des délégués de 215 bataillons, un Comité central de la garde nationale, associant 60 élus à 20 chefs de bataillons, puisse s’y réunir. De ces soixante élus, seuls Assi, Varlin, Ranvier et Lullier ont quelque notoriété militante, tous les autres ont surgi du rang.
Le 21 janvier 1878, une brochette de progressistes prépare ici le centenaire de Voltaire, parmi lesquels le député quarante-huitard Schoelcher, qui a fait voter l’abolition de l’esclavage, l’industriel Scheurer-Kestner qui jouera un rôle important dans la défense de Dreyfus, l’industriel Émile Menier, qui a été des 50 (contre 392) à voter l’amnistie des Communards en 1876, et propriétaire du Bien Public (dans lequel l’Assommoir parut en feuilleton), journal qu’il rebaptisera d’ailleurs en Voltaire.
Le 28 avril 1905, un grand meeting réunissant 2 000 personnes célèbre à Tivoli l’unification socialiste. Gustave Hervé y déclare : « nous sommes décidés à répondre à tout ordre de mobilisation par la grève des réservistes ! »
Le 9 septembre 1907, Jaurès y rend compte du 7e Congrès de la IIe Internationale, qui a réuni a Stuttgart, en août, Jules Guesde, Édouard Vaillant, Rosa Luxembourg, Lénine, Martov.