Le prétexte en est un téléguidage pour "IDF1 chez vous" à l'occasion de la réédition de mes Traversées de Paris.
1. Partir de la rue des Colonnes, l'un des rares exemples d'urbanisme de l'époque révolutionnaire, passage vers le théâtre Feydeau (19, rue Feydeau de 1791 à
1829) puis, privé de sa couverture sous le Directoire, gardant néanmoins, avec ses arcades, tout ce qu’il faut pour continuer d’être
l’abri de l’attente et de l’entracte. La rue des Colonnes a été brisée en son milieu par l'ouverture de la rue de la
Bourse en 1826. De la rue de la Bourse, on zoome sur l’horloge entre les colonnes donnant sur la rue Vivienne.
« L’horloge de la Bourse a été longtemps la seule à laquelle les vrais
Parisiens reconnussent quelque exactitude, et ils faisaient volontiers un long détour
pour mettre leur chronomètre en harmonie avec elle » Paris Atlas 1900. Napoléon III souhaitait
que le nouvel édifice ait l'apparence d'un temple à l'antique, isolé et faisant
"point de vue", c'est pourquoi il retint le projet d'Alexandre Brongniart. [L’expression dit d’habitude « la bourse ou la vie »,
l’architecte Brongniart aura eu les deux, la Bourse et le cimetière de l’Est, dit aujourd'hui du Père Lachaise, inauguré en
1804]. Vaste rectangle (69m sur 41m) au péristyle corinthien, la Bourse s'inspirait
directement du Palais de Vespasien à Rome. La première pierre en fut posée en mars
1808. A
la mort de Brongniart (juin 1813), les travaux étaient loin d'être achevés.
C'est l'architecte Eloi Labarre assisté d'Hippolyte Lebas qui termina la
construction du monument jusqu’en 1826 (pour une inauguration le 4 novembre). Balzac : « La
place de la Bourse
est babillarde, active, prostituée ; elle n’est belle que par un clair de lune,
à deux heures du matin : le jour, c’est un abrégé de Paris ; pendant la nuit,
c’est comme une rêverie de la
Grèce ». Des statues allégoriques y furent
installées sur les perrons d'accès en 1851-1852 : le Commerce et la Justice consulaire par
Dumont et Duret, rue Vivienne, l'Agriculture et l'Industrie par Seurre et
Pradier, rue Notre-Dame des Victoires.
Fin 1856, un droit d’entrée est instauré au profit de la ville (la bourse était le seul marché à ne payer aucune taxe municipale) : on recule alors les
grilles, on plante des marronniers pour entourer l’édifice d’allées ombragées, on
installe des tourniquets aux quatre angles et des guérites pour la perception du dit droit d'entrée : 1
Franc par personne.
Le plan actuel de l'édifice, en croix grecque, résulte de l'adjonction d'ailes latérales par Cavel en 1902-1907.
Le plan actuel de l'édifice, en croix grecque, résulte de l'adjonction d'ailes latérales par Cavel en 1902-1907.
2. la Nef, au rez-de-chaussée, 32m x 18m, avait une capacité théorique de 4 000 personnes mais connaissait des pointes de
4 500, avec un étiage de 3 500 pendant l’été ; au total, les tourniquets ont permis de compter 1 million
d’entrées annuelles en 1857, 58 et 59. A une extrémité était
« la corbeille » c'est-à-dire deux balustrades entre lesquelles étaient placés les agents de change; ça ressemblera bientôt au dédale de grilles qui conduit les fauves à la piste du cirque; au centre, le cendrier perso (et géant) des agents de change. Le marché des valeurs s'y tenait de 12h à 15h tapantes (d'où l'importance de l'exactitude de l'horloge). C'est
l'architecte Eloi Labarre, assisté d'Hippolyte Lebas, qui termina la construction
du monument de 1813 à 1826, lui donna sa couverture métallique et fit orner cette grande salle centrale dite "salle de la corbeille" de
grisailles d'Abel de Pujol et de Charles Meynier.
Côté Vivienne : Meynier a peint les
nymphes de la Seine et de l’Ourcq offrant les produits de l’abondance à la
ville de Paris ; dans les angles Marseille (lien avec l’Orient), et
Strasbourg (lien avec l’Allemagne) ; et puis des personnifications de l’Afrique,
de l’Amérique, de Bordeaux, de Bayonne. De Pujol on a Lille, Nantes, Rouen,
l’Europe, l’Asie, et une composition destinée à rappeler que le roi
Charles X fit présent à la ville du palais de la Bourse. C’est de la coursive du 2ème étage qu’on voit le mieux le
plafond de la Nef (et donc les peintures de Meynier et Pujol.
Sur cette galerie du 2ème étage donnaient les salles des agents
de change, la salle d’audience du Tribunal de Commerce, qui y séjourna de 1826 à 1864, comme la
Chambre de Commerce de 1826 à 1853.
3. C’est également au 2ème étage, à l’Espace Corbeille qu’a été remonté
le cendrier géant au milieu de ce qui est maintenant un petit musée de la
Bourse. "On vendait, on achetait, sans échanger un seul mot d’écrit, sans faire le
moindre contrat, sans avoir d’autre garantie que la parole. L’échéance arrivant,
personne ne songeait à nier sa dette. Aux yeux d’un boursier, quelques mots qu’il
prononce le lient aussi strictement que s’il avait acheté ou vendu par-devant
notaire." La Bédollière, Le nouveau Paris, 1860. L'ampleur du cendrier circulaire, avec son cône de mégots de cigares, est le baromètre du niveau de stress de cette
activité; songeons que les traders d'aujourd'hui connaissent le même avec l'interdiction de fumer en plus! Comme on les plaint.